7 Wonders Duel – Au sommet
Si vous êtes dans mon cas, vous avez beaucoup joué à 7 Wonders : c’est un excellent jeu qui ravit tous types de joueurs ou pas loin, et qui se joue à 7. L’idéal pour des soirées jeux ou des gens amènent un +1 inattendu, ou quand on a prévu de faire deux tables de quatre joueurs et qu’on doit faire face à un désistement. Bref, 7 Wonders, avec les années, devenu un incontournable au point qu’on en a presque perdu le goût originel. Les extensions (Leaders, Cities et Babel), tentent avec plus ou moins de succès de renouveler le jeu, l’alourdissant un peu toutefois. Du coup, je ne suis plus très sûr d’avoir envie de sortir 7 Wonders et quand on se retrouve à sept, je préfère parfois sortir un jeu à 6 et épauler le jeu, ou jouer à Loup-Garou pour une nuit.
Si vous ne savez pas ce qu’est 7 Wonders, sachez qu’il s’agit d’un jeu de draft et de civilisation dans lequel on construit des bâtiments nous apportant divers bonus. Guerre, commerce, prestige, science et productions de ressources, tout y passe. Et puis chaque joueur est défini par sa merveille, une construction unique en plusieurs étages, aux pouvoirs particuliers. Nous y avions joué à Cannes, en version prototype – vidéo ici, avec le défi d’Ann de chez Repos à la fin, et mes impressions a posteriori là.
Arrive donc cet automne 7 Wonders Duel : non pas une extension pour 7 Wonders, mais un petit jeu autonome, dans une petite boîte. Et l’auteur originel, Antoine Bauza, n’est pas seul : il partage la tête d’affiche avec rien de moins que Bruno Cathala, le pape des jeux méchants et des collaborations. D’ailleurs, Bauza et Cathala avaient déjà officié ensemble sur les deux jeux du Petit Prince.
Et là, je vous vois me dire : du draft à deux ? Mais attends… t’es sûr ? Ben, oui. Tides of Time s’en tire tout à fait décemment, pourquoi pas 7 Wonders Duel ? La grande interrogation qui me taraude est de savoir si ce qui fait le sel de 7 Wonders a été reporté sur une version à deux. Dans 7 Wonders, l’interaction était limitée, mais à deux… Tout doit changer ! Retour sur cet instant hit qui a défrayé la chronique, et qui est indéniablement un des temps forts de l’édition 2015 d’Essen.
Contenu de la boîte
Du côté matériel, c’est du Repos Prod, et ça se voit : deux punchboards bien épais, qui se détachent tout seuls, sans cafouillage, de petites cartes bien faites pour les bâtiment, douze plus grandes pour les merveilles, un joli pion pour la guerre, et des illustrations magnifiques made in Miguel Coimbra. On retrouvera le coup de pinceau léger, la palette vive et le côté esquissé assez arty de l’artiste, et qu’on avait déjà bien apprécié sur 7 Wonders.
Bref, un sans faute qui rappelle bien le jeu originel en lui donnant une patte qui lui est propre.
Tir à la corde et sept familles : les mamelles de la gagne
Pour émerger victorieux d’une partie de 7 Wonders Duel, on a trois possibilités :
- les points de victoire. Comme dans le jeu originel, on gagne en fin de partie si on a accumulé le plus de prestige avec des bâtiments.
- la science, plutôt que d’octroyer des PV, devient une condition de victoire immédiate : pour peu que l’on obtienne six symboles de science sur sept, on gagne.
- Exit la guerre structurée en trois étapes, bienvenue le tir à la corde ! Un petit plateau vient se positionner au-delà de l’aire de jeu principale, et le pion de guerre se loge en son centre. Dès que l’on place un blason de guerre, on décale le pion en direction de la piste adverse. Et lorsque le pion atteint le dernier emplacement de la piste, c’est perdu ! (ou gagné, selon votre position)
Seven Wonders Duel rend la victoire aux points plus dure à atteindre, dans la mesure où elle est plus incertaine. Au moins, on peut dire que ça change la donne. Pour le mieux ?
Draft à deux
Et là, vous allez me dire, comment on drafte à deux ? Si Tides of Time le fait avec cinq cartes, de l’écartement forcé et sur un format minimaliste, 7 Wonders Duel se veut un peu plus complet. Et comment drafter une vingtaine de cartes sans rendre la prise en main indigeste ?
