Scoville : pimentez vos parties
Inventée par Wilbur Scoville, l’échelle de Scoville mesure la teneur en capsaïcine des piments afin de déterminer leurs degrés de piquant.
Le piment le plus doux est le Capsicum annuum (paprika doux), et actuellement le plus fort est le Pepper X.
Je dis bien actuellement, car la plupart des piments les plus forts au monde ont été développés par hybridation, en croisant différentes espèces pour aller toujours plus loin, toujours plus haut, toujours plus piquante !
En 2014 sortait le jeu de société Scoville, premier du nom, qui nous proposait de planter des piments, les récolter, les croiser pour obtenir des piments encore plus puissants, afin de prouver que nous étions les maîtres du piment. 10 ans plus tard, une seconde édition voit le jour, et je serais bien incapable de comparer les deux versions car il y a 3 semaines de cela je n’avais jamais entendu parler de ce jeu.
Scoville est un jeu de Ed Marriot, illustré par Vincent Dutrait (Augustus, Heat, Jekyll Vs Hyde entre autres), dans un genre artistique que personnellement j’aime beaucoup.
un plateau haut en couleur aussi !
La foire de Scoville
Approchez mesdames et messieurs. Je suis Fredo Ihmo Piquanto, le célèbre producteur de piments. Aujourd’hui se déroule la grande foire de Scoville, et j’ai une journée pour prouver que mes piments sont les meilleurs .
Tout d’abord, il faut avoir des fonds, car nous allons mettre aux enchères l’ordre du tour. Chacun choisit un montant dans sa main. Tous les joueurs dévoilent le montant à miser en même temps, puis de la plus grosse enchère à la plus petite, chacun va pouvoir choisir sa position pour le tour à venir. Et ce n’est pas anodin, un bon emplacement est crucial, comme vous allez le voir ci-dessous.
Dans l’ordre du tour, chaque joueur va choisir une carte qui lui donnera un ou deux piments. C’est cadeau. De quoi se mettre sur de bons rails pour nos hybridations à venir.
Puis nous allons planter. Et comme nous sommes de sortie à la foire de Scoville, un champ a été mis à la disposition pour tous les joueurs au centre de la ville. Nous allons donc planter en commun dans l’ordre du tour. Il va falloir être malin, car la récolte se fera dans l’ordre inverse du tour. Et nous n’allons pas récolter à loisir, car notre fermier bouge de 3 cases, et il lui est impossible de passer à travers un autre fermier. Il récolte à chaque mouvement qui le fait terminer entre deux piments. Pour connaître le fruit de notre labeur, nous consultons un tableau à double entrée, avec pas moins de 10 variétés de piments différents. Pour les artistes, il est évident que le rouge et le bleu donnent du violet, mais plus difficile pour moi.
Afin de permettre aux daltoniens de jouer, sur chaque piment est gravé une lettre correspondant à sa couleur. Pas sûr que cela soit suffisant, le système de couleur est assez complexe.
Pour obtenir les piments les plus puissants, il faudra monter d’hybridation en hybridation, ce qui rend bien hommage au métier où nous sommes à la fois agriculteur et généticien.
Beaucoup de couleurs différentes !
Si Scoville a un point fort à mettre en avant c’est son système d’ordre du tour. Il faut déterminer avec justesse à quel point mon placement va être important ce tour et combien je suis prêt à enchérir. En tant que premier joueur, je vais choisir les piments en début de tour, et je pourrai réaliser recettes et contrats en premier à la fin du tour. Seulement le dernier joueur va pouvoir bouger en premier son fermier et aller squatter le spot le plus intéressant. Certains tours, cela n’aura pas d’impact dans mon jeu : point de piments pertinents à chercher, pas de recette à faire. Mais à d’autres moments, cela peut être crucial. Si par exemple ce fourbe de Bob Pepper joue en dernier, il pourra placer son piment Carbone près du piment blanc, et comme il récoltera en premier il va fourbement aller se positionner sur ce spot qui lui fournira un piment fantôme, le plus rare du jeu. Mais si nous visions tous les deux la même recette et que nous avons tous les deux les piments pour la réaliser, je pourrai lui damer le pion étant avant lui dans l’ordre du tour.
