Thunder Road Vendetta, le vrai Survivant

Thunder Road Vendetta vous crie sa note d’intention dans son nom. Qui parmi vous serait prêt à prendre une route du tonnerre direction la vengeance sans escale ? Si cela ne vous effraie pas, montez à bord. On est un peu comme dans un wagon de montagnes russes ici. Il y a quelques règles à connaître – laissez bien vos bras à l’intérieur de l’appareil – mais le tout, c’est de garder son petit dej dans l’estomac (voire, de garder son estomac) jusqu’au bout. Une fois à bord, vous ne contrôlerez plus grand chose, si ce n’est votre propre attitude face au destin.  

Le jeu était connu dans les années 80 sous le nom du Survivant mais les petits génies de la Restoration sont passés par là. Mise au goût du jour, éditée et développée avec soin et savoir-faire, cette nouvelle version parvient à mettre d’accord les amateurs de sensations fortes, qu’ils soient férus de jeux de course ou non. D’ailleurs c’est tout auréolé de l’American Tabletop Strategy Games et du Golden Geek Light Game of the Year que Thunder Road Vendetta prépare sa venue en France via une localisation prise en charge par Lucky Duck actuellement sur Gameontabletop

De la joie Ameritrashienne pure

S’il devait y avoir un jeu pour définir l’Ameritrash dans toute sa franchise, ça serait peut-être bien lui. Non, il ne se veut pas streamliné, ni “efficace” avec deux règles et demie pour toucher une vaste audience. Oui, il va falloir écouter un peu d’explications avant de se lancer. Nous avons des dés pour la route, pour les retournements de situations, pour les carambolages. Nous avons des icônes pour les effets de collisions et d’autres petites subtilités à savoir pour mieux manœuvrer nos engins tout terrain et préparer nos coups de Trafalgar sur l’asphalte. Et quand on tombe dans le monde merveilleux des modules d’extensions, un champ des possibles proche de l’infini s’ouvre à nous.

Le jeu ne promet pas du post-apo tout lissé, et pourtant son set de règles une fois intégré, va pouvoir tourner à ravir avec beaucoup de modules, sans heurt. Si ce n’est le dé de direction, qui nécessite toujours deux secondes de trop de lecture, tout le jeu est parfaitement clair et lisible une fois les règles expliquées. Tout fait sens : une sortie de route est mortelle, la boue ralentie les voitures, une tache d’huile vous fait perdre la direction, vous n’aimez pas avoir un hélico au-dessus de votre tête, rester sur le bitume plutôt que d’aller dans le sable permet d’aller plus vite, etc. On est dans un Ameri après tout. Le thème ne vibre pas, il fait trembler la table. 

Soyez prévenus, Thunder Road Vendetta n’est pas un jeu de course. C’est un jeu de massacre. L’idée ici est avant tout d’être le dernier debout et tous les coups de volant sont permis pour y parvenir. Sauf que rien ne se passe jamais comme prévu, et c’est ça qu’on vient trouver dans Thunder Road Vendetta. C’est un simulateur de crash-test où, au fond, l’état d’esprit n’est pas tant la gagne pour la ligne d’arrivée, que de jouer à qu’est-ce qui se passe si avec un sourire digne de Diabolo et Satanas.

L’issue révélée par le jeu dans ses situations est rarement celle envisagée au départ et c’est toute la magie du titre. Pour s’amuser ici, n’ayez pas froid aux yeux, ne restez pas à l’écart, ne cherchez pas à vous protéger : exactement comme aux auto-tamponneuses, vous pourriez ressortir déçu si personne vous fonce dessus. Thunder Road Vendetta est un pogo de voitures et vous ne voulez pas l’observer tièdement depuis les tribunes (d’ailleurs, cela devrait être assez difficile à faire en vérité).    

La partie se termine lorsque qu’une voiture est seule debout et si quelqu’un est éliminé, alors la ligne d’arrivée est ajoutée au bout de la piste, et celui qui la franchit en premier l’emporte. On peut donc tout de même gagner par le jeu de la course, d’accord, mais vous avez compris l’état d’esprit. On a dit Ameri, donc interaction, si vous n’aimez pas aller au contact, tirer sur les autres, vous mettre d’accord parfois pour arrêter quelqu’un, et ce genre de situations, prenez l’autobus. 

Alors pour rassurer les plus indifférents à cette proposition – pour ne pas dire les plus control freak – les auteurs ont pensé à une variante allemande avec des cartes vraiment en allemand (c’est le module Deutsche Qualitat) qui viennent remplacer les dés et leur insupportable folie. On apprécie l’humour de la démarche, mais le vrai jeu n’est pas là. Non dans le vrai jeu, c’est les dés qui décident. De tout. Presque. Vous les lancez et les attribuez sur une de vos voitures : la valeur représente son avancée sur le plateau. Vous pouvez aussi en assigner un sur votre tableau de bord, afin d’aller chercher votre hélico, ou pour déclencher un petit coup de boost par exemple.

