Maracaibo: Uprising – Une extension révolutionnaire ?

La première grosse extension pour Maracaibo arrive enfin en France, localisée par Super Meeple. Ne sachant pas trop à quoi m’attendre, ayant vaguement reçu des retours positifs, me voilà impatient de découvrir ce qu’Alexander Pfister a voulu nous proposer : simple addition de matériel ou véritable amélioration du gameplay ?

Sans plus attendre, à peine ai-je commencé à dépuncher le matériel, que je prends une profonde inspiration dans la boite. Est-ce que ça sent les plages de cocotiers, les sacs de canne à sucre, ou les caisses de bananes séchées ? Ben non. Ça sent le bon matériel sorti de l’usine, la bonne tuile au parfum Euro, ça sent la bonne came ! Un coup d’œil rapide pour parcourir les règles en diagonale : les couleurs sont pastel, les chapitres sont modulaires, tout cela m’a l’air bien compliqué. Il manque quelques informations en introduction des modules, que l’on retrouve finalement parsemées à la fin des chapitres. La mise en place, c’est le bronx ! Pas de doute, tous les ingrédients sont réunis : c’est bien un authentique Pfister ! Il ne fallait rien de plus pour me motiver. C’est donc de bon cœur que je me lance dans cette aventure.

Avant de démarrer, un petit rappel sur les bases : cette Ludochrono pour avoir un aperçu rapide des règles, le Just Played de Maracaibo, pour aller plus loin un Solo is Beautiful et nous avons même une Règle Express !

 

Maintenant, il va falloir retirer tous ces cubes !

 

Il y a du grain à moudre

La découverte du matériel et des règles fait comprendre qu’il faudra beaucoup de parties pour faire le tour du contenu de l’extension. Cinq modes de jeu (ou scénarios) sont proposés :

  • Un mode Histoire, dans la continuité du mode éponyme du jeu de base.
  • Un scénario compétitif + un scénario coopératif dans lesquels les joueurs soutiendront le soulèvement des autochtones pour chasser les trois nations européennes des Caraïbes. Eh oui, on change la balle de camp !
  • Un scénario compétitif opportuniste, dans lequel les joueurs souffleront le chaud et le froid sur la révolte, attaquant ou défendant tour à tour les nations européennes.
  • Un scénario coopératif, dont l’objectif est de découvrir une cachette et d’y secourir une personne y étant prise en otage.

 

 

Les informations du livret de règles sont divisées en 6 modules de jeu indépendants (par exemple, la libération des Caraïbes en est un, ou encore l’ajout du port d’attache au plateau, etc.). Chaque scénario fera intervenir 4 ou 5 de ces modules qu’il faudra combiner et prendre en compte durant la partie. C’est un parti pris, qui a l’inconvénient de faire naviguer entre les règles de chaque module pour chercher l’information. Comme pour le jeu de base, la lecture des règles est indigeste, mais l’information, si elle est recherchée, s’y trouve toujours, ce qui est satisfaisant, même si elle n’est pas toujours clairement formulée. Par contre, concernant la mise en place, c’est une autre histoire. Parlons-en, avant d’explorer plus en détail ces scénarios…

 

La mise en place : le bagne !

Disons-le sans détour, la mise en place est un véritable cauchemar et je pèse mes mots. Pour ceux qui se souviennent, celle du jeu de base paraissait déjà bien lourde, avec notamment ses formules un peu maladroites de mélanges de cartes Projet (les paquets A, B, C, qu’il faut différencier à la loupe…), puis sa disposition de petits éléments (disques, cubes…) fastidieuse.

La mise en place de l’extension est sans surprise une grosse surcouche, qui plus est maladroite. Chaque scénario ajoutera ses spécificités de mise en place. Mais surtout, chaque scénario indiquera de prendre en compte tel ou tel module (par exemple 4 modules pour le scénario coopératif de base), et chacun ajoutera sa petite touche personnelle de modification de la mise en place, et ce de manière pas forcément mise en évidence dans le texte ! Il faudra donc repasser méticuleusement en revue chaque module, et revenir au cas par cas sur certains éléments de la mise en place classique…

Personnellement, je l’ai si mal vécu, qu’au bout de 20 minutes, en voyant encore la liste à rallonge des tâches restantes, j’ai eu la sensation que ce livret m’avait réduit à l’esclavage. Un coup de génie thématique ? Je ne crois pas. Il faudra hélas accepter de suivre ces innombrables instructions dans la douleur pour pouvoir jouer, sinon ce sera une voie sans issue.

 

Des cartes Projet thématiques bien sympa à intégrer dans la mise en place. Manque de bol, leur liseré n’est pas imprimé de la bonne couleur.

 

Les plateaux Navire : l’élément central

Parmi les découvertes agréables, de nouveaux plateaux pour les joueurs, modulables, et en double épaisseur, remplacent ceux du jeu de base et s’adaptent à tous les scénarios, y compris ceux de Maracaibo. Quelques tuiles forment des éléments du plateau et changeront de face selon le scénario joué. Dans l’ensemble, ils constituent un bel ajout au gameplay.

