LES PETITS JOUEURS #36 : FEELINGS – La clef du royaume – Roletime, la reine des ruines oubliées

Chaque mois, notre chronique Petits joueurs vous propose plusieurs jeux pour différents âges de l’enfance. Joués entre parents chroniqueurs et enfants. 

Tutur : 8  ans qui a joué avec son papa. Biberonné aux jeux, ses deux parents sont fanas, il les voit jouer depuis la maternité. Il a toujours très envie de jouer aux jeux de grands, d’avoir ses cartes, et de manipuler le matériel. Bon public, il aime à peu près tout.

La clef du royaume

 
 
La clef du royaume est un jeu d’aventure pour enfant, un peu old school. Jugez plutôt : c’est un jeu dans lequel on va se déplacer en lançant un dé qui va indiquer le nombre de cases que l’on va parcourir. Y’avait bien longtemps (heureusement) qu’on n’avait pas vu ça. Et pour cause, il s’agit d’un jeu de 1990 remit au goût du jour par les soins de Restoration games.
Lancer des dés, c’est à peu près tout ce que l’on va faire durant le jeu. À son tour, on lance le dé, on se déplace du nombre de cases indiquées, (il y a des embranchements à choisir), on fait l’effet de la case d’arrivée et hop, joueur suivant. Un jeu de l’oie ? Oui, un peu mais vraiment pas que. (Sinon je ne vous en parlerais pas !).
On incarne des héros un peu loufoques qui vont chacun de leur côté essayer de sauver le royaume des griffes de l’affreux Roi-Démon. Mais attention, pas de coopération ici : sauver le royaume oui, mais surtout le faire avant les autres.
Pour cela, il faut reconstituer une clef. Cette clef est faite de trois morceaux, que l’on obtiendra en participant à des aventures. Ces aventures, il va falloir, pour les réussir …. lancer son dé. Par exemple, faire cinq lancés en ayant que des valeurs croissantes. Ou bien trois lancés qui ne sont que des 1. Ou bien huit lancés qui alternent pair et impair etc. Chaque aventure aura donc ses propres règles.
 
Là, je vous vois derrière votre écran (si si, je vous jure, je vous vois), vous vous dites « bah c’est juste du hasard non ? Et ça semble assez impossible surtout, on doit rater tout le temps ». Et bien oui… mais non. En effet, on aura 8 objets devant nous qui vont nous permettre lorsque l’on s’en sert, de modifier la valeur du dé, en plus ou en moins, d’une valeur qui dépend de l’objet. Cela va donc permettre de gérer un peu mieux les résultats et le hasard. Cela permettra aussi de choisir un peu nos cases d’arrivée, et de bien tomber là où on a envie pour avoir l’effet qui nous plaît.
 
Le cœur de la mécanique est donc en réalité de gérer notre collection d’objets, et de les réactiver au bon moment. Pour cela, on pourra soit tomber sur les cases prévues à cet effet, soit faire une « sieste héroïque » et en réactiver 5 pour pouvoir s’en servir de nouveau.
 
En terme de mécanique, c’est assez léger, même pour un jeu pour enfant. Mais le jeu est avant tout un jeu d’aventure, et c’est donc là qu’il va briller. Tout d’abord par son terrain de jeu assez original. Si au début le plateau est  un peu étroit, on va pouvoir emprunter des tourbillons pour l’ouvrir et découvrir de toutes nouvelles régions. C’est à la fois gadget et génial, car on a ainsi un super royaume avec plein de lieux différents à parcourir. On a vraiment envie d’ouvrir le plateau pour voir ce qu’il cache. C’est surtout le genre de plateau assez fantastique avec plein d’illustrations, de personnages, qui donnent vie à un univers que l’on a envie d’arpenter. En tout cas, chez moi, ça marche. Tant mieux car on va passer pas mal de temps à l’explorer ce plateau. Si sa taille a ses avantages, on va aussi parfois perdre un peu de temps à aller d’un point A à un point B, et ce n’est pas toujours très passionnant.
Et puis, il faudra penser à avoir une grande table quand même.
 
Reste qu’entre deux aventures, il va quand même se passer des choses, et on va faire des rencontres sur certaines cases. Celles-ci vont soit nous donner des bonus immédiats, soit des objets magiques, soit des compagnons qui apportent des bonus permanents et nous aident dans certaines aventures. Et c’est là que l’on retrouve toute l’immersion du jeu : il sera souvent sage de se préparer en recrutant son équipe avant de partir à l’aventures. On est vraiment dans le thème.
Petit plus, les personnages que l’on rencontre sont tous un peu loufoques, un peu barrés, un peu décalés, et cela rend l’humour du jeu vraiment très sympa.
 
