KeyForge ambitionne de révolutionner les jeux de cartes à collectionner

La Gencon a débuté Outre Atlantique et les annonces FFG s’accumulent sur les réseaux sociaux de la maison d’édition. Que nous ont-ils concocté d’intéressant cette année ? Peu de grandes nouveautés (un nouveau X Wing, un nouveau Horreur à Arkham…), si ce n’est Keyforge sur lequel ils semblent beaucoup miser.  

 

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Keyforge, le nouveau Magic ?

Il s’agit de la dernière création de monsieur R. Garfield, que vous connaissez peut-être pour Bunny Kingdom, Roborally, King of Tokyo, mais qui est surtout le génial créateur de Magic et Netrunner. Autant dire que tous les tapeurs de carton du monde dressent les oreilles, puisque Keyforge est aussi un jeu de cartes d’affrontement pour deux, façon Magic et Heartstone.

 

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Le jeu prend place dans un monde fantastique construit et dirigé par les Archons, des entités divines qui aiment manifestement bien se mettre sur la binette, pour de “l’ambre” (AEmber) qui permettent de façonner des clefs. Forgez-en trois et vous l’emportez.    

 

Du deck préconstruit randomisé

Mais la nouveauté n’est pas tant dans le gameplay quand dans le modèle de diffusion. L’ambition de ce jeu est de reléguer la construction de deck et les boosters au passé. Chaque deck Archon que vous utiliserez pour jouer est vraiment unique, avec son propre Archon et son propre mélange de cartes. Le communiqué de presse (dans l’ensemble pas hyper clair) développe : “Si vous prenez un deck Archon, vous savez que vous êtes la seule personne à avoir accès à ce jeu de cartes et à sa combinaison distincte de cartes. En fait, dans le premier jeu de KeyForge, Call of the Archons, il y a plus de 104,000,000,000,000,000,000,000,000,000,000,000,000,000,000,000,000,000,000,000  decks possibles ! » En voilà des zéros dites !

Mais qu’en est-il de l’équilibrage en partie si chaque deck est unique ? Ne sommes nous pas simplement dans une sorte de JCC (jeu de cartes à collectionner) où au lieu d’acheter des cartes dans des boosters à 3€ on achètera des decks inaltérables à 10€ ?
Ce que l’on sait, c’est qu’il ne s’agira plus d’acheter des boosters pour trouver des cartes qui se combinent bien, désormais « ce ne sont pas les cartes elles-mêmes qui sont puissantes, mais plutôt les interactions entre elles » – des interactions qu’il vous est mis au défi de maîtriser.
Chaque deck aura une composition unique, avec un dos unique, pour bien s’assurer que vous ne puissiez pas deckbuilder. Cela permettra aussi à FFG de garder une trace des decks et de ses performances en tournois. Il est possible d’imaginer que certains decks jugés trop efficients finiront par être bannis des tournois, ce qui peut potentiellement être beaucoup plus punitif que d’avoir une seule carte bannie comme c’était le cas dans Magic

 


keyforge cartes

Le concept, tel qu’énoncé par Richard Garfield sur les règles, est de revivre les premiers jours des JCC où il y avait des cartes inconnues et où les joueurs devaient se contenter du deck qu’ils avaient. Voilà une noble intention qui devrait parler aux anciens joueurs de Magic. Pourtant ceux-ci sont parfois très dubitatifs : “Oui avec Magic on pouvait aussi très bien acheter des decks pré-construits et ne jamais les modifier. Mais on avait le choix. Avec ce nouveau jeu, la seule façon de modifier son deck sera d’en acheter un nouveau.” écrit Bryan sur un des thread dédié sur BGG.  

De son côté, Ludo de Ludiworld défend le concept : « Parfois le deck ne fait pas tout. Netrunner a brillé en scellé par son aspect hautement stratégique, compétitif et une très grande diversité et rejouabilité. Je pense qu’il faut voir ici ce jeu comme du scellé rapide permettant de jouer (tournoi ou non) immédiatement, pour le prix de 2 boosters. Ce qui va faire le sel du jeu, c’est son gameplay, la découverte du deck, sa rejouabilité. Si on veut drafter ou faire du scellé, on peut effectivement jouer à un autre jeu. Moi, je n’ai plus le temps de construire des decks, du coup les scellés ou draft me vont mieux, mais ici la promesse de gagner encore plus de temps et d’être vraiment sur un pied d’égalité me plait. D’une certaine manière c’est bien plus compétitifs en fait. »

 

Photo par Silbor

Photo par Silbor

 

Concernant les potentiels déséquilibres, les différences de puissance inhérentes aux cartes est évidemment un problème que le système du jeu essaie de régler avec une méthode de handicap appelée « Chaînes » qui concrètement ralentit les mains des meilleurs decks.

