Escape Plan : Vital Lacerda s’est-il échappé des carcans de l’eurogame ?
Vital Lacerda est un auteur reconnu chez les joueurs « experts », il imagine toujours de gros jeux avec des mécaniques plutôt bien imbriquées avec leur thème. En général, que ça soit Co 2, The Gallerist, ou Kanban on va se cramer le neurone pendant deux bonnes heures, il faut le dire, ce sont des jeux très calculatoires. Avec Escape Plan il tient un thème plutôt ameritrash alors que c’est un auteur réputé pour ses mécaniques « eurogames » très exigeantes.
En route pour le casse du siècle
Nous avions réussi le coup parfait, le casse du siècle, des mois de préparation, et nous allions enfin pouvoir profiter de tout ce blé sous les cocotiers, les doigts de pied en éventail.
Nous avons planqué tout le magot dans la ville, dans les tripots, la boîte de nuit, la salle de sport, etc. Seulement voilà, il va falloir mettre nos rêves de côté, car les autorités sont en train de quadriller la ville. Peut-être qu’on s’est fait balancer, qu’importe, on réglera les comptes plus tard. Il est temps de prendre la tangente, non sans avoir récupéré toute l’oseille qui dort dans nos caches.
Ça ne sera pas simple. Les flics grouillent de partout. Il va falloir la jouer bien fine si on veut s’en sortir sans finir en passoire ou en prison.
Pour remporter la partie il faudra avoir quitté la ville avant la fin du 3e jour et avoir amassé le plus d’argent.
Ceux qui ne seront pas sortis finiront derrière les barreaux.
Avec un thème comme celui-là on pourrait croire que l’on est dans un jeu coopératif, mais que nenni. Les gangsters ne sont pas des bisounours, pas de sentiments ! Pour s’en sortir, on ne va pas se gêner pour mettre des bâtons dans les roues à ses anciens complices et la police sur leur chemin.
J’aime quand un Escape plan se déroule sans accroc
Chaque joueur cache derrière son paravent, une carte plan ou escape plan. Elle indique où est caché l’argent. Nous allons nous déplacer dans la ville pour rejoindre ces lieux et récupérer le pognon. Ces cartes plans diffèrent pour chaque joueur, mais la répartition est la même et dans le meilleur des cas on récupéra 450 000 $.
À chaque jour suffit sa peine
Au début d’un jour, chaque joueur commence à percevoir son revenu selon sa piste de revenu. On commence avec 9 000 $, bien utile pour engager des contacts ou des gangs pour détourner la police de notre chemin.
La ville comporte trois sorties, sobrement appelées, exit 1, exit 2, et exit 3. Seule une d’entre elles restera ouverte au début du 3e jour et à chaque début de jour on piochera deux cartes patrouilles (à l’exception du dernier jour où l’on n’en piochera qu’une seule). Quand deux cartes d’une sortie ont été tirées cela signifiera que celle-ci est fermée.
La ville s’agrandit. Dans l’ordre du tour on placera de nouvelles tuiles (4 par tour), ainsi que des policiers sur ces tuiles. Il faudra toutefois respecter deux impératifs : d’abord, on place une nouvelle tuile adjacente à deux tuiles déjà présentes ; ensuite, elle doit correspondre avec au moins un type de terrain.
Enfin, c’est à nous de rentrer en piste ! Chaque jour se joue en 5 tours (matin, après midi et soir, nuit et aube). Chacun de ces tours, nous allons pouvoir réaliser une action, concrètement nous déplacer dans la ville pour rejoindre des lieux et récupérer notre butin. En jeu, nous avons 3 points de mouvements, et nous devons terminer dans un lieu, il est évident que l’on ne peut pas rester en plein centre avec toute cette flicaille qui rôde.
Le système de déplacements est simple : quand on quitte un lieu, on utilise un point de mouvement, quand on se déplace sur un même type de terrain ne nous coute rien, changer de terrain nous coûte encore un déplacement, et rejoindre un lieu, c’est encore un point de déplacement.
Par exemple, le joueur jaune veut se rendre à l’hôpital car il s’est fait trouer la peau, cela lui coûte un point de mouvement pour sortir de son lieu, il est dans la zone résidentielle (zone verte), il en dépense encore un pour rentrer dans l’hôpital.
