Les Tours Ambulantes – Hop tu me vois, hop tu me vois plus !

Vous souvenez-vous des Tours Ambulantes ? Sorti à la fin de l’été 2022, ce titre localisé en France par Oya a eu sa petite heure de gloire auprès du public, mais elle fut relativement brève. Il est issu du travail d’un duo d’auteurs Wolfgang Kramer (6 Qui Prend) & Michael Kiesling (Azul), dont la collaboration ne date pas d’hier (déjà en 1999 avec Tikal et Torres).

À ce jour, il est encore trouvable dans les boutiques spécialisées ainsi qu’en ligne, mais face à l’offre toujours plus abondante, l’émulsion autour de lui s’est tarie et désormais peu de joueurs en parlent encore. Avant qu’il ne sombre dans l’oubli, donnons-lui sa place dans les Just Played avec un petit coup de projecteur, car vous allez voir qu’il s’agit là d’un titre plutôt original qui a le potentiel de devenir un classique s’il se maintient dans les ventes.

 

 

Tout en volumes

Il existe peu de catégories pour classer Les Tours Ambulantes. Je dirais : jeux de mémoire et de gestion de main. Certains évoquent le bonneteau, mais l’objectif n’est pas spécifiquement de duper les autres. On y reviendra plus loin.

Il s’agit d’un jeu compétitif jouable dès 8 ans, mais où les adultes ne partent pas forcément avec des points d’avance. C’est bien connu, lorsqu’il s’agit d’adresse ou de mémoire, ils ne font plus toujours le poids face à la jeune génération. Pour une découverte des règles en 5 minutes, l’éditeur à diffusé une vidéo plutôt bien faite

Une fois installé, le jeu habille bien la table avec un plateau en forme de circuit, parsemé de meeple et d’étages de tours en 3D. Chaque joueur démarre avec un lot de quelques meeple sorciers (3 à 5 selon le nombre de joueurs) et un peu plus de fioles vides. L’objectif de la partie sera d’être le premier joueur à placer tous ses sorciers dans le donjon (l’unique tour noire) et à remplir la totalité de ses fioles.

 

 

Pour placer un sorcier dans le donjon, rien de plus simple : il faut le déplacer du bon nombre de cases afin qu’il atterrisse dedans. Pour remplir une fiole, ce n’est pas plus compliqué : il faut emprisonner un ou plusieurs sorciers en déplaçant un ou plusieurs étages d’une tour dessus.

Pour ce faire, chacun à leur tour, en utilisant leurs cartes en main, les joueurs pourront faire déplacer d’un nombre exact de cases vers l’avant soit un de leurs sorciers, soit n’importe quel étage de tour, ou même plusieurs étages empilés, entraînant tous les meeple emprisonnés à l’intérieur. En effet chaque étage peut s’emboîter aux autres et peut ainsi recouvrir un ou plusieurs meeple Sorcier appartenant aux joueurs. Une fois emprisonnés à différents étages, ils ne sont plus visibles et il faudra donc se souvenir de leur cachette pour les libérer. Vous voyez le genre de situation que le jeu pourra ainsi créer ?

 

Les cartes vous permettent chacune de faire avancer une tour ou un sorcier

 

Votre main ne comprendra que trois cartes mais sera renouvelée à chaque tour. Vous aurez le choix d’utiliser deux de vos cartes à chaque tour. En général, il y a suffisamment d’éléments posés sur le plateau pour trouver de quoi faire. Les situations d’impasse où l’on reste impuissant face à sa main de cartes sont rares mais peuvent exister, plutôt en fin de partie. Dans le pire des cas, on peut défausser toutes ses cartes pour déplacer une tour, une moindre consolation.

Pour compléter un peu le gameplay, deux sorts sont disponibles pour tous les joueurs. En les utilisant avec parcimonie en payant avec une ou deux de vos fioles remplies (elles ne courent pas les rues), vous pourrez faire avancer un de vos sorciers ou une tour de quelques cases. On peut ainsi combiner les pouvoirs des sorts pour parvenir à ses fins et parfois marquer l’essai. Les sorts disponibles seront bien souvent la variable d’ajustement qui permettra de finaliser des enchaînements d’actions.