On va dessiner des pyramides à coup de lignes de cartes, en alternant face visible, face cachée. On choisira à son tour une des cartes disponibles, c’est à dire non recouvertes, un peu comme au Mah-Jong solitaire ou au récent Siggil.
Effectivement, on retrouve là l’essence du draft : pas besoin de se passer les mains, mais en revanche, on retrouve ces choix inhérents au mécanismes. Il faut priver l’autre de ce dont il a besoin tout en accomplissant ses propres plans, et c’est plutôt chouette ! Le draft à deux a ce goût d’interaction indirecte mais surpuissante, omniprésente.
Comme dans le jeu originel, on a les mêmes trois options mais avec de petits changements :
- Construire un bâtiment pour son coût, ou pour son chaînage, ça, c’est okay, c’est acquis. Par contre, lorsqu’on achète des matériaux, on achète n’importe lequel, mais on paie à la banque. Et, attention, le coût augmente si l’adversaire peut produire cette ressource ! En voilà une bonne idée : ce mécanisme d’interaction indirecte simule un monopole, et ça marche plutôt bien. On se sent plus souvent bloqué par les choix de l’autre et sa trésorerie, sans pour autant être complètement privé d’options.
- Construire une de ses quatre merveilles pour son coût. On glisse sa carte sous la dite merveille, on applique son effet, et c’est fini ! Ensuite, on ne peut construire que sept merveilles sur huit partagées entre les joueurs. Seulement, comme on joue à Seven Wonders Duel, et pas à Eight Wonders, le premier à construire quatre merveilles empêchera l’autre d’en construire quatre : on en aura sept maximum !
- On peut également vendre un bâtiment, et là encore, un changement de taille s’impose. On défausse la carte, certes, mais on gagnera deux pièces plus une pièce par bâtiment jaune possédé ! De quoi renouveler la branche commerce, qui souffrait un tantinet dans 7 Wonders.
Nouveaux effets
Qui dit nouveau jeu et nouvelles modalité de victoire, dit nouveaux effets ! Et Seven Wonders Duel, à la prise en main, mêle de façon très évidente les mécanismes épurés à la Bauza et les coups méchants à la Cathala. Mes sensations de Cannes dernier étaient donc fondé, et cette version finale me donne bien le côté nerveux et méchant que j’avais déjà beaucoup apprécié.
Les merveilles les plus méchantes permettent de rejouer immédiatement, et donc d’aller à l’encontre du principe de draft très égalitaire que l’on peut trouver dans 7 Wonders Duel. C’est bien entendu fait exprès, et on va profiter de l’accélération pour dérober un bâtiment devant le nez de l’autre joueur. Ça, c’est fort, très très fort. Là, on a accès à du denial de qualité.
Il est également possible de casser des bâtiments de production de ressources adverses, et ainsi rendre le commerce plus prépondérant.
Les guildes s’indexeront sur les valeurs de la cité la plus forte dans un domaine : vous gagnez 1 pièce / 1 PV pour chaque bâiment bleu (par exemple) dans la cité de celui qui en a le plus. Au moins, elles sont toutes utiles, et defaçon immédiate ! C’est un peu injuste car bien plus fort que la majorité des autres bâtiments, mais il va falloir rivaliser d’ingéniosité pour les drafter. Voire effectuer des actions sous-optimales pour arriver à ses fins.
Enfin, certaines cartes vont régler le coût du commerce. Par exemple, décréter que le commerce de toutes les pierres ne s’effectuera qu’à 1 pièce par unité, et non 2+production adverse. Les bâtiments de ce type sont coûteux, mais intéressants à long terme. Là encore, on est dans le contre pur, puisqu’on nullifie une partie de la stratégie adverse.
Parlons un peu de la science, maintenant. Je vous ai dit qu’il était possible de gagner en l’utilisant, mais ce n’est pas tout. Pour peu que l’on construise deux bâtiments ayant le même symbole de science, nous pourrons développer une technologie parmi les cinq disponibles (sur neuf en tout). Cela va d’un simple gain de PV à une explosion militaire, en passant par des boni octroyés pour chaque chaînage. Ou encore une victoire scientifique plus facile. Ces technologies vont non seulement donner un goût plus prononcé à la science, mais ils vont diversifier l’éventail de stratégies, et, qu’on se le dise, ça fait plaisir.
