Time of Legends: Destinies – Après l’enquête, la quête
Le froid mordant d’un hiver plus rude que les autres. Les petites gens de la petite ville normande de Sentilly pourraient échanger leurs ragots à la taverne, mais ont préféré se claquemurer chez eux, ne sortant que hâtivement, courant presque entre les maisons. La nuit des Hurlements est encore fraîche dans leur mémoire, et ils se rappellent en frémissant de la tornade de crocs qui a déferlé la veille de Noël. Le loup-garou. Sur la place du village, trois courageux bravent le froid et l’horreur. L’herboriste du village et ses remèdes frisant la sorcellerie, le bon et brave maire, prêt à tout pour protéger ses citoyens, et un étranger louche – un déserteur, murmure-t-on. Ils s’observent en chiens de faïence, et finalement partent dans des directions différentes.
Voilà la prémisse narrative de Time of Legends: Destinies, du moins du premier scénario présenté par la boîte. Car Destinies, imaginé par Michał Gołębiowski & Filip Miłuński, est avant tout un jeu à scénarios, dans lequel chacun des joueurs suivra ses objectifs propres. Le premier à accomplir sa destinée l’emportera – purement, simplement : on parle bien de jeu compétitif et narratif, ce qui n’est pas si commun.
M à J : Le jeu est rebaptisé tout simplement Destinies et se fera sans partenariat avec Mythic, seulement porté par Lucky Duck.
Le système qui va avec s’appuie sur l’expérience de Lucky Duck Games en matière d’applications. On rappelle que Chronicles of Crime s’est révélé être une excellente surprise. Personnellement, j’avais un peu l’impression qu’on passait beaucoup de temps sur l’appli, et il me manquait un peu d’interaction « matérielle » pour être tout à fait convaincu.
Et voilà que… Destinies pointe le bout de son nez. Après l’enquête, la quête !
Mestre système
L’appli contiendra donc le scénario, tandis que les joueurs découvriront le théâtre du drame avec un système de tuiles qui se révèlent petit à petit. À son tour, un joueur a un déplacement et une action par laquelle il peut visiter un point d’intérêt.
La carte et les points d’intérêt, ainsi que montré par l’appli :
Les points d’intérêt peuvent être des figurines ou des pions. Système bien malin, puisqu’on pourra déplacer certaines figurines ou retirer des jetons point d’intérêt et ainsi créer un petit monde vibrant, respirant, qui répond aux actions des joueurs. Et on imagine fort plusieurs scénarios dans le même village, ou des tuiles un peu différentes pouvant s’accoler à d’autres déjà connues. De la même manière, les figurines et les points d’intérêt pourront certainement avoir plusieurs utilisations.
Parlons un peu du système de compétence et de test (soyons technique cinq minutes, que diable). Les joueurs possèdent chacun un tableau de bord comportant trois compétences : force, dextérité et connaissance. Des disques sont disposés sur certaines valeurs, seuils à atteindre pour réaliser des succès. Pour chaque test, on jettera 2 dés plus des dés d’effort octroyant un bonus, et la somme nous indiquera jusqu’où aller dans notre jauge pour évaluer nos succès.
Avec un peu d’expérience, nous pourrons acquérir de nouveaux disques, et les objets nous permettent d’en placer de nouveaux, augmentant ainsi nos chances de succès.
Et, enfin, chaque joueur est représenté par une carte Destinée, donnant nos objectifs secrets… et portant un code QR. Si l’on pensait que la frénésie du scan n’avait plus cours chez Lucky Duck Games, on se fourre le doigt dans l’œil jusqu’à gauche ! On pourra questionner les habitants de Sentilly, dépenser des objets en scannant leur code, etc.
Au final, on se retrouve un peu dans les bottes d’un jeu entre JDR, livre dont vous êtes le héros, 7th Continent et Chronicles of Crime : absorbé dans une course à qui résoudra sa destinée en premier, tout en restant aux aguets : Peut-être que les actions d’un des joueurs éclaireront le chemin d’un autre… Cette veille a un autre effet kiss cool : Le temps passe assez vite, malgré la durée de partie plutôt épaisse (2-3 heures).
