Daimyo, une réelle renaissance ?

Comme certains le savent, « La Boîte de Jeu”, éditeur de notre sujet du jour, a l’habitude de passer par la case financement participatif pour certains de ses produits. Daimyo est arrivé sur les étals en 2021 à la suite, justement, d’un financement participatif sur la plateforme Kickstarter en juillet 2020, on vous en parlait ici.

Ici je compte vous parler de la version “Retail”, c’est-à-dire la version du jeu que l’on retrouve chez les ludicaires. Il est toujours difficile de faire la part des choses dans ces jeux financés par les joueuses et les joueurs car, bien souvent, il existe bon nombre de bonus que l’on ne retrouve pas dans la version commercialisée. Avec Daimyo ce n’est pas vraiment le cas, il existe effectivement un “Upgrade Pack” exclusif à la campagne de financement qui permet d’avoir des plateaux joueurs double-couche, afin de maintenir au mieux les jetons et dés posés dessus.

Mais c’est tout.

Le reste des “améliorations/ajouts” sont présents dans la boîte que vous retrouvez en boutique, hormis les figurines en plastique. Celles-ci font l’objet d’une seconde boîte disponible à l’achat afin de faire passer votre jeu en version DOUBLE BIGMAC DELUXE.

Tout le gameplay proposé par le jeu sera au rendez-vous avec la boîte de base, seul l’amélioration matériel (plateaux & figurines) ne sera pas présente.

La Boîte de Jeu fait l’effort d’offrir la même expérience aux joueuses et joueurs, c’est tout à leur honneur et ce doit être l’auteur, Jérémy Ducret, qui doit être ravi. Auteur dont c’est la première création éditée après cinq ans de développement, à part cela nous ne savons pas grand-chose au sujet de cet auteur plutôt discret qui, on me dit dans l’oreillette, aurait plusieurs prototypes en attente. Stay tune !

L’illustration de Daimyo est assurée non pas par un mais par deux illustrateurs : Dimitri Chappuis (7 Wonders, Welcome to the Dungeon, Assassin’s Creed : Brotherhood in Venice…) & Anthony Wolff (Huns, It’s Wonderful World, King of Tokyo…), un habitué des jeux édité par “La boite de Jeu” pour ce dernier.

On peut tout de suite comprendre pourquoi il fallait deux illustrateurs pour ce jeu qui a dû demander énormément de travail. Que ce soit sur les 52 cartes Personnage uniques, ou sur le plateau de jeu, ça fourmille de détails. L’univers post-apocalyptique imaginé ici est très bien retranscrit dans les illustrations avec lesquelles on s’amusera à repérer les utilisations étranges d’objets qui font partie de notre quotidien.

 

Hooo les belles cartes !

Hooo les belles cartes !

 

Après ce petit tour d’horizon sur les acteurs qui entourent Daimyo, il est temps de vous parler de ce dernier.

Au premier coup d’œil on se dit que l’on a affaire à un jeu de contrôle de territoires, avec son plateau de jeu divisé en six îles composant l’archipel sur laquelle les daimyos, gouverneurs de provinces issus de la classe militaire, qui régnaient sur le Japon, où nous allons nous affronter.

Eh bien ce premier avis est le bon, mais le jeu ne s’arrête pas qu’à cet affrontement de majorités : sur un second plan il offre des expériences de deck-building, de collecte de ressources et de draft de dés, rien que ça.

Avec toutes ces mécaniques imbriquées et liées les unes aux autres, vous vous doutez bien qu’on a été intrigué. On n’est clairement pas dans un jeu familial que l’on va sortir sur un coin de table. Daimyo demande l’investissement d’un à quatre Chefs de clan pour des parties d’une durée de 90 à 120 minutes.

 

Bullshi(t)do

Comme je le mentionnais plus haut ici vous allez incarner un Daimyo, nom que l’on donnait aux chefs de guerre provinciaux dans le Japon féodal, mais ici il n’est pas question d’époque féodale mais d’un monde post-apocalyptique. Longtemps après notre ère, les survivants de l’humanité ressortent des entrailles de la Terre pour repeupler les ruines de notre civilisation.

