Essen 2022 – La Messe est dite !

 

Journal de bord

Mon aventure à Essen aura commencé après un trajet de huit heures pimenté par des Staue (bouchons) qui m’auront bien fatigué. Peu importe, j’y suis allé déterminé à en découdre (du meeple, bien sûr !) et à profiter de cette première fois. Il faut dire que, jusque-là, je ne m’étais rendu qu’à deux ou trois festivals en France, mais je ne m’étais jamais confronté à ce grand salon européen dont j’avais tant lu et entendu parler.

Alors, déçu, surpris, ravi ? Un peu de tout cela à la fois. Tout d’abord car mon premier Essen m’aura permis de retrouver des amis et de faire de très belles rencontres. Camarades de jeu, animateurs, auteurs ou encore éditeurs, si vous aimez l’aspect social de l’univers ludique, à Essen vous réaliserez – si vous ne le savez pas déjà – que le monde des jeux de société est peuplé de personnes accessibles et passionnées, avec qui on peut avoir des conversations agréables et intéressantes.

Ce premier Essen aura été aussi celui durant lequel j’aurai appris à m’orienter entre les six halls et les nombreuses entrées, à repérer les tables des jeux qui m’intéressent, à trouver les coins des occasions. Même si je ne suis pas arrivé à en acheter, j’aurai à peu près saisi le fonctionnement de la course aux jeux utilisés pour les animations et, à la toute fin, j’ai même fini par avoir un petit sentiment de familiarité avec les lieux.

 

C’est comment le Spiel ?

Il faut reconnaître que, quand on vient d’arriver, Essen peut sembler intimidant. Avec six halls parsemés de stands pour toute sorte de jeu, des visiteurs qui se baladent avec leur valise, si ce n’est avec un chariot sur lequel de belles boîtes multicolores sont délicatement empilées, des vendeurs de currywurst et de churros à n’en plus finir, et des gens qui manquent de vous bousculer tous les cinquante mètres, il y a de quoi être impressionné.

Alors, on y fait quoi à Essen ? J’aurai appris qu’on peut se rendre au Spiel pour plein de raisons différentes parmi lesquelles : acheter des jeux (et, pour certains, en quantité importante), chercher des occasions inratables, tester des nouveautés, se balader entre les stands pour rencontrer des auteurs ou des éditeurs, retrouver des amis, tester des prototypes plus ou moins aboutis, entendre le pouet-pouet d’un magasinier qui essaye de se faufiler dans la foule avec son diable, se voir remettre une petite enveloppe alors qu’on n’a rien demandé (heureusement, il n’y avait rien d’illégal dedans !)… Bref, on ne s’ennuie pas au Spiel !

 

Quelques conseils stratégiques

Pour ma part, je m’y suis rendu en ayant une idée relativement claire des éditeurs et des jeux qui m’intéressaient. L’application officielle m’a été d’une grande aide pour retrouver tout ce beau monde dans mes favoris. Mais, une fois que vous y êtes, devant votre stand que vous avez parfois cherché pendant une demi-heure, jouer n’est pas toujours chose aisée. Eh oui, vous vous doutez bien que je n’étais pas le seul à vouloir jouer à Great Western Trail : Argentine ou à Deal with the Devil

Alors, quand on passe et repasse devant ces tables, et qu’à chaque fois elles sont toujours occupées, on fait quoi ? On peut : partir en se promettant d’y revenir, ou en renonçant définitivement à ses velléités ludiques ; observer le déroulement d’une partie par curiosité ; attendre en demandant à un ou deux animateurs combien de temps la partie en cours risque encore de durer. Attention toutefois : certains exposants vous demanderont de vous inscrire à l’avance pour tester leur jeu durant un créneau bien précis.

Finalement, j’aurai mélangé un peu ces différentes stratégies, en essayant de saisir les occasions de jouer lorsqu’elles se présentaient, mais aussi en étant patient et en prenant le temps, lorsqu’il fallait attendre. Et… je reviens de ce Spiel en étant satisfait des découvertes que j’y aurai faites, des jeux que j’aurai pu tester au milieu de ce vacarme ludique qui vous empêche parfois d’entendre des explications précieuses, mais qui montre aussi à quel point notre communauté de joueuses et joueurs est vivante, passionnée et diverse !

