Cities of Splendor – le Splendor-killer ?
Il y a quelques années de ça, Splendor débarquait en boutiques. Avec moult tonnerres et fracas. On en parlait comme du next big thing, du jeu passerelle par excellence. Et effectivement, Splendor en avait la carrure – l’a toujours, d’ailleurs – : robuste, fin, rapide, aisé à enseigner, bref, tout ce qui peut bien marcher pour un jeu que l’on qualifie volontiers de gateway. Et les plus ardus des joueurs s’y amusaient bien, les premières parties. Les quarante premières parties. Je fais partie de ceux-là, qui ont fait tourner Splendor tant et plus, qui s’amusent encore à rejouer ou à l’enseigner. Mais… il me restait à chaque fois un petit arrière-goût, un peu fade. Comme si le jeu avait perdu en saveur. Quand les Space Cowboys ont annoncé l’extension Cités de Splendor, j’étais mûr à point.
Mais plutôt qu’une extension, j’en avais là quatre en une boîte ! Le tout, pas combinable, et à un prix plutôt chérot, avoisinant celui de la boîte de base. Anatomie d’un quatre-quarts ludique.
1 – Les Cités
Les Cités sont une condition de fin de partie alternative remplaçant les Nobles. Plutôt que de s’arrêter aux quinze points de victoire gagnants, les Cités proposent trois tuiles avec des objectifs. Plus de points, des cartes d’une ou plusieurs familles, etc. Qui récupère une tuile Cité termine la partie (et la remporte).
Ceux qui déploraient le manque – relatif – d’interaction dans Splendor seront ici comblés : si on reste dans l’indirect, on surveille vraiment ce que font les joueurs, et on cherchera bien plus qu’auparavant à chaparder tel ou tel bâtiment sous le nez des joueurs. Du coup, ce qu’on pratiquait avec l’expérience de vanilla de Splendor (ce blocage, mais pour récupérer les Nobles) devient encore plus attractif et explicite.
Cette extension est pour moi une évidence et je ne pourrais plus jouer sans ; elle rajoute de la diversité aux parties, mais pas que. Elle permet de mettre en lumière les rivalités que les joueurs peuvent entretenir entre eux et donne des objectifs plus tangibles que le jeu de base.
2 – Les Comptoirs
Ici, on jouera les Nobles, mais le rajout se fait en jeu : les comptoirs sont des axes de développement donnant des bonus qui ont tendance à accélérer la partie. Un plateau est disposé à côté du jeu pour le symboliser. Si l’on remplit la condition requise, on récupère un bonus associé. Cela permet de donner une plus grande maîtrise de son développement au joueur.
Si cela paraît très simple de prime abord, on s’apercevra vite que les objectifs à court termes impactent notre stratégie à long terme et vont se mêler subtilement à la prise de décision. Aller vers tel Noble pourra nécessiter telle étape, donc s’avérer plus rentable qu’un autre. Bien utiliser ses pouvoirs de comptoir permettra dès lors d’aller chercher le Noble ou le point qu’il faut avant les autres.
Au final, c’est l’extension sur laquelle je suis le plus dubitatif aujourd’hui. C’est intéressant… mais il y a comme un petit goût de pas assez pour moi. J’attends un peu plus que ces pouvoirs de récolte et de scoring additionnels ; cela rajoute des objectifs à court terme contre lesquels je n’ai rien, mais on intègre cette nouvelle mécanique d’acquisitions sans devoir repenser le jeu. Pour autant, la couche de contrôle supplémentaire est fort abordable et bienvenue.
3 – L’Orient
Ici, de nouvelles cartes sont rajoutées avec trois âges. Ces nouvelles cartes à dos rouge apportent une profondeur toute différente : elles donnent des effets immédiats, comme l’amélioration d’une carte développement, ou de la réservation de Noble.
C’est cette extension qui propose l’innovation mécanique la plus forte et c’est aussi la plus déroutante pour les novices, car elle rajoute beaucoup de choix. On évitera donc de la présenter derechef aux Moldus, préférant largement les Cités et les Bastions (4).
