Signorie : la famille, c’est important !

Ah, la Renaissance italienne, avec sa littérature, ses sculptures, ses peintures, son architecture… et ses complots et intrigues ! What else? Dans Signorie, vous êtes en effet propulsés comme patriarche d’une grande famille de l’époque, et tenterez d’établir votre influence dans le pays, en plaçant au mieux votre descendance. Pour cela, vous marierez vos filles et petites-filles aux ainés des Maisons les plus importantes du moment (non, le mariage gay n’était pas dans les mœurs de l’époque), et enverrez vos rejetons masculins afin de résoudre des crises impliquant ces Maisons, et de vous assurez de leurs faveurs.

 

Il m’a fallu attendre six mois depuis ma première lecture des règles, avant de pouvoir m’essayer à ce jeu. En effet, chez les Ludophiles de Saint-Just d’Avray, on aime prendre son temps, et on a surtout, toujours un jeu qui devient prioritaire sur les autres, afin d’être mené sur l’échafaud… heu, sur la table !

Du coup, après maintes péripéties (et surtout relecture des règles, ce qui m’a permis d’arriver dans les meilleures conditions pour les expliquer à mes camarades de tablée), Signorie prend finalement ses quartiers sur la table de dissection de l’association.

Avides de découvertes, nous nous efforcerons par la suite d’ouvrir le ventre du monstre, afin de le disséquer dans sa largeur et sa longueur. Il est cependant une chose que la science ne peut prévoir, c’est ce que nous découvrirons dans les entrailles de ce jeu…

 

Un Dé – Sir !

Signorie est un jeu de gestion mais également de combos où les dés (et donc le hasard, car comme chacun le sait, si je perds, c’est forcément de la faute des dés et donc de la chance) vont trouver une place prépondérante.

En effet, au début des 7 tours de jeu, il nous faudra renverser une brouette de ces cubes aux numéros compris entre 1 et 6, à raison de 1 dé par joueur et par couleur disponible (qui sont au nombre de 5). Dans notre partie à 4 joueurs, ce sont pas loin de 20 de ces générateurs aléatoires (aléa faussé par des mains plus ou moins maraboutées) de chiffres que nous lancerons.

Un par un et dans l’ordre du tour (tiré au hasard en début de partie, mais qui pourra être modifié par la suite), chacun choisit un dé qu’il place sur son plateau personnel afin de réaliser une ou des actions.

 

Plateau individuel des joueurs.

 

En fonction de la couleur du dé choisi, il faudra payer un coût supplémentaire, en florins, afin d’avoir la possibilité de jouer ce dé : ce coût correspond à la différence entre la valeur du dé et la valeur de la case colorée. Si par exemple, je prends un 1 bleu, il faudra que je dépense 4 florins (1 – 5 = – 4). Bien évidemment, ne rêvez pas, si la valeur du dé est supérieure à celle de la case à activer, vous ne gagnerez pas d’argent (mais vous n’en dépenserez pas, ce qui est bien!).

Au maximum, chaque joueur pourra prendre 4 dés, tous de couleurs différentes, mais a également la possibilité de passer à tout moment. Quel intérêt, me direz-vous ? Tout simplement car, en fin de tour, il existe un bonus particulier qui n’est accessible qu’aux vicieux qui auront un total inférieur ou égal à 13 sur l’ensemble de leurs dés.

En général, il est intéressant d’essayer de s’emparer de ce bonus, et on fera tout pour optimiser ses actions, tout en s’efforçant de rester sous cette barre de 13 (qui pourra fort heureusement être ponctuellement relevée jusqu’à 22, ce qui est mieux).

 

Des actions pour les gouverner tous

 

En fonction de la couleur du dé choisi, les actions réalisables seront différentes (il faudra cependant en choisir une seule des trois), à l’exception de l’embauche d’un assistant ou de l’utilisation d’un assignement qui sont disponibles pour toutes les couleurs. Faire appel à un assistant est primordial, car cela rendra vos futures actions plus puissantes.

Pour cela, il vous suffit (ce qui n’est pas toujours aisé) de payer son coût en florins (et oui, les assistants sont vénaux) et de déposer un disque blanc le représentant.

Par la suite, lorsque vous choisirez un dé d’une couleur où vous possédez du personnel, vous pourrez choisir une des trois actions principales, et réaliser toutes les actions débloquées par vos serviteurs de la même colonne : c’est donc un réel investissement pour le restant de la partie. Attention cependant, comme vous pouvez le constater, il y a un décalage de colonne entre l’action de placer un assistant, et l’endroit où vous pouvez le déposer.

 

Ci-contre: zone du plateau avec les tuiles d’assignements.

 

 

Jouer un assignement vous permet de bénéficier d’un bonus en dépensant des meeples féminins ou masculins.

Il existe 10 tuiles de bonus qui sont placés au hasard en début de chaque tour. Ainsi, ces tuiles seront accessibles en permanence mais jamais avec la même couleur de dé, et ne demanderont pas forcément le même type de meeples.