Plus il y a de piments, moins y a de riz
Nous autres, planteurs de piments, savons travailler en autonomie, mais nous aimons également partager notre passion avec autrui. C’est pour cela que Scoville se joue de 1 à 6. Jusqu’à 6 joueurs ? Une rareté de nos jours à souligner. Je n’ai pu toutefois y goutter qu’à 3 et 4 joueurs. À 3, il y a moins de cartes marchés, moins de recettes à réaliser, moins de piments dans le champ, bref cela manque de monde pour égayer la fête de Scoville. À 4 c’est déjà bien plus sympathique. Les tours s’enchaînent rapidement vu la simplicité des actions d’une manche. Et nous enchaînons les manches encore et encore… peut être un peu trop. Surtout qu’en fin de partie, le peu de cartes restantes restreint drastiquement les possibilités de scorer, d’autant que nos piments en réserve nous donnent 0 point de réputation à la fin. C’est bien dommage, les piments les plus rares ayant nécessité beaucoup d’efforts (et d’amour bien sûr) pour les faire pousser, et si une carte nous passe sous le nez à la fin, c’est carotte. D’où l’importance d’une belle enchère dans les derniers tours. Malgré tout, c’est frustrant.
Si la fête était agréable, il y a un moment où l’on veut rentrer chez soi. Dans les derniers tours, nous baissions tous la tête quand les objectifs de fin de partie n’étaient pas atteints et qu’il fallait refaire un tour. Pas très bon signe. C’est que le métier de planteur de piments est un peu répétitif (je plante, je récolte, je plante, je récolte…). Beaucoup moins de possibilités en fin de partie, ce qui rend les derniers tours moins attrayants.
Les recettes génèrent beaucoup de PV.
La boîte est destinée aux personnes de 14 ans et plus. Mais j’aime bien expérimenter et nous sommes souvent surpris par l’intelligence des enfants. J’ai donc fait un test avec mon fils de 10 ans. Après une première manche, les règles étaient parfaitement assimilées et il a pris plaisir à y jouer (il en redemande). Alors certes, il ne va pas prétendre à la victoire, la planification sur le long court du jeu étant trop complexe, mais il va s’amuser à créer les piments de plus en plus « rares » et, finalement son aisance dans les couleurs m’a épaté.
Il est beau mon poivron
Le matériel est à l’image du jeu avec de très bons éléments, mais quelques écueils. J’aime beaucoup les piments qui viennent parfaitement se placer dans les encoches des plateaux. Par contre nos meeples fermiers sont de bonne taille, masquant une partie du plateau central, ce qui nous contraint à quelques contorsions du cou, telle la girafe lors de son stretching du matin.
Rien de rédhibitoire, d’ailleurs en grand cultivateur de piments, je suis fier de voir le champ central s’agrandir au fil des plantations, avec une farandole de couleurs que ne renierait pas une licorne la veille de la Saint Patrick.
Nos fermiers vont récolter des piments.
Labotomie
Le jeu inclus une extension qui me semble assez indispensable. Sans alourdir les règles, elle ajoute une couche stratégique bienvenue. Chaque joueur dispose d’un labo perso où il va également pouvoir planter des piments. Ses piments vont donner d’autres piments selon le tableau d’hybridation. Un moyen annexe de gagner nos précieux Capsicum qui nécessitera de choisir avec soin quoi investir dans notre stock.
Un paravent pour cacher nos réserves.
Score final
Scoville se situe entre deux catégories de joueurs. Il est trop simple et répétitif pour les joueurs experts, mais son système de couleurs le rendra peu accessible aux joueurs occasionnels ou à la famille. Il a pour lui un système de jeu original et simple à comprendre et un mode d’enchères très intéressant, car, pour une fois, être premier joueur n’est pas toujours un atout.
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Depuis sa création en juin 2014, Ludovox a à cœur la pertinence et l’intégrité des contenus proposés par une rédaction indépendante et l’établissement d’une charte que vous pouvez retrouver ici. Cet article a été écrit avec une copie presse du jeu. Si vous aimez notre travail, n’oubliez pas de nous soutenir sur Tipeee.
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