Polynesia : un jeu au tempérament volcanique !
Vous et votre tribu étiez tranquilles à vous la couler douce sur le sable fin… mais du haut de la montagne, le volcan gronde. Un signe qui n’est pas pour vous rassurer ! C’est le moment pour votre tribu de quitter cet endroit faussement paradisiaque pour le confort des îles environnantes.
Polynesia est un jeu de Peer Sylvester qui s’est illustré avec King is Dead et Village Green qui vont d’ailleurs tous les deux sortir en français chez Origames (on en reparlera). Polynesia est quant à lui arrivé en VO cette année, chez Ludonova, un éditeur espagnol (Watson & Holmes) mais il devrait débarquer en français chez Gigamic courant de l’été 2021.
Attention, on ne peut pas vraiment dire que l’on va buller sur la plage. Polynesia avec ses couleurs chatoyantes cache bien son jeu, car il nous propose une forte interaction qui peut parfois faire grincer des dents. On va construire des bateaux pour déplacer nos Meeples sur les îles et emprunter ceux des autres joueurs également. Le but du jeu ? Sauver un maximum de membres de sa tribu.
La force de Polynesia ? Son mécanisme principal est simple mais pas dénué de profondeur et d’interaction comme vous allez le voir.
Nous avons un marqueur qui indique le numéro de la phase de jeu dans laquelle nous sommes, 3, 2 ou 1, puis viendra une phase de maintenance classique. À son tour, on réalise une des actions suivantes : explorer (c’est-à-dire construire un bateau), ou se déplacer, pêcher des ressources, ou bien encore peupler une île déjà explorée.
Le petit twist ? Le numéro de la phase indique la valeur de notre action : c’est-à-dire que si je souhaite faire l’action du voyage, je vais pouvoir la faire trois fois à la phase 3 par exemple, ce qui est plutôt bénéfique, mais à l’inverse explorer réclamera trois ressources en phase 3, contre une seule en phase 1, etc. Autant dire qu’il vaudra mieux construire en phase 1, ou 2, et voyager en 3 par exemple. Mais bien entendu, cela ne sera pas si facile car tout dépendra des actions des autres joueurs.
Oui, de l’interaction, il y en a. Sachez par exemple que sur certaines îles seront placés lors de l’installation du jeu des jetons bonus que les joueurs vont chercher à obtenir. Il va se générer une petite course au gain, car c’est le premier arrivé qui en bénéficie. Pourquoi se bat-on ? Des points de victoire, des actions gratuites, etc.
Pour voyager, je vais emprunter les voies que j’ai explorées (avec les bateaux) ou celles des adversaires. Pour cela je vais devoir les payer avec un coquillage ou un poisson (les ressources du jeu), en fonction de ce avec quoi ils ont construit leur bateau (et c’est signalé par une ressource placée sur la voie). Si je ne peux pas payer alors je reste sur place !
Autre petit prérequis pour effectuer un déplacement via un bateau adverse : je dois emporter avec moi un Meeple de la couleur de cette pirogue (il symbolise mon guide). Par contre, s’il n’y a pas de Meeple, je suis coincé, à moins de me construire une pirogue à ma couleur. Oui mais le temps est compté…
Vous saisissez le côté retors du jeu : on peut tout à fait bloquer un joueur en cassant les chaînes de transmission, en effet pour qu’un Meeple adverse emprunte notre bateau il faut qu’un de nos Meeples soit présent sur l’ile d’où il part, sans quoi il ne pourra pas effectuer son déplacement. De même, il sera bloqué s’il n’a pas la ressource requise.
Les deux ressources (poisson et coquillage) se valent, mais encore faut-il avoir celle demandée. Là encore, au moment de construire, si vous ne souhaitez pas qu’un joueur s’envole vers la prochaine île avec le jeton bonus que vous convoitez, il suffit de construire votre bateau avec une ressource qu’il n’a pas. Vicieux, je vous le dis.
Le volcan gronde !
Une fois les actions réalisées, le premier joueur va tirer dans le sac un petit cube : s’il est gris, rien ne se passe, si c’est rouge, le volcan montre des signes d’impatience, attention ! Il se trouve qu’au sixième cube rouge, c’est l’explosion et la fin de la partie. Ah et si le cube est noir, il ne se passe rien, sauf que vous devez piochez deux nouveaux cubes dans le sac avec le risque d’en tirer deux rouges d’un coup. On joue avec vos nerfs. Impossible de savoir quand le jeu va se terminer, si on a le temps ou bien si au contraire on doit vite se déplacer.
Ensuite, il y a une pénurie sur une des ressources qui se joue : tout le monde jette ses poissons ou ses coquillages à la convenance du premier joueur. Autant dire qu’il ne sert à rien de thésauriser des ressources, il vaut mieux les dépenser à bon escient.
Enfin, sur chaque île où il y a un symbole poisson ou coquillage, on produira tous les ressources en question. Ouf, enfin quelque chose de sympa sur ces archipels ! Puis, on passe le jeton premier joueur et on continue ainsi nos actions jusqu’à l’éruption fatidique.