C’est donc un paramètre important à prendre en compte (un de plus, me direz-vous!). C’est un de ces bonus qui vous permet de relever ponctuellement la valeur d’accession au bonus de fin de tour.

 

 

Il existe enfin des actions uniques, disponibles avec une seule couleur de dé :

 

 

  • le dé jaune vous permet tout simplement de gagner trois florins, ce qui est bien.

 

  • Le dé rouge vous permet de marier une femme de votre descendance dans une des villes italiennes disponibles. Pour cela, il vous faut choisir une des villes, et placer votre meeple féminin sur le plus petit des 8 emplacements disponibles (il existe deux cases de 1, de , de 3, et de 4). Vous devez alors payer une dot d’un montant minimum de la valeur de l’emplacement, et d’un maximum de 4 florins. Pour chaque florin dépensé, vous gagnez 2 points de victoire. Vous aurez aussi le droit de prendre la tuile Maison disponible, si celle-ci fait partie des plans de votre famille. Nous parlerons des objectifs de votre famille plus tard.

 

  • Le dé violet vous permet d’augmenter votre progéniture, et donc votre stock de meeples utilisables. Pour cela, vous jetez tout simplement autant de dés que de couples présents dans votre famille. Vous disposez d’un couple en début de partie (vous, le Patriarche), mais pourrez en accédant au bonus de fin de tour, faire en sorte d’augmenter ces couples. Le résultat des dés vous dira si vous pouvez vous emparer d’un meeple féminin (sur un score de 1-2-3) ou masculin (sur un score de 4-5-6). Je sais ce que vous allez me dire : c’est très hasardeux ! Je vous répondrai que la génétique était peu connue au 15è siècle !

 

Formation des futurs diplomates.

 

  • Le dé gris vous permet d’envoyer un de vos descendants masculins en mission diplomatique. Cette action n’est pas aussi facile que de marier vos filles… En effet, il vous faudra tout d’abord former vos rejetons dans les carrières politiques, militaires, ou cléricales, afin de leur faire atteindre un certain rang. Ensuite seulement, vos garçons partiront sur la carte de l’Italie pour s’emparer des tuiles de Maisons disponibles. À la différence de vos filles, vos garçons vous rapporteront un certain nombre de points de victoire dépendants de leur niveau de formation.

 

  • Le dé bleu vous permet de vous améliorer de 4 cases à répartir dans les différentes carrières ou sur la piste d’initiative. Cette dernière vous permettra de gagner des points de victoire en fin de tour (fonction du palier atteint), et de grimper dans l’ordre du tour (ce qui vous permettra d’avoir la priorité sur le choix des dés).

 

 

Précédemment, je vous ai parlé des plans de votre famille. Il s’agit en fait des tuiles de Maisons que vous chercherez (et même que vous serez autorisés) à récupérer.

Concernant les mariages, il vous faudra une tuile de chacune des six maisons, tandis que pour les carrières politiques, militaires, ou cléricales, chaque joueur aura son propre objectif. Bien entendu, on ne vous demande pas de réaliser l’intégralité de vos plans, mais sachez que si vous souhaitez marquer les points de chacune des lignes, il vous faudra avoir au moins trois tuiles d’alliance. Rassurez-vous, vous aurez la possibilité de récupérer des tuiles neutres (rapportant seulement 1 point de victoire) qui vous permettront d’atteindre ce nombre de trois tuiles.

 

 

A la conquête de l’Italie

C’est après 45 bonnes minutes d’explication que nous nous lançons dans une partie à 4 joueurs (il faut laisser le temps au temps!). La mise en place se fait rapidement, et nous profitons du matériel très fonctionnel du jeu : difficile de parler des illustrations dans ce type de jeu où l’on demande simplement une iconographie claire et facilement mémorisable.

 

Mise en place.

 

Les tuiles sont, elles, de bonne épaisseur, tout comme les plateaux individuels. Le plateau central est aéré et bien structuré : il n’y a rien à redire. On dispose de différents meeples et marqueurs qui sont faciles à utiliser, même si reconnaître un homme d’une femme au milieu d’une Italie surchargée n’est pas toujours simple (et pourtant, même les aveugles font la différence).

En début de partie, on ne sait pas trop où s’orienter. Deux choses me paraissent intéressantes à surveiller : la progéniture (j’ai peur que le stock disponible ne fonde comme neige au soleil), et l’argent (vital pour différentes choses, et notamment l’acquisition d’assistants).

Je décide de tenter de me faire des petits moteurs de rentes, et suis suivi par mes camarades de tablée (ou est-ce moi qui ai suivi le mouvement, peut-être..!), à l’exception de notre hôte qui, astucieusement, s’oriente sur la piste d’initiative, rapidement rentable en terme de points de victoire : bien vu !

Les actions sont limitées pour ce premier tour de jeu, car nous disposons de peu d’assistants, et le bonus de fin de tour semble intéressant, ce qui nous incite à prendre des dés de faibles valeurs (ce qui tombe bien, vu le tirage ridicule des dés).

