Langue et traductions : Allemand
Date de sortie : 2018-00-00
De 1 à 5 joueurs
A partir de 12 ans
Durée d'une partie entre 90 et 180 minutes
Thèmes : Aventure, Horreur, Science-fiction
Mécanismes : Coopératif, Dés, Gestion de main, Objectif secret, Plateau modulable, Semi-coopératif
Types de jeu : Jeu de plateau
Complexité du jeu : Expert
Nemesis est l’un des rares jeux semi-coopératifs à ne pas s’appuyer sur une mécanique de « traître caché » si chère au vénérable – et excellent – Battlestar Galactica ou au plus ancien encore Chevaliers de la Table Ronde.
Dans Nemesis, les joueurs incarnent des personnages qui se réveillent par accident lors d’un voyage spatial au long cours. Lorsqu’ils sortent de leurs pods d’Hibernation, ils se retrouvent les uns face aux autres, hébétés, sans bien comprendre pourquoi ils se sont réveillés au milieu de nulle part. Par contre, l’un des membres d’équipage gît, totalement décédé, dans son pod, la poitrine explosée. Mais c’est quoi ce binz ? Immédiatement, tout le monde entre en mode « survie ».
Les joueurs devront explorer leur propre vaisseau, réparer ce qui doit l’être, faire face à de multiples dangers « techniques », mais aussi à des aliens (pardon : « intrus ». Mouarf) fermement décidés à ne pas en laisser un seul en vie. Malheureusement, chacun des joueurs va poursuivre ses propres objectifs, qui ne sont pas forcément compatibles, et seuls certains d’entre eux pourront survivre à l’aventure…
Cela vous rappelle quelque chose ? Normal, c’est évidemment le pitch de « Alien le 8eme passager » qui a servi de prémisse à Nemesis. Pour de sombres raisons financières, la licence officielle n’a pas été obtenue, et l’éditeur Awaken Realms s’est contenté de « s’inspirer » (fortement) de la licence sans l’appliquer.
Bon, en deux mots, pour ne pas avoir de problèmes avec 20th Century Fox, je dirai rapidement « intrus » à la place d' »Alien », « Nemesis » à la place de « Nostromo ». Mais bon pour le reste, hein, je laisse votre imagination faire le boulot.
Nemesis fait partie de ces jeux que je n'ai pas précommandés sur KS, parce qu'il est tombé à un moment où je suivais moins l'actualité, que j'avais déjà vidé mon compte courant, d'épargne, mon assurance-vie et celle de mes enfants. Oui ça arrive. Oui, j'ai regretté. Fort. Intensément. Cela m'a conduit à faire des choses pas très raisonnables lorsque le nouveau KS pour "Lockdown" est sorti. Je suis coupable.
Bref, un achat d'occasion plus tard, je rassemblais quelques potes pour une première partie, après m'être envoyée la lecture des règles (outch, voir plus bas) et avoir visionné moult vidéos.
Et là, une expérience ludique comme rarement j'en ai vécues. On est définitivement sur le type de jeu - full Ameritrash, et tout ce qui va avec - dont on refait la partie longtemps après s'être levé de la table, dont on se souvient d'anecdotes pendant un moment, etc. C'est le pouvoir d'une (non-) licence aussi évocatrice, elle connecte notre expérience de jeu avec l'univers foisonnant créé par la série de films, décuplant le plaisir de jeu pendant et après la partie, pour tous ceux d'entre nous qui ont la chance de réussir à s'immerger totalement dans un jeu.
Evidemment, il n'est pas exempt de défauts, et ne plaira pas à tout le monde, et surtout, sur une partie donnée, les expériences peuvent être assez radicalement différentes d'un joueur à l'autre. Voyons cela en détail.
