Forêt mixte – promenons nous dans les bois
Les thèmes dans les jeux de société connaissent des modes changeantes : il y a eu les zombies, puis les vikings. Ces deux dernières années vous avez sans doute remarqué que le thème en vogue est “Nature”. D’ailleurs le site de jeux en ligne BoardgameArena a proposé cette année parmi ses divers BGA Awards aux catégories assez classiques, un prix du “meilleur jeu de foret”. Rien que sur l’année 2023 ou pourra retenir parmi les titres avec un thème “nature” ayant eu le plus de couverture médiatique : Earth, Evergreen, Biotopes, Nimalia, Sur les traces de Darwin, Darwin’s Journey et Forêt Mixte dont je vais vous parler aujourd’hui.
Forêt mixte est un jeu de collection où il faudra constituer la meilleure forêt grâce à des cartes arbres et animaux. Le tour de jeu est extrêmement simple puisqu’on a le choix entre deux actions :
- prendre deux cartes : dans la pioche ou la clairière (marché visible).
- jouer une carte de sa main devant soi (dans sa forêt).
Il existe deux types de cartes : les arbres (8 espèces) et les animaux/plantes (une quarantaine de types différents). Ces dernières sont divisées en deux parties (haut/bas ou gauche/droite) avec deux animaux ou plantes différentes.
Les cartes ont un coût : il faudra défausser entre zéro et trois cartes pour pouvoir les jouer. Certaines déclenchent une action immédiate (piocher, poser d’une autre carte, rejouer) et indiquent une condition de scoring de fin de partie. On peut payer avec n’importe quelle carte de sa main, mais certaines cartes ont aussi un effet bonus qui n’est réalisé que si on paye avec des cartes de la bonne famille.
Les cartes que l’on a utilisées pour payer vont dans la clairière. Ces cartes deviennent accessibles pour les adversaires. Attention donc à ne pas offrir quelque chose d’utile au joueur suivant. La clairière a cependant une limite de 10 cartes, au-delà elles sont toutes défaussées. C’est donc un paramètre à surveiller si on veut se débarrasser d’une carte sans qu’elle soit récupérée par un adversaire, ou au contraire, quand on aimerait pouvoir la reprendre à notre prochain tour.
Dans le dernier tiers de la pioche se trouvent trois cartes Hiver. Quand la troisième est révélée, la partie se termine immédiatement et on compte les points.
Pour plus de détails, le ludochrono se trouve ici.
Une forêt luxuriante
Même si les règles s’assimilent en 5 minutes, on peut être un peu submergé lors d’une première partie par la quantité de cartes différentes (une cinquantaine) et les combos qui les relient. L’iconographie est toutefois claire, il y a des aides de jeu qui explicitent chaque type de carte et il y a même l’indication (en tout petit) du nombre d’exemplaires de chaque arbre/animal/plante.
Bref, après une partie, une fois qu’on a vu défiler toutes les cartes, on a une bonne vision des possibilités dont on dispose. Certains combo respectent une logique thématique : les renards marquent des points selon le nombre de lapins dans notre forêt, les écureuils roux doivent être placés sur des chênes.
La construction de notre forêt est aussi plutôt logique. Il faut d’abord un arbre. Puis on pourra le peupler d’animaux ou de plantes en glissant la carte à moitié sous l’arbre : les oiseaux sont toujours sur la partie haute des cartes, les champignons, fougères, fourmis, sont en bas (au pied de l’arbre, donc), et les lapins, loups, cerfs, ours sont sur les côtés.
Tout comme la clairière, notre main est limitée à 10 cartes. On ne peut donc pas indéfiniment prendre des cartes pour bloquer les adversaires, ou piocher en espérant obtenir l’icône qui nous permettrait de déclencher l’effet bonus de la carte que l’on souhaite poser. On sera par moment obligé de payer avec des cartes intéressantes (pour nous ou pour une autre joueuse).
Ergonomie et matériel
La clairière est représentée par un plateau allongé qui nous rappelle la limite de 10 cartes max, toutefois l’éditeur n’a pas pensé à représenter l’emplacement de 10 cartes ce qui aurait permis d’un coup d’œil de voir où on se situait par rapport à cette limite : ainsi, il faut régulièrement recompter le nombre de cartes présentes (puisqu’on n’a de cesse de prendre et poser des cartes dans ce marché).
De même, autant je trouve très joli (et thématique) de poser les cartes animaux/plantes autour des arbres, autant je ne trouve pas très pratique de devoir les glisser en dessous : quand on n’a pas d’ongle comme moi, c’est un peu laborieux de soulever les arbres (!) sans tout faire bouger.
J’ai apprécié découvrir de nouveaux animaux comme le rapace nommé “Autour des palombes » ou le papillon “tabac d’Espagne” aux noms plutôt amusants.
Comme l’indiquait Shanouillette dans sa news, l’éditeur a fabriqué le jeu en Europe sur du papier certifié FSC. Cette démarche écologique est une décision plutôt cohérente pour un jeu sur le thème de la Nature et des arbres
Signalons enfin que pour un jeu de cartes, il prend beaucoup de place sur la table en fin de partie. Ce n’est pas un problème, qu’on soit d’accord. Il faut juste être au courant.
