Altered – Tout changer, vraiment ?
Altered fait parler de lui depuis son annonce (on en parlait déjà ici). Bon, il se trouve que j’ai pledgé et j’ai joué et j’ai scanné ma collection. Je m’en vais donc vous dire ce que j’en pense, et on va décrypter chacune des factions.
Résurgence des JCC
Tout d’abord, il faut qu’on aborde la résurgence des JCC (ou CCG/TCG) cette dernière année : après l’arrivée de Flesh and Blood, on a constaté coup sur coup Lorcana, hit mondial (Just played ici, guide draft et scellé là), Star Wars Unlimited (Just played encore là, on dirait qu’on ne chôme pas). Comment expliquer cette profusion alors même que le marché du jeu de société tend à se contracter, vivant la crise ? Je pense à titre personnel qu’il y a plusieurs facteurs à cela ; tout d’abord, il y a la présence de Magic, qui depuis plusieurs années vivote en termes de jeu compétitif mais qui explose en termes de jeu casual, avec le Commander (Elder Dragon Highlander pour les intimes). Mais Wizards of the Coast tire trop sur le pis de la vache et crée trop (source en anglais) dans l’espoir de maximiser les profits, résultat plus personne ne peut suivre et d’aucuns se réfugient vers d’autres valeurs. Les nouveaux joueurs peuvent aussi être intimidés par l’ancienneté de Magic (et son hermétisme apparent). Ensuite, des licences fortes qui aident à percer d’autres marchés (de joueurs plus occasionnels voire de purs collectionneurs). C’est là où les Star Wars Unlimited et les Lorcana de ce monde tirent leur épingle du jeu. Enfin, un gameplay plus pur, plus simple à expliquer, plus graphique.
Sauf qu’Altered s’inscrit en faux sur pas mal de ces aspects ! Décryptons donc cette création originale 🙂
Le but, la découverte
Votre but dans Altered est d’explorer un monde fracturé, le Tumulte, et de faire se rejoindre votre héros et son compagnon. Bien entendu, compétition oblige, il faut le faire avant votre adversaire. La course se joue en sept étapes, vous demandant de franchir un à trois biomes. Comment progresser d’une étape à l’autre, me demanderez-vous ? Eh bien en ayant plus de points de progression que votre adversaire sur l’un des biomes demandés. Et les personnages que vous jouez ont un certain nombre de points de progression. Certains sont équilibrés, d’autres pas : à vous de voir comment vous jouez.
Lors du début d’une partie d’Altered, chaque joueur place trois des six cartes qu’il vient de piocher en Orbes de mana. Comme les Encres de Lorcana ou les Ressources de Star Wars Unlimited, les Orbes de mana sont des cartes qu’on ne reverra jamais et qu’on écarte parfois avec soulagement (carte pas favorable au match up, carte pas jouable à un moment de la partie), parfois avec déchirement. Puis l’on peut jouer.
Plutôt que de proposer des tours tout à fait désynchronisés à la Lorcana, on va chacun faire une action jusqu’à ce qu’on ne le puisse plus. Activation des capacités spéciales, jeu des cartes, vous jouez jusqu’à décider de passer. Les personnages que vous jouez rejoignent l’une de vos expéditions, celle de votre héros ou celle de son compagnon, mais il y a d’autres types de cartes : les Permanents restent en jeu et vous donnent des règles de plus, les Sorts sont joués puis défaussés. Mais attention, il y a une subtilité, et non des moindres : la réserve.
Altered : cards play twice
Lorsque vous jouez un personnage, à la fin du tour, il va dans votre Réserve. Lorsque vous jouez un sort, il va dans votre Réserve. Votre Réserve, c’est comme une main ouverte de deux cartes maximum (pour l’instant) de laquelle vous pouvez jouer vos cartes une seconde fois, mais elles auront Fugace. En d’autres termes, elles seront défaussées après utilisation.
Cette réserve est une boucle de récursion incluse directement au jeu : on voit toutes les cartes deux fois, ou presque. Mais elle permet aussi aux game designers de rajouter des subtilités aux cartes. Effets quand on joue une carte depuis la main ou depuis la réserve ou les deux, coût de main et coût de réserve dissociés, des effets de soutien si l’on défausse les cartes depuis la réserve. Alors oui, il y a beaucoup de choses à lire sur une carte d’Altered. Mais en même temps, en jeu, c’est plutôt limpide.