Vous avez trois tailles de voiture. Faites-vous partir devant votre petite voiture sur laquelle il est plus difficile de tirer et laissez-vous la plus grosse derrière pour aller au pare choc contre pare choc (étant donné qu’elle peut relancer les dés si vous sautez sur un adversaire) ? Le jeu vous invite à comprendre comment manœuvrer autour des autres et comment se positionner tactiquement de manière agressive ou défensive. Quant à la question, sortir du peloton or not ? c’est à vous de voir si vous avez envie d’attirer les hélico sur vous… 

Au début de chaque tour de jeu, tous les joueurs lancent un dé. Chaque voiture encore apte à rouler en recevra un, et il restera un dé à utiliser avec un tableau de pouvoirs spéciaux. Ces pouvoirs vont d’un boost de nitro pour la vitesse, à la réparation des dégâts, en passant par le rebond sur les autres sans les heurter, jusqu’à l’appel d’un hélicoptère d’attaque qui peut intervenir n’importe où sur la piste. À la fin du déplacement, la voiture peut tirer sur l’une des trois cases devant elle. Deux points de dégâts mettent une voiture hors d’état de nuire conduire, bien qu’elle puisse toujours être réparée et réintégrée dans la course.

Les jetons de dégâts eux-mêmes ne se contentent pas d’être une banale détérioration, mais apporte leurs lots d’effets amusants, entraînant parfois des conséquences délirantes et mortelles pour des voitures qui n’avaient rien demandé. Il n’est pas rare d’avoir des situations du type arroseur arrosé dans Thunder Road Vendetta. Qu’on se le dise, l’humour est partie prenante du game design. Lorsque les voitures se rentrent dedans, le joueur qui percute lance deux dés, l’un pour indiquer laquelle des deux voitures est déplacée et l’autre pour indiquer dans quelle direction. C’est souvent là que des cascades de rebondissements naîtront et donneront lieu à des effets dominos hilarants. 

Trois plateaux de route (double face) forment la piste initiale, mais la boîte en recèle d’autres. Si vous arrivez au bout, le panneau arrière se détache et un nouveau panneau est placé à l’avant. Mais comme vous l’avez compris, la ligne d’arrivée n’est placée sur la piste que si toutes les voitures d’un joueur sont hors d’usage. Voilà pourquoi le jeu est clair sur son intention dès le départ, vous n’êtes pas là pour prendre des virages serrés mais pour mettre les autres hors service. 

Restoration Games impressionne encore une fois par sa compétence en matière de (re)développement. La précision du travail éditorial tout en respectant le matériau d’origine force le respect. Nous avons une fois de plus une dynamique ultra interactive avec un set de règles intelligent qui a su retoucher les endroits nécessaires. Par exemple, au lieu de placer tous ses dés sur ses voitures à son tour, les dés sont placés un par un, en faisant le tour de chacun·e à la table. Cela peut paraître mineur, mais cela change beaucoup de choses, dans la fluidité du jeu et surtout dans la prise de décision, qui se fait plus tactique. Le travail fait aussi sur les plateaux de route est à souligner. Vous aurez toutes sortes de surprises une fois que vous aurez quitté les plateaux de départ ! On en reparlera quand vous serez parti bille en tête en pensant être bien et que vous vous retrouverez nez à nez avec une énorme formation rocheuse… Non, non, ce n’est pas du vécu…   

 

De l’extension extensible

Mais si le jeu de base roule déjà comme un bolide aux performances remarquables, Restoration s’est lâché sur les extensions. Si vous cherchez à ajouter des distributeurs de mines à l’arrière de votre véhicule ou des canons sur votre capot, vous êtes au bon endroit. Avec l’extension Chope Shoppe (Faste et Furieux en VF) le jeu devient asymétrique, et ça, c’est quand même très excitant. Vous pourrez choisir un·e leader pour votre équipe (parmi 10) qui apporte un plateau de pouvoirs différenciés et une capacité spéciale. Vous gagnez aussi un lot de cartes améliorations que vous pouvez drafter en début de partie. Une fois qu’on y a goûté, difficile de revenir en arrière. Avec des joueurs un peu expérimentés, elle est tout à fait jouable dès la première séance. Le niveau de complexité n’est pas si relevé, mais la rejouabilité et le fun que cette extension apporte l’a rend vraiment indispensable à mon sens.  

Bien sûr, vous pouvez aller plus loin encore. Carnage à Devil’s Run (Carnage au val du diable dans la langue de Barjavel) apporte essentiellement plus de types de terrain et quelques nouveaux effets de statut appelés effets continus. Cette extension se base pas mal sur le set de règles déjà existant de sorte à ne pas alourdir le système. La grande nouveauté sera l’arrivée des flammes ! Cela vous met littéralement le feu aux fesses, mais c’est un jeu dangereux comme vous pouvez l’imaginer… On trouve aussi des rampes pour faire des sauts, et dès qu’on a dit ça, normalement, vous vous dites que cette extension est un must have. Sans doute moins que la précédente, mais c’est difficile de résister, j’en conviens.