 

 

Mise en garde / Vorsicht !

Avant que je vous parle de mes aventures tel un Marco Polo du jeu de plateau, petite mise en garde : les jeux dont je m’apprête à vous parler ont été testés en temps limité (on finit rarement une partie, surtout pour les moyens-gros jeux) et dans des conditions pas toujours favorables (fatigue, surstimulation, règles pas toujours bien expliquées ou bien comprises, explications en langue étrangère…).

Pour cette raison, malgré ma bonne volonté de prendre du recul et de réfléchir aux différents jeux testés, les lignes qui suivent ne sont pas comparables à l’avis réfléchi, mûri et argumenté d’un Just Played. Si l’un de ces jeux vous attire, le mieux sera encore de l’essayer et de vous en faire une idée par vous-même !

Les voyages d’El Duderiño

De stand en stand, de jeu en jeu, j’aurai parcouru de nombreuses contrées ludiques. Chacune m’aura réservé son lot d’étonnements, d’incompréhensions (souvent linguistiques) et de réflexions. Bien que la plupart de ces jeux soient bons et, souvent, même très bons et quelques uns m’aient surpris pour certains aspects particulièrement réussis, je n’aurai pas trouvé le coup de cœur. Allez savoir, le jeu parfait pour moi n’existe peut-être pas et c’est tant mieux ainsi !

Pour l’élégance de ses mécaniques : Great Western Trail : Argentine

La dernière version de GWT ne sera probablement pas facilement accessible à celles et ceux qui découvrent GWT. Elle me semble être destinée plutôt à ceux qui connaissent déjà le jeu. Mais imaginez un jeu qui tourne déjà très bien. Débarrassez-le de quelques mécaniques qui, même si elles fonctionnent bien, ne s’articulent pas de la façon la plus évidente au reste du jeu. Mettez à la place des mécaniques plus cohérentes, qui ouvrent de nouvelles possibilités, tout en réservant quelques nouveautés. Voilà, vous avez Great Western Trail : Argentine.

Je l’ai testé avec trois autres joueurs débutants – deux ne connaissaient pas du tout, un avait joué à l’ancienne version de Great Western Trail il y a cinq ou six ans. La partie a été lente et ils ont eu besoin de temps pour s’approprier le jeu, mais cela n’a pas du tout nui au plaisir que j’ai éprouvé en jouant. Pour tout vous dire, je trouve, à titre personnel, qu’Alexander Pfister a fait un travail de conception génial car tout s’imbrique de façon logique et fluide. J’ai vraiment eu le sentiment que l’expérience de jeu était celle d’une totalité cohérente.

Vous pourrez donc toujours avancer sur la piste du train, y placer des gares et des chefs de gare et, d’ailleurs, chaque gare placée permettra d’atteindre plus facilement le lieu de livraison des vaches. Mais, justement, pour la livraison, ça se passe au port maintenant ! Vous livrez vos vaches et vous placer un disque sur un bateau. Les bateaux partiront à différents moments du jeu et, les disques, vous permettront d’échanger du blé contre des points de victoire une fois que le bateau arrive à destination.

GWT: Argentine – Les ancres à droite du tableau des personnages indiquent les trois phases de livraison, ainsi que la couleur des ports de départ des bateaux.

 

Autre changement majeur : exit les obstacles qui étaient chers à enlever, vous taxaient de l’argent pour rien et ne rapportaient que deux points de victoire. Les bandidos – dotés d’une quantité de points d’attaque que vous devrez égaler grâce à vos personnages les plus costauds et à vos vaches – prennent le relais. Une fois ôtés, vous pouvez les retourner en payant de l’argent et en faire des fermiers qui produiront du blé – et ce twist, je l’ai trouvé très malin ! D’ailleurs, pour combattre les bandits, vous devrez défausser les vaches utilisées. À partir de deux cartes, vous devrez rajouter une carte négative à votre tas… C’est des durs à cuire ces gens-là, je vous le dis !