Les codes sociaux sont basés sur une interprétation très personnelle, pour ne pas dire loufoque du Bushido, l’art de vivre des Samouraïs.

Comment vous dire qu’on a tout de suite appelé ça le Bullshi(t)do autour de notre table tellement c’est « what the fuck ».

La tête dans le guidon

Daimyo – la tête dans le guidon

 

Les Daimyos que vous êtes devront user de leurs influences pour prendre le pouvoir sur l’Archipel des six, avec l’aide de leurs gouverneurs, mais aussi en récoltant des reliques sacrées d’antan comme le lave-vaisselle magique ou la vénérable pompe à gas-oil, ça donne envie. Mais attention aux Ombres assassines qui peuvent vous trancher la gorge à tout moment.

Cette volonté de construire un univers riche, quelque peu loufoque, est appuyée par une direction artistique sublime autour de cette boite. Que ce soit le plateau de jeu où les cartes, tout est là pour vous faire voyager dans ce monde post-apocalyptique. Malheureusement la sauce n’a pas pris chez moi, je ne sais pas si c’est l’univers un peu trop décalé ou les illustrations qui sont bien trop chargées à mon goût, mais je n’ai pas eu l’impression de vivre ce voyage. J’y reviendrai plus tard, mais avec tous ces détails et ces couleurs foisonnantes sur le plateau, j’avais même du mal à me repérer sur celui-ci en fin de partie.

Côté matériel, la qualité est au rendez-vous. Que ce soient les cartes, les jetons de ressources en carton bien épais tout est là, ou presque. On regrettera ces plateaux double-couche, présents dans la version Kickstarter, qui offrent un certain confort et un plaisir tactile supplémentaire. Malgré cela il y a tout ce qu’il faut dans cette boite à 45 €.

Bon, c’est bien joli tout ça mais ça ne répond pas à la question de l’intérêt du jeu. On a compris que Daimyo rend très bien sur l’étagère ou posé sur la table, mais une fois en jeu, qu’est-ce qu’il a dans le ventre ?

 

Les goûts et les couleurs

Daimyo n’est pas un jeu de contrôle de territoires ou l’on va se mettre sur la tronche à coup de katana et autres joyeusetés dans ce genre.

Il s’agit avant tout d’un jeu de draft de dés. Dés répartis en trois couleurs qui vont régir vos actions : bleu = aide des villageois, vert = la récolte de ressources, rouge = le développement.

Une fois votre dé choisi, vous le placez sur votre plateau personnel sur un des cinq emplacements possibles :

  • Aide aux villageois : permet de gagner un petit bonus adaptable à votre situation personnelle. Ce n’est clairement pas l’action la plus gratifiante mais elle permet de récupérer le jeton premier joueur qui a son importance.
  • Production : vos techno-fermes et vos gouverneurs récoltent des ressources.
  • Relique : votre fouilleur récolte des reliques.
  • Recrutement : dépensez votre riz pour ajouter une ou plusieurs unités sur le plateau.
  • Construction : dépenser votre métal et vos cristaux pour construire des bâtiments.

Toutes les joueuses et joueurs autour de la table vont drafter jusqu’à avoir récupérer trois dés.

(ludochrono pour voir l’explication des règles)

 

En rang 2 par 2 s'il vous plait !

En rang 2 par 2 s’il vous plait !

 

Mais attention, il n’y aura pas forcément de dés de chaque couleur pour tout le monde, il va falloir être malin et observer vos adversaires lors de cette phase de draft afin de vous assurer du bon déroulé de votre stratégie. Cette dimension tactique est bien amenée, surtout que pour celle-ci vous n’avez même pas besoin de regarder la valeur du dé choisi, la couleur suffira.