ACCESSIBILITE DES REGLES 14,5
On ne va pas se mentir, on est dans le gros, gros jeu. Des tonnes et des tonnes de règles, heureusement distillées par un livret qui est, je trouve, franchement bien fichu, au moins pour la lecture et l'apprentissage des règles. Je reviendrai sur le fond des règles quand on parlera des mécanismes, mais en ce qui concerne la façon dont elles sont exposées, on est sur du bon niveau. Le livret lui-même est bien organisé, avec des codes couleur pour savoir quelle partie de la règle concerne quel élément de jeu, bref c'est bien fait.
Par contre, la complexité des règles est telle que, même avec les quelques aides de jeu fournies par l'éditeur, on passe beaucoup de temps à feuilleter le livret pour retrouver tel ou tel point de règle. Plus on a de parties sous la ceinture, moins c'est nécessaire, évidemment, mais attendez vous à ce que vos premières sessions soient un peu chaotiques à cause de cela. Il manque des aides de jeu, typiquement, la gestion du sac d'intrus, qui a lieu à chaque tour, occasionne de fréquents retours au livret, et DOIT faire l'objet d'une aide de jeu spécifique (qu'on trouve facilement sur internet évidemment).
Mention spéciale pour la version française de ce jeu (j'ai, ahem... les deux) qui est plutôt bien traduite, sans problème particulier.
QUALITE DU MATERIEL 17
Bon alors là, gros KS oblige, on est dans ce que l'industrie a de mieux à offrir. La boite vient avec un insert absolument parfait qui permet de tout ranger de manière impeccable à chaque partie (et dieu sait qu'il y a des tonnes de matos à ranger), l'éditeur a même pensé aux fous-furieux dans mon genre qui sleevent toutes leur cartes, en laissant de la place supplémentaire dans les inserts de carte pour permettre de tout ranger une fois sleevé.
Les figurines sont "à l'état de l'art" des jeux modernes. Les figurines des 6 personnages disponibles sont un poil grossières (franchement à ce stade, je chipote, hein) et on fait l'objet d'une revisite lors du KS Lockdown. Donc si vous vous procurez une boite de la "deuxième édition", vous aurez des figurines plus jolies.
On est pas loin de la perfection, mais on n'y est pas :
- C'est un choix de direction artistique qui personnellement me convient parfaitement, mais il faut reconnaitre que le plateau et les tuiles de jeu sont très, très sombres. Cela peut nuire à la lisibilité de la situation parfois - mais en général tout va bien.
- Les figurines des intrus sont juste monstrueusement grandes. Alors c'est chouette dans l'absolu, mais dès que vous en avez plus de deux sur une case, ça commence à devenir n'importe quoi en termes d'ergonomie.
- Comme dans beaucoup de jeux, la façon dont on garde compte des blessures subies par les monstres n'est franchement pas très convaincante. On se contente de poser de petits cubes en plastique à côté des figurines, dès qu'il y en a plusieurs sur la même case ça devient confus, on les oublie quand on déplace les figurines, etc. Pas top.
Ce n'est pas vraiment un défaut en soi, mais attention, il faut une très grande table pour jouer à Nemesis. Le plateau lui-même est très grand, mais il faudra par ailleurs poser pas mal d'autres choses pour jouer. Soyez avertis, si votre table est moyenne, vous allez galérer !
THEME 18
Bon, là, pas d'autre option que d'être très généreux sur les notes. Déjà parce que l'immersion, l'ambiance de ce jeu est quelque chose que j'ai rarement vu, mais aussi et surtout parce que l'on voit bien que tous les choix de design du jeu ont été faits pour permettre cette expérience de jeu viscérale, immersive, un peu étouffante qui est la marque de la (non-) licence.
