Les druides d’Edora : potion magique ?
Stefan Feld est un auteur de génie, avec dans sa ludographie des titres comme Les Châteaux de Bourgogne, Bora Bora, Trajan, Jorvik, L’année du Dragon, Luna, des titres marquants et originaux aussi. Les joueurs attendent le Feld de l’année comme certains attendent le beaujolais nouveau. Parfois une bonne année, parfois une catastrophe (Merlin).
En 2020, Queen Games lance sur Kickstarter la « City Collection« , le grand retour des classiques : Macao ou Bruges qui deviennent respectivement Amsterdam et Hambourg, avec une direction artistique pour le moins discutable. Certains classiques réapparaissent, tels que Bora Bora transformé en Cuzco, tandis que de nouveaux titres font leur entrée (Marrakech). Kickstarter oblige, on assiste à une surproduction et à des prix gonflés. (150 € pour la version Deluxe de Marrakech).
Personnellement, je trouve qu’il n’a rien fait de mieux que Les châteaux de Bourgogne, un titre dont je ne me lasse pas, et, si j’ai bien aimé Civolution, j’ai quand même regretté le manque d’épure. Je me demandais si on aurait droit au grand retour du maître dans un titre qui ne fait pas dans la surenchère. À la présentation des Druides d’Edora, j’ai eu la sensation qu’il revenait à cette simplicité.
Alors un bon cru ?

Les dés pour la partie.
Dans la mystique forêt d’Edora …
Les druides et prêtresses ramassent du gui, concoctent des potions magiques, utilisent des fleurs médicinales, érigent stèles et menhirs avec leurs petits bras costauds (sûrement les effets de la potion magique). Concrètement, on va se déplacer dans la forêt, réaliser une action dans le lieu, et placer notre dé.

Le maître des dés
Toutes les actions que l’on va réaliser vont se faire avec des dés. En début de partie, on lance 4 dés qui seront nos dés actifs, et les 9 autres sont placés sur le plateau commun, il faudra les débloquer. Dès le départ, on connaît nos valeurs de dés, et il faudra composer avec cela.
Stefan Feld, reste le maître des dés, il n’a pas son pareil pour les utiliser avec finesse, j’adore Bora Bora ou un gros dé permet de faire une action forte, mais un petit peut bloquer les autres joueurs. Ici un gros dé va nous permettre de gagner potentiellement le contrôle d’un sanctuaire, et de marquer des points en cours et en fin de partie.
Oui, mais cela coûte de la nourriture, autant que la valeur du dé, parfois vous devrez placer un dé 6, parfois un dé 1, et parfois vous devrez même mendier, c’est-à-dire perdre un tour pour récupérer un dé et six unités de nourriture, et ce n’est pas cool. D’autant que le jeu est une course, dès qu’un joueur a placé ses 13 dés, on finit le tour en cours et on compte les points. Avec une belle salade de points, comme l’auteur sait en faire.

Marqueur premier joueur et aide de jeu.
Mais revenons au jeu…
Comme l’indique l’aide de jeu, on déplace son Druide avec une totale liberté, je peux aller où je veux… Enfin, si je paye de la nourriture, et le druide a un sacré appétit, d’autant qu’il peut y avoir quelques surcoûts. je ne reviens pas sur l’importance de la nourriture.
Ensuite on place son dé sur une des actions disséminées dans la forêt, et il faudra choisir les bonnes. Si un autre dé est présent, le joueur avec le dé le plus fort gagne 2 points de victoire. Une première marque d’ interaction dans un jeu qui ne va pas en manquer.

La forêt se peuple.
Potion explosion
Ce qui va marquer dans ce titre c’est la richesse des actions, la capacité de toujours tout faire, le grand espace de décision et les petites explosions de bonus. Par exemple, je place un Menhir et je gagne son bonus, plus tous ceux que j’ai déjà placés, ainsi je gagne 3 nourritures, puis un dé, puis j’avance mon marqueur Serpe. Tout cela en une seule action.
Si je clôture une zone, je place un jeton feu et je gagne, 2, 3 ou 4 bonus, qui parfois peuvent faire la différence. Ça tombe bien j’avance mon marqueur Serpe et je débloque deux jetons Fleurs..
Parlons justement de ces herbes médicinales, lorsque la Serpe atteint ces fleurs, je vais devoir en choisir une et gagner son bonus, quant à l’autre elle est placée face inactive. Petit dilemme et grands effets.