Once more with feeling
Le feeling nostalgique éprouvé en jouant à 7 Wonders Duel est indéniable. J’ai complètement craqué, fondu, retrouvé mon âme d’enfant de 7 Wonders (vanilla). Tout simplement parce que je dois compter une soixantaine de parties de 7 Wonders à mon actif, et que je me suis plu à redécouvrir l’équilibrage, la finesse des mécanismes. Tout sonne juste dans ce 7 Wonders Duel. Vraiment.
Et puis… Il y a le changement majeur : l’interaction. On a de l’interaction directe avec les dénis, les destructions, la guerre, mais aussi les interactions indirectes avec le duo infernal marchandage-production, la science qui revient sous un visage sain et frais. La guerre et son côté linéaire, impossible à négliger. S’il y a ici quelque chose qui me gâche le plaisir, c’est que j’adorais ne pas faire la guerre dans 7 Wonders. J’aimais l’idée qu’on puisse créer une civilisation sur la culture, la science et qu’au fond, la guerre ne soit qu’un prétexte pour essaimer sa civilisation. Du coup, dans 7 Wonders Duel, on se doit de réfléchir à tous les aspects du jeu en même temps, sans qu’il soit possible d’en omettre un. Certes, on peut décider de ne pas jouer tel ou tel aspect du jeu, mais alors, on fait pencher la balance du pouvoir chez l’adversaire, et c’est lourd de conséquences : si je ne joue pas bleu (points de victoire), j’ai intérêt à assurer question victoires sèches (guerre et sciences). Sauf que mon adversaire ne va pas se laisser faire…
Le but du joueur sera de tirer parti au mieux des possibilités dont il dispose, et, au final, c’est sur cet équilibre incertain que réside tout le sel de 7 Wonders Duel.
Bilan
Si vous avez joué à 7 Wonders, vous découvrirez un équilibrage différent, plus méchant, retors. J’ai retrouvé les sensations du 7 Wonders vanilla, sans aucune extension, avec un sentiment de nouveauté tenace. Il s’agit donc du même jeu, mais en meilleur, en adapté à deux joueurs. Et autant vous dire que c’est de la bonne.
Si vous n’avez pas joué à 7 Wonders, 7 Wonders Duel est un point d’entrée idéal dans cette licence comprenant pas mal d’extensions. Pour une somme modique, vous aurez tout bonnement un des meilleurs jeux à deux du commerce. Je pèse mes mots. Attention cependant : vous allez sûrement vous arracher les cheveux, et le facteur chance étant présent mais pas très fort, vous allez certainement dérouiller si vous êtes moins tacticien que l’autre joueur. L’essai de Cannes est donc transformé, et même plus : pour moi, cette boîte va vite se positionner sur les podiums des jeux à deux. Pour autant, j’ai du mal à dire exactement ce qui a changé entre les deux versions, même si j’ai trouvé la version finale beaucoup plus profonde.
En une phrase, histoire d’être concis et de donner raison à Sha-man : 7 Wonders Duel, c’est de la bombe. Point, à la ligne.
Un jeu de Antoine Bauza, Bruno Cathala
Illustré par Miguel Coimbra
Edité par Repos Production
Langue et traductions : Francais
Date de sortie : 10/2015
De 2 à 2 joueurs
A partir de 10 ans
Durée moyenne d’une partie : 20 minutes
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atom 13/10/2015
7W Duel c’est de la bombe et il n’y a pas a discuter c’est clair. J’attends le mien avec une « légère » impatience. Comme toi j’essayais de ne pas jouer la guerre dans la version normale et c’est difficile car il y a un delta trop important, je trouve que tu es obligé de la jouer si tu a des adversaires qui la font a coté de toi. Dans Duel j’ai voulu faire une partie test et essayer de gagner avec la guerre et pour le coup ça a été impossible, il faut vraiment que l’adversaire soit passif pour que ça passe, enfin c’est l’impression que j’en ai eu. Alors que la victoire scientifique a au moins le bon gout de gagner un jeton scientifique si jamais il y a une opportunité. Ce que j’aime aussi c’est que l’on se retrouve aussi assez souvent finalement a défausser pour pas que l’adversaire ait cette carte (après j’ai que 3 parties a mon actif). Mais sinon tout est bien pensé, je te rejoins aussi sur les cartes jaunes. On a fait découvrir le jeu de base a notre fiston de preque 6 ans (surtout parce que l’on n avait marre de jouer a Splendor) et la je me demande s’il va suivre.
