La Mort aux Trousses – Un goût de Mad Max authentique
Edité par Renegade Studio et localisé en VF par Origames, La mort aux trousses, un jeu de Scott Almes (Warp’s Edge, la gamme des Tiny Epic), est le dernier épisode de la « Solo Hero Series », une série de jeux solo, précédé par Le Défi de la Reine (le Just Played, le Test) et Warp’s Edge (le Just Played).
Malgré le titre qui rappelle une œuvre d’Alfred Hitchcock, on est dans un thème radicalement différent : l’univers post-apocalyptique de type Mad Max. Serait-ce le digne héritier de Le Survivant, ce jeu de course et d’affrontement de 1986 ? Pas vraiment, car Death Roads: All Stars (le Just Played) pourrait plus prétendre à cette place.
Ici, il n’est pas question de course, mais de combat. Vous incarnez un personnage dur à cuire dans son bolide, persécuté par des bandes de voyous faisant leur propre loi dans les secteurs que vous traversez. Le jeu se déroule au travers d’une campagne de 7 épisodes. Dans chacun, votre objectif sera de survivre aux assauts répétés de ces vandales en terminant par un boss, que vous devrez renvoyer dans le fossé.
Ça fume au démarrage
La découverte du jeu n’a pas été pour moi le meilleur morceau. Le livret de règles est parsemé de petites imprécisions agaçantes. On repasse le livret en long et en large durant les deux premières parties, et on passe son temps en ligne pour récupérer la FAQ. Celle-ci rafistole 70% des problèmes, mais il en reste toujours, si bien que je décide d’éliminer certaines cartes du jeu car je ne les comprends pas. Quid de « Mettre un dé de côté » : faut-il ne pas l’utiliser durant cette manche, ou simplement conserver son score pour la prochaine manche ?… Il y en a beaucoup des comme ça.
Les règles laissent souvent la place à l’interprétation et si on ne veut pas errer sur internet, il faut se résigner à trancher soi-même. Ce lot devient trop habituel pour moi dans certains jeux de type Ameritrash. À vous de vous positionner par rapport à cela. Pour ma part, je déteste, mais mon expérience de jeu n’a pas été entièrement gâchée pour autant, car comme nous allons le voir, il y a aussi du bon dans La mort aux trousses !
Une alternance de contrôles techniques et de bastons
La mise en place est rapide, on ouvre le livre de scénarios à la bonne page et c’est du tout cuit. Une double page de pitch joliment illustrée introduit longuement la scène, suivie d’une autre double page vous donnant toutes les spécificités de l’épisode. Le principe de campagne accompagnée d’un livret spirales n’est pas nouveau, mais bien agréable.
Le jeu se déroule en trois manches, chacune faisant alterner une phase de customisation, où vous pourrez « pimper » votre tacot, et une phase de combat, où vous devrez survivre à plusieurs vagues d’attaques de véhicules ennemis. À l’issue de ces trois manches, ce sera la mort du boss ou la vôtre.
Dans chaque phase, le cœur du jeu est à base de placement de dés. Vous jetterez une main de 8 dés et placerez tour à tour les dés ennemis (rouges) et vos propres dés (blancs).
La phase de customisation est en quelque sorte le garage, où vous pourrez réparer votre bolide et acheter de l’équipement. Vous piocherez plusieurs cartes Equipement puis lancerez votre main de dés. Les cartes équipement ont un coût, un pouvoir ainsi qu’une face de dé affichée. Le coût des cartes se chiffre en valeur de dés, paires, suites, brelans, etc.
J’ai apprécié les choix associés au placement des dés, qui est fait de dilemmes : « j’aimerais dépenser une grande suite de 4 dés pour acheter une carte balèze, mais je ne pourrais plus réparer celle en panne. Ou alors, je garde une paire de dés pour la réparer, et j’achète une carte plus petite avec les dés restants… ». De même, durant cette phase, vous pourrez utiliser les dés rouges adverses pour combler une valeur manquante, mais vous subirez immédiatement une pénalité aléatoire.