Cela permet aussi de faire descendre le nombre de cartes d’un deck, d’avoir du Sabotage de réserve adverse, du Ravitaillement de la sienne (des demi pioches donc).
Bref, cette réserve, on l’aime. On peste, en jeu, sur le fait qu’elle ne soit pas infinie : au crépuscule, si vous avez plus de deux cartes dedans, ziou, vous vous débarrassez de l’excédent.
En fin de manche, vous repiochez 2 cartes et pouvez placer l’une des cartes de votre main en Orbe de mana. Le choix est vôtre : au début, on ne piochera qu’une carte par tour pour finir par deux.
Gemme
JCC oblige, les cartes ont des raretés ; deux pour être précis. Chaque carte a une version rare, plus forte ou plus spécifique, et une version rare altérée, donc appropriée à une autre faction. Car en effet vous ne jouez qu’une seule faction dans votre deck. Et ensuite, vous avez les uniques. Difficile d’en parler sans évoquer la technologie derrière. Les unique sont en effet générées par algorithme, respectant l’identité de la carte, mais changeant ses valeurs, lui apportant un nouveau mot-clé ou du texte additionnel. On ne pourra en avoir que trois dans son deck en tournoi, mais cela rajoute des incertitudes : le jeu ne peut pas être complètement résolu, il ne peut pas y avoir de stratégie optimum, si de l’incertitude existe. On ne peut pas avoir non plus plus de trois cartes possédant le même nom dans son deck, quelle que soit leur rareté. Ces cartes uniques sont clairement des jokers, des va-touts, des paris de game design et si certaines ratent le coche, toutes ont un effet bien particulier : vous allez les guetter dans vos boosters ET dans le paquet de votre adversaire.
Maintenant, si vous souhaitez vraiment deckbuilder, vous devriez probablement viser sur 2 displays de boosters. Les decks de démarrage sont également une bonne idée pour appréhender les mécanismes de jeu de chaque faction, et donnent pas mal de rares intéressantes pour démarrer.
Mais qu’en penser ? L’univers est, tout d’abord, frais, séduisant, positif, chamarré. Exit les dragons qui piétinent dans les marécages, la castagne et le sang : ici les cartes laissent supposer une société qui s’accroche, qui tente la paix et l’harmonie, des personnages hauts en couleurs et heureux d’être là. Maintenant, en ce qui concerne le gameplay, on est clairement dans un jeu beaucoup plus “boardgame-y” que ses homologues : plus de jetons nécessaires pour représenter les états (Fugace, Endormi, Ancré, Boosté), de la majorité plutôt qu’un affrontement direct, pas de dégâts… Cette majorité est d’ailleurs difficile à compter sur vos premières parties, d’autant que vous n’aurez pas forcément les mêmes attributs à regarder que votre adversaire. Mais après quelques parties, tout roule. Pour autant, on se sent dans un premier set : les concepts de jeu en sont encore à leur enfance, on sent que certains archétypes sont encore en dessous des autres, et ils seront certainement amenés à évoluer par la suite. Pour moi, le côté organique du jeu le rend cool, frais, mais il est aussi un peu plus abstrait que ses homologues. Difficile de se dire dès alors qu’on le recommanderait à tout le monde : il faut un peu d’expérience pour l’aborder, que ce soit en jeu de société ou en jeu de cartes, surtout quand des Lorcana vous sortent des Prélude histoire de mettre tout le monde le pied à l’étrier. En somme, j’aime beaucoup, j’ai beaucoup de sympathie pour l’univers, l’équipe et la démarche, mais je ne suis pas certain que ce soit LE jeu universel.