En bref, les joueurs de Great Western Trail ne seront pas dépaysés, mais pourront être surpris par le lot de nouveautés que leur réserve Argentine. Les néophytes pourraient se sentir un peu paumés face au nombre considérables de possibilités qu’offre Great Western Trail : Argentine.

GWT: Argentine – Le plateau inclut désormais une nouvelle ligne de personnages – les fermiers – que vous acquérez en capturant les bandits et en les payant pour travailler pour vous. Le nouveau bonus en bas à droite indique une capacité d’attaque permanente. La piste en bas marque la quantité de blé que vous détenez.

 

Pour l’originalité et la cohérence thématiques : Deal with the Devil

Matúš Kotry – si vous aimez Alchimistes, son nom vous sera familier – propose avec Deal with the Devil un jeu fort en thème uniquement pour quatre joueurs, où se mêlent déduction, échanges de ressources, construction de bâtiments et événements de toute sorte. Vous êtes dans une contrée imaginaire du Moyen-Âge, avec l’inquisition, l’église, la sorcellerie et tout ce qui va avec ! Certes, vous essayez de produire un maximum de ressources pour faire prospérer votre bourgade, mais surtout vous essayez de tirer votre épingle du jeu lors de négociations secrètes entre les joueurs.

La tension est là : qui joue quoi ? Qui sera le destinataire de ma proposition ? Eh oui, car si vous proposez des ressources au Diable, il n’en aura que faire. Lui, c’est votre âme qu’il veut, sinon il risque de se faire démasquer par l’Inquisition. Le Cultiste – que j’ai joué – essaye de tirer son épingle du jeu entre les Mortels et le Diable : c’est au joueur qu’il reviendra de décider s’il veut s’adonner franchement à des rituels sataniques, ou s’il veut se faire passer pour un enfant de chœur et accumuler des ailes d’anges. Pour les Mortels, la vie n’est pas facile non plus : il est vrai qu’ils ont toute leur âme, mais ils n’ont pas de ressource et, s’ils n’acceptent pas d’en vendre au moins une partie au Diable, ils manqueront d’opportunités pour se développer.

IDeal with the Devil – ici, j’avais proposé un morceau d’âme en échange de quatre sous. Ce qu’un autre joueur – le diable – a accepté.

 

Alors, comment on se sort de tout ça ? En ne jouant que trois ou quatre tours, j’ai eu l’impression qu’il fallait un bon mélange de stratégie et de capacité d’adaptation. Sans oublier un point important : assurez-vous que les règles soient claires dans la tête de chaque joueur avant le début du jeu, sinon cela risque de produire de la cacophonie et un sentiment de confusion important. Et, comme chacun a intérêt à garder son identité secrète, il pourra être délicat de poser une question précise à un autre joueur.

Le jeu est cohérent avec son thème, en plus d’être drôles, les événements et le texte d’ambiance aident à donner cette expérience d’immersion. Caché derrière son paravent, on a vraiment le sentiment de devoir protéger son secret à tout prix. Ce n’est qu’une impression, mais il se peut que le jeu manque de fluidité au début. Cela devrait aller mieux, une fois que son fonctionnement – particulier et original, il faut le reconnaître – nous devient familier.

Deal with the Devil – Le plateau central et les belles illustrations de David Cochard (Dungeon Lords, Dungeon Petz, Alchimistes…)

 

Pour l’alliance entre fluidité et profondeur de jeu : Tiletum

Ce nouvel opus de Daniele Tascini et Simone Luciani vous emmène dans l’Europe centrale de la Renaissance. Avec votre architecte et votre marchand, vous sillonnerez les routes en dépensant vos points d’action, afin de construire des bâtiments (pilliers, cathédrales, maisons…), remplir des contrats, obtenir les faveurs du roi ou accroître votre population. D’après ce que j’en ai vu, Tiletum est un jeu qui présente de multiples possibilités de gagner de points de victoire et d’optimiser ses actions et, même si l’on ne se sent jamais limité dans ses choix, il reste toujours nécessaire de réfléchir pour élaborer une bonne stratégie.