Plateau joueur en cours de partie, mon marqueur serpe va bientôt déloquer deux nouvelles fleurs et un nouveau pouvoir à choisir.
Dans la forêt d’Edora se cache un grand espace de décision.
Et c’est tout ce que j’aime, du choix et du renoncement. Par exemple, si je relie deux Dolmens, je gagne 2 points de victoire par dé qui les relie (et je gagne les Dolmens), plus un bonus si je suis le premier. Mais du coup si je souhaite faire cela, je dois bien planifier mes actions, et surveiller les autres joueurs, qu’ils n’aillent pas plus vite que moi.
On va aussi pester parce que l’action que l’on convoitait, (je pensais placer un menhir, qui allait me donner un dé en plus, etc), mais le joueur rouge vient de prendre l’emplacement avec un dé de valeur 6 en plus. Je m’obstine ou je change de chemin ? Là aussi tout dépend du plan que j’ai élaboré, ou en fonction de mon objectif (mes objectifs si j’en ai récupéré de nouveaux).

Les tuiles objectifs.
Une forêt sinueuse
Les druides d’Edora demande une certaine vision du jeu et une maîtrise de la spatialisation, d’autant que la mise en place change à chaque partie, elle n’a jamais le même profil, il faut donc bien l’analyser pour ne pas se trouver bloqué. Et ça arrive : admettons que vous n’avez plus qu’un dé de valeur 5, et pas assez de nourriture pour atteindre un nouveau sanctuaire, oups ! il va falloir Mendier.
De l’interaction encore parce qu’il faut surveiller la partie, et donc les dés des autres joueurs. Dans une partie il m’a manqué une action qui me permettait de relier deux Dolmens, cela m’aurait rapporté 18 points, ainsi que d’autres menus bonus loin d’être négligeables.
La salade de points
Je ne vais pas vous faire tout le menu, mais on a plusieurs axes de points de victoire, (Piste, Serpe, Objectifs, Amulette.)
Attardons-nous sur les sanctuaires. C’est là que le jeu de majorité est important : pour chaque sanctuaire on regarde qui a le dé le plus fort. Le joueur prend le dé et les éventuels Menhirs et Stèles présents. Pour chaque dé, stèle, menhir on va gagner des points, en fonction du multiplicateur sur la piste de savoir, ainsi un joueur a gagné 12 x 3 = 36 points, pendant qu’un autre a gagner 6 x 1 soit 6 points. Oui le différentiel est énorme, mais le joueur en question avait un moteur de jeu efficace grâce à une fleur qu’il avait débloquée dès le début de la partie, et gagnait beaucoup de points pendant la partie.

Plateau point de victoire et piste de savoir.
La controverse des dés
J’ai tout entendu sur les dés, certains pensent que de gros dés sont synonymes de victoire, car c’est plus facile de contrôler les sanctuaires, oui c’est certain, mais la quantité de bouffe à dépenser est phénoménale aussi. D’autres pensent qu’avoir de petits dés reste plus avantageux. Certes on gagnera peu de majorités, mais on peut gagner sur l’aspect course et “rusher” le jeu. Je dirais qu’il vaut mieux avoir un peu des deux et savoir à quel moment utiliser l’un ou l’autre.
Et comme dans tout bon Feld, il faut s’adapter, si j’ai que des petits dés, je ne vais sûrement pas placer des menhirs ou des stèles, vu que ça ne sera pas moi qui les récupérerai en fin de partie. Et je ne perdrai pas non plus de temps à monter et à avancer sur la piste de Savoir. Edora est riche en possibilités.
Potion magique ?
La lecture du plateau n’est pas évidente au premier abord, elle demande un peu de temps d’adaptation, mais on s’y fait assez vite. L’iconographie est plutôt claire. Les bonus Feu sont un peu petits, dommage, mais pas rédhibitoire. Par contre la piste de points de victoire est un peu pénible, elle ne va que de 10 en 10. Autre choix contestable, dans le livret de règles on a les effets de chaque fleur, et dans un autre livret (en plusieurs langues qui plus est) on a les effets des Potions et Tuiles objectifs. Pas pratique. J’ai imprimé en double ces infos là et plastifié pour plus de praticité.
Tout le monde était d’accord autour de la table pour dire que le jeu n’invente rien, mais il mélange toutes ces mécaniques avec goût, avec une tension et une interaction forte, des choix à arbitrer qui offrent un bon espace de décision. Il requiert une bonne planification et une bonne vision spatiale. Des moments pétillants aussi, une vraie sensation de construire son moteur de jeu et le voir prendre de l’ampleur. Le jeu est étonnamment fluide, très peu de temps mort. Un excellent Feld et un coup de cœur pour ma part.
Pour aller plus loin :
- [La mécanique du jeu] Gestion de dés.
- Stefan Feld City collection : le retour des classiques.
- L’oracle de Delphes : Quand Zeus se fait taquin.
- Civolution, la civilisation bac à sable.
- Les châteaux de Bourgogne, Bourgogne où sont tes escargots ?
- Marrakesh : Un jeu qui fera datte.
- Bonfire, feu de joie ou pétard mouillé ?
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