Chaque fois que l’on quitte une tuile, on doit éviter les policiers, car ceux-ci sont lourdement armés et nous tirent dessus (on déplace un cube de notre zone verte vers notre zone rouge). Pas de panique, on va pouvoir bénéficier de tout un tas de contacts pour nous aider à les distraire (nous y reviendrons).
Nous allons visiter les lieux pour récupérer de l’argent que l’on comptera en fin de partie (oui ce sont des points de victoire). Ou un revenu immédiatement, cela selon ce qu’indique notre carte plan et selon notre piste de revenus. Seulement chaque fois que l’on place un cube sur un lieu, on réduit notre revenu. Et on va en avoir besoin !
Les lieux nous permettent d’engager des cartes contacts, ou des jetons gangs, de nous soigner, de débloquer des tuiles de notre plateau, de réduire notre notoriété, etc.
Faire profil bas
Tout cela serait une promenade de santé si nous n’avions pas la moitié des flics de la ville à nos basques. De plus notre notoriété augmente, et c’est à double tranchant. Quand on rejoint un lieu déjà occupé par un de nos anciens collègues on déplace un cube de notoriété pour notifier que celle-ci augmente. Les gangsters sont des gens vaniteux. Ils aiment bien qu’on parle d’eux, ça flatte leur ego. Quand on dépasse un seuil, on peut débloquer une tuile de notre plateau, c’est plutôt cool, car cela nous permettra de placer une nouvelle tuile ou une nouvelle carte contact.
Mais le retour de bâton, c’est que chaque joueur ayant moins de notoriété que vous pourra déplacer un policier dans votre direction. L’étau se resserre !
De plus, si vous arrivez à sortir de la ville avec trop de notoriété cela vous fera aussi des points négatifs. Autant dire qu’il faudra arriver à la réduire pour s’en sortir. Un petit tour à l’église pourra nous aider pour cela, ou user d’une carte contact. Par contre attention, la notoriété monte quand on va à l’hôpital pour soigner nos blessures… Eh bah oui, l’hôpital a pour ordre de signaler toute blessure par balle. La notoriété a quand même un effet positif, c’est elle qui détermine l’ordre du tour, ce qui n’est pas négligeable.
Homme de main ?
Si à notre tour, nous ne pouvons effectuer qu’une seule action, nous pouvons par contre utiliser autant d’actions bonus de notre choix : une tuile équipement pour éviter un type de policier, une tuile avantage que l’on a débloquée préalablement pour détourner un policier de notre zone… Et nos cartes contacts, il faut savoir s’entourer ! Bien entendu rien n’est gratuit et il faudra les payer pour profiter de leurs services.
Un petit tour dans la mécanique
Si chaque jour se déroule en 5 tours en réalité c’est plutôt 3 tours : la nuit et l’aube sont optionnelles. Chaque joueur pourra faire 9 actions (3 par jours) et pour pouvoir réaliser des actions de plus il faudra débloquer des jetons actions, grâce à des cartes contact, mais aussi quand on visite 3 mêmes types de lieux. On en gagne également si on explose notre notoriété, au risque d’y laisser des plumes.
Nous apposons cartes contacts et tuiles (équipements ou autres) sur notre plateau personnel, néanmoins pour en poser plus de deux il faudra préalablement libéré les tuiles. Tuiles que l’on pourra utiliser (en les payant) ensuite pour profiter de leurs effets… C’est un des dilemmes que propose le jeu, en effet, on pourra payer en début de jour pour en retirer une, mais certaines actions nous permettent aussi de faire de la place. Quelle tuile vais-je choisir, vais-je libérer de la place pour mettre des cartes ou plutôt pour pouvoir poser des tuiles ?
Un repos bien mérité !
À notre tour, nous pouvons aussi choisir de ne rien faire. Cela nous permet de retourner face active toutes nos tuiles ainsi que nos cartes contacts pour réutiliser leurs effets (toujours en les payant). Le pansement est lui aussi replacé face active.
Ne croyez pas que l’interaction soit aux abonnés absents. Déjà, aller dans un lieu où est présent un de vos ex-acolytes a pour effet de monter votre notoriété. En plus, un lieu est fermé quand un certain nombre de joueurs l’ont visité (à 3 joueurs c’est 2 visites). On pourra toutefois le ré-ouvrir (pour nous uniquement) si l’on va chercher une clé dans une tuile planque (Safe House).
