Guilty is the new polar

Guilty – Houston 2015 est le premier jeu de la nouvelle gamme/série de jeux d’enquête édité par Iello. Crée par Yoann Servais, les dialogues sont écrits par Mathieu Rivero, écrivain mais également membre de Ludovox

Ce premier opus nous situe à Houston en 2015 (comme le laisse suggérer le nom du jeu) dans un quartier haute sécurité de prison pour femmes. Un corps y a été retrouvé mais ce n’est pas n’importe qui, c’est celui de la fille d’un sénateur.

Dans ce jeu coopératif, nous incarnons la détective Théodora Yates, qui accompagnée de deux de ses agents aura la nuit pour démêler cette histoire avant de rendre des comptes lors d’une conférence de presse qui se tiendra le lendemain matin.

Tout d’abord précisons que la boite contient un scénario unique qu’on ne pourra pas rejouer car il n’y a qu’un seul arc narratif développé sans alternatives qui pourraient dépendre d’un choix fait en cours de partie. 

Le jeu se présente sous la forme d’une petite boîte contenant très peu d’éléments : 

  • Deux paquets de cartes. Un paquet de cartes symbolisant le temps qui passe, et un paquet de cartes Récit qui représente différents éléments nécessaires à la résolution de l’affaire.
  • Un plateau de jeu souple recto/verso qui d’un côté constitue notre zone d’investigation, nous permettant d’organiser les éléments de jeu auxquels nous avons accès, et de l’autre qui comporte les questions auxquelles nous devrons répondre en fin de partie (dont nous n’avons pas connaissance durant le jeu).
  • Une enveloppe contenant des éléments mystérieux.

La mise en jeu et la prise en main sont rapides, on pourrait presque se passer de la lecture des règles puisque les cartes nous guident tout au long de la partie. Il est juste nécessaire de connaître la signification de quelques symboles. 

 

Mais rentrons dans le vif du sujet. Qu’est ce qui différencie ce nouveau jeu sur le marché du jeu d’enquêtes que l’on voit fleurir depuis quelques années ?

En termes mécaniques, on ne peut pas dire qu’il y ait d’innovation majeure. On va choisir une des cartes récit présentes dans le zone d’investigation, lire le texte / observer l’image, et si la carte le précise, retourner une carte temps. On recommence ainsi jusqu’à ce que la phase d’enquête se termine. C’est à dire, lorsqu’il n’y a plus de cartes temps en réserve ou lorsque l’on estime (à partir d’un certain moment dans la partie) que l’on a trouvé la solution et que nous sommes prêts à nous rendre à la conférence de presse, à savoir, répondre aux questions finales.

Cette simplicité mécanique est en réalité une très bonne chose car elle sert le côté très immersif du jeu. On n’est pas pollué par diverses actions de maintenance de la zone de jeu et on peut ainsi se focaliser complètement sur l’histoire. On aura parfois même tendance à oublier de faire avancer le temps tellement on est absorbé par l’enquête. Ce qui n’est en soi pas dramatique, mais risque de légèrement faciliter le jeu car on pourra découvrir davantage de cartes récit et ainsi récolter plus d’éléments. Dans ce jeu, rien n’est dit de façon explicite. Comme un vrai enquêteur, nous devons élaborer des théories, trouver les arguments et preuves qui nous permettront d’étayer certaines pistes ou au contraire d’en abandonner. Le tout en se basant sur les témoignages des personnes interrogées, sur les dossiers auxquels nous avons accès ou encore sur différentes photos (sous forme d’illustrations) qui nous sont fournies. Chaque détail a son importance et c’est assez jubilatoire de voir apparaître au fur et à mesure que l’on avance dans le jeu, les preuves qui vont dans le sens de notre théorie. Mais l’immersion n’est pas seulement due à cela. 

On notera le parti pris éditorial de nous plonger au cœur d’un épisode de série. Les premières cartes temps révélées (ne vous inquiétez pas, rien d’important ne sera divulgâché) à la manière d’un générique d’ouverture nous présentent les auteurs se trouvant derrière le jeu. À noter que la dernière carte récit que l’on est amené à consulter représente le générique long et nous présente l’équipe complète comme une équipe technique de réalisation de film/série. En plus de (presque) nous faire entendre le son généré par une plateforme de streaming au lancement d’un épisode, cela met un coup de projecteur sur le monde qui se trouve derrière le jeu participant ainsi à la reconnaissance du jeu comme objet culturel.

 

 

La thématique abordée et les illustrations concourent également grandement à établir une comparaison du jeu à une série et plus particulièrement à la série Orange is the new Black où certaines des protagonistes ressemblent à s’y méprendre à des suspectes de notre jeu et où au final l’intrigue pourrait trouver des échos dans certains moments de la série.

 

 

Je n’ai pas pu m’empêcher de voir des ponts entre ces deux œuvres et peut-être même que j’ai été influencée (à tort ou à raison) par la série pour élaborer certaines de mes théories. Je ne sais pas si l’inspiration de la série a été conscientisée lors du travail de développement ou si cela relève d’une pure coïncidence mais le fait est qu’il  y a pour moi pas mal de similitudes. On s’en doutera à la lecture de ces dernières lignes, mais la thématique abordée est mature et n’est pas à mettre entre toutes les mains d’autant que l’histoire semble assez réaliste. 