 

Vue d’ensemble du premier tour avec peu de placements : le joueur bleu a progressé sur la piste d’initiative, le rouge a commencé la formation d’un de ses fils, tandis que le violet a marié une de ses filles pour récupérer une tuile de Maison de valeur 5.

 

Les choses se compliquent au cours des tours suivants, et la réflexion devient plus lente tellement les possibilités sont nombreuses. Le temps final de la partie en attestera : 3h30 pour cette partie découverte ! Mais quand on aime, on ne compte pas ! Et ça tombe bien, car on ne verra pas réellement le temps passer.

L’écart se creuse entre les joueurs rouge et violet d’un côté, et les joueurs jaune et bleu de l’autre. Je vous passe les détails de la partie, et vous renverrai vers le compte-rendu détaillé de notre ami Ludo Le Gars, rompu à l’exercice. La décision se fera sur le décompte des différentes tuiles d’alliance, et je l’emporterai d’une poignée de points sur un total de plus de 200, ce qui est réellement infime.

 

Fin de partie avec un plateau surchargé : il ne reste plus aucun emplacement libre dans les villes.

 

Le mot de la fin pour le Patriarche

Fichtre que le jeu est exigeant ! Dire que c’est le plus léger des jeux sortis à Essen par l’éditeur What’s Your Game en cette année 2015 !

Le nombre de combinaisons d’actions est tout simplement hallucinant, et tous les éléments sont fortement dépendants les uns des autres : autant dire que les férus des combos ne vont pas bouder leur plaisir. Il est d’ailleurs délicat de vraiment maîtriser la portée de nos décisions, car tout doit être méticuleusement calculé afin de ne pas perdre de précieuses actions, et par conséquent de précieux points de victoire.

Par ailleurs, la gestion de nos ressources (meeples et argent) sont très tendues, surtout pour les finances d’ailleurs.

Pendant cette partie, il ne fut pas rare de commencer un tour avec une confortable manne financière, et de finir ce même tour complètement à sec. Cela a d’ailleurs été un jeu de vases communicants : amusant de voir les joueurs alterner entre ces deux états (bien souvent en total décalage les uns avec les autres).

 

Clairement, le jeu demande une concentration de tous les instants, et est destiné aux amateurs éclairés de kubenbois : oubliez donc une sortie dans un cadre familial, ce n’est même pas la peine d’y penser.

Quant au temps de jeu, nous n’avons pas l’impression d’avoir été spécialement longs, et quand on voit 60 à 90 minutes sur la boite de jeu, on ne peut s’empêcher de se dire qu’il faut un sacré bagage d’expérience pour parvenir à rentrer dans ce créneau.

En tout cas, voilà du bel ouvrage qui aurait pu trouver sa place dans le catalogue ludique de Stephan Feld de par la façon dont on réalise ses actions. J’ai pu noter qu’Atom se demandait si il s’agissait du nouveau Bora Bora : pourquoi pas, même si le côté combos le rend à mon sens différent. Mais il est vrai qu’il peut y avoir une parenté.

 

Je remercie Ludo Le Gars de m’avoir demandé de potasser les règles. A la première lecture en Décembre 2015, j’avoue que j’avais eu du mal à accrocher, tout comme en Janvier 2016 avec une relecture. Mais avec son insistance, et une ultime relecture en ce début de mois de Juin 2016, j’avoue que cela valait le coup d’attendre : une bien belle découverte en attendant de se lancer à l’assaut du Japon dans Nippon, le gros jeu What’s your Game de 2015.

 

Merci à LSD graph pour les illustrations de l’article. 

Signorie

Un jeu de Andrea Chiavesio, Pierluca Zizzi
Illustré par Mariano Iannelli
Edité par What’s Your Games
Langue et traductions : Anglais
Date de sortie : 2015
De 2 à 4 joueurs
A partir de 12 ans
Durée d’une partie 60 à 90 minutes

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4 Commentaires

  1. Jean-mi84 10/08/2016
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    Il me semble que dans le 2ème tirage (après Essen 2015) une règle française est inclue dans la boîte 😉

  2. Grovast 10/08/2016
    Répondre

    Je ne suis pas certain du tout qu’il soit plus « léger » que Nippon. Selon le « Weight » BGG c’est très proche (3.60 contre 3.75 à Nippon).

    Ceci étant, merci pour la piqure de rappel, l’envie est définitivement là mais pas l’occasion pour le moment.

  3. Young Francis 11/08/2016
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    Première partie jouée hier, et oui je confirme, ça n’est pas vraiment plus léger que Nippon… c’est surtout plus mécanique, mais tout aussi calculatoire. Comme tout bon What’s Your Game, ça demande surtout une deuxième partie pour vraiment appréhender ce qu’on fait. Mais y’a pas à dire, c’est exellent et WYG pond quand même la crème de la crème du kubenboa même quand y’a pas d’cube dedans!

  4. 6gale 20/08/2016
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    Pas trop de façons de scorer, dommage.

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