Mais alors à quoi sert la valeur ? Celle-ci vous permet de jouer vos cartes héros qui se trouvent dans votre main ; oui ces cartes ne vous servent pas seulement d’éventail, vous pouvez aussi les jouer ! Elles permettent, le plus souvent, de réaliser une action supplémentaire à celle octroyée par votre dé, pas négligeable tout de même d’avoir deux actions pour le prix d’une.

C’est à ce moment-là que rentre en jeu la dimension deck-building, ne pouvant jouer qu’une carte dont la valeur est égale à la somme de tous vos dés, il faudra chercher à avoir une certaine diversité dans les cartes que vous allez acquérir. Les dés s’additionnant, il est impossible de jouer deux cartes de valeurs identiques, attention donc à bien choisir vos cartes. La phase d’achat, de ces dernières, aura lieu en fin de tour. Vous pourrez y dépenser la dernière ressource du jeu, vos pièces, pour développer votre paquet de cartes.

Encore une fois cette mécanique fonctionne très bien, le deck building n’est pas central dans Daimyo mais offre une profondeur supplémentaire en venant renforcer la mécanique de draft de dés.

L’ajout de cette action bonus via vos cartes héros offre un dilemme supplémentaire sur le choix de vos dés. En plus de cibler une couleur, il faut avoir la bonne valeur. Celle-ci est tout de même variable en défaussant des cartes de votre main, mais cela vous oblige à réduire la taille de votre main et donc à avoir moins de choix de héros pour la suite du jeu.

Avec cette belle fusion de ces deux mécaniques de jeu, Jérémy Ducret réalise un joli tour de game-design.

 

Ce pique un peu les yeux

Ça pique un peu les yeux

 

Une archi-pelle pour faire des archi-trous

Pour ce qui est des cinq actions, activables avec vos dés, elles sont plutôt classiques. La récolte de ressources, l’ajout d’unités pour le contrôle de zone ou la construction de bâtiments afin d’appuyer les deux axes précédents, rien ne vient briller par son originalité de ce côté-là. On reste tout de même sur des mécaniques solides de contrôle de territoire.

De plus, un petit aspect de développement apparaît avec la construction de vos bâtiments. Lorsque vous construisez ces derniers vous allez pouvoir déplacer la tuile action bonus située dessous, pour l’associer à l’une de vos actions principales. Ces tuiles vont vous permettre d’effectuer, elles aussi, une action supplémentaire.

Une fois en place, vous vous retrouvez donc avec un potentiel de trois actions au lieu d’une, lors de votre tour de jeu. A vous d’arriver à bien coordonner votre choix de dé, sa valeur pour jouer une carte héros, et la construction de vos bâtiments pour débloquer les tuiles d’action bonus.

On sent clairement avec cette accumulation, une montée en puissance tout au long de la partie à l’image d’autres jeux de contrôle de territoire comme Scythe ou Eclipse. Cela vous offre la possibilité de jouer sur plusieurs aspects du jeu en simultané afin de mettre toutes les chances de votre côté pour gagner le plus de points de popularité.

Les actions sont claires et ne durent que très peu de temps, on reste sur un tour de jeu rapide et fluide, c’est très agréable.

Triple action

Daimyo – Triple action

 

Ce qui devient compliqué avec le temps, c’est la lecture du plateau de jeu. Déjà très chargé en information au début de la partie, celui-ci se voit rempli de multiples éléments : gouverneurs, ombres, fouilleurs, bâtiments, pistes d’influence… Les unités étant très peu retirées du plateau durant la partie, ce dernier devient rapidement difficile à lire. Le constat reste malheureusement le même pour les meeples en bois ou pour les figurines.