Jouer les factions & démarrage
Les factions d’Altered ont chacune leur identité, et chacune leurs héros. On y trouvera des mécanismes leur étant propres, que vous pourrez bien entendu glaner grâce aux cartes transfuges. Voici quelques fonctionnements généraux pour chacune des factions, sachant que chaque faction a pour l’instant deux ou trois grands archétypes viables, chacun étant bien entendu un espace de création assez fluide. L’équilibrage et l’avis que j’en ai valent ce qu’ils valent, et sont surtout liés au premier chapitre. Notez aussi que lire cela vous en apprendra plus sur la philosophie du jeu et son fonctionnement, donc ne vous privez pas ! 😉
Pour démarrer le jeu, ne vous ruinez pas en displays. Prenez deux ou trois starters, qui contiennent tout ce dont vous avez besoin et ensuite seulement vous verrez. Si vous voulez deckbuilder correctement, sachez qu’avoir deux voire trois displays pourra s’avérer nécessaire, mais rien de bien étrange si vous avez l’habitude des JCC.
Oh et puis tant qu’on y est, vous pouvez essayer le jeu sur Boardgamearena avec les paquets préconstruits mais aussi jouer avec les decks que vous vous êtes construits ! Smart, efficace, sympa.
Axiom
Les Axiom vont générer ce qu’on appelle dans le jargon de la value, c’est à dire de l’avantage indirect, de l’avantage futur. Ceci grâce, principalement, à des permanents qui viennent invoquer des Scarabots 2/2/2, en faisant piocher des cartes ou en insistant sur la réserve, créant par là-même des menaces inévitables, au prix de premiers tours plutôt lents ou pas très efficaces. Prévoyez pour construire chez eux quelques Repères, qui sont clairement très importants, mais ne négligez pas le terrain, globalement, sans quoi vos adversaires vous prendront de vitesse.
Concernant les héros, Subhash & Marmo permettent d’exploiter le plein potentiel de la Réserve au prix de quelques cartes et orbes de mana, quand Sierra & Oddball jouent sur les permanents en adoucissant l’âpreté des tours où vous jouez des permanents. Oubliez pour l’instant Treyst & Rossum : il n’y a pas assez de soutien pour les cartes de réserve. Mais par la suite, pourquoi pas ?
Bravos
Les Bravos sont des fonceurs. Oubliez la subtilité, qu’ils disent. Dans les faits, on nuancera un peu plus : certes ils sont bons à jouer des grosses bêtes directement, et à ne pas construire dans le temps, mais c’est sans compter sur leurs mots-clé Aguerri (garde ses boosts quand va en réserve) ou la possibilité de faire perdre Fugace à certaines cartes. Visez l’application une pression constante, cela vaudra mieux car cela forcera vos adversaires à tenir compte de votre jeu, voire les conduira à jouer de façon sous-optimale.
Question héros, Kojo & Booda permettent de générer Booda, une 2/2/2, sur l’expédition compagnon un tour sur deux. De quoi mettre des à-coups de pression certains sans trop vous prendre la tête, mais il faudra gérer un peu le tempo. Atsadi & Surge font piocher des cartes si vous jouez de gros personnages. C’est bien, mais il faudra orienter votre jeu entier sur la génération d’Orbes de mana via Canalisation et Petit Djinn/Puissant Djinn. C’est le personnage Bravos que je trouve le plus faible, mais il a un certain potentiel. Enfin, Basira & Kaizamon permettent de bien mettre en valeur les personnages Ancrés/Aguerris en renforçant un boost par tour. Par contre vous serez sensible aux effets de contrôle adverses…
Lyra
Ah, les artistes, ils jouent au dé ! Les Lyra ont un style de jeu plus chaotique que les autres factions ; les parties avec eux sont pleines de variance grâce à leurs statistiques pas forcément équilibrées. Mais ne les excluez pas pour autant : les personnages Lyra savent se booster assez fort, mais maîtrisent aussi le statut Endormi. Endormez vos personnages perdants pour mettre la pression un tour prochain ou endormez les personnages adverses pour prendre l’ascendant s’il vous faut fermer la partie ! Enfin, on note une carte toute particulière, le Festival Lyra, qui peut vous faire gagner la partie instantanément. Et les Lyra ont aussi un bon kit de cartes donnant Fugace ou défaussant les cartes adverses. À surveiller, donc !
