Saigon 75 – Le Nord contre le Sud

Financé avec succès en septembre 2019, Saigon 75, wargame pour deux joueurs de Jean-Philippe Barcus et Pascal Toupy, s’est longtemps fait attendre. La faute à la pandémie de Covid-19, à des retards dans la production et dans la livraison, et à des erreurs dans le mode solo que l’éditeur Nuts! a retravaillé avant de lancer la production. Quoi qu’il en soit, Saigon 75 a désormais été livré aux backers et est disponible dans le commerce, pour le bonheur des passionnés de jeux d’histoire.

Il faut reconnaître que la fin de la Guerre du Vietnam n’a pas été représentée dans beaucoup de jeux. Parmi les titres plus récents, on peut citer Fall of Saigon, extension pour Fire in the Lake qui propose un scénario pour deux joueurs où l’Armée populaire vietnamienne (NVA) affronte l’Armée de la république du Vietnam (ARVN). Mais, même si les factions sont les mêmes et que le matériel de jeu a quelques ressemblances, Saigon 75 n’est pas un jeu de la série COIN et utilise des mécanismes simples et originaux pour simuler ce conflit.

L’accent est mis sur l’asymétrie des conditions de victoire, des combats et d’activation des unités. Pour remporter la partie, le Vietnam du Nord (NV) doit contrôler Saigon avant la fin du huitième tour ou éliminer toutes les unités du Vietnam du Sud (SV). Celui-ci remporte la partie en empêchant le joueur NV de prendre le contrôle de Saigon. Le NV dispose de jets de dés plus favorables, notamment pendant les combats, tandis que le SV peut compter sur différents types d’unités avec des pouvoirs spécifiques.

Le Ludochrono vous aidera à lancer les hostilités en ayant les idées un peu plus claires.

Le matériel de jeu (photo de l’éditeur)

 

Une guerre fratricide

Rappelons que la Guerre du Vietnam eut lieu après la division du Vietnam en deux États, la République démocratique du Viêt Nam, un État communiste soutenu par la République Populaire de Chine, et la République du Viêt Nam, État nationaliste soutenu par les États-Unis. Le conflit commence en 1955, alors que le président de la République du Viêt Nam, Ngô Dinh Diêm, refuse d’organiser le référendum prévu par les Accords de Genève de 1954.

De son côté, la République démocratique du Viêt Nam (NV dans le jeu), avec l’appui du Front national de libération du Sud Viêt Nam et le soutien de l’URSS et de la Chine, veut réunifier le pays. Les premières offensives des Viêt Cong commencent à la fin de 1955, et cette guerre cessera seulement avec la victoire du NV en 1975, deux ans après le retrait des troupes des États-Unis de Nixon dont l’aide s’arrête définitivement en juin 1973.

C’est précisément à l’été 1973 que les événements représentés par Saigon 75 commencent. Du côté du Vietnam du Nord, on compte de nombreux soldats réguliers (120000) représentés par des cylindres rouges, et des guérillas Viêt Cong (les cylindres noirs). Dans le jeu, les forces du Vietnam du Sud comportent des unités régulières, des Rangers et des Patrouilles Fluviales – les seules unités capables d’attaquer les Viêt Cong -, des Parachutistes, des Marines ou encore des Régiments Mécanisés.

Le plateau central après la mise en place

 

Ce qui différencie ces unités sont surtout leurs capacités de déplacement : les Parachutistes peuvent se déplacer n’importe où sur le plateau, les Marines se déplacent le long de la côte, les Régiments Mécanisés ont une capacité de mouvement de deux cases, etc. L’aide de jeu au dos du Livret de jeu aide à se repérer plus facilement dans ces capacités spéciales.

 

Rythme soutenu

Un aspect de Saigon 75 que j’apprécie particulièrement, c’est qu’à partir de la deuxième ou troisième partie, il prend une allure nerveuse. Tour après tour, les deux factions, en commençant par le joueur NV, jouent une séquence complète. Le joueur NV lance d’abord un dé pour déterminer le nombre d’unités qu’il pourra activer durant le tour, il joue ensuite une carte Événement de sa main et active les unités en les déplaçant et/ou en les faisant combattre. On termine en vérifiant le contrôle des provinces. Commence alors la phase du joueur SV qui répète les mêmes étapes.

Hormis pour quelques différences entre les unités et la désertion des unités SV, le jeu parvient à créer une asymétrie importante entre les deux factions, sans que les règles soient excessivement compliquées. Les joueurs ont donc surtout besoin d’un petit temps de réflexion pour choisir un Événement de leur main et décider quelles unités ils vont activer.

Les cartes sont de trois couleurs : jaunes pour le SV, rouges pour le NV et vertes, pour les cartes neutres.

 

Comme il ne s’agit pas d’un jeu piloté par les cartes à proprement parler, les événements ne changeront pas le fonctionnement du tour en profondeur. Il faut plutôt les voir comme une aide temporaire qui peut nous faciliter la vie ou, au contraire, pénaliser l’adversaire. Les cartes Événement confronteront tout de même le joueur SV à quelques dilemmes car il y a seulement six cartes qui lui sont favorables, contre douze pour le NV. Il devra donc réfléchir au moment le plus opportun pour concéder un avantage modéré au joueur NV, et éviter de jouer certaines cartes à des moments déterminants de la partie.