Winter is coming
Le point qui a le plus fait grincer des dents auprès des différents joueurs avec qui j’ai joué est la fin de partie abrupte et qui peut arriver à tout moment. En effet, la dernière carte hiver peut aussi bien se trouver dans les 3 dernières que 30 cartes avant la fin de la pioche. Mes camarades ont trouvé extrêmement frustrant de ne pas pouvoir anticiper et donc planifier leurs derniers tours. Certains proposaient de réduire la variance en plaçant le troisième hiver dans les 10 dernières cartes.
Personnellement, même si j’ai parfois pesté contre le sort quand je n’avais besoin que d’un tour supplémentaire pour poser une carte rapportant beaucoup de points, je trouve que ce principe est à la fois thématiquement justifié (les animaux ne savent pas exactement quand le froid hivernal va s’abattre sur eux), et émotionnellement stimulant (est ce que je pose mes dernières cartes en main qui rapportent peu de points, ou est ce que je vais chercher dans la pioche une carte rapportant plus ?).
Petit bosquet ou Amazonie ?
À deux joueurs, on retire 30 cartes avant la partie. Comme dit plus haut, il peut arriver que la partie se termine avec encore une vingtaine ou trentaine de cartes dans la pioche. Ce qui fait un grand nombre d’animaux/arbres non joués. Si on n’a pas de chance ce sont ceux qu’il nous fallait pour comboter avec le reste de notre forêt. Toutefois, en règle générale on arrivera à créer une belle forêt luxuriante composée d’une trentaine de cartes. On aura la satisfaction d’avoir construit une forêt touffue et d’avoir eu le temps de mettre en place quelques combo.
A l’inverse, à 4 ou 5 joueurs, notre forêt sera bien plus clairsemée puisque on aura au mieux une quinzaine de cartes devant soi au seuil de l’hiver. Certains objectifs sont vraiment durs à atteindre dans ces conditions (comme celui d’avoir les 8 espèces d’arbres). Il sera donc risqué de les poursuivre dans cette configuration. Ça n’est pas plus mal que les stratégies diffèrent selon le nombre de joueuses. Cependant, je n’ai pas trop aimé mes parties à grand nombre de joueurs : les tours de jeu sont assez rapides, mais malgré tout, à 4 ou 5 l’attente est perceptible. On peut être un peu frustré après la partie quand on rapporte le temps qu’elle a duré avec la taille de la forêt qu’on a été en mesure de créer.
Biodiversité
Si le lion est le roi des animaux, le loup semble être le roi de la forêt. Combiné aux cervidés, le loup apparaît de prime abord comme le combo ultime. Après quelques parties, on s’aperçoit qu’il n’en est rien et qu’il existe d’autres combo tout aussi intéressants, voire plus juteux en PV (je vous laisse les trouver). En fonction de ce que la Nature vous donne en main sur le début de la partie, vous orienterez votre forêt vers telle ou telle population animale. Les arbres sont le squelette indispensable à votre forêt et vous rapporteront des points mais ce sont les animaux et les plantes qui sont à mon sens la principale source de points. Il y a tout de même certaines cartes qui me semblent faibles quelle que soit la situations, les papillons par exemple. Ça ne me semble pas un défaut car le principe du jeu est de payer ses cartes avec des cartes, donc il est tout à fait acceptable que certaines servent de chair à canon 9 fois sur 10.
Opportunisme
Comme la plupart des jeux de cartes, il y a dans Forêt mixte une part de hasard liée à la pioche. Vous pourrez attendre de nombreux tours le Sanglier à associer au Marcassin que vous avez en main depuis le début de la partie ; ou alors espérer indéfiniment une deuxième carte avec l’icône châtaignier pour pouvoir activer l’action bonus de votre carte. Il faudra faire contre mauvaise fortune bon cœur et avancer dans la construction de votre forêt avec les autres cartes de votre main, car la limite de dix cartes est vite atteinte.
L’équilibre entre stratégie et opportunisme me semble bien dosé. Il faut accepter de se laisser un peu porter par le hasard de la pioche ou des possibilités de la clairière, et essayer de faire les meilleurs choix stratégiques en fonction de ce qui s’offre à nous et de ce qui peut freiner les adversaires.
Fin de saison
Pour conclure, on peut dire que Forêt mixte a des règles simples mais quelques parties sont nécessaires pour découvrir tous les combos possibles. Ces combos consistent en différentes voies de scoring, il y a très peu d’enchaînements d’actions possibles ou de pouvoir permanents. Je pense que Forêt mixte s’adresse à un public familial mais déjà un peu joueur. Je recommanderais d’y jouer à 2 ou 3, pour pouvoir construire une forêt un peu plus fournie et plus gratifiante et avoir moins d’attente entre deux tours. La fin de partie abrupte a fait grincer les dents de pas mal de monde autour de moi, mais je trouve qu’elle participe à la tension ressentie lors des derniers tours. Pour une fois le thème Nature est parfaitement exploité et justifié. Après une dizaine de parties, je prends toujours autant de plaisir à y jouer et à le faire découvrir.
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