Le jeu est une course : une fois notre clef assemblée, direction le château du Roi-Démon pour une dernière aventure à remporter pour arracher la victoire. L’interaction en est assez limitée. Elle se résume au dé du roi-Démon. Lorsque l’on tombe sur les cases correspondantes, on va donner le dé du Roi-Démon à un joueur qui devra s’en servir à la place de son dé habituel. Le problème de ce dé maudit ? Il donne des résultats beauuuuuucoup plus chaotiques que le dé normal. Trop chaotique même : nos objets ne suffisent généralement plus à le contrer. Et là, c’est le drame. Tout ce que l’on pouvait craindre sur le jeu avec un hasard trop présent se réalise alors, et le jeu devient assez pénible tant qu’on n’aura pas refilé ce satané dé à quelqu’un d’autre. Et oui, car une fois la boîte de pandore ouverte, on aura toujours quelqu’un qui devra se le coltiner, et qui à ce moment là, ne s’amusera pas. Une bien mauvaise idée selon moi, qui peut d’ailleurs beaucoup ralentir l’aventure finale, car les joueurs vont essayer de refiler le dé au prochain à la tenter pour l’empêcher de gagner.
 
On peut tout simplement éviter de jouer avec cela (on l’a fait naturellement sans se concerter lors de nos premières parties). On a alors un jeu qui, bien que léger mécaniquement, va permettre aux enfants de partir à l’aventure dans un monde fantastique. C’est une chouette initiation, et même si je n’y rejouerai pas trop de fois, j’ai passé à chaque fois un bon moment avec mon fils qui a vraiment adoré (Cet enfant est mon exact opposé car il aime tout !). Attention quand même, cela reste un jeu avec beaucoup de hasard, qui peu parfois être un peu punitif, et même mon fils qui est bon joueur a parfois des larmes qui pointent leur nez sur le sien, de nez.
 
Un jeu de Ben Rosset, Matthew O’Malley
Illustré par Andrew Bosley
Edité par Lucky Duck Games
 
À partir de 7 ans

Feelings

Est ce que Feelings est un jeu ou un outil de communication pour pousser les joueurs à communiquer sur leurs émotions ? On est tenté de répondre le second, notamment parce qu’il en existe des versions qui sont tournées spécifiquement vers des situations de vie difficiles (le harcèlement scolaire par exemple) et sont destinées aux professionnels. Mais cette boîte originale est pourtant selon moi un jeu à part entière, et c’est pourquoi j’ai voulu en parler. Ce n’est pas à proprement parler un jeu pour enfants. Néanmoins, la boîte dit à partir de 8 ans, certains thèmes sont spécifiques à l’école et les illustrations de cette nouvelle édition crient « jeu pour enfant », c’est donc sous cet angle que je vais l’aborder dans cette chronique Petits joueurs.
Feelings est un jeu aux règles très simples : une situation, six émotions. Chacun choisit l’émotion qu’il ressentirait dans la situation décrite, et il faudra retrouver les émotions des autres joueurs. Simple, basique.
 
Très honnêtement, j’étais un peu circonspect en proposant Feelings à Tutur. Certes, je comprends pourquoi les parents peuvent avoir envie de jouer à cela avec leurs chérubins : pour les connaître mieux, les faire un peu parler d’eux (ce qu’ils détestent faire, en tout cas les miens), échanger, créer un moment de complicité. Mais pour les enfants, est ce que cela va être fun ?
Et bien il semblerait bien que oui. Tutur a non seulement adoré, a demandé à rejouer, et plus tard a même demandé à ressortir la boîte. Il est toujours difficile de savoir pourquoi, mais j’ai observé qu’il avait une grande satisfaction lorsqu’il devinait une émotion correctement, et encore plus quand on devinait la sienne. Certes, il y a le plaisir de trouver et marquer des points (ah oui, au fait le jeu est coopératif, et on marque des points quand on tombe juste, mais franchement… on s’en fout, l’important n’est pas là), mais j’ai l’impression que cela va plus loin. En effet, tomber juste dans Feelings, c’est d’une certaine façon dire à quelqu’un « tu vois, je te connais intimement, je sais ce que tu ressens, je fais attention à toi, donc tu as de l’importance pour moi. » Et c’est évidemment un sentiment très gratifiant de recevoir cela. Surtout que dans Feelings, contrairement à des jeux « feel good », on a toujours un panel d’émotions avec 3 positives et 3 négatives et des situations très variées. Ainsi, les sentiments ressentis à chaque fois sont souvent un mélange de plusieurs émotions, et ce n’est pas toujours facile de choisir la bonne. C’est donc encore plus gratifiant quand les autres la devinent.
D’autant que parfois on se trompe complètement. Lorsque cela arrive, c’est aussi le l’occasion d’ouvrir une discussion et d’en apprendre plus sur la personne en face de nous. C’est les moments qui permettent échanges les plus intéressants. Certes, vous aurez envie de savoir ce que ressentent vos enfants, mais eux aussi voudront en savoir plus sur vous.
 
Néanmoins, il faut être prêts à plusieurs choses. D’abord à se projeter dans des situations parfois peu agréables. On va jouer sur nos émotions, et pas que sur des positives. Et pour les enfants, l’impact est décuplé. Lors du choix d’une situation, je me suis un peu trompé, et la situation positive que j’imaginais faisait en réalité écho à une réalité compliquée pour Tutur, ce qui l’a fait fondre en larmes. Ce n’est pas forcément un mal. Mieux connaître ses émotions, c’est aussi accepter celles qui sont douloureuses. Mais mieux vaut le savoir avant.
 
