Fischen : le jeu qui nous fait marée

Friedemann Friese est un auteur qui a ses marottes, il adore le vert (si vous avez la chance de le croiser à Essen, il arbore une magnifique crinière verte) et tous ses jeux commencent avec la lettre F et tous sont de couleur verte. 

Au-delà de ces excentricités, Friedemann Friese est ce que l’on appelle un défricheur, chacun de ses jeux tente à sa manière de bousculer le petit ronron de la création ludique, constamment il cherche à aller à contresens. J’avoue que j’ai beaucoup de tendresse pour ses créations, ça donne des choses très originales et intéressantes, et d’autres fois des titres plus secondaires. Mais il se passe toujours quelque chose comme dans Feierabend où il questionne notre rapport au travail et va à contre sens de l’idéologie dominante nous poussant à, non pas produire plus, mais travailler moins. C’est littéralement le but du jeu. Vous pouvez d’ailleurs lire notre Just Played. Il nous invite aussi à la réflexion sur le revenu d’existence avec Futuropia, dommage que le jeu soit si plat.

 

FF

 

 

Quand les mouettes suivent un chalutier, c’est qu’elles pensent qu’on va leur jeter des sardines

Dans Fischen, Filets au Fish en français distribué par Matagot ou Pesca-Cartas en espagnol, il nous propose de partir à la pêche dans un jeu de plis. Le principe est tellement simple qu’à la lecture des règles on se demande où se situe l’intérêt du jeu. Mais ça serait juger bien vite. Le but du jeu est de pêcher le plus de poissons pendant huit manches de jeu, chaque carte remportée dans un pli donnant un point de victoire.

Toutes les cartes sont distribuées, elles vont de 1 à 10 dans quatre couleurs différentes, le jaune Hippocampe, le violet Mouette, le rouge Poulpe et le bleu Crabe. On est dans du “Must Follow”, une couleur est jouée vous devez suivre ou “pisser”. Chaque carte remportée est placée sur son pécheur.

Du jeu de pli associé à du deck building ?

C’est à partir de la deuxième manche que les choses changent, les cartes que vous avez remportées vont sur votre bateau et pour la manche suivante vous allez composer votre deck de cartes dans ce que vous avez péché, ce sont vos nouveaux appâts. Oui si vos adversaires vous ont donné de magnifiques 1, pas de bol, va falloir composer avec ça pour la manche suivante.

Mais comment fait-on si l’on n’a pas péché assez de cartes ? Et bien c’est là que le jeu peut devenir génial et peut être un brin chaotique. Dans ce cas, vous allez compléter votre main avec des cartes d’un autre paquet. Et oh stupeur, j’ai un 11, je croyais que ça allait jusqu’à 10. C’est quoi ce Zéro, que fait-il ? Cette couleur verte c’est nouveau ! Oh des Bouées, ça sert à quoi ? Les cartes venant de ce paquet sont triées par nombre d’étoiles et plus on plonge dans ce deck et plus les cartes sont fortes avec des effets surprenants.

 

 

Je m’en voudrais de vous divulgâcher l’expérience, car le plaisir de la découverte est important, mais j’y vois une parenté avec deux de ces œuvres, commençons par Fabulosa Fructus où l’on va ensemble construire et modifier la zone de jeu commune, du Legacy sans destruction. Et peut-être aussi un peu de Fine Sand, Château de fable en français où l’on va déconstruire notre deck.

 

 

Pour revenir à Fischen, en termes de sensations c’est assez étrange, remporter beaucoup de plis à la première manche va vous donner mathématiquement beaucoup de points, mais vous allez vous retrouver avec un deck qui va devenir de plus en plus inefficace et les point entre les joueurs vont s’équilibrer. De l’autre côté, jouer à la perte peut être une bonne idée, sauf que vous allez accumuler pas mal de retard dans le scoring, il y a donc un équilibre à trouver entre les deux.

De plus, ce que l’on pêche va devenir notre main, remporter de grosses cartes est important pour les manches suivantes, et l’on constate que les cartes vont et viennent au fil des manches dans les piles des autres joueurs, un peu comme un effet de marée. C’est complètement baroque et ça correspond bien à l’esprit du monsieur.

 

Laisse toi porter par la marée

Sans aller jusqu’à Aurum et son “Not Must Follow”, d’une certaine façon Fischen vous pousse à jouer à contre-courant, par exemple si j’ai une carte forte, mais que je sais que quelqu’un à une carte plus forte à la même couleur, peut-être que je serais avisé de glisser cette carte dans le pli gagnant de ce joueur qui est un peu à la traîne. Renforcer un joueur plutôt qu’un autre.

Fischen laisse flotter un petit embrun de chaos dans l’air et il faut l’accepter. N’essayez pas de compter les cartes, ou les atouts, c’est quasi impossible. Fischen est assez insaisissable et l’auteur à poussé le principe du catch-up à son paroxysme on dirait. Maintenant jouer à la perte ne fonctionne pas, j’ai essayé, certes vous aurez des cartes fortes pour une manche, mais la suivante cela va se retourner contre vous, sans compter le retard accumulé. 

Peut-être que le jeu va s’épuiser avec le temps, c’est ce qui arrive parfois avec certains jeux originaux de Friedemann Friese, mais qu’importe, il aura réussi une fois de plus à nous surprendre avec un thème assez improbable comme à son habitude, et le temps de quelques soirées nous faire rigoler, pester, et finalement partager un bon moment, il nous a pris dans ses filets. En filigrane, je me demande s’il n’a pas voulu laisser flotter une petite réflexion sur la surpêche.

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