 

Les illustrations discrètes de Michael Menzel (Les Colons de Katane, Andor, My City) n’ont rien de remarquable mais le jeu est bien lisible

 

Chaos et chafouinerie

Lorsque la partie sera avancée, les tours bougeront, s’empileront, se dépileront. Vos sorciers traîneront dessous et seront trimballés dans ces dernières par les autres joueurs. Il faudra donc garder en tête sous quelle tour et à quel étage sont emprisonnés vos meeple. Lorsqu’il y en a 3 ou 4, et que le tout se déplace, c’est coton. Tout le sel du jeu est justement là : dans le fait de sombrer peu à peu dans le doute, de tenter des mouvements et de se tromper aux yeux de tous. Les situations de jeu peuvent devenir amusantes face à nos erreurs et celles de nos adversaires. C’est vieux comme le monde, mais c’est efficace.

 

 

Blague à part : c’est en cela que l’on fait parfois référence au jeu du bonneteau lorsque l’on parle des Tours Ambulantes. Il est vrai qu’il y a cet aspect où il ne faut pas perdre le fil des déplacements de vos sorciers cachés. La comparaison avec le bonneteau me semble cependant un peu fragile, étant donné qu’il est déjà difficile de gérer ses meeple, avant de se permettre de bluffer les autres joueurs avec des déplacements illusoires de tours.

Vous serez souvent partagé(e) entre faire avancer vos sorciers vers le donjon ou emprisonner vos adversaires afin de remplir vos fioles. Il faudra équilibrer votre jeu entre ces deux exercices pour gagner. Lorsque les deux sont possibles d’un coup (déplacer une tour contenant un de vos sorciers, sur un sorcier d’un autre joueur), c’est encore mieux !

Dans le principe, il est possible de planifier des coups à l’avance. Mais en pratique, du fait de n’avoir aucune information sur les mains de vos adversaires, il n’y a aucun moyen de savoir quelles tours ils vont bouger, ou lesquels de vos sorciers ils vont éventuellement emprisonner.

Si vous êtes attachés à la planification sur plusieurs tours, vous allez grincer des dents et pester. Vos plans devront être d’autant plus perturbés qu’il y a de joueurs dans la partie. Il faudra accepter l’imprévu et l’aléatoire pour aimer ce jeu, mais également être observateur et apercevoir toutes les solutions de repli que vous offre votre main.

Il sera par contre possible de contrer vos adversaires en laissant le moins possible leurs sorciers proches du donjon à l’air libre. Ils seront ainsi obligés dans un premier temps de les libérer (à condition qu’ils se souviennent de la bonne tour à déplacer), avant de les déplacer.

 

Eh oui le donjon peut aussi se déplacer avec les tours. Si vous étiez sur le point de jeter un sorcier dedans au prochain tour, dommage.

 

Face au caractère aléatoire de la pioche et l’absence de planification, on pourrait se demander s’il s’agit simplement d’un jeu de chance. Je répondrais « non », pour la simple raison que je ne gagne jamais à celui-ci ! Et il n’y a pas de hasard à cela. La mémoire, l’observation et le sens de l’opportunisme sont les qualités qui vous feront gagner.

Le jeu peut s’aborder de façon légère, au gré de quelques oublis, ou bien avec plus d’effort en tentant de mémoriser le placement de tous les meeple. Tout dépend de ce que l’on cherche. Par conséquent, le profil de joueur(se) « calculatrice » aura tendance à souvent l’emporter. Si vous avez l’intention de gagner, ne les invitez pas !

 

Des variantes sorties du chapeau

Les règles offrent trois variantes au jeu de base avec pas moins de sept options possibles au total : 

  • Mode avancé (« Maîtres sorciers »)
  • Mode solo : au choix avec ou sans sorts
  • Mode coopératif : au choix avec ou sans sorts et avec mains cachées ou avec offre de cartes communes.

 

Ça fait bien sept. Est-ce trop ? Intuitivement, je répondrais oui. J’ai eu la mauvaise expérience de règles à la carte avec certaines extensions de jeux, pour exemple celles d’Alexander Pfister (Maracaibo: Uprising, Port Royal) ou encore l’extension de Magic Maze : Maximum Security. Même si j’ai eu des coups de cœur pour ces titres, pour moi ce n’est pas au joueur de faire des choix et de composer sur les règles à partir de propositions étalées en vrac, mais bien au jeu de faire une proposition sélectionnée et testée. On a tendance à passer trop de temps à tout essayer. Cela a pour moi un goût de travail inachevé, ou non épuré. C’est un débat, je suis ouvert aux commentaires, mais passons ! Parlons maintenant un peu de ces variantes.