Le pari le plus risqué du jeu, d'en faire un semi-coopératif où les joueurs doivent absolument coopérer pour survivre, mais où chacun, in fine, se retrouvera face à des choix difficiles vis à vis de ses collègues, est à mon sens pleinement réussi. Et là encore, aucune concession n'a été faite, quitte à créer ce qui seront vus comme des défauts dans certaines conditions : on peut mourir assez tôt dans la partie, par malchance ou malveillance d'un autre joueur, et se retrouver à regarder les autres jouer, pendant ce qui peut être une partie assez longue (compter 2 à 4h pour une partie à 4 ou 5 joueurs). Cette fin prématurée peut par ailleurs être provoquée par une simple malchance au tirage et au dés, qui fait que vous vous prenez un gros alien sur la tronche tôt, et vous n'arrivez pas à vous en débarrasser et vous finissez embroché à la fin du tour 3. C'est dommage mais ça arrive.
Par ailleurs, attention, c'est aussi un jeu pour perdre ses amis : certains objectifs vous demandent explicitement de faire en sorte que tel joueur décède. Comme il n'est pas possible de vous attaquer les uns les autres, cela se fera forcément de la façon la plus fourbe du monde, à un moment où la cible ne peut pas se défendre ou s'échapper (de préférence), et sera donc vécu comme particulièrement injuste par la cible. Le jeu est comme cela.
À noter que chaque joueur commence la partie avec deux objectifs possibles et doit en choisir un à un certain moment ; en général, l'un est assez soft (les objectifs personnels) et les autres sont plutôt hardcore (les objectifs corporate). Donc chaque joueur se retrouve en général en position de choisir comment il veut que sa partie se déroule... Par contre, forcément, quand on a le choix entre "sauver tout le monde, tuer la reine, éteindre le feu et reprogrammer le vaisseau" d'un côté, et "Raoul doit mourir" de l'autre, et que Raoul pisse le sang isolé à l'autre bout du vaisseau entouré par 5 intrus, le choix n'est malheureusement pas très difficile.
Mais en fait, si, il l'est.
Nemesis est plus une expérience qu'une confrontation entre joueurs dont il s'agira à la fin de déterminer les vainqueurs et les vaincus. Il m'est fréquemment arrivé de sélectionner un objectif dont je savais qu'il serait beaucoup plus difficile à réussir, uniquement parce que d'un point de vue narratif dans la partie, il correspondait à ce que j'avais envie que mon personnage fasse. On est parfois à la limite du jeu de rôle quant aux choix que propose le jeu. Bien sûr, on peut le jouer de manière clinique en maximisant à chaque action ses chances de gagner, mais ce n'est pas les parties que j'ai gagnées que j'ai le plus appréciées.
C'est un peu étrange, mais c'est la meilleure façon pour moi de décrire le niveau d'immersion que propose ce jeu.
DUREE DE VIE 13,5
Pour un jeu aussi immersif, il est évidemment assez calibré et les parties vont se ressembler un peu. Si le jeu a un point faible, je pense que c'est celui des objectifs. L'un des problèmes majeurs est que le nombre d'objectifs différents n'est pas si élevé que cela, et qu'au bout d'une dizaine de parties, on les aura tous vus. Mais on rentre alors dans une espèce de maturité du groupe de joueurs, dans lequel on va essayer de deviner assez vite quels sont les objectifs de quels joueurs pour en déduire qui a des objectifs compatibles avec le sien, ce qui est une garantie très forte de survie dans le jeu. Globalement, pour des raisons mécaniques, il faut toujours se déplacer à au moins deux personnages, et le fait de s'associer avec quelqu'un dont on sait que ses objectifs sont compatibles avec les nôtres permet de rentrer dans un mode de coopération qui va largement augmenter nos chances de survie.
Il y a des extensions qui essentiellement, changent les intrus, la façon dont ils fonctionnent, et en quoi ils sont menaçants. Les deux extensions sont assez réussies et proposent des menaces alternatives auxquelles les joueurs devront s'adapter. Par contre, cela reste le même jeu essentiellement. Cela renouvelle l'expérience de jeu sans la modifier fondamentalement (les objectifs ne changeant pas, euh).
Le recto du plateau de jeu offre un autre vaisseau, l'Ariadne qui est beaucoup plus difficile, puisque moins connexe. Il obligera à plus de tours et détours pour aller d'un point à l'autre, ce qui est ce qu'il y a de plus dangereux dans le jeu.
