Paper Tales, vu par son illustratrice Christine Alcouffe
Christine Alcouffe est illustratrice freelance depuis 2010 et son diplôme de dessinatrice de l’Ecole Emile Cohl (Lyon) en poche. Elle travaille la plupart du temps pour la jeunesse (en particulier sur des livres activités comme des carnets de coloriage, des livres de stickers) mais elle s’avère parallèlement une grande amatrice de jeux de plateau. Elle est d’ailleurs bénévole depuis plusieurs années au célèbre bar à jeux associatif lyonnais Moi j’m’en fous je triche.
Par un concours de circonstances, elle s’est retrouvée à une soirée jeux avec les tenants de Catch Up Games (aka « Seb et Clément » comme elle les appelle) pour découvrir Vorpals, la version originale de Paper Tales. À cet instant, le jeu lui plait instantanément, mais elle regrette son esthétique, qui selon elle et en accord avec les Catch Up, sera un frein à sa diffusion en France.
Quelques jours plus tard, en croisant de nouveau les Catch Up au festival Ludimania, ces derniers lui proposent de faire un essai graphique pour imaginer une nouvelle version. C’est ainsi que le projet Paper Tales est lancé pour Christine…
Quelles influences !
« Lorsque nous avons commencé les essais, j’avais quelques pistes, mais les choses restaient à ajuster. Au vu du nombre élevé d’images à produire et de la dimension gamer du jeu, nous nous sommes dit que ça pouvait être un bon projet pour assumer un parti pris un peu « différent », en s’éloignant des visuels classiques avec modelés, ombres, lumières,… Pour autant, nous avions aussi en tête d’essayer de ne pas effrayer un public un peu plus large que le hardcore gamer, car le jeu reste relativement accessible en termes de complexité de règles.
Au niveau graphique nous avons évoqué lors de la première soirée la notion de papier découpé comme ce qu’on peut voir dans le film Princes et Princesses, de Michel Ocelot, qui est inspiré du théâtre d’ombres asiatique ou les papiers en volume des livres pop-up. »
En haut à gauche : Images Princes et Princesses – Michel Ocelot. En haut à droite : Roxane Campoy.
À droite : Alina Chau. En bas à gauche : Ben Wiseman. En bas au centre: Bomboland
« Je suis également très inspirée par les images vectorielles et j’avais envie de m’orienter sur quelque chose d’assez épuré et efficace, qui délimite des formes sans s’appesantir nécessairement sur les ombres, lumières et rendus de matière. »
« Nous étions assez séduits par la piste du théâtre d’ombres, mais en prenant en compte le grand nombre de cartes à réaliser (42 unités et 5 batîments), nous avions peur que ce choix limite les libertés en termes de visuels et nous enferme dans des images un peu uniformes et difficiles à distinguer.
Nous nous sommes donc orientés vers des montages numériques de papiers colorés en aplats, qui permettent de vrais univers colorés différents, des points de vue de différentes échelles et une grande liberté de représentation des personnages. »
Phase d’essai
« Pour mes premiers essais, j’ai proposé à Seb et Clément trois dessins : la premier, un personnage d’archère, le deuxième un bâtiment et pour le troisième un dragon. »
« Les visuels leur ont plu, mais clairement il fallait faire certains ajustements. Nous avons décidé d’enlever les rendus motifs et de ne pas mettre de traits dessinés. On a également accentué les ombres projetées des différents calques pour augmenter l’effet de profondeur et nous avons dû ajuster le niveau de détail pour arriver à un équilibre esthétique. Enfin nous avons beaucoup travaillé sur le grain de papier, avec plusieurs versions pour arriver sur un choix de textures qui fonctionnait. »
Cahier des charges
« Comme Vorpals a déjà connu une première vie au Japon, les cartes étaient déjà bien codifiées, avec leurs effets, leurs personnages attitrés, etc. Il a fallu réfléchir au départ sur conserver à l’identique ou non les concepts de la version d’origine, mais on s’est dit ensemble qu’on pouvait essayer de rester sur un univers Fantasy, dont beaucoup de concepts ont l’avantage d’être familiers.