 

 

La grande nouveauté concerne les ports d’attache. Si vous jouez un des scénarios de l’extension, vous aurez le choix entre trois tirés au hasard parmi 15. Chacun conférera une amélioration unique, créant une asymétrie légère mais intéressante entre les joueurs.

 

Les 15 ports d’attache. Une fois débloquées, certaines compétences peuvent envoyer du lourd !

 

Les tuiles Combat vont changer en fonction des modules de jeu impliqués (s’allier avec les nations, les combattre…). Si vous jouez un scénario en rapport avec la révolte des populations autochtones, vous intégrerez une tuile spéciale à votre plateau, qui permettra de récupérer les cubes Possession des nations combattues, créant des profits très intéressants.

 

Le système de collecte des cubes possessions est un petit jeu dans le jeu. Faites en sorte d’alterner les couleurs pour gagner toutes les récompenses. Plutôt chouette.

 

Cinq scénarios

Le principal apport de l’extension est bien évidemment ses 5 scénarios. Je les passe en revue pour vous en donner la substantifique moelle.

Le mode Histoire est une nouvelle campagne qui fait suite au mode Histoire de Maracaibo, avec 44 cartes ajoutées. La scène débute après que l’épidémie ait été endiguée, et l’intrigue navigue autour de l’ingérence d’une des Nations colonisatrices dans des querelles d’héritage au sein d’une tribu locale. Le principe reste exactement le même. Les joueurs s’affronteront et resteront toujours en retrait de l’histoire, qui a mon sens est plus un moyen de renouveler le plateau de jeu en ajoutant des tuiles et de nouveaux personnages, qu’autre chose. Ce mode ne sera réservé qu’aux plus grands fans capables d’enchaîner plus d’une dizaine de parties pour en venir à bout.

Le mode Histoire n’a présenté que peu d’intérêt pour moi. Ayant déjà poncé le jeu de base jusqu’à l’os avec la longue campagne, j’ai été peu motivé par l’idée de remettre ça, car même si on rajoute quelques cartes et tuiles Legacy de l’extension, on ne bénéficie pas du nouveau gameplay qu’elle propose, et c’est un peu dommage !

 

L’Alliance des Caraïbes, le scénario coopératif, est la grande nouveauté de Maracaibo : Uprising. Le feeling a été bon de mon côté, car il permet de jouer autrement à Maracaibo, avec une plus grande diversité de joueurs (les amateurs de coopératif), et avec peu de changement de règles et de matériel . Le plateau est parsemé de cubes possession, et il faudra bien évidemment les retirer en totalité avant la fin des quatre manches pour libérer les Caraïbes des colonisateurs. Pandemic, sort de ce corps ! En plus de ce défi, vous devrez affronter un automa coriace, et c’est intéressant. Je vous détaille cela au chapitre suivant.

 

 

Le sauvetage est une surenchère de l’Alliance des Caraïbes. En plus de devoir accomplir tous les objectifs du scénario précédent, vous devrez délivrer Julia de l’emprise de ses ravisseurs. Pour ce faire, il vous faudra collecter suffisamment d’indices pour trouver leur cachette, puis mener un combat. De quoi corser un peu plus le jeu, si vous vous parvenez à bout de l’automa trop facilement avec le temps. J’ai trouvé cela plutôt bienvenu pour allonger sa durée de vie de quelques parties.

 

 

Troubles est l’équivalent de L’Alliance des Caraïbes en version compétitive. Il n’y a pas grand-chose à ajouter, c’est une course à points, point !

Tout Compris est assez proche de Troubles, mais un peu plus subtil et cérébral, car il faudra mieux anticiper le jeu des adversaires et éviter les opportunités que l’on pourrait leur laisser par mégarde. En plus d’avoir une mise en place agrémentée de quelques tuiles legacy aléatoires, on pourra tour à tour décider de jouer pour ou contre les nations, dans un genre de tir à la corde. Si vos adversaires posent des cubes Possession sur des villes, vous pourrez les libérer et gagner plus de points. Dans la même idée, libérer un cube sur un village rapportera plus de points s’il y a déjà des cubes dans les villages voisins. Quelques nœuds au cerveau en perspective.

 

 

Jacques s’invite dans la place

Désormais, l’automa n’est plus réservé aux parties en solo mais jouera aussi contre vous dans les scénarios coopératifs. Pour remporter la victoire, il faudra non seulement atteindre les objectifs du scénario, mais aussi que tous les joueurs obtiennent un meilleur score que lui en fin de partie. Au passage, ce principe est très ingénieux et force le jeu coopératif. Fini les parties où un joueur bulldozer-alpha fait le principal, suivi de loin par le reste de la meute : ici chacun devra contribuer à l’effort de manière significative pour l’emporter.

 

Chaque carte de l’automa est modulaire. En fonction du tour de jeu, l’effet est différent. En fin de manche, on cumule les points de victoire affichés.

