SOLO IS BEAUTIFUL #19 : PALEO, LES SOMBRES ROYAUMES DE VALERIA, PANDEMIC LA CHUTE DE ROME
Paleo (et ses extensions)
- Auteur : Peter Rustemeyer
- Sortie : 2020 (VF)
- Thème : Préhistoire
- Type : coopératif (1 à 4 joueurs)
- Mécanique : étrange ! (un peu de deck building)
- Mécanique de solo : remplacer les coéquipiers par des dés
- Objectif de solo : objectifs de victoire (comme en multi)
- Durée : 40 minutes + 8 minutes d’installation
- Place sur la table : 90×90 cm
- Nos rubriques : Ludochrono, Just Played
Avec la sortie de son extension Nouvelle Ere fin 2021 et de ses deux petits paquets Rites d’Initiation et Oiseaux Terreurs début janvier 2022, l’engouement pour le gagnant du prix Kennerspiel des Jahres 2021 repart à la hausse. Pour ma part, je suis un fan de la première heure. Chaque partie arrive avec son lot de surprises et je ne me lasse pas de le sortir. En solitaire, c’est une autre (pré)histoire. Qu’en ai-je pensé ? Je vous le décortique pour vous !
Tout commence par un mauvais signe : les règles du mode solo s’étendent sur 10 demi-lignes dans un bas de page. Non pas qu’il en faille forcément en faire des tonnes pour créer un gameplay intéressant, mais en général (et sans jugement de ma part) l’espace attribué au mode solo dans les règles reflète l’intérêt qui lui est porté.
Le principe est tout simple : la coopération avec un autre joueur ou une autre joueuse est remplacée par des dés. À chaque nouvelle révélation de carte, vous aurez le choix entre deux options :
- Vous débrouiller avec ce que vous avez
- Faire appel à votre ami (imaginaire) : défaussez 2 cartes pour lancer un dé, ou bien 4 cartes pour lancer 2 dés, puis bénéficiez des compétences affichées.
That’s it! Il n’y a rien à savoir de plus.
Sur le principe, l’idée n’est pas si mauvaise, car on simule un potentiel groupe voisin de manière assez simple et rapide.
Mais en conséquence, le jeu perd de sa nature et de sa saveur en misant relativement souvent l’issue de vos décisions sur un simple lancer de dé(s). Paléo n’est par essence pas un jeu de dés. Même si à plusieurs joueurs leur recours reste occasionnel pour déterminer l’issue d’une décision, d’aucuns diront qu’il aurait pu être évité, ou qu’il n’apporte rien au gameplay, notamment car le génie du design vient de l’estimation du risque à partir de l’analyse du dos des prochaines cartes de la pioche du deck joueur. Personnellement, je n’ai pas de souci avec ces dés, et je trouve même que c’est un bon choix de game design, car leur recours est thématiquement justifié (face à un tigre, rien ne va plus).
Seulement ici, cet aspect parfois décrié, ou qui pour le moins n’est pas le plus original du jeu, devient central. Non pas qu’il faille opter systématiquement pour lancer les dés à chaque épreuve difficile, mais les options restent maigres si on écarte cette possibilité. Est-ce cela que l’on attendait du mode solo ? Je ne crois pas. Est-ce que cela rend le gameplay intéressant ? Franchement… non.
De plus, comme l’explique si bien l’auteur sur le forum BGG, Paleo est avant tout un jeu coopératif, basé sur l’échange, sur le sacrifice, où l’on va fréquemment laisser de côté la possibilité de gagner quelque chose pour aider ses coéquipiers. Ceci manque cruellement ici. Il est vrai que ce trait n’est pas propre à Paleo et se retrouve assez généralement dans le mode solo des jeux coopératifs, mais pas toujours.
En sortie d’équation, nous avons là un mode solo qui m’a semblé quelque peu dénaturé, un gameplay « ok », sans plus. C’est bien dommage, quand on connait le potentiel ludique de ce chef d’œuvre en multijoueur. Je ne saurais donc vous orienter vers Paleo pour un achat uniquement dans l’optique d’y jouer en solitaire. Evidemment, si vous êtes un inconditionnel du lancer de dés, alors peut être pourrez-vous y trouver votre compte. En tout cas, pour moi, Paleo en solo, c’est « next » !
Les sombres Royaumes de Valeria
- Auteur : Stan Kordonskiy
- Sortie : 2021 (VF)
- Thème : Médiéval-Fantastique
- Type : competitif (1 à 4 joueurs)
- Mécanique : Pose d’ouvriers, Contrats, Gestion de ressource
- Mécanique de solo : Joueur fantôme
- Objectif de solo : Battre l’adversaire aux points de victoire
- Durée : 40 minutes + 5 minutes d’installation
- Place sur la table : 90×90 cm
- Nos rubriques : Ludochrono, Just Played, Dans le Viseur
Suite de la série des Royaumes de Valeria. Dans l’épisode précédent, les monstres et viles créatures de Valeria se font marrave, pardon, se font bouter hors du territoire par le commandant Margrave. Désormais, ils prennent leur revanche pour récupérer leur foyer.