Une dizaine de sorts sont disponibles dans la boite, utilisables avec le mode avancé. Je dois avouer que les règles de ce mode m’ont parues un peu alambiquées et rendent le jeu peu commode. À chaque carte jouée, n’importe qui autour de la table peut faire irruption et utiliser un sort, avant même que vous ne déplaciez votre meeple ou une tour. Un tour de table est nécessaire à chaque carte jouée, interrompant sans cesse votre jeu, rendant le tout lourdingue et protocolaire. Nous avons ignoré ces règles pour jouer à notre façon. En guise de règle maison, ajouter simplement quelques sorts de notre choix aux deux sorts du mode standard nous a paru plus simple et intéressant, mais peut-être sommes nous passés à côté de quelque chose.

 

La configuration de base propose deux sorts, mais jusqu’à une dizaine sont proposés dans le mode avancé

 

Le jeu solo propose de réussir à placer une douzaine de sorciers, en jouant le moins de cartes possible. Un barème en fin de partie sert à apprécier votre score. Rien d’exceptionnel sur le papier. Un premier essai m’a cependant donné l’impression d’un mode solo bien corsé et intéressant. Je vous réserve une petite revue dans un prochain Solo is Beautiful !

Le jeu coopératif propose la même chose, avec plus de variantes. On peut jouer premièrement en disposant une offre de cartes commune face visible au centre de la table et en piochant à tour de rôle dedans. La proposition est fragile et manque de développement pour du coopératif. Le principal écueil étant l’absence totale de communication. Dans les bons jeux à communication restreinte, comme l’excellent Magic Maze, il y a toujours un moyen de passer une information précieuse à ses coéquipiers et de jouer en cohésion. Ici, on ne peut ni établir de stratégie de groupe, ni transmettre d’information. On joue chacun dans notre tête pour un but commun. Le tout tombe un peu à plat.

En somme, j’ai le sentiment que pour apprécier pleinement le jeu, il faut y jouer en mode compétitif, pour lequel il a été initialement conçu. Pour reprendre les exemples cités précédemment, j’ai donc la même conclusion que pour Port Royal !

 

Pour ranger le tout, pas besoin de démonter quoi que ce soit

 

En résumé

Les Tours Ambulantes est un jeu accessible dès 8 ans (même si 10 ans semblent plus confortable), qui cible essentiellement un public familial. Il est fluide, bien ficelé et assez minimaliste : le gameplay consistera à déplacer de quelques cases vers l’avant soit une tour, soit un sorcier, et c’est à peu près tout ! En tant qu’amateur de diversité de gameplay et de choix stratégiques, j’ai eu le sentiment d’un jeu forcément limité sur ce plan, mais je dois avouer que le tout est suffisant pour en faire un jeu divertissant. J’y ai essentiellement joué avec un public d’adultes joueurs occasionnels et il a été grandement apprécié.

La mécanique d’empilement des tours associé à l’enfermement des sorciers est à la fois le principal atout et la curiosité attractive du jeu. Elle est aussi simple qu’efficace. Pour parvenir à la victoire, il faudra inévitablement faire intervenir un peu de mémoire, car vos sorciers vont se faire emprisonner dans des tours et il ne faudra pas perdre du regard où celles-ci vont être déplacées au fil du jeu. J’ai apprécié ce twist intéressant et amusant, par lequel on finit toujours par se faire avoir.

Les joueurs initiés pourront éventuellement être conquis par la possibilité de combiner des sorts plus ou moins complexes aux mouvements proposés par les cartes en mains. Cependant, la stratégie ne pourra pas être poussée trop loin, du fait de l’improbabilité d’anticiper les coups de vos adversaires. Une seule façon de savoir s’il est fait pour vous dans ce cas : l’essayer.

Les Tours Ambulantes est un jeu beau, original et amusant qui convient a un public familial, dans lequel lequel s’adapter aux opportunités et mémoriser l’emplacement des meeple seront vos gages de réussite.

 

ça peut monter haaaaaut !

 

 

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1 Commentaire

  1. ihmotep 13/11/2023
    Répondre

    J’y ai joué en famille avec grand plaisir. A la fois plaisant pour petits et grands, le matériel original est au service du gameplay.

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