 

Le principe de Jacques est le suivant : plus on laissera l’automa jouer longtemps durant une manche, plus il va scorer. L’idée est aussi simple qu’astucieuse, car elle vous laisse le champ libre pour établir tous les combos et stratagèmes qui vous plairont. C’est justement cette liberté d’action que l’on recherche dans Maracaibo. Cela dit, c’est quelque part un cadeau empoisonné, car si vous êtes du genre à prendre votre temps, vous aurez intérêt à récolter une montagne de points de victoire pour rivaliser avec lui. Pour les joueurs solitaires, je comparerai Jeanne avec cet automa, que je trouve bien meilleur, dans un prochain Solo is Beautiful.

Côté sensation de jeu, on ne pourra étrangement pas se situer par rapport à l’automa durant la partie et ce, pratiquement jusqu’à la fin. Les premières manches, c’est la sidération. On aura tendance à se faire littéralement écraser. On rattrapera ensuite le retard péniblement, jusqu’à scorer de manière soudaine et importante lors de la dernière manche, pour éventuellement devancer Jacques dans un retournement de situation soudain. C’est un peu perturbant, mais au final, cela ne m’a pas dérangé, l’effet de surprise étant maintenu jusqu’au bout.

 

Un petit raccourci dans la jungle vous permettra d’envoyer un de vos espions vers de nouvelles contrées luxuriantes

 

Le folklore un peu en retrait

Le coté folklorique lié aux autochtones reste relativement discret, tant sur le plan visuel que sur le gameplay. Un paquet de 36 cartes Projet vient alimenter celui du jeu de base. Celui-ci est bien thématisé et rappelle qui peuplait les Caraïbes avant que les occidentaux ne débarquent. Il sera cependant dilué avec le reste des cartes Projet, et ne ressortira pas en premier plan. Côté gameplay, le folklore, ou plus généralement le thème, ne se font pas particulièrement ressentir non plus. On retire des cubes, mais la lutte armée contre le colonisateur semble bien abstraite. C’est un trait aucunement lié à l’extension mais qui est propre à Maracaïbo, un jeu à dominante mécanique. Cela ne m’a pas dérangé outre mesure, mais je préfère vous le signaler !

 

 

Faisons les comptes

Maracaibo: The Uprising est une extension bien fournie qui renouvelle agréablement le gameplay et allonge considérablement la durée de vie de Maracaibo. Son principal apport est l’ajout d’un mode coopératif (avec deux scénarios) efficace, notamment par l’ajout d’un adversaire commun automatique (Jacques) au design simple et réussi. Certains concepts du jeu de base sont améliorés, comme les plateaux Navire modulables que j’ai bien appréciés ou encore l’automa Jeanne.

Un gros carton rouge cependant pour la mise en place, insupportable et fastidieuse, qui en calmera plus d’un. Passé cet obstacle, les amateurs du jeu désirant prolonger et varier l’expérience, en particulier avec le jeu coopératif ou en solo, ne pourront qu’être satisfaits !

 

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4 Commentaires

  1. frédéric ochsenbein 21/07/2022
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    J’ai fait 2 fois la campagne de Maracaïbo autant dire que j’ai des parties au compteur ^^. Un jeu que j’aime beaucoup mais dont je reproche un équilibrage parfois bancal (sur plus de 40 parties, le joueur ayant le plus de Maître d’œuvre l’a toujours emporté sauf 2 fois) . J’attendais donc beaucoup de cette extension et ca a été la douche froide. Précisons tout d’aborde que mon cercle de joueurs n’étant pas dans le coopératif nous n’avons pas essayé ces modules (alors que c’est peut être le point fort de cette extension). Niveau campagne c’est un peu mieux scénarisé que la campagne principale mais ce n’est pas non plus la folie ^^. Le point clé pour moi était surtout la partie équilibrage. Alors certes les maîtres d’œuvre ont moins d’impact, mais entre les nouvelles cartes et les ports d’attache ca devient n’importe quoi. Je suis pas compétiteur dans l’âme, Maracaïbo a des mécaniques sympas à déployer au delà du scoring, mais quand on sait à l’avance qu’on va prendre plus de 20 points dans les dents au décompte final c’est pas super motivant. De plus les nouveaux modules compétitifs ne m’ont pas séduits plus que cela. Au final j’ai revendu Maracaïbo car entre la lourdeur de la mise en place, les déséquilibrages, même si le jeu reste bon, il souffre de la comparaison avec d’autres productions qui elles n’ont pas ces défauts et donc auront ma préférence.

    • Groule 21/07/2022
      Répondre

      Merci pour ton retour détaillé. Clairement, cette extension profite principalement aux amateurs de jeu coopératif et solo. Pour l’équilibrage en mode compétitif, je n’ai pas fait assez de parties pour pouvoir en juger.

      • frédéric ochsenbein 22/07/2022
        Répondre

        Par contre je n’ai fait qu’une partie du Boonlake mais j’ai beaucoup aimé ^^. Tu as eu l’occasion d’y jouer ? Tu en as pensé quoi ?

  2. Groule 22/07/2022
    Répondre

    Alors je n’ai pas eu l’occasion mais je sais qu’ Atom pourrait en parler, car il l’a bien exploré 🙂

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