 

Combattre, mais pas n’importe comment

Les combats étant résolus par des jets de dés, et les faces des dés étant elles-mêmes réparties de façon asymétrique, les joueurs ont tout intérêt à s’assurer d’avoir de bonnes chances de réussir un combat avant de s’y engager. Les dés étant plus favorables au joueur NV, celui-ci aura en général moins de scrupules à attaquer que son adversaire qui tentera au contraire de lancer des offensives plus massives, en s’aidant par exemple du soutien aérien.

L’un des premiers objectifs du joueur NV sera d’arriver à contrôler au moins cinq provinces. Cela obligera le joueur SV à faire un test de désertion et à retirer du plateau des unités pendant sa phase de jeu. C’est pour cela que le NV utilisera rapidement les marqueurs Infiltration qui ajoutent un dé pendant une offensive. Il existe également des marqueurs Objectif qui, sans être indispensables, peuvent sauver la mise lors d’un lancer de dés particulièrement mauvais.

 

L’offensive du NV vient du Vietnam du Nord, du Laos et du Cambodge dans lesquels les troupes SV ne peuvent pas entrer. Pour attaquer les régions frontalières, le joueur NV peut dépenser un marqueur Infiltration (flèche rouge) et lancer un dé supplémentaire.

 

À la fin des tours 3, 5 et 7, on attribue le marqueur Objectif correspondant au joueur qui contrôle la région dans laquelle il est placé. Il pourra être dépensé plus tard pour relancer un dé, activer une unité supplémentaire, ou remplacer une carte de sa main. Toutefois, les objectifs ne doivent pas faire perdre de vue au joueur NV l’importance d’attaquer Saïgon le plus rapidement possible pour arriver à la contrôler.

De son côté, le joueur SV essayera surtout de ralentir l’avancée du joueur NV, ou de reprendre le contrôle des régions dans lesquelles celui-ci a laissé peu d’unités. Partiellement déséquilibré en faveur du NV, Saigon 75 gagne en effet à être joué en aller-retour. On détermine alors le vainqueur en comparant le tour pendant lequel le joueur NV conquiert Saïgon. Mais méfiez-vous, on peut se laisser surprendre par la résistance du Viet Nam du Sud !

 

Vive les dés !

Avec Saigon 75, Jean-Philippe Barcus et Pascal Toupy proposent certes un jeu complexe, mais aussi abordable même pour les néophytes des jeux historiques. À noter que, sans être excessivement long, le livret de jeu offre un aperçu intéressant de l’histoire de cette guerre et des notes historiques pour chaque carte Événement.

Lors des premières parties, certains joueurs pourront se laisser attraper par un petit coup d’analysis paralysis. Néanmoins, dès qu’on a pris ses repères avec la séquence de jeu et les capacités spéciales des unités, les parties dépassent rarement l’heure de jeu.

Les dés y jouent un rôle prépondérant. Même si les résultats sont tempérés par des modificateurs, ils déterminent aussi bien le nombre d’unités que nous pourrons activer que l’issue des combats, le nombre d’unités qui désertent ou encore l’élimination du soutien aérien. Si vous n’aimez pas le hasard, vous n’aimerez pas Saigon 75. En revanche si, comme moi, vous appréciez composer avec le hasard, élaborer une stratégie à partir de lui et vous y adapter, je vous le recommande.

Les tests de désertion auront eu raison du moral des unités SV peu nombreuses qui restaient sur le plateau. Le joueur NV remporte cette partie à la fin du sixième tour.

 

Il est vrai que les règles auraient pu être mieux structurées et, parfois, mieux écrites. Mais, grâce à la mise en page, on se repère assez facilement dans le livret et, en principe, les règles sont assez intuitives. D’autre part, contre ceux qui estiment que les wargames ne peuvent être que laids, Saigon 75 montre qu’ils peuvent être, non seulement clairs et lisibles, mais aussi agréables à l’œil, le tapis en néoprène améliorant encore plus l’esthétique et l’expérience de jeu.

Un autre avantage non négligeable, c’est la simplicité et l’efficacité du mode solo. Il est constitué de cartes qui permettent de gérer la faction NV sans grande ambiguïté et, en cas de doute, il convient de faire le choix plus favorable pour cette faction. En tant que SV, vous êtes donc mis au défi de contrer l’IA en l’empêchant de remporter la partie. Le fonctionnement de cette IA est simple et nécessite peu d’entretien. En contrepartie, elle simule de façon vraisemblable une partie à deux joueurs.

En solitaire, au début de la phase NV, on pioche une carte. Celle-ci indique la couleur de la carte que la faction NV priorisera, l’orientation des activations, et les configurations dans lesquelles elle engagera des combats.

 

Quand j’ai une heure ou deux devant moi, Saigon 75 fait partie des jeux que j’aime bien ressortir. Non seulement, le mode solo me permet d’y jouer facilement, mais je sais aussi que si un joueur souhaite le découvrir ou y rejouer, les explications ne seront pas trop longues et la partie ne s’éternisera pas. Du moment qu’on n’est pas un joueur trop compétitif et qu’on tolère le hasard, il y a de fortes chances qu’on appréciera le défi stratégique qu’il propose.

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