Les effets inédits, comme la défausse de développements en tant que coût, vont vraiment faire briller les mécanismes originaux et les pousser dans leurs retranchements. Effet corollaire du plus grand nombre de cartes : le conflit d’interaction est étendu sur un tableau plus grand et se dissout un peu dedans. Mais la sensation de contrôle est grisante.
L’option rebelle : en fait, les extensions pourraient se combiner, contrairement à ce qui est annoncé, mais pas n’importe comment. Si vous voulez une expérience de Splendor un peu plus complexe, je suggérerais de mêler Comptoirs et Orient, en augmentant le nombre de points pour gagner à vingt ou vingt-cinq. Certes, il devient beaucoup plus facile de faire des points, mais le skill cap devient véritablement important.
4 – Les Bastions
Chaque joueur se verra attribuer trois bastions de couleur. À chaque fois que vous achetez une carte, vous pourrez placer ou déplacer un bastion vous appartenant sur une carte centrale, ou retirer un bastion ennemi et le rendre à son propriétaire.
« Mais pour quoi faire ? demandent les joueurs les plus naïfs.
— Pour se mettre sur la gueule ! hurlent les partisans de l’améritrash.
— Ou juste pour se bloquer comme des porcs, répond le cubipousseur. Un bastion empêche les autres joueurs d’acheter ou de réserver la carte… »
Ce n’est pas tout. Si vous avez vos 3 bastions sur une même carte, vous pouvez l’acheter après votre action du tour. Wep, c’est une action GRATOS. Comme une réservation qui bloquerait les autres. Et ça, dans Splendor, c’est cher.
Bien sûr, quand vous achetez une carte sur laquelle se trouve un bastion (ou trois), vous retirez le (les) bastion(s) présent(s) et en replacez un derechef sur le marché.
Cette variante rajoute de l’interaction, du blocage, sans pour autant arriver au niveau de Barony, du même auteur. Elle peut rallonger un tantinet les parties mais est fort agréable, car, là encore, elle permet d’accentuer ce que l’on avait déjà dans les mécanismes de base avec le blocage.
C’est celle qui change le plus dramatiquement le jeu, je trouve. On se prend à réfléchir en termes de contraintes et plus dans un système ouvert, ce qui rend le jeu tout à fait différent. Les cartes “faciles” ou rentables deviennent des points d’accroche sur lesquelles les bastions viennent s’accumuler et le tempo devient crucial.
Édition
Petit mot sur l’édition : il m’était absolument inconcevable de trimballer deux boîtes de Splendor et le thermoformage n’accueillait absolument pas tout. J’ai donc « optimisé » comme je pouvais : j’ai retiré le thermoformage de ma boîte de base, dont je préfère la cover, et j’ai tout fait tenir dedans. Par contre, big up pour le jeton premier joueur ; une vraie bonne idée !
Question qualité, le matériel suit les jalons de son aîné, malgré une cover bien moins réussie. Les couleurs des bastions jurent un peu, mais c’est une concession faite à la lisibilité globale du jeu.
Splendor revient-il bonifié ?
Oui ! Aussi simple que ça, l’extension fonctionne, et reste accessible au très grand public qui a un peu tâté de la bête en son temps. Dommage qu’elle soit si chère, mais sinon, elle permet d’adapter Splendor à votre goût. Vous préférez l’interaction, le développement, le choix, le vanilla ? Tout est là pour saupoudrer votre jeu d’une pincée de nouveau. Que l’on s’entende bien : elle ne fait pas de Splendor un Terraforming Mars, mais elle lui donne un peu plus de coffre.
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Shiruvan 03/03/2018
Merci pour cet avis, j’hésitais à l’acheter car j’aime beaucoup splendor. Peut-être vais-je attendre d’avoir un grand nombre de parties pour me l’offrir
Umberling 07/03/2018
Pas besoin d’être expert en Splendor pour apprécier les Cités !
Shanouillette 05/03/2018
J’ai refilé mon Splendor, mais ces petites extensions donnent envie d’y revenir !