Quand c’est trop c’est Tropicool ?
Paru en 2024, Tropicool est une création française se classant dans les jeux à cocher. Celui-ci n’est cependant pas tout à fait comme les autres, puisqu’au lieu de s’aligner sur un format « pépère », chacun jouant dans son coin, il va se distinguer des Roll & Write classiques par son interaction, en ajoutant une pointe de rapidité. La question est de savoir s’il se démarque suffisamment pour trouver et intéresser son public. C’est l’objectif de ce petit article du jour, suspense !
Welcome to… Les GAlons MagiquES
Sous le pseudonyme « Les GAlons MagiquES » se cache un duo d’auteurs motivés, Marion et Xavier, également éditeurs. La petite maison d’édition nommée POTAM Games est née en 2023 sur notre littoral West Coast et se lance dans une gamme pour l’instant plutôt familiale et d’ambiance. Cela dit, comme expliqué sur leur site, les tenanciers préfèrent fonctionner au coup de cœur et ne pas s’enclaver dans une ligne éditoriale. POTAM a démarré l’an dernier en flèche avec deux premiers jeux auto-édités : Bistro et Tropicool, puis leur petit dernier Pic’Together (édité chez Letheia Games), jeu d’ambiance coopératif dont vous trouverez une explication courte en vidéo, par Xavier. A noter que la maison se lance également dans l’édition de jeux développés avec des auteurs tiers.
Enfin, si vous voulez faire connaissance avec leur univers ludique, le couple anime également une chaine Youtube, dans laquelle vous pourrez y voir quelques démonstrations de leurs prototypes.
Ok, Roll & Write, mais dépêche-toi !
Je pourrais vous détailler les règles du jeu, mais cela serait fastidieux à écrire et peu engageant à lire. Non, je préfère vous parler de ce qui le distingue des autres Roll & Write et des sensations qu’il apporte. Pour un aperçu des règles en 5 minutes, il n’y aura rien de meilleur qu’un bon Ludochrono, rapide et efficace.
Alors, qu’y a-t-il d’original dans Tropicool ? Je réponds à cette question qui nous pend tous au nez. Et bien dans un Roll & Write classique, on suit le principe du Bingo. Comme leur nom l’indique, dans un premier temps, au centre de la table, on lance des dés ou bien on retourne des cartes, des tuiles, ou encore on pioche quelque chose dans un sac, vous avez compris l’idée. Le résultat du tirage étant connu de tous, chaque joueur va, sur son propre plateau ou fiche en papier, cocher une case (ou poser un jeton) en fonction de ce résultat. On peut ainsi déclencher des combos, atteindre des objectifs, arranger sa petite affaire comme on le souhaite afin d’optimiser son gain de points.
En général il n’y a aucune dimension de temps contraint. Ici, c’est tout le contraire, pas de sablier, mais un crédo : « premier arrivé, premier servi ». Le tirage est donné par un lancer de dés au centre de la table, constitué d’autant de paires de dés qu’il y a de joueurs (2 à 5), chacune étant symbolisée par un petit animal tropical en bois placé au centre de la table. Chaque paire peut contenir des valeurs intéressantes pour notre grille, ou au contraire des valeurs que l’on ne voudra surtout pas choisir, car une fois inscrites, elles risqueront de nous faire rater des objectifs de points. Chaque joueur(se) devra ainsi saisir en temps réel un animal relié à une paire de dés, puis utiliser les valeurs de ces dés dans sa grille à cocher, pas d’échappatoire possible !
Lors de ma première partie, j’ai tout de suite pensé à Jungle Speed et à Bazar Bizarre, réflexe de dinosaure. Mais il n’en est rien. Pas de doigts écrabouillés, mais surtout, il n’est pas seulement question de rapidité. Vous serez pris dans un petit tourbillon mêlant opportunisme et choix de survie. « J’aimerais vraiment avoir un 6, mais pas vraiment de 3 et surtout pas de 5, débrouille-toi avec ça ». Voilà ce qui se passe dans votre tête. Lorsque les dés afficheront « 6-3, 1-1, 4-2 et 6-1 », à vous de vous jeter sur le meilleur compromis.
Alors certes, vous n’aurez pas toujours le temps d’attraper le meilleur lot pour vous, mais le tout est de décider suffisamment rapidement d’un choix pour limiter la casse. On saisit parfois de bons lots, mais on arrive inévitablement sur des situations loufoques, où chacun réagit différemment et où l’on se précipite sur… Surtout pas ça, quitte à prendre n’importe quoi ! Cette prise de décision interactive va apporter une pointe salée mesurée, là ou d’ordinaire les jeux calculatoires attribuent les chances de victoire plus ou moins fatalement aux mêmes joueurs.

Chaque manche est représentée par une feuille de palmier divisée en 6 cases. On place les chiffres où l’on veut sur la feuille. Les cases du bas serviront à compléter notre grille située au bas de la fiche, les cases du haut serviront de défausse.
L’intelligence du game design réside pour moi en partie dans le fait que le dernier servi n’est pas toujours mal loti. Ce qui arrange les uns n’est pas forcément bon pour les autres et vice versa. Le dernier aura simplement moins de choix. D’autre part, la grille de remplissage permet en début de partie de donner un peu de mou, afin d’éviter de se retrouver condamné par un mauvais choix. En effet lors de chaque manche, vous devrez remplir 6 cases avec les valeurs des paires de dés choisies (1 manche se réalise en 3 tours donc). Grosso modo, les 3 cases du bas sont des choix définitifs, celles du haut permettent de caser des valeurs « déchets », sans grande conséquence. Et sur un malentendu, si ces déchets font des suites ou des brelans, on pourra gagner quelques avantages ou points supplémentaires, qui pourront faire la différence en fin de partie.

La variante du Toucan ajoute un peu de course aux contrats et permet d’inciter une meilleure exploitation des cases de défausse.
Tout se complique en fin de partie, où la marge de manœuvre s’amenuise de plus en plus, si bien que les conséquences des mauvaises pioches vont se faire sentir. On a donc une belle montée de pression en crescendo, où la dernière manche concentre autant d’attentes que d’appréhension. Avec des durées de parties relativement courtes (compter 20 minutes), les sensations gardent donc toujours un côté fun, nous maintiennent en haleine sans tomber dans l’ennui.
Alors, on y va ou pas ?
J’aurais pu vous parler de la direction artistique (illustrations signées Apolline Etienne : Living Forest, Muse), ou encore décortiquer les mécaniques de remplissage de grille et de scoring. Mais dans ce que je voulais vous raconter sur Tropicool, l’intérêt n’est pas vraiment là. Même si le format implique une profondeur limitée, l’espace décisionnel est suffisant et c’est tout ce que l’on demande.
Non, l’intérêt de Tropicool, c’est l’interaction ! Voir la réaction des autres mais aussi la sienne lorsque le résultat des dés tombe. On se comporte correctement, puis à un certain tour de jeu, on finit par faire n’importe quoi, je dirais même par « s’auto-troller ». On rattrapera ce coup plus tard, ou pas, et c’est ce qui fait vivre les parties, avec des rebondissements. Ces raisons font aussi que les parties tendent à ne pas se répéter froidement malgré le format court et simple.
C’est un jeu familial, mais est-ce pour autant un jeu d’ambiance ? Non, quand même pas. Tropicool est pour moi un Roll & Write original, avec de la vraie interaction et accessible à tous. D’ailleurs c’est sans doute pour cela qu’il sort souvent chez moi en ce moment.
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