Enfin l’immersion dans ce monde policier tient aussi au lien fort qu’il existe entre la mécanique et la thématique du jeu. En fin de partie lors de la conférence de presse, on nous dit de répondre aux questions dans l’ordre de notre choix. Au début de cette phase de résolution nous n’avons accès qu’à 2 des 4 questions et c’est en répondant à l’une de ces questions que nous serons invités à répondre aux autres. C’est peut-être un détail anodin mais dans mon imaginaire cela me projette directement dans un de ces films américains où l’orateur fait face à la foule de journalistes en contrebas de la scène où il se trouve et répond aux questions à la volée, en désignant aléatoirement les journalistes qui lèvent la main. Encore une fois dans le jeu comme dans la réalisation, tout est dans le détail !

La boîte annonce un temps de jeu de 3h à 4h, cela demande donc un investissement certain de la part des joueurs. Je ne saurai personnellement pas dire combien de temps a duré ma partie tant j’ai été happée par l’histoire et par l’envie de trouver des preuves. Je n’ai tout simplement pas vu le temps filer ! À noter qu’il  n’y a pas de système de sauvegarde prévu. Cela dit, avant de commencer la partie, nous nous étions dit qu’il serait facile de s’arrêter et de reprendre le jeu plus tard. Qu’il suffisait de mettre les cartes disponibles dans la zone d’investigation de côté et d’isoler les cartes temps révélées.

un polar comme les autres ?

Mais du coup par rapport aux autres jeux du genre, comment se positionne Guilty, me demanderez-vous certainement ?

Et bien j’ai trouvé l’expérience très bonne. On a là un grand jeu dans une petite boîte. Je le comparerais volontiers à Detective : un jeu d’enquête moderne que j’avais adoré tout en lui ayant trouvé quelques défauts, (notamment un système de jeu un peu lourd alors qu’on veut surtout de l’enquête). Pour résumer je dirai que Guilty c’est Détectives en plus condensé, le côté campagne en moins. Guilty est plus épuré et il réussit le tour de force de nous plonger dans un univers riche et nous propulser dans la peau d’une enquêtrice (avec ses petits soucis personnels) sans passer par des artifices technologiques (comme la base de données Antares). Cela tient certainement au talent du duo d’auteurs qui nous offrent une narration à trois niveaux : un premier niveau via les cartes récit qui permettent de retracer le fil de l’enquête, un second via les cartes temps qui est axé autour de l’inspectrice et de sa façon de vivre l’enquête, enfin un dernier disponible uniquement sur le site de Iello, qui expose le point de vue de la victime.

 

En termes de difficulté on peut parler de juste équilibre. Comme évoqué en début d’article, les choses ne sont jamais dites explicitement. On ne trouvera jamais une phrase qui nous livre un point d’enquête. Il faudra toujours observer et croiser les indices. Cependant les preuves apparaissent sous différentes formes et à travers différentes cartes, ce qui nous laisse plusieurs opportunités pour les découvrir. Le jeu n’est pas contre nous, le temps passe à la bonne vitesse pour nous laisser la possibilité de découvrir un maximum de détails. Suffisamment vite pour ne pas avoir l’impression de tourner en rond, nous obligeant des choix sur les cartes que nous voulons révéler. Et contrairement à un Sherlock Holmes détective conseil où parfois les choses sont un peu capillotractées et le jeu quasiment impossible à battre, ici tout se tient et s’articule de façon très logique.

J’ai hâte de découvrir le reste de la collection et j’espère fortement que le scénario Houston 2015 aura une suite directe car de nouvelles questions autour de la famille de la victime sont posées à l’issue de la résolution de l’affaire et restent en suspens. Cependant je doute que mon désir ne se réalise dans le sens où le jeu propose trois fins alternatives selon comment nous avons résolu, et qu’une des fins (pour les avoir toutes consultées) clos définitivement le sujet ! Alors j’attends avec impatience la suite de la gamme ! Ça sera pour mai prochain avec le scénario Monaco 1955.

 

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3 Commentaires

  1. Doc.Fusion 05/03/2024
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    Une excellente surprise, mais à faire avec la tête bien reposée pour ne pas se gâcher l’expérience.

  2. Benoit 05/03/2024
    Répondre

    Merci pour cette article!

    De notre côté on a été assez déçu. Après toutes les éloges lues ont été au taquet et on a trouvé l’intrigue pas foncièrement intéressante, la complicité un peu plus élevée que la moyenne.  On devait avoir trop d attentes, pour moi c est sympa mais rien de foufou.

     

  3. Morlockbob 05/03/2024
    Répondre

    Une bonne surprise. Un thème adulte bien orchestré. Très bonne narration. J aurais aimé un peu moins de couches, une petite épure. Mais pour moi c est a essayer

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