Le jeu offre également une variante coopérative, et une variante solo. La variante solo est sympathique, et la variante coopérative fonctionne, mais une fois qu'on a enlevé la tension entre les joueurs, il ne reste qu'un espèce de dungeon crawler aux règles bizarres qui n'est objectivement pas très convaincant. Passez votre chemin sur la version coop, il y a d'autres jeux qui s'y prêtent beaucoup mieux !
Dans les Stretch Goals se trouve une campagne coopérative (accompagnée d'une incroyable bande dessinée) qui promet une expérience de jeu fantastique, et... Qui est un peu décevante à l'arrivée. Pour commencer, il est assez facile de se prendre les pieds dans le tapis car beaucoup de choses sont à traquer dans le jeu qui reste très scripte, et ensuite... Non décidément ce jeu n'est pas fait pour de la coopération.
MECANISMES 15,5
Il est difficile de juger des mécaniques de ce jeu ex nihilo, car fondamentalement, encore une fois, elles se mettent au service de l'immersion et de la narration - et de la tension entre les joueurs. L'auteur a clairement cherché à reconstituer une expérience proche de la (non-)licence, et tout y est : les larves qui peuvent vous faire exploser sauf si vous vous faites opérer ou bien vous injectez un antidote, des monstres très, très forts, une notion de bruit qui attire les monstres, des armes à feu à l'efficacité très douteuse...
Il y beaucoup de mécaniques, probablement trop, parce qu'on veut que tout ce qui arrive dans le film, puisse arriver peu ou prou dans le jeu, et cela alourdit pas mal un jeu déjà assez compliqué.
Ce qui est certain, c'est que les mécaniques sont injustes, très liées à des événements aléatoires, qui rendent le plaisir de jeu un peu aléatoire aussi. Nemesis est - de loin - l'un de mes jeux préférés du moment, mais je dois avouer que certaines parties ont été très frustrantes. Il faut accepter cela et je comprends que certains joueurs, après une partie qui s'est mal passée, surtout si c'est la première, déclarent qu'ils ne veulent plus jouer à ce jeu. C'est parfaitement compréhensible.
Nemesis est un jeu un peu tout ou rien, dans le sens où on va l'adorer ou le détester, souvent en fonction de l'expérience que l'on aura eue sur la première partie. On est sur une espèce d'OLNI dans la mesure où, comme pour certains autres jeux, ce n'est pas tant la victoire qui m'importe que l'expérience vécue. On n'a pas tant l'impression de battre ses adversaires que de mieux tirer son épingle du jeu face à une probabilité de survie très faible.
Le jeu fait aussi la part belle à la diplomatie, car c'est dans le niveau de coopération que vont se permettre les joueurs les uns vis à vis des autres que se jouera leur survie. C'est un point commun à beaucoup d'autres jeux semi-coopératifs, comme Battlestar Galactica : il m'est déjà arrivé de perdre une partie avant que les deuxièmes cartes traitrise soient distribuées, et que tout le monde était humain, uniquement parce que le niveau de suspicion autour de la table était juste trop élevé et que nous n'arrivions pas à travailler suffisamment en équipe.
Parfois une partie de Nemesis ne se passera pas bien pour vous. Je pense que c'est 20 à 30% des parties. Cela fait beaucoup ? Peut-être. Mais les 70 à 80% du temps qui reste, on vit une expérience mémorable, faite de retournement de situation, de trahison, de belles histoires de confiance aussi, bref une expérience qui vous restera pendant des semaines dans la tête, avec l'envie d'en refaire une le plus vite possible.
Pour moi, cela vaut largement la contrariété occasionnelle d'une partie ou rien ne s'est passé comme je le voulais. Mais à vous de voir !
- immersion
- tension
- fidélité au thème
- matériel irréprochable
- aléatoire
- sans pitié
- un peu long
- élimination
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