Les règles ne sont pas très compliquées pour un jeu de ce calibre (moyen/avancé) et, une fois que vous prenez le pli de quelques mécaniques un peu particulières (la roue et les dés), l’expérience de jeu devient fluide et agréable. Dans ce jeu qui m’a rappelé Les Voyages de Marco Polo et Tabannusi, vous prenez tour à tour un dé pour exécuter une action. Les dés sont disposés autour d’une roue qui avance manche après manche, en fonction de leur valeur visible.

Tiletum – La roue des actions et les dés.

 

Vous êtes en recherche de polyvalence ? Eh bien, vous serez servi ! En effet, un dé indique à la fois : le type de ressource (couleur) et sa quantité (face visible) que vous allez recevoir ; l’action (face visible) que vous allez recevoir ; les points d’actions (face cachée, indiquée entre crochets sur la roue) que vous aurez à disposition en exécutant cette action. Pour ma part, j’ai trouvé l’utilisation des dés dans Tiletum intuitive et maline, mais, si vous n’êtes pas habitué des jeux du duo Tascini-Luciani, elle pourrait être un peu déstabilisante au début.

Contrairement à l’impression que j’en avais eu en regardant des photos, les couleurs pastel rendent le plateau agréable esthétiquement, tout en rendant le matériel très ergonomique et lisible. Le seul reproche – mais il est mineur – en termes d’ergonomie, serait le nombre trop conséquent de tuiles, et la proximité de couleurs entre deux dés (la pierre et le fer). Avec leurs nuances de gris, on les confond régulièrement… Il aurait suffi d’en faire un noir et un gris. En somme, Tiletum n’aura pas été le jeu le plus complexe que j’aurai testé, mais il satisfera ceux qui cherchent une expérience de jeu fluide et profonde à la fois. Attention, toutefois, il se pourrait qu’à quatre joueurs, il traîne un peu en longueur.

Tiletum – Le plateau d’un joueur

 

Pour réfléchir à un futur pas si lointain : Plutocracy

Sans être un jeu désagréable, loin s’en faut, Plutocracy de Claudio Bierig m’aura surtout séduit pour son thème. Nous sommes dans un futur dystopique – avec quelques (ou beaucoup) de ressemblances avec notre présent – où l’humanité s’étend et s’installe dans d’autres planètes du Système Solaire afin d’assurer sa survie. Vous incarnez l’un des êtres humains les plus riches, et vous cherchez à gagner de l’influence pour asseoir votre contrôle sur le Parlement Interplanétaire et remporter la partie.

Comment y parvenir ? En voyageant d’une planète à l’autre pour échanger des marchandises au prix de l’offre et de la demande et, surtout, pour placer l’un de vos conseillers dans son Parlement. Vous pourrez également vous rendre sur Terre pour réaliser des objectifs et obtenir en échange les faveurs d’une classe de la société. Mais vous n’aurez besoin de dépenser de l’argent que pour acheter des ressources. Le reste du temps, il vous suffira de montrer que vous êtes riches. Car c’est bien ça ce qui compte dans une ploutocratie !

Plutocracy – Le plateau central.

 

Le jeu est fluide et devrait tenir dans l’heure. Le système de rotation des planètes est pensé intelligemment pour permettre aux joueurs d’optimiser leurs déplacements, il en va de même pour les variations de prix de chaque ressource. Ainsi, les tours s’enchaînent avec fluidité, grâce également à une bonne cohérence entre les mécaniques – assez faciles à saisir – et le thème. En bref, un jeu pour deux à quatre joueurs qui vous donnera de quoi réfléchir. Attention, toutefois, il est possible qu’à quatre, on ait le sentiment que la partie traîne et devienne un peu répétitive.

Plutocracy – Ils ont oublié les ludistes…

 

J’ai quelques réserves…

Même si les conditions de jeu étaient particulières, certains titres ne m’auront pas tout à fait convaincu sous certains aspects. Ce qui n’empêchera certainement pas d’autres joueurs de les trouver bons ou très bons, bien sûr.