Le style de jeu est très euro, avec de la pose d’ouvriers et de la gestion de ressources sous forme de dés et de jetons. Pour économiser les touches du clavier, je ne redévelopperai pas l’analyse du jeu complète. Vous pouvez trouver notre formidable Ludochrono et notre fantastique Just Played !
Le mode solo vous propose comme adversaire un joueur fantôme représenté uniquement par la figurine d’un gardien (pas de plateau à gérer). Celui-ci tournera autour du plateau à rythme régulier (1 sanctuaire par tour) dans le sens des aiguilles d’une montre. Il marquera des points à chaque tour complet du plateau, en atteignant le sanctuaire des stratagèmes. Il validera alors la carte Stratagème la plus chère de l’offre, c’est ainsi qu’il marquera le plus gros de ses points de victoire. Comme principale contrainte, vous ne pourrez pas vous rendre sur le même sanctuaire que lui et devrez changer votre route si c’était votre plan initial.
En solo comme en multijoueur, la partie se terminera dès l’accomplissement de 7 stratagèmes par l’un des joueurs. Si en multijoueur le tempo peut être variable, en solo il sera toujours le même, car l’adversaire est réglé comme une horloge.
Il n’est donc en définitive qu’un « timer », facile à anticiper. De plus, il ne prélève pas de dés sur les sanctuaires, ce qui constituait la principale source d’interaction en mode multijoueur. Par conséquent, le mode solo ne réserve pas beaucoup de surprise et le jeu sera prévisible. Même le score de l’adversaire en fin de partie sera approximativement estimable à l’avance
On aura donc le champ libre pour nos actions, sans être gêné dans notre stratégie de prélèvement de dés. Comme je le disais plus haut, la seule contrainte à laquelle on fera face est de ne pas pouvoir se rendre sur le même sanctuaire que l’adversaire. C’est souvent contraignant, mais pas suffisant pour devoir revoir notre stratégie en profondeur.
En plus de la liberté d’action, il sera également possible d’agir sur le score de l’adversaire en lui supprimant des cartes Stratagème. En effet, lorsque l’on s’aperçoit qu’il va emporter une carte à 4 dés (avec beaucoup de point de victoire à la clé) lors d’un prochain déplacement, il est possible d’user de la magie ou de réserver ce stratagème pour retirer ou faire glisser cette carte, faisant ainsi tourner l’offre, au profit d’une pioche éventuellement plus favorable.
Cette prévisibilité et ce manque de surprises sont le principal défaut du mode solo à mon avis. Une fois que l’on a saisi les rouages du jeu, on optimise ses points au maximum, et on finit par scorer facilement plus haut que lui, en quelques parties.
Certes, le mode solo nous propose d’augmenter la difficulté en donnant des points d’avance à l’adversaire. Oui mais… Cela revient à un « battre son propre score ». On ajoute 20, puis 30, pourquoi pas 40, le tout en faisant toujours face à la même horloge… Est-ce là bien stimulant ?
Personnellement, ce n’est pas ce qui m’enthousiaste le plus dans un jeu en solitaire. J’ai besoin de voir le gameplay varier au fil des parties, par exemple à travers un système de campagne (mais il y a d’autres possibilités). Avec le temps, je pense même statuer sur le fait que c’est précisément LA principale source de satisfaction et de longévité d’un jeu en solitaire.
Cela dit, le gameplay des Sombres Royaumes de Valeria reste très plaisant, en multijoueur aussi bien qu’en solo. Seulement, il ne se renouvelle pas suffisamment à mon goût, si bien qu’au bout d’un peu plus de 5 parties, on aura battu l’adversaire au niveau le plus difficile et on aura le sentiment d’en avoir fait le tour. Ce n’est pas un trait propre à ce jeu, mais à une majorité de jeux compétitifs qui proposent un mode solo un peu léger (un score à battre, un automa trop prévisible, etc.).
En résumé, si votre objectif est la découverte d’un beau jeu aux mécaniques bien huilées, de passer quelques 5 à 10 parties en solo très sympathiques avant de passer au suivant, alors je vous le recommande, surtout si vous compter y jouer en multijoueur également. Autrement, d’autres titres proposeront plus de profondeur.
Pandemic : La Chute de Rome
- Auteur : Matt Leacock
- Sortie : 2018 (VF), réimpression 2021
- Thème : Invasions barbares
- Type : coopératif (1 à 5 joueurs)
- Mécaniques : Gestion de main, Collection, Points d’action, Objectifs
- Mécanique de solo : Plusieurs personnages, une main, une réserve
- Objectif de solo : Remporter des objectifs (identique au multi)
- Durée : 50 minutes + 10 minutes d’installation
- Place sur la table : 70×70 cm
Comme je l’expliquais dans ce Just Played, c’est un bonheur pour les fans de la licence de voir enfin Pandemic : Chute de Rome réimprimé, après plus de deux ans de rupture de stock. Si j’ai décidé de vous en parler dans cet article, c’est parce que des rumeurs circulent sur un soi-disant mode solo intéressant. Comme d’habitude, c’est avec beaucoup de distance que j’ai pris cette information, car les goûts des uns et des autres en matière de jeu solitaire varient énormément et je suis bien souvent déçu. Ma curiosité a malgré tout été stimulée et je m’y suis donc attaqué corps et âmes pour vous !