La marée monte…
Mais ce n’est pas tout. Pas encore ! En début de partie on va tirer 3 cartes marée, numérotée 1, 2 et 3, qui vont légèrement modifier le gameplay ou ajouter un nouvel élément de scoring. Ainsi, les cartes marées de type 2 utilisent les jetons masques, ce qui signifie que dans cette partie, vous allez pouvoir à l’acquisition du masque, construire gratuitement un bateau, ou bien déplacer un Meeple de votre stock sur l’île que vous venez d’explorer. Les cartes marée 3 sont toujours des cartes de scoring : par exemple 4 points au joueur majoritaire en bateau sur le plateau à la fin de la partie.
Pas de panique : ces marées sont simples à comprendre. On en prend connaissance dès le début de la partie. Puis, à nous de tirer notre épingle du jeu. Elles rendent le jeu stratégique en plus d’être tactique et offrent au passage une petite rejouabilité. Lors d’une de nos parties, on gagnait des points si on était majoritaire sur la production de coquillages, autant dire que l’on s’est tous jetés sur les îles qui en produisaient tout en essayant d’empêcher les autres d’y aller… C’est vicieux, je vous l’avais dit ?
Quand la fin de partie survient, on rapatrie alors tous les Meeples qui sont sur l’ile principale et les trois premières îles, paix à leur âme. On les replace sur notre plateau et cela nous donne les points de victoire remportés. En gros, plus vous remplissez votre plateau, moins vous marquez de points (cf photo ci-dessous). On compte aussi les points de victoire sur les îles (les symboles tatouages de tortue) et enfin, les cartes marées. Un décompte rapide finalement.
Brass coulée ?
Le système du volcan est tout simplement génial : il y a dans le sac 6 cubes rouges, 3 gris et 1 noir, impossible de savoir quand la partie devrait se terminer. Ce principe d’incertitude génère une belle tension (ça peut terminer en 5 tours, ou en 6, ou 7, ou en 8). Impossible de planifier à long terme ce qui s’avère ici à mon sens intéressant, mais peut être vécu comme frustrant selon le public.
Le système de réseaux où l’on va utiliser les voies navigables des autres joueurs m’a immédiatement fait penser au brillant j2s de Wallace, Brass. Certes on utilise leurs bateaux, en plus on les paye, mais on les déplace, leur faisant gagner un (ou plusieurs) mouvements au passage.
L’édition est superbe. D’abord la cover, avec cette illustration magnifique, avec un vernis sélectif qui met en valeur les enluminures présentes sur la boîte. Tout respire l’amour du travail bien fait ici. En fond de boite au lieu d’avoir un intérieur blanc on profite d’une autre sublime illustration, totalement inutile, mais complétement indispensable. On se sent choyés quand on a acheté cette boite. Elle présente un niveau de finition hallucinant (le plateau avec ses bords ronds et non carrés…). Bref, c’est vraiment un bel objet (bon, on m’a soufflé dans l’oreillette que cela voulait dire que c’était fabriqué en Chine, et c’est le cas, car on n’a pas les usines pour cela apparemment).
On pourrait trouver à redire sur les couleurs choisies pour nos Meeples, en effet, du bleu, du violet, du rose, du gris ça ne tranche pas assez, ce qui est un peu dommage. Il aurait suffit de couleurs plus cassantes, mais cela aurait peut-être moins collé avec l’harmonie de la boite et du jeu j’imagine.
En deux mots, Polynesia est ce que j’appelle un beau jeu épuré et sans chichis. Un game design profond tout en étant simple. Un titre intelligent et très retors, avec une forte interaction. Qui dit forte interaction dit aussi qu’il sera nécessaire d’y jouer à minimum 3 joueurs, et même 4 joueurs qui reste à mon sens la configuration la meilleure.
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TheGoodTheBadAndTheMeeple 06/01/2021
Interessant 🙂
Teaman 29/07/2021
6 mois plus tard, le jeu est sorti en VF comme prévu et je suis complètement d’accord avec le retour d’Atom. Un jeu expert (quand même) malin et épuré ainsi qu’une esthétique très réussie.
atom 29/07/2021
Si j’y joue pas assez à mon goût, c’est qu’il nécessite au moins 3 joueurs. La configuration à deux joueurs n’est pas intéressante et à mon avis c’est contre productif de la proposer.
Je n’aime pas trop ce terme expert, ni même familial. Polynesia on pourrait penser qu’il est simple car ses règles le sont, mais en réalité, c’est un jeu qui va aussi dépendre énormément des joueurs à la table. On a tendance à confondre un peu vite règles complexes avec jeu profond (qui irait donc avec expert). Hors, je pense au contraire que l’on peut faire un jeu profond sans complexifier à outrance et Polynesia s’en sort bien.
Dans les derniers jeux que j’ai pu jouer il fait partie de ceux que je trouve les plus élégants (avec Calimala). Visuellement c’est un de mes plus beaux jeux. 🙂