Umberling 13/10/2015
Pour moi, que ce soit 7W vanilla ou 7WD, on a un niveau d’abstraction très élevé. C’est très compliqué pour des non-joueurs sur la première partie car il y a beaucoup d’aspects à gérer, beaucoup de symboles, beaucoup d’effets.
En ce qui concerne la guerre, j’ai gagné ou perdu 90% de mes parties à la guerre, peut-être parce que j’ai adopté des comportements très extrémistes.
Guillaume LEMERY 13/10/2015
Pas encore joué, mais à la lecture de la règle, j’ai en effet l’impression que le militaire est très fort. Surtout avec le lose-lose qui fait qu’en plus le joueur attaqué perd de l’argent, donc sans doute la possibilité de se refaire.
Umberling 13/10/2015
La spirale descendante n’est pas dramatique. 2 pièces, ce n’est pas grand chose, mais 5, ça commence à piquer. Mais il suffit de se dire que c’est un facteur important, et de ne pas le négliger sans pour autant tout miser dessus. Il y a des façons de passer autour : on peut drafter pour priver l’autre de la guerre, et obtenir des sous. Jouer 2x permet aussi de saisir des opportunités particulières et de reprendre l’ascendant sur la guerre.
atom 13/10/2015
Dis toi qu’avant (dans la version proto testé a Cannes) le dernier niveau du militaire permettait de détruire une merveille, ce qui est très thématique mais aussi plutôt violent, on en avait fait la remarque a Mr Cathala qui avait un peu balancé l’argument nous disant que c’était bien équilibré. Du coup je suis étonné de voir cet élément disparaitre. Dans le jeu de base perdre le combat militaire c’est aussi en plus perdre des cartes qui aurait pu donner des Pvs, donc il y a un moment ou il faut savoir s’arrêter. Et en même temps l’adversaire lui aussi perds son temps a guerroyer. dans 7WDuel je trouve que si on n’arrive pas a la mener au bout ça fait encore plus perdre de temps. Du coup quand j’en aurais fait des dizaines de parties j’essayerais bien de retrouver la version proto pour jouer avec celle ci si mon adversaire l’accepte bien sur.
Laurence Levasseur 13/10/2015
Pour moi, mieux que la version initiale. Je dirais simplement que c est un excellent jeux, même si je perds (de peu!) à chaque fois…
Umberling 13/10/2015
Je trouve aussi que c’est meilleur.
morlockbob 13/10/2015
Je crois que je vais être le seul à ne pas accrocher a ce Duel, mais je me suis ennuyé…Tout est parfait: l ‘adaptation est réussie, on garde les mêmes mécanismes et on renouvelle…Même la boîte est bien pensée… et ensuite…je trouve les choix assez restreints « embêtez le voisin ou construire »…et surtout, je n’ai pas ressenti le souffle de l’aventure ….ce jeu est froid et mécanique.
Un peu comme un projet parfait sur papier, qui fonctionne, mais à vide…. Déçu (ce qui m ‘ennuie bien d’ailleurs)
Umberling 13/10/2015
C’est une question de goût, je pense ; tu as peut-être besoin de plus de narration ? Comme tu le dis, c’est un sans faute technique. Est-ce que 7W vanilla te laisse de marbre, lui aussi ?
eolean 13/10/2015
J’y ai joué hier soir pour la première fois et il est véritablement excellent. Toutes les sensations d’un 7 Wonders mais à 2 joueurs, il est plus vif, plus méchant, plus tendu. Un duel en somme 🙂
Un grand bravo aux auteurs qui livrent là une véritable Wonder ^^ On peut dire qu’ils ont été largement à la hauteur de leur réputation !
Neuro 13/10/2015
Un bonus des boni ? Je dis oui à cette critique !
Jeu commandé.
Thomas P. Repos Production 13/10/2015
Bonjour à tous,
En effet, le jeu a énormément évolué depuis Cannes et Ludinord en autre. Comme toujours avec nos jeux lorsque l’on commence à le montrer en public nous sommes content à 90% du jeu mais nous avons besoin de retour public neutre pour l’équilibrage.
Il n’y a pas une carte, merveille, projet qui n’a pas changé tout au long du développement.
Caramba
Thomas P.
Repos production
M3th 25/10/2015
Premier test hier soir et verdict: suis accroc. Énorme sensation pour cette pépite ludique. Autant la version standard m’ennuyer sévèrement autant à deux il y a de la stratégies et de l’interaction relativement directe. Le matos est au top et les parties sont rapides et s’enchaînent parfaitement. Complètement conquis.