Pour le principe de base du jeu, je vous renvoie vers le Just Played, ou bien en vidéo vers le Ludochrono du premier opus.
Les jeux de la gamme Pandemic System n’ont pas pour habitude de proposer de véritable mode solo dans leurs jeux, au mieux un petit système bricolé pour ainsi dire « On l’a fait ». La Chute de Rome fait exception. Une page entière du livret y est consacrée, et oh surprise : on nous propose ici autre chose que du « two-handed » solo !
Cela pourrait justement s’apparenter à du two-handed solo, mais c’est différent. On gère une seule main de cartes avec les restrictions habituelles, mais on jouera successivement trois personnages dans un ordre de jeu qui restera fixe. Ce choix aura sa petite importance une fois les cartes Personnage piochées au hasard lors de la mise en place. Entre chaque personnage, on piochera des cartes Joueur et cartes Invasion de manière classique.
Deuxièmement, en remplacement de l’action Complot, celle qui consiste à échanger des cartes avec un autre joueur, vous pourrez interagir avec une réserve de cartes Cité appelée « Trésor » constituée lors de la mise en place. Si vous vous trouvez sur une cité correspondant à une carte que vous détenez, vous pourrez l’y déposer. Inversement, vous pourrez récupérer une carte du Trésor si vous vous placez sur la cité en question.
Il est difficile de rendre compte de cela par écrit, mais le simple fait de ne gérer qu’une seule main de cartes et le Trésor avec lequel on peut interagir change les sensations de jeu. On a vraiment l’impression de jouer une seule entité (Rome) et ne pas simuler plusieurs joueurs. J’ai retrouvé ici l’aspect « puzzle game » des bons jeux en solo que j’apprécie tant. Je me demande d’ailleurs si ce même système ne pourrait pas être appliqué aux autres jeux de la gamme Pandemic System.
De plus, le jeu ne s’essouffle relativement pas trop vite. À la mise en place, chaque tirage de cartes Personnage renouvellera votre gameplay, car vous n’allez pas agencer leur ordre de jeu de la même façon pour créer des combos intéressants. Ajoutez cela à la mise en place classique et aux trois niveaux de difficulté, et il y a de quoi jouer raisonnablement quelques temps.
Enfin, dernier trait qui le démarque de ses congénères, la Chute de Rome est difficile. Tout comme pour le jeu en multijoueur, le mode normal va vous mettre en PLS plus d’une fois avant que vous n’en veniez à bout. Soyez averti(e)s.
En conclusion, avec Pandemic : Chute de Rome, j’ai été agréablement surpris de découvrir un mode solo que j’ai trouvé solide. La simulation de plusieurs joueurs a été gommée pour un jeu pensé pour le solo. L’adaptation thématique est très bien réalisée, et l’on a l’impression de jouer à un wargame, menant les légions romaines pour bloquer les routes migratoires des tribus barbares. La simplicité du système ne rend en rien le jeu facile. La difficulté est corsée et gagner en difficulté normale demandera de l’entraînement. J’ose à peine imaginer le mode difficile et encore moins le mode « Roma Caput Mundi » ! Ce sera réservé pour de prochaines longues soirées d’hiver.
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Azarian 17/01/2022
Juste pour revenir sur Paléo, il y a une autre possibilité. Le soluo, qui consiste à simuler deux joueurs. Je ne suis rarement fan du soluo mais ici c’est très efficace. Et je prend donc beaucoup de plaisir à jouer à Paléo alors que je n’ai pas aimé avec le mode solo classique du jeu.
Groule 17/01/2022
Bonjour Azarian, oui c’est ce qu’on appelle aussi « two handed » solo. J’ai également essayé Paléo en simulant deux joueurs. Je ne suis pas revenu sur ce point dans cet article, car c’est récurrent pour tous les jeux coopératifs jouables en solo. On peut en effet les jouer en simulant deux joueurs. Pour les joueurs qui apprécient, c’est une chance, car ce jeux conservent dans l’ensemble intérêt qu’ils ont en multi.
C’est une histoire de goûts et de couleurs, mais le two handed solo ne m’apporte aucune satisfaction, pas plus que les jeux solo où l’on cherche à battre son propre score. Je pense qu’il faut proposer un peu plus que cela pour avoir un mode solo intéressant. C’est dans ce sens que je creuse pour écrire ces articles, peut-être que je suis un joueur difficile 🙂
kogaratsu 24/01/2022
juste pour dire que ce pandemic là se joue jusqu’à 5.
Groule 24/01/2022
Exact, merci. Ce sera corrigé sous peu.