Au fur et à mesure que les manches se succéderont, votre véhicule ressemblera à un amas de modules étranges et d’autres cassés. On s’attachera moins à la cohérence thématique de l’ensemble qu’à la collection de bonus variés permettant de combattre dans toutes les directions. Des relances de dés sont possibles en décidant de défausser une carte de l’offre, classique mais bon à prendre.
Une fois votre joujou d’aplomb, vient la phase combat où vous pourrez essayer vos nouveaux gadgets. Le scénario imposera un certain nombre de cartes Ennemi à piocher puis à placer autour de votre véhicule, représentant la horde de crapules en pleine agression, bien évidemment à l’insu de votre plein gré.
Les cartes Equipement que vous aurez placées sur votre véhicule, ont des effets variés : dégâts de zone ou ciblés, contrôle des dés, contrôle du positionnement des ennemis, défense, pioche de cartes, etc. Tout cela est classique mais leur choix est suffisamment intéressant pour tenir en haleine.
Tout comme pour la customisation, vous lancerez votre main de dés pour la phase combat. Vous devrez d’abord placer un dé rouge sur un des véhicules ennemis de même valeur que le dé, puis activer son effet. D’un ennemi à l’autre la douleur sera variable, et il y aura clairement des cibles prioritaires.
Ensuite, vous placerez 1 à 3 dés blancs sur vos cartes équipement, pour déclencher leur effet. En plaçant un dé de la bonne valeur dessus, vous déclencherez un effet complet avec bonus. Il est aussi possible de déclencher un effet amoindri si la valeur du dé est supérieure, ce qui permet un peu de flexibilité. Les ennemis infligeant de lourds dégâts ciblés sur un équipement seront les premiers sur votre liste, car tout l’enjeu est de frapper avant eux. Les kamikazes figureront aussi parmi vos principales préoccupations, car vous devrez leur infliger un nombre précis de dégâts, ni plus, ni moins, afin qu’ils ne vous explosent pas au visage. Les dilemmes ne seront pas tant sur quels ennemi attaquer, mais plus sur quel équipement activer en premier.
D’ailleurs, il y a un twist intéressant autour de la répartition des dégâts. Chaque fois que vous parviendrez à infliger un total de dégât pile poil égal aux points de vie de l’ennemi, vous pourrez récupérer les pièces détachées. La carte ennemi rejoindra alors votre réserve de récup’ et vous pourrez ensuite dépenser cette carte comme un dé supplémentaire de la valeur affichée. Cela va même forcément devenir un sport national pour vous, tellement l’avantage est grand. L’idée est bienvenue car sans cela, le combat aurait manqué de saveur.
Tout comme à la phase de customisation, vous aurez du contrôle sur le résultat des dés, mais le prix en sera supérieur. Sacrifier un 1 ou un 2 permet d’ajuster le score d’un dé de 1, ou de relancer tous les dés blancs ou rouge.
Un seul bémol et pas des moindres : l’effet de certaines cartes Equipement et Ennemi est trop puissant et permet des réactions en chaînes indécentes. Il suffit juste de les piocher pour être quasi-condamné à gagner ou à se faire atomiser. Il en est de même avec d’autres contenus du jeu, comme les cartes Equipement spécial, très coûteuses et pas si « bankable » à mon goût. Manque de play testing ou volonté délibérée ? En tout cas, l’équilibrage n’est pas la marque de fabrique de La Mort aux Trousses.
Mon premier jeu vintage de cinglé du volant illustré
Le point fort du jeu repose sur la campagne de sept scénarios. Côté édition, chaque scénario repose sur quatre pages et ils sont tous aussi bien présentés que traduits. Bien que je n’attache pas d’importance personnelle au narratif, je salue le travail accompli.
Dès le départ, à travers le style graphique, le thème, la nostalgie du post apocalyptique des années 80 resurgit. Ça sent bon le pétrole et la grosse carlingue vibrante, hérissée de pointes.