Le seul moyen d’épurer le plateau reste l’utilisation de vos Ombres, trois unités assassines, à usage unique, que chaque Daimyo possède dans sa réserve en début de partie. Il existe aussi quelques cartes qui auront le même effet mais rien de plus. L’interaction directe entre les joueuses et joueurs s’arrête ici, le reste se situe sur les emplacements limités sur le plateau, je vous le disais plus haut : dans Daimyo on n’est pas là pour se mettre sur la tronche. On va plutôt chercher à optimiser ses actions pour récolter le plus de points de popularité : contrôle de territoires, construction de bâtiments, recherche de reliques et acquisition de nouvelles cartes héros sauront répondre à votre besoin en points de popularité en fin de manche ou de partie. Ce qui fait tendre Daimyo plus du côté d’un jeu de gestion, de placement d’ouvriers et d’optimisation, dit Eurogame, que d’un jeu d’affrontement pur, à base de brouette de dés et de Deus ex machina sorti du chapeau, comme le propose les Ameritrash.

Cette ambivalence de mécanique perturbe rapidement, ne sachant pas réellement sur quel pied danser, il faudra apprendre à dompter le jeu pour bien le maîtriser. Mais comme dit au début, Daimyo est un jeu pour joueurs avertis.

 

Au petit bonheur la chance

Il y a quand même cette petite part de hasard bienvenue dans Daimyo. Avec les dés d’abord, qui n’auront pas toujours la même valeur, mais restent contrôlables par la défausse de cartes héros de votre main. La part de variabilité entre les parties est offerte justement par les cartes qui ne seront pas tirées dans le même ordre, ajoutant alors le hasard et l’opportunisme que peuvent aimer certaines joueuses et joueurs.

Ce hasard sera aussi appuyé par les reliques, celles-ci sont tirées d’un sac tout au long de la partie. Vous pouvez partir à la chasse aux reliques, cela peut être extrêmement gratifiant mais attention, vous pouvez vite vous retrouver sur une pente très glissante si vous vous appuyez seulement sur ce scoring pour gagner la partie. C’est un aspect qui peut user certains joueurs. Personnellement j’aime ce type de retournement de situation d’arriver à compléter en un coup deux reliques, ce qui fait gagner un beau paquet de points de popularité pour la fin de partie.

 

vénérez le lave vaisselle sacré

Vénérez le lave vaisselle sacré

 

Mais malgré cela, cette partie collection du jeu est beaucoup moins liée au reste des mécaniques que l’on retrouve dans Daimyo. C’est plutôt dommage et donne l’impression d’un ajout de scoring annexe plutôt qu’un réel apport de game-design au jeu.

 

Conclusion

Daimyo a un aspect d’Améritrash avec ses dés, ses meeples (ou figurines si vous voulez laissez tenter), ses cartes héros, mais il a quand même un fort aspect Eurogame dans ses mécaniques avec cette recherche d’optimisation de récolte et de points de popularité. Cette ambivalence en laissera certains sceptiques mais nous, ça nous a plutôt séduit. De même pour son univers qui peut ne pas plaire à tout le monde, il faut reconnaître qu’il y a un vrai travail sur la création de cette ambiance post-apocalyptique aux allures loufoques.

On rappelle tout de même que Daimyo est un jeu avec beaucoup de mécaniques imbriquées les unes avec les autres. Il peut être compliqué à aborder pour des novices du genre, mais cherche à satisfaire les joueurs aguerris, qu’ils soient optimisateurs ou opportunistes.

A vous de savoir si vous êtes prêt à jouer en équilibre sur ces deux pans plutôt que de tomber dans l’un ou dans l’autre.

 

A vos ressources !

A vos ressources !

 

 

LUDOVOX est un site indépendant !

Vous pouvez nous soutenir en faisant un don sur :

Et également en cliquant sur le lien de nos partenaires pour faire vos achats :

acheter daimyo: la renaissance de l-empire sur espritjeu

1 Commentaire

  1. frédéric ochsenbein 25/04/2022
    Répondre

    Super nouvelle que la retail soit en terme de gameplay équivalent à la version KS. J’ai souvent critiqué la boîte de jeu sur ce point sur d’autres jeux, heureux e voir que pour celui-ci ce n’est pas le cas. Cela plus les qualités du jeu ca donne envie de l’acheter ^^

Laisser un commentaire