Si vous savez que votre adversaire possède un deck plus fort que vous, vous vous mettez d’accord sur le niveau de Chaîne avec lui avant la partie : plus ce niveau augmente et plus votre adversaire devra réduire sa taille de main (un niveau de Chaîne entre 1 et 6 l’oblige à avoir une main réduite de 1 carte, si ce niveau atteint 7, sa main est encore réduite, le minimum que l’on peut atteindre est une main de 2 cartes).

 

cartes


Il est donc laissé aux joueurs le soin de tomber d’accord avant la partie sur les niveaux de Chaînes (un système d’enchères est également suggéré) ce qui
soulève déjà pas mal de questionnements et de craintes de la part des joueurs. Par exemple, ce système de handicap sera-t-il suffisamment robuste pour désamorcer un deck uber-puissant ? Est-ce qu’il permettra un équilibrage fin ? …

 

En jeu !  

KeyForge : Call of the Archons se joue sur une série de tours où, en tant qu’Archon dirigeant votre compagnie, vous utiliserez des créatures, des technologies, des artefacts et les compétences d’une Maison choisie pour récolter de l’AEmber, retenir les forces ennemies et forger suffisamment de clés pour déverrouiller les chambres fortes qui vous mènent au savoir (comprenez à la “victoire”, il vous faut trois clefs pour l’emporter). On est dans un jeu typique à la Magic/Heartstone, mais en plus simplifié.

À votre tour, vous forgez d’abord une clé si c’est possible (c’est-à-dire si vous avez récolté 6 AEmbers ou plus). Ensuite, vous choisissez une Maison. Chaque deck possède 3 Maisons. Quelle que soit la Maison que vous choisissez, vous ne pourrez jouer uniquement les cartes de cette Maison ce tour-ci. Ensuite, vous jouez et activez autant de cartes de cette Maison que souhaité, il n’y a pas de coût à payer sur les cartes. Donc si vous avez 5 cartes dans votre main de telle Maison annoncée, vous pouvez les jouer toutes.
Quand vous passez à l’attaque, vous ciblez une créature ennemie spécifique. Leur santé correspond à la quantité de dommages qu’elles engendrent, mais elles ont aussi une armure pour annuler une quantité de dommages entrants. Les dommages subis sont persistants. Quand une créature arrive en jeu, elle n’est pas utilisable de suite : elle entre sur table “épuisée” et vous pourrez la rendre efficiente (la “détaper”) en fin de tour.

En effet, en fin de tour, vous remettez droites toutes les cartes « tapées » (utilisées), c’est-à-dire que vous relevez tout ce qui est « épuisé » et tirez des cartes jusqu’à la taille de votre main, qui est de 6 pour commencer. On est de ce côté plus proche des jeux de deck-building modernes que de Magic.

Vous trouverez une version simplifiée des règles (en VO) sur la fiche de jeu pour vous faire une idée plus approfondie.

 

Public cible

Lors de la conférence, FFG a bien appuyé sur l’aspect découverte et unique des decks. Cela, combiné au fait qu’il n’y ait plus à construire ses decks, la simplicité du gameplay, sans omettre les choix de la direction artistique laisse à penser que FFG vise un public plus casual, plus jeune. Et l’éditeur compte bien faire vivre son jeu à l’instar d’autres jeux de cartes à collectionner déjà parus, avec force tournois et communauté active. Pour suivre vos petits Archons et voir comment ils s’intègrent dans la communauté en général, FFG proposera en effet une application dite “compagnon” ainsi qu’un site (KeyForgeGame.com). Le but : enregistrer et suivre chacun de vos decks, suivre le meta game en général, interagir avec la communauté et trouver facilement des tournois. 

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Dans la boîte de base, vous avez notamment des decks de tutoriel (toujours les mêmes dans toutes les boîtes) pour vous mettre le pied à l’étrier, en particulier avec des joueurs totalement néophytes, ainsi que deux decks aléatoires (boîte de base 40 $ en préco sur le site de l’éditeur, et le deck unique 10$). 

 

Première vue

Le tout semble intéressant à première vue, mais la nature du modèle de distribution laisse quelques questions en suspens. Cela ne finira-t-il pas par être encore plus coûteux que de s’adonner à Magic ? Comment se comportera le marché de l’occasion ? Et qu’adviendra-t-il si certains decks sont plus forts, ou avec des synergies vraiment plus faciles à sortir et d’autres nettement plus injouables ? Le système des Chaînes suffira-t-il à atteindre un équilibrage fin ? Et au-delà de l’argument marketing des milliards de decks, quelle sera la vraie variabilité du jeu ?