La durée des parties annoncée, de 30 à 45 minutes, est sous-évaluée. Si la majorité du temps on est dans ces ordres de grandeur, il arrive que ce soit parfois laborieux. J’ai beau y avoir mis du cœur à l’ouvrage, certaines parties ont été inutilement longues et douloureuses, dépassant allègrement les 1h30. Dans une situation défavorable, on agonise parfois durant les deux tiers de la partie, sans système prévu pour abréger vos souffrances. Quand je vous dis qu’il y a un air des années 80, cela se ressent aussi sur le gameplay, et cela m’a parfois refroidi !
Chaque scénario est indépendant et à droit à sa petite enveloppe surprise. Chaque enveloppe ouverte ajoutera quelques cartes aux deck des ennemis et de l’équipement. Sans vouloir vous spoiler le contenu, le renouvellement du gameplay est correct, même si les variantes sont minimalistes. On tient en haleine jusqu’au bout. On veut se farcir les boss les uns après les autres, pour voir ce qu’ils ont sous le capot. Dès le 4e ou 5e épisode, on sera cependant moins surpris par les ajouts, et l’impression d’avoir fait le tour pourra naître chez certain(e)s d’entre vous, comme cela a été le cas pour moi.
Contrairement à ce que l’on pourrait penser a priori, il n’y a pas de lien entre les chapitres ni d’évolution de votre personnage ou de votre véhicule. Pour être plus précis : il y aura une petite évolution par la conservation d’une carte compétence ici et là, mais pas de customisation par l’accumulation choisie et définitive de matériel ou d’arbre de compétences.
À force d’accumuler de nouvelles cartes Ennemi, la difficulté va sacrément se corser. La défaite va forcément venir vous chercher. L’absence de conséquence sur l’issue des parties fait que vous pourrez retenter votre chance autant de fois que désiré. Si le jeu n’a pas d’identité RPG au travers de sa campagne, il s’aligne clairement sur le genre « Die & Retry ». À vous de voir si c’est votre tasse de thé ou plutôt votre style de conduite !
De retour au garage
J’ai un ressenti au final mitigé. L’expérience de jeu a été pour moi plutôt agréable, mais le jeu n’est pas exempt de défauts, qui par moments m’ont un peu gâché le plaisir.
Les mécaniques de jeux, sans être exceptionnelles, sont intéressantes. Le placement de dés est accompagné de nombreuses possibilités et moyens de contrôle. On apprécie avoir tout ce tableau rempli d’options devant soi.
Le thème est accrocheur et soigné, à travers le pitch des scénarios et les illustrations de qualité. Le contenu de la boite en termes de matériel et de chapitres est plus qu’honnête étant donné le prix de vente, inférieur à 35 euros.
Les parties tendent à se ressembler à la longue, même si elles se renouvellent grâce au livre des chapitres qui lui est bien organisé. Malgré tout, j’ai ressenti l’envie de l’explorer jusqu’au bout.
Je note cependant deux points négatifs. Les règles floues sont un réel obstacle à la motivation de jouer. Si vous avez un problème avec cela, vos poils (si vous en avez) vont se hérisser avec La Mort aux Trousses. Dans autre registre, certaines cartes sont déséquilibrées. Piocher deux ou trois cartes Ennemi trop fortes vous précipitera vers l’enfer. À l’inverse, Piocher des cartes Equipement « pétées » changera significativement le cours de la partie en vous donnant un avantage décisif. Je n’apprécie guère ces choix automatiques car ils suppriment les dilemmes qui rendent les jeux intéressants. Il y a peut-être là un petit manque de finition qui ne rend pas service au jeu.
Ces défauts n’ont pas suffi à me dissuader de jouer, mais ils font que La Mort aux Trousses ne figurera pas parmi mes meilleures expériences en solitaire, même si dans l’ensemble je le recommanderai à tout public amateur de jeux solo et d’Ameritrash, car l’immersion que l’on aime est bien là. Les amateurs de Final Girl par exemple, (voir le Just Played), devraient sans doute accrocher à celui-ci.
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