Question héros, aucun ne démérite : Auraq & Kibble permettent de faire des bêtises gratuitement pour peu que vous ayez construit le bon deck, Nevenka & Blotch lancent des dés pour améliorer (ou pas) vos personnages, mais rien d’insoluble avec de la valorisation de dés et globalement c’est indolore en termes de charge mentale. Fen & Crowbar sont un peu plus techniques, avec une Réserve qui se remplit un peu plus vite.
Muna
Vous aimez la slow life, le jardinage ? Bon, ok, les Muna sont p’têt pour vous. Les personnages Muna auront souvent Ancré, voire “pousseront” en se boostant. On notera également de l’entraînement positif : faire piocher/ravitailler/gagner des orbes de mana à tout le monde, c’est cool si on peut faire des choses plus impressionnantes que l’adversaire et il se trouve que les Muna ont des arguments dans leur besace. Par exemple quelques personnages Gigantesques (sur les deux expéditions). Bref, vous jouez la partie longue et plutôt zen, avec quelques outils de résistance (par exemple pour gagner Coriace qui vous rendra plus difficile à cibler). Et ça, les personnages Muna en ont bien besoin car ils restent longtemps dans les expéditions, avec toutes les façons d’ajouter Ancré à vos personnages !
Bien entendu les héros sont à l’aune. Teija & Nauraa donnent un boost de façon prévisible. Constant et attendu, mais au moins, c’est bien pour démarrer et pas trop prise de tête. Rin & Orchid demandent de bien regarder le terrain pour en profiter, et de construire votre paquet dans ce sens aussi (mais il y aura sûrement plus à faire avec les cartes à paraître), quand Arjun & Spike, donnant Ancré, vous assurent une présence durable sur les expéditions.
Ordis
Avec Ordis on rentre dans une option un peu plus technique : il y a de nombreuses façons d’aborder Altered mais les Ordis disent : on recule pour mieux sauter… à plusieurs ! Votre but sera de ralentir les expéditions de votre adversaire et/ou de générer des armées de recrues 1/1/1, et.ou de les booster. Certaines cartes, les Bureaucrates, incitent les joueurs à ne pas avancer leur expédition pour des bénéfices notables (et généralement des statistiques non négligeables).
Question héros, débuter avec Sigismar & Wingspan pour générer une recrue par tour semble évident, mais les autres héros ont plus d’intérêt, même si bien plus techniques. Gulrang & Tocsin demandent d’avancer la partie jusqu’à ce que vous ayez 8 orbes de mana et après quoi, vous ne pouvez presque plus perdre… il faudra juste, “juste” tenir jusque-là. Quant à Waru & Mack, certes ils génèrent des recrues, mais permettent de temporiser vos Bureaucrates en leur donnant Endormi si vous le souhaitez. Ceci vous permet de maîtriser le tempo, mais attention à ne pas vous laisser trop dépasser ! Contrairement à Gulrang, Waru & Mack n’ont pas de plan de fin de partie, ils sont plus là pour canaliser les efforts de l’adversaire.
Yzmir
Si vous appréciez l’interaction directe avec votre adversaire c’est Yzmir qu’il faudra jouer. Sabotages & défausse, bonjour ! Les Yzmir aiment à lancer des sorts, à sacrifier leurs propres personnages pour progresser plus… mais sont terriblement délicats à jouer. En effet, il vous faut connaître et identifier les menaces adverses pour mieux y réagir, et si vous avez quelques outils de tempo, vous avez surtout du mal à prendre les expéditions de manière fiable. (Certes des petits Krakens aideront à résoudre le problème.)
Les héros Yzmir sont tous difficiles : Akesha & Taru sont les plus simples à utiliser et ils vous permettent… de ne pas être premiers si vous ne le souhaitez pas. Jamais. Passer permet en effet de réagir à ce que fait votre adversaire ! Afanas & Senka demandent de séquencer ses personnages et ses sorts (dans cet ordre) ou d’avoir déjà des personnages (via ancré/endormi) mais l’archétype semble vraiment faiblard par rapport aux autres factions. Quant à Lindiwe & Maw, ils vous demandent de sacrifier vos personnages pour gagner pas mal de bonus. Le concept est intéressant mais technique. Comme le reste de la faction, je ne recommande pas aux débutants.
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