Il fallait simplement essayer d’éviter d’aller trop loin dans les clichés et tabler sur le fait que le procédé d’illustration permettrait de donner suffisamment d’âme et de personnalité au résultat. Ceci dit, nous avons pu revoir le choix de certains personnages avec l’auteur, Masato, soit pour les adapter au marché occidental, soit pour essayer (très subjectivement) d’éviter de recourir à certains clichés, soit pour essayer de trouver des concepts se prêtant bien au traitement en papier découpé. »
« On a également à ce stade convenu qu’on aimerait porter une attention spécifique au traitement du genre des personnages : avoir une parité entre personnages féminins et masculins, ne pas jouer sur des attributs sexistes, essayer d’éviter les clichés d’associations « fonction / sexe »… et au-delà de ça essayer d’inclure une certaine diversité ethnique et d’âge des personnages.
Seb et Clément ont également fait un gros travail d’iconographie pour simplifier les pavés de texte, ce qui a pour double effet de permettre aux joueurs de comprendre beaucoup plus vite les effets des cartes sans avoir besoin de lire un pavé de texte et de laisser une plus grande place à l’illustration. »
Naissance d’un personnage…
« Je commence par mettre en place mes idées, le design des personnages et la composition au crayon sur un carnet de croquis.
Une fois que le dessin a été validé, je le scanne et je m’attaque à la version numérique : des aplats pour les différentes zones de couleur puis j’applique les effets d’ombres que je dose selon la profondeur et la distance de chaque calque. Enfin j’ajoute les textures. Certaines sont issues de véritables papiers scannés, d’autres de pinceaux numériques. »
« À chaque fois on travaillait plus ou moins de la même manière : j’envoyais des croquis crayon d’un groupe de cartes (un croquis par carte, habituellement) pour valider le concept et la composition. Ensuite je travaillais directement sur le rendu papier découpé final. Nous avons pris pas mal de temps au début pour caler le style et l’univers, par la suite ça a été de plus en plus rapide et efficace.
J’ai beaucoup aimé travailler sur cette mission, j’ai bénéficié d’un cadre assez idéal pour créer. Nous avons eu un super dialogue avec Seb et Clément, ce qui m’a permis d’exprimer mes idées et d’aller, je crois, bien plus loin dans le style graphique et l’originalité du jeu que ce qu’on aurait pu faire en temps normal avec un cahier des charges plus balisé.
Je suis heureuse d’avoir pu mettre ma personnalité dans ce travail et que nous soyons arrivés à un ensemble si cohérent. Les retours sont en général très positifs et ça nous conforte dans notre décision d’avoir choisi un parti pris original. »
Les graphismes d’aujourd’hui ?
« Si on doit retenir une tendance globale dans le milieu ludique, ça serait que le soin apporté aux visuels des jeux, qu’il s’agisse d’illustrations, de graphisme ou de matériel, est incontournable actuellement. Le public a l’habitude d’avoir de beaux projets, bien finis et ça lui apparaît comme une évidence, si bien qu’un bon jeu avec des images moyennes aura facilement tendance à se perdre dans la masse de ce qui sort. »
Aujourd’hui Christine Alcouffe continue de travailler pour l’édition jeunesse, avec plusieurs livres à venir comme un manuel de maths Montessori, des romans MyLittlePony ou des jeux pour des manuels scolaires, mais elle ne serait pas contre d’autres projets ludiques…
À voir aussi :
Paper Tales : Ludochrono, Interview Catch up, article Just Played
Un jeu de Masato Uesugi
Illustré par Christine Alcouffe
Edité par Catch Up Games
Distribué par Blackrock
Pays d’origine : Japon
Langue et traductions : Français
Date de sortie : 29/09 2017
De 2 à 5 joueurs
A partir de 12 ans
Durée moyenne d’une partie : 30 minutes
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kaisersauze 28/09/2017
Clairement le jeu que j attends le plus en cette fin d année et ça tombe bien il sort dans 24H!
ReiXou 28/09/2017
C’était passionnant, merci Christine (et Maryline)
Gougou69 28/09/2017
Très intéressant article sur le « making off » d’un jeu que m’a fait découvrir Mathieu et que je vais m’empresser d’acquérir.
Djinn42 29/09/2017
On reproche à beaucoup de jeux d’avoir une thématique plaquée. Mais les illustration sont parfois aussi plaquées. Alors quand un illustrateur est aussi bien intégré dans l’édition d’un jeu on a tendance à le sentir en jeu.
C’est de plus en plus fréquent et ça tire considérablement le jeu vers le haut.
Orval 02/10/2017
Bravo à vous (Shanouillette et Christine Alcouffe) pour ce bel article passionant.
Virgile De Rais 04/10/2017
Très chouette a lire cette genèse ,merci.