Big Rig and the Final Five (traduit Le Max titan et les 5 bécanes chez nous) permet d’ajouter un cinquième siège à votre bolide. Le titan du titre est un énorme camion que rien n’arrête. Avec lui, au lieu d’avoir trois voitures vous jouez cet énorme truck, un peu lent théoriquement, mais tout terrain, il ignore les dangers, et pour ainsi dire virtuellement increvable. S’il entre sur un terrain normalement infranchissable, il prend tout de même un dégât mineur. Le bougre peut tirer devant et derrière. Redoutable. Par contre, il joue avec une direction limitée. Les cinq bécanes sont une bande de motards agiles qui peuvent se faufiler un peu partout. Elles doivent absolument éviter le chaos environnant car après un seul dégât, la fête est finie. Mais elles sont plus nombreuses, et comme elles lancent plus de dés, peuvent plus facilement – statistiquement – se réparer.

Les nouveaux équipages de cette boîte peuvent être joués dans n’importe quelle disposition, ensemble ou pas, avec les voitures du jeu de base, mais on conseillera cette extension à des joueurs expérimentés (ou complétionnistes) car ici l’asymétrie est poussée au bout du bout, et les règles sont bousculées plus en profondeur avec le poids lourd. Avec cette extension, on accepte de relever un défi injuste, voire cruel. L’aspect ostensiblement et visuellement dramatique (de drama, “action”) du jeu de base n’est que renforcé, mais attention, tout le monde n’est pas prêt pour ce genre de saveur ! 

L’extension Extra Appro est un module de 54 cartes de mini-extensions. Elle ajoute plus de renouvellement aux situations de base. On y trouve des effets globaux pour la route (Tempête de sable, Routes glissantes, Averses torrentielles, Tremblements de terre, Vent…), des frappes aériennes avancées (Paquet de soins, Double canon, Vol à basse altitude, etc), des capacités puissantes à usage unique (Revêtement de camouflage, Missile guidé, etc), des options supplémentaires pour le tableau de commande (Mains libres, Système de navigation, Recharge rapide, IA de ciblage, Accélérateur de couple, etc), et enfin des primes qui consistent à réaliser des objectifs secrets pour obtenir des bonus immédiats. Au final, un petit deck qui donnera du piquant aux pilotes qui ont envie de plus de surprises. On vous déconseille de les utiliser toutes en même temps, mais si vous sentez que vous allez prendre beaucoup la route, c’est une extension vraiment très intéressante.

L’extension restante porte le doux nom de Carnival of Chaos : désormais vos voitures vont carrément dans une arène ! Pas de ligne d’arrivée ici. On monte le curseur “combat” tout en abaissant l’aspect course. Le plateau change donc radicalement, et la condition de victoire aussi. Le reste des règles demeure, car Restoration n’a pas envie de vous accabler de petites règles et on les remercie. Pour gagner, il vous faut collecter de la ferraille, les points de victoire de cette extension, mais vous essayerez aussi de récupérer de puissantes super-armes et de précieuses pièces de rechange. Vous aurez d’autres surprises pour pimenter l’arène avec des événements aléatoires venant ajouter un peu de sel, ou des dangers qui surgissent de nulle part sur lesquels vous essayerez de pousser les copains. Cette extension comprend également un ensemble complet de véhicules et un tableau de bord, ce qui vous permet de jouer avec un cinquième joueur. 

Witness Me!

Thunder Road Vendetta offre donc un panel de possibilités vraiment impressionnant basé sur un ensemble de règles cohérentes favorisant l’action et les réactions. Né initialement en 1986 dans l’esprit de Jim Keifer, Thunder Road Vendetta a l’âme d’un jeu chaotique et brutal, une géniale retranscription de Mad Max en plateau où l’on retrouve la même énergie cinétique, le même sens du métal fracassé et de l’injustice. Le vrai gain n’est pas la victoire, mais le souvenir que nous laissera la partie. Et oui, du bel Ameri quoi ! Bien sûr, c’est 2-4 joueurs mais bien mieux à 4, tout simplement car chaque voiture augmentera les chances d’obtenir un lot de télescopages et d’accrochages mémorables. Après cet article, je ne pense pas utile de préciser que chez nous la boîte est déjà sortie plusieurs fois, et que d’autres sessions sont déjà prévues.
Si vous avez désormais soif de prendre la route à votre tour, sachez que la campagne de Lucky Duck se termine le 06/08/2024. 

  

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1 Commentaire

  1. LeGrub il y a 1 jour
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    Merci !
    Dur d’appréhender la notion de plaisir/jeu/prix pour celui qui est ciblé par tous les autres et éliminé avant la fin.
    Un avis ?

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