Destinies coche toutes les cases du jeu d’exploration : mystère, loot, combat et montée en puissance – on se renforce visiblement, bien qu’on reste à échelle humaine (on est loin de l’explosion de Mage Knight). Et tout ça avec un système léger à prendre en main, même intuitif : jamais vous ne ferez d’effort de règle ni de mise en place ; grande réussite que voilà.
Parlons narration. L’aventure s’avère plus que convenablement écrite, se permettant même quelques passages un tantinet lyriques. Obligés de comprendre de quoi il retourne, les joueurs sont donc engagés dans une histoire dont ils doivent débrouiller les fils. Entre ce démêlage – façon enquête – et la quête pour accomplir une de leur destinée, il est impossible de passer à côté de la narration, et on est forcé de reconnaître que ce Time of Legends: Destinies, non content de faire le job, pousse le vice un peu plus loin : il plonge dans un monde complexe, avec des façons de jouer, elles, très simples et efficaces.
Il y a encore un peu de réglages à faire en ce qui concerne les fins, qui peuvent s’avérer légèrement frustrantes pour le moment ; car, lorsqu’un joueur déclenche sa fin de partie, il peut se retrouver complètement bloqué ou éliminé, sur le banc de touche, à regarder les autres jouer. Questionné, l’éditeur a dit déjà travailler à résoudre le problème, et que l’élimination directe ne sera pas de la partie. Ouf.
Mais à titre personnel, je m’admets très impressionné par l’efficacité du système et des histoires qui s’y racontent. J’aimerais beaucoup voir des séries d’histoires, avec à chaque fois des personnages différents, qui viennent se compléter, se contrarier…
Très exigeant avec les jeux narratifs, je suis – malgré les maladresses de la fin – vraiment conquis par Time of Legends: Destinies. Allez, si je veux vraiment faire la fine bouche, je pourrais souhaiter un ancrage plus fort dans le folklore médiéval (certaines péripéties faisant un peu heroic-fantasy), mais voilà tout. Vraiment, j’attends de mettre mes mains sur le jeu fini, pour tâter de ce système narratif !
Cross-over
Destinies contiendra cinq scénarios (dont quatre développant une storyline fouillée), et pour ceux qui décideront de pledger plutôt que de l’acheter en boutique par la suite, il y aura une extension de trois scénarios indépendants “offerte”. Pour info, la campagne a lieu actuellement et dure jusqu’au 16 octobre.
En bonus, les joueurs les plus assidus retrouveront l’univers et la licence Time of Legends de Mythic Games (qui réimprime Time of Legends: Joan of Arc à partir du premier octobre). Coïncidence… ou pas. Les figurines présentes dans Destinies, vous savez quoi ? Elles devraient avoir leur carte pour aller avec Time of Legends: Joan of Arc. [MàJ : comme mentionné plus haut, le partenariat entre les deux maisons n’ayant pas lieu, ce cross-over non plus]
Pour en savoir plus : Le TEST du jeu
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Umberling 24/09/2019
Le jeu sera en français, bien sûr. Le jeu sera livré en même temps mais les scénarios seront traduits petit à petit (~3 mois, dit l’éditeur).
Gougou69 24/09/2019
Excellent article, qui me conforte dans mon pledge, mais qui m’ennuie profondément parce-que tu me coupes l’herbe sous le pied pour la chronique de la semaine prochaine 😉
Et tu m’as appris une nouvelle expression : « Se fourrer le doigt dans l’œil jusqu’à gauche ». Je connaissais « jusqu’au coude », « jusqu’à l’omoplate », j’ai même rencontré des « jusqu’à l’os », mais celle-là je la découvre.
Umberling 24/09/2019
Cette expression est pleine de variabilité. J’ai failli t’envoyer un mail pour te signaler l’article ! 🙂
Gougou69 24/09/2019
Pas la peine, tu vois je suis à l’affût 😉 Mais, il est où le Ludochrono ? Il était sur la preview de la page de campagne, mais y’a pu !