Lacrimosa : le thème est très attirant, mais…

Avec des mécaniques complexes, mais assez fluides dans l’ensemble (excepté peut-être pour le système de majorité des compositeurs), Lacrimosa de Gerard Ascensi et Ferran Renalias propose un matériel esthétiquement agréable et de bonne qualité. La mécanique de sélection des actions est intelligente puisque, pour chaque action, vous devrez insérer deux cartes dans votre plateau de joueur : celle du haut indique l’action, celle du bas, la ressource que vous gagnerez à la fin de la manche. De la même façon, la mécanique de deck-building associée à la contrainte d’un nombre maximum de cartes exigera que l’on fasse des choix et que l’on oriente sa sélection, en fonction de sa stratégie.

L’écueil que j’ai rencontré, en jouant à Lacrimosa, c’était un manque de cohérence d’ensemble. Le thème, en lui-même, porte à confusion : vous jouez à la fois des actions pendant la vie de Mozart et une action après sa mort, pour parvenir à composer la fin du Requiem. Bon, pourquoi pas, mais on fait des anachronismes durant tout le jeu et, personnellement, ça me dérange d’un point de vue thématique.

Lacrimosa – Le plateau central, bien rempli…

 

Si, pour mettre en avant le thème du Requiem de Mozart, Lacrimosa comporte des images et du texte d’ambiance en lien avec les compositions de Mozart, au demeurant l’action de financement des compositeurs me semble peu intuitive et déliée du thème. Vous dépensez une ressource Composition pour placer un jeton croche ou double-croche de votre couleur. En fonction de votre choix, vous financerez l’un des deux compositeurs. Pour chaque mesure, les jetons du compositeur majoritaire rapportent chacun le plus de points, ceux du compositeur minoritaire, le moins.

Dans l’ensemble, le début de vos parties manquera peut-être de fluidité mais ça ira de mieux en mieux en y jouant, même si le matériel de jeu est un tantinet plétorique. Lacrimosa n’est pas désagréable à jouer, simplement j’ai eu du mal à saisir sa cohérence d’ensemble, et le thème me semble avoir été choisi plus pour attirer des joueurs que pour créer un jeu qui l’explore de façon logique.

Lacrimosa – Le plateau à double-couche pour les joueurs.

 

Mosaic : accessible et fluide, mais…

ça traîne et on a vite l’impression d’enchaîner des actions qui se ressemblent et qui se répètent. C’est vrai, Mosaic : A Story of Civilization de Glenn Dovert présente le grand avantage d’être facile à prendre en main et de ne pas s’éterniser grâce à un enchaînement quasi-continu d’actions qui sont rapidement réalisées. Mais ces actions (construire, produire, développer une technologie, accroître votre population, faire du commerce, construire des merveilles, recruter ou combattre) se ressemblent dans leur grande majorité et, surtout, hormis le combat, sont très peu interactives.

Mosaic : A Story of Civilization  – Le plateau central de la version Colossum

 

La carte étant suffisamment grande (et jolie, il faut le reconnaître), action après action, chacun pourra se développer à peu près dans son coin. Peut-être était-ce à cause de la rapidité recherchée par l’animateur, mais j’ai, pour ma part, eu l’impression d’être dans une usine à actions qui ne produisaient pas d’effet majeur, et j’ai fini par m’impatienter, car la carte pour marquer les points tardait à être révélée. Le bon côté, c’est que vos actions seront peu limitées, car vous trouverez presque toujours le moyen de contourner la phase de production en continuant de vous développer. Si vous évitez la frustration et la contrainte, ce jeu vous conviendra peut-être !

Au début, on se développe rapidement, et on finit par manquer de place pour disposer nos cartes durant la partie.

Bien sûr, il ne s’agit là que d’un ressenti situé dans le contexte particulier d’Essen et je ne saurais que vous conseiller de tester Mosaic par vous-même pour vous en faire une idée.

 

 

 

 

Astra ou Get… to the Space

Avec son thème, Astra de Patrik Porkoláb, Frigyes Schőberl et Eszter Krisztina Sas promet de nous emmener dans les étoiles en observant des constellations dans le ciel pour des parties d’environ une heure, de deux à cinq joueurs. Le thème est original et séduisant mais, pour ma part, je n’ai pas trouvé les mécaniques de jeu particulièrement cohérentes et en lien avec celui-ci. Dans les faits, Astra est un jeu de collection dans lequel vous pouvez dépenser de la poussière d’étoiles pour observer des étoiles dans une constellation.

Le joueur qui achève l’observation d’une constellation prendra la carte et pourra en utiliser le bonus durant la partie. Les autres joueurs qui ont observé la constellation gagnent des bonus uniques qu’ils choisiront en partant du joueur majoritaire. Ainsi, les interactions sur les constellations seront agrémentées d’une petite dose de stratégie, suivant que vous cherchez à vous emparer d’une carte ou à obtenir un bonus. Pour recharger vos stocks de poussière d’étoiles, vous pourrez vous reposer et gagner autant de ressources que la capacité de votre sac… à poussière.

 

Astra – Les cartes Constellation

 

Les étoiles filantes vous permettront de cocher des cases Émerveillement de façon à pouvoir collectionner plus de cartes. Celles-ci portent un symbole en haut à gauche et c’est la collection de plusieurs séries de symboles différents et la collection de séries conséquentes du même symbole qui, sur un tableau, vous permettra de gagner le plus de points à la fin de la partie.

C’est un bon jeu, mais je trouve que le thème est utilisé de façon anecdotique et presque comme un appat. Les mécaniques d’Astra m’auront surtout rappelé celles de Get On Board, et j’ai eu le sentiment que le prix de la boîte (36 euros à Essen) était exagéré par rapport au matériel de jeu.

Astra – Le plateau des joueurs

 

Quelques prototypes en avant-première

Bruxelles 1893 : Belle Époque

Alors que la Spiel Messe de 2022 vient à peine de se terminer, je vous parle déjà cette réédition de Bruxelles 1893 : Belle Époque d’Étienne Espreman prévue pour Essen 2023. Bruxelles 1893 : Belle Époque sortira donc dix ans après le précédent opus qu’on n’arrivait désormais plus à trouver en boutique. Geek Attitude Games a donc l’intention de republier ce jeu, certes en gardant intactes ses mécaniques de base, mais aussi en en ajoutant des nouvelles grâce à l’extension inclue dans la boîte.

Avec son thème original et ses mécaniques bien imbriquées, Bruxelles 1893 sera complété notamment par la possibilité de remplir des objectifs de fin de partie, de nouvelles actions spéciales qu’on pourra récupérer en construisant des maisons dans de nouveaux emplacements et en payant de ressources supplémentaires, de nouveaux personnages ou encore des tuiles noires sur la grille d’actions qui limiteront les possibilités de construction.

Bruxelles 1893 : Belle Époque – [Prototype] Le nouveau plateau avec l’extension Belle Époque.

 

J’ai eu le plaisir d’y jouer à deux, avec l’auteur, Étienne Espreman et, bien que l’équerre permette de limiter les emplacements d’actions, je pense que Bruxelles 1893 : Belle Époque gagnera probablement à être joué à trois ou quatre joueurs, pour rendre les interactions moins frontales et plus corsées. J’ai eu quelques difficultés à m’approprier les pictogrammes censés résumer les actions et les phases de jeu, mais, dans la mesure où il s’agit encore d’un prototype, on ne saurait lui en tenir rigueur.

J’attends avec impatience de découvrir la sortie officielle.

Le prototype du plateau de joueur, avec trois nouvelles pistes d’avancement : Iris, Couronnes et Œuvres d’art.

 

Bretwalda

Je vous avais parlé de Bretwalda de Leo Soleviey dans le premier numéro de l’Actu du Participatif et, lorsque je me suis aperçu que Phalanx – son éditeur – proposait de le tester, je n’ai pas hésité à réserver un créneau. Accompagné de Meeple Cam et d’un autre ami joueur, nous nous sommes donc bataillés contre un animateur Viking – qui viking, l’était peut-être aussi dans l’esprit – pour devenir le prochain Bretwalda, c’est-à-dire le successeur du Roi de Grande-Bretagne. Durant quatre saisons (sur les douze prévues pour une partie), nous avons donc testé ce prototype.