En parlant des clés, celles-ci nous permettent d’ouvrir des coffres dans les magasins, pour gagner entre 0 et 100 000 $. Oui, il y a du hasard, mais on peut le pondérer : on pioche un certain nombre de tuiles en fonction de notre notoriété plus nos cartes contacts. Si l’on tombe sur la tuile 0, c’est aussi qu’on a pioché qu’une seule tuile et on ne pourra s’en prendre qu’à nous-même.
Les blessures que nous infligent les membres de la police, non seulement nous coûtent des points en fin de partie, mais elles peuvent aussi, si l’on n’y prend pas garde, nous obliger à apposer une carte menotte sur notre plateau. S’il s’y trouvait un jeton avantage il est perdu.
Puisqu’on en parle, en fin de partie on va gagner des points pour :
- Les lieux que l’on aura visités selon notre carte escape plan.
- Les tuiles avantages retournées (10 000 $ chacune).
- L’argent non dépensé.
- Les tuiles coffres que l’on aura éventuellement récupérés dans les boutiques.
- Les cartes que l’on aura placées sur notre plateau : de 10 à 100 000 $ si l’on a rempli notre plateau (on n’enlève pas une carte menotte).
On en perdra pour :
- Chaque blessure non soignée
- Notre niveau de notoriété.
Bilan !
Comme tous les jeux de Vital Lacerda parus chez Eagle Griffon Games, nous avons un matériel d’excellente qualité. Ceux qui ont participé au kickstarter peuvent profiter de petits bonus tels que des cubes translucides pour la piste de revenu, des jetons étoiles en bois au lieu de petits cubes noirs pour la notoriété, un plateau portefeuille pour poser les cartes contacts au lieu de les placer à même la table, deux pions pour le mode solo, etc. Plutôt des aménagements cosmétiques, rien qui ne fasse rager celui qui n’aurait qu’une version boutique.
Les illustrations sont signées par Ian O’Toole et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elles en imposent, et ce toujours sans ruiner la sacro-sainte ergonomie. Les tuiles cités sont plutôt sobres et fonctionnelles.
Les règles sont agréables à parcourir et plutôt claires (la traduction française est disponible sur la fiche du jeu). Elles comportent des références aux films du genre. Ainsi vous retrouverez des citations de Pulp Fiction, Reservoir Dogs, Italian Job, Le Parrain, etc.
Je suis vraiment ébahi par le brio de l’auteur qui arrive à nous proposer un thème qui sort des sentiers des eurogames et pour autant, il est plutôt bien respecté, même si pour certains éléments on doit apposer quelques rustines pour que ça tienne. Personnellement, je pense que parfois il faut faire quelques entorses plutôt que de briser une mécanique bien huilée. (On est quand même loin de Viticulture qui nous propose de faire du vin rosé en mélangeant du raisin rouge et du raisin blanc ^^).
Escape Plan propose une forte tension, en effet il faut bien gérer son argent, planifier sa partie, mais il ne faut pas oublier que si l’on ne sort pas de la ville avant la fin du 3e jour, on a perdu. Cette mécanique, de ne pas connaître la sortie avant la fin de la partie, est plutôt bien trouvée, elle nous oblige à garder en ligne de mire les tuiles exit. Ainsi, dans notre dernière session, un joueur a été trop gourmand et il est resté sur le carreau : en effet quand est venu le moment de quitter la ville, il n’avait plus assez d’argent pour le faire (eh oui, rien n’est jamais gratuit).
Vital Lacerda oblige, il existe plusieurs moyens de marquer des points de victoire. Certes, il ne faut pas négliger sa carte escape plan, mais on peut en grappiller de différentes manières. Dans notre partie, j’étais celui qui avait le moins visité de lieux, et pourtant je perdais qu’à 10 000 $. En effet, j’ai fini la partie en bonne santé et ma notoriété était plutôt basse.
Ne vous y trompez pas, c’est peut-être le plus léger des jeux de l’auteur, mais il s’adresse à un public expert. Ne comptez pas en terminer une partie en moins de deux heures. C’est vrai qu’on peut se laisser porter par les évènements, jouer de manière plus opportuniste, mais on peut aussi planifier sa partie et y laisser quelques neurones au passage. Disons qu’il est moins punitif que d’autres jeux de l’auteur où l’on va payer cash de mauvais choix.
Que vous dire de plus sinon que j’ai déjà prévu de me refaire la belle dès ce soir. D’autant plus que le jeu propose des variantes