Dans Feelings, on va forcément parler de choses intimes. On ne pourra jouer que dans un cercle de confiance. Sinon, on sera sur la retenue, et on passera à côté du jeu. Tous les enfants ne pourront donc pas jouer avec n’importe quel adulte, et je ne suis pas sûr de faire jouer Tutur avec certains de ses copains : les moqueries peuvent venir vite.
Enfin, le jeu dit 8+, les cartes sont classées par thèmes avec des ages associés, pourtant on trouve dans le paquet « à l’école », au moins deux situations qui mentionnent explicitement le fait d’être confronté à la pornographie. C’est une situation qui peut en effet arriver dès 8 ans, mais on n’est pas forcément prêt à la rencontrer au détour d’un jeu. Quand c’est nous qui choisissons la situation, on peut bien sûr filtrer si besoin, mais quand ce sont les enfants qui choisissent, ce n’est pas possible.
 
J’ai dit que pour moi Feelings était un jeu. Après avoir écrit ce qu’il m’avait inspiré, je n’en suis plus si sûr. Mais cela n’a strictement aucune importance. Feelings est une expérience à part, un moment dans lequel vous allez avant tout ressentir des choses. Vous allez apprendre à mieux connaître vos proches, mais aussi leur montrer que vous les connaissez. Un moment où vous allez vous ouvrir aussi. Est-ce que vos enfants y sont prêts ? Je crois que oui. Je dirais même qu’ils vont se rendre compte qu’ils en ont envie. Feelings est donc un jeu à part. Ce n’est pas qu’un outil, c’est l’occasion de passer un moment important avec votre famille. Que ce soit vos enfants ou votre conjoint.e. On devrait tous avoir un Feeling chez soi.
-Fouilloux
 
 

Roletime, la reine des ruines oubliées

 
Parmi les jeux qui me passent dans les mains pour réaliser les ludochronos, il faut reconnaître que certains sont vites oubliés, tandis que d’autres vont plus m’intriguer. C’est le cas de Roletime, la plaine des bourdonnements, un jeu de rôle dans un univers médiéval fantastique… dans un univers d’insectes. Malheureusement, je n’ai pas eu l’occasion de l’essayer, mais il m’a vraiment titillé. Autant dire que quand j’ai vu la déclinaison en jeu pour enfants, je me suis jeté dessus.
Le pari est ici assez audacieux : un jeu de rôle pour enfants, à partir de 5 ans ? Mais après tout pourquoi pas : raconter des histoires et imaginer des aventures, c’est clairement dans leurs cordes. On se lance donc dans l’aventure avec Tutur et sa maman. Au menu, quatre chapitres d’une histoire, chacun représentant environ 15 minutes de jeu. Comme pour tout jeu de rôle, un joueur devra prendre le rôle de maître du jeu (MJ). Pas de panique, tout est guidé ici et plus que MJ, vous serez surtout le narrateur chargé de lire l’histoire et d’indiquer aux joueurs les choix qu’ils auront à faire. De leur côté, les joueurs incarnent des personnages classiques de jeux de rôles (magicien, guerrier etc.) mais insectes : on aura une guêpe archère, un papillon barde etc. Chacun avec des caractéristiques de base qui leur permettront d’améliorer leurs résultats lors des tests. Un test, c’est retourner un jeton, ajouter notre valeur de compétence et voir si on a un résultat suffisant pour réussir. Dans tous les cas, l’histoire se poursuivra et le livret nous dira ce qu’il se passe.
 
Une fois l’aventure terminée, je crois que je peux résumer mon expérience par une citation issue de mon œuvre littéraire préférée « C’est un peu court jeune homme ». Et oui, les 15 minutes par chapitre sont pour une fois un peu surestimées, on conclue l’histoire un peu trop vite à mon goût. En effet, le jeu se voulant accessible, il est vraiment simplifié. D’abord, comme le MJ doit être vraiment pris par la main, les embranchements doivent tous être écrits. Par conséquent, on aura assez peu de moments (3 ou 4 par chapitre) où les joueurs pourront vraiment agir car chaque choix veut dire un embranchement. Difficile donc pour eux d’impacter vraiment l’histoire, d’incarner leur personnage et de les utiliser à plein : certaines compétences ne seront jamais utilisées dans toutes les parties. Mais par contre, Tutur a globalement réussi à prendre sa place et à imaginer comment son personnage pouvait agir.
 
Difficile d’avoir un avis donc sur cette proposition : clairement, l’objectif est accompli. N’importe quelle famille peut toucher du doigt l’expérience du jeu de rôle, tout est facilité, tout est accessible. Le problème est que l’on n’ira pas au-delà de cette courte initiation, et on se retrouve à la fin un peu sur notre faim justement. Il est difficile d’en demander plus au jeu au vu de l’objectif qu’il s’est donné. Mais il faudra l’avoir bien en tête, et ne pas s’attendre à plus qu’une courte découverte.
 
-Fouilloux
 
À partir de 5 ans
 
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