Durant chaque saison, chaque joueur ne pourra exécuter que deux actions différentes, sur les quatre possibles, ce qui représente une contrainte non-négligeable et demande une certaine réflexion stratégique. Toutefois, l’impression que nous avons eue (j’inclus également mes camarades de jeu), c’est que le jeu avançait trop lentement que cette contrainte, si elle présente l’avantage d’obliger à bien réfléchir à ses coups, présente aussi l’inconvénient de faire durer le jeu trop longtemps, là où les actions pourraient s’enchaîner plus rapidement.

Bretwalda – Le prototype du plateau de chaque joueur… et sa police gothique.

 

Un autre inconvénient qu’il me paraît important de souligner, bien que nous n’ayons joué qu’à un prototype, c’est le manque d’ergonomie des couleurs retenues pour la carte. Sur un écran, ces illustrations attirent l’œil et peuvent plaire esthétiquement, sur le plateau physique, elles rendent difficile le déchiffrage des territoires. Si elles venaient à être gardées telles quelles, les joueurs risqueraient d’avoir du mal à distinguer les différents types de frontières, de lieux et de territoires. Il en va de même pour la police gothique des cartes et des tuiles. Nous espérons donc que le prototype sera amélioré pour que la version finale du jeu soit plus ergonomique et lisible.

Bretwalda – [Prototype] La carte d’Angleterre sur laquelle les prétendants à la couronne se livrent combat.

 

Moogh

Au stand de Nuts! Publishing, j’ai découvert Moogh, un jeu pour un à quatre joueurs coopératif-compétitif dont les parties dureront environ trente minutes. Créé par Nicolas Hook, Moogh devrait sortir sur Kickstarter courant 2023. Chaque joueur incarne une tribu préhistorique qui chasse une grande bête (il y en aura vraisemblablement plusieurs, chacune avec des habiletés spécifiques) en l’empchant, dans un premier temps, de s’échapper du plateau.

Pour y parvenir, les joueurs n’hésiteront pas à attaquer l’animal, et leurs chances de réussite changeront en fonction de différents paramètres – la distance entre le personnage et l’animal, l’état de santé de l’animal et du personnage… En effet, pour l’animal comme pour l’humain, la première blessure permettra d’augmenter ses capacités sous l’effet de la douleur, avant que les blessures suivantes l’affaiblissent ou l’achèvent.

Moogh – Les avenants personnages de votre tribu et leurs différentes actions (prototype)

 

Avec une simulation qui s’annonce réussie et une bonne cohérence avec le thème, il ne faudra pas oublier que Moogh est un jeu semi-coopératif : le gagnant de la partie sera le joueur avec le plus de points de Bravoure. Le jeu est en cours d’équilibrage et une version Print & Play est disponible pour le tester chez soi. L’éditeur Nuts semble être à l’écoute des retours de la communauté ludique. Pour ma part, j’ai hâte d’en savoir plus et de voir ce que Moogh deviendra dans quelques mois.

[Prototype] Aperçu du plateau de Moogh, des cartes Personnage, Habileté et la carte IA qui réagira à vos actions pour adapter les mouvements de l’animal.

 

On remet ça quand ?

Certes, Essen est un festival aux proportions gigantesques qui vous offre de nombreuses occasions d’observer comment les jeux de société sont aussi des produits de consommation et pas seulement des produits culturels. Et, il ne faudra pas se mentir, le bruit et les sollicitations constantes peuvent être fatigantes à la longue. Mais il n’empêche que, sans Essen, nous aurions une occasion de moins pour nous retrouver et découvrir des nouveautés qui valent le détour. Alors… peut-être à l’année prochaine ?

 

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9 Commentaires

  1. morlockbob 18/10/2022
    Répondre

    Merci pour cette longue intro qui brosse un portrait plus vivant de cette manifestation qu on résume trop souvent a une liste de jeux.