 

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Quoi qu’il en soit, et même si le modèle nous laisse avec pas mal d’interrogations, force est d’apprécier le fait que FFG pense ici un produit “outside of the box”. L’idée serait venue à l’auteur il y a une dizaine d’années, mais les technologies pour imprimer les decks aléatoires n’étaient pas encore au point. En proposant un concept fort et novateur qui, s’il touche sa cible, ouvrira potentiellement la voie à un nouveau marché, FFG montre à cette Gencon qu’il pourrait continuer à rester, malgré les restructurations en cours, un acteur sur lequel il faudra compter pour les années à venir. 

 

Application, playmats, et la boîte de base arrivent avec ses premiers decks et tout le matériel nécessaire en fin d’année aux US (pas de date annoncée pour l’instant en France, mais la traduction est déjà opérée du côté de Edge).

 

 

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9 Commentaires

  1. fouilloux 03/08/2018
    Répondre

    Je suis curieux, mais hyper sceptique!

  2. Grovast 03/08/2018
    Répondre

    Pareil mais plus sceptique et moins curieux (parce que pas le temps ;))

    • Shanouillette 06/08/2018
      Répondre

      Pourtant c’est un sacré gain de temps, justement puisqu’il n’y a plus de deck-building 😉

  3. TheGoodTheBadAndTheMeeple 03/08/2018
    Répondre

    Je vois le système purement basé sur une gros algorythme qui donne des poids de puissance aux cartes en combinaison avec d’autres. Ca permet d’avoir un deck relativement homogène, d’en avoir des quantités infinies différentes, d’avoir une « relative diversité »

    Mais est-ce que la diversité va être réelle ? Est-ce que ça ne va pas brider certains pouvoirs trop combo qui font la richesse de Magic ? est-ce qu’on aura juste pas une tonne de +/- 1 renommés ?

    Pari intéressant, mais supprimer artificiellement le deck building est aussi se couper d’une partie du public m’est avis.

  4. Sgt Pépère 03/08/2018
    Répondre

    Ca m’étonnerait que ça détrône les JCC habituels. ou alors pour faire des initiations à moindre coût.

    Pour contourner l’affaire et le transformer en JCC classique, il suffit d’utiliser des sleeves opaques et paf, voilà les decks qu’on peut construire tout seul. D’ailleurs, il faut vraiment que les cartes aillent bien ensemble, comme le suppose TheGoodTheBadAndTheMeeple. (Oui, j’ai fait un copié collé.)

    .

  5. snaketc 05/08/2018
    Répondre

    Merci pour toutes ces informations. C’est le premier article que je trouve aussi complet.

    Je reste aussi très sceptique et juste un peu curieux car c’est une nouveauté.

    Pour ma part, je ne me vois pas aller acheter un booster sans savoir s’il correspond à mon style de jeu et surtout en sachant qu’il faudra que je joue quelques parties pour me faire la main (et voir s’il est mieux que d’autres que j’ai déjà). Avec le turn over actuel de mes jeux, c’est mission impossible. Pour moi c’est une fausse bonne idée (mais je me trompe souvent 😉 ).

    • Shanouillette 06/08/2018
      Répondre

      Merci 🙂 c’est pas évident de se dire qu’on va se jeter à l’eau sans savoir ce qui nous attend oui, c’est typiquement le genre de jeux qu’on a envie d’essayer avant d’acheter (et en même temps on pourra pas acheter le deck qu’on aura essayé haha sauf ceux des tuto…) ! Mais peut-être le gameplay vaut-il l’achat en blind…

  6. eolean 09/08/2018
    Répondre

    Mais où est le plaisir s’il n’y a plus de deckbuilding ? T_T

    Cela étant, j’imagine néanmoins un aspect qui peut être sympa en vacances, genre tiens, on s’en prend un petit sur le pouce pour faire quelques parties et basta. Donc, comme dis dans l’article, une vrai orientation casual…

    Pour les tournois, une option que je vois serait de faire tourner les parties avec les mêmes decks qui changent de mains pour voir qui s’en sort le mieux…A la manière de certains tournois de tarot. A voir

  7. Janjan 01/10/2018
    Répondre

    Le « Deckbuilding » dans les autres jeux n’est pas si varié que ça, c’est le métagame qui définir comment sera joué le jeu.

    Faut pas se mentir, un mec qui s’invente un deck inconnu aura moins de chance de gagner un tournoi Magic qu’un mec qui joue le deck du moment.

     

    Du coup ce jeu m’intéresse assez, le côté économique aidant pas mal.

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