    • El Duderiño 18/10/2022
      Répondre

      Vu les quantités de jeux et de stands qu’on y trouve (et les achats plus ou moins compulsifs qu’on peut y faire), la tentation peut être forte de n’y voir qu’un énorme supermarché de jeux… et il est probable que le Spiel le soit, au moins en partie. Après, c’est à nous d’y mettre un côté plus humain et vivant, si nous le souhaitons.

  2. Ihmotep 18/10/2022
    Répondre

    Je n’ai fait qu’une seule fois Essen, avant le covid. Aujourd’hui le prix me rebute, mais ce qui m’a également marqué c’est le respect de la communauté des joueurs : à l’ouverture des portes, avec une masse impressionnante de personnes en attente, je m’attendais à une ruée…..ben non tout le monde est resté calmement dans le rang. Idem pour les parties, respect des attentes, les inconnues croisés au grès des parties très sympathiques. Ce n’est pas pour rien qu’il y a société dans jeu de société 🙂

    • El Duderiño 18/10/2022
      Répondre

      Les prix, en général, m’ont beaucoup rebuté à Essen. Personnellement, j’ai vécu le salon comme une occasion pour rencontrer des joueurs et essayer de nouveaux jeux et je rejoins tout à fait ton avis sur le caractère respectueux et convivial de la communauté de joueurs !

      Cela dit, il peut y avoir de bonnes occasions à saisir si l’on connaît bien le salon et qu’on sait saisir le bon moment. D’autres passent tout bonnement outre la cherté des jeux et préfèrent avoir une nouveauté tout de suite, au lieu d’attendre un peu pour l’acheter moins cher ou d’occasion.

      Bref, il y a probablement autant de rapports au salon que de visiteurs, mais ça ne nous empêche pas de dégager quelques généralités 🙂

  3. Knightbob 18/10/2022
    Répondre

    Merci pour ce retour complet, le ressenti de la découverte étant très rafraichissant!!!

    Par contre au niveau de la forme, j’ai été gêné par l’emploi répété de phrases au futur antérieur :

    « Mon aventure à Essen aura commencé »

    « Finalement, j’aurai mélangé un peu ces différentes stratégies »

    « en étant satisfait des découvertes que j’y aurai faites »

    « je n’aurai pas trouvé le coup de cœur »

    Pourquoi ce choix, alors que l’évènement est passé, et que la plupart du texte est au passé?

    Du coup c’est assez déstabilisant à lire… :/

    • El Duderiño 18/10/2022
      Répondre

      Au temps pour moi, je n’ai probablement pas assez fait attention. J’ai utilisé les phrases au futur antérieur pour toutes les considérations générales, rétrospectives (et plus subjectives) sur Essen, tandis que les phrases au présent ou au passé relèvent plus de descriptions objectives ou de faits. Comme j’alterne les deux perspectives, l’utilisation du futur antérieur est peut-être incorrecte ou déstabilisante. Ce n’était pas mon intention en tout cas !

    • El Duderiño 18/10/2022
      Répondre

      Je me suis renseigné par curiosité et, apparemment, il s’agit d’un usage du futur antérieur dit « expansif », « de rétrospection » ou encore « de bilan ». Peut-être que dans l’article, j’en fais un usage impropre à certains moments mais, en tout état de cause, il semble s’agir de l’un des usages possibles du futur antérieur. Merci, je me coucherai moins bête ! 😀

  4. Tgtbtm 19/10/2022
    Répondre

    Retour très intéressant d’autant que les jeux que tu as aimé ne sont pas dans mes préférés et ceux que tu as critiqué sont ceux que j’ai repéré

    • El Duderiño 20/10/2022
      Répondre

      ça m’intéresserait beaucoup que tu m’en dises plus, par exemple pour un jeu en particulier que j’ai aimé et pas toi, et un jeu que tu as beaucoup aimé et que j’ai critiqué. J’aimerais beaucoup lire ton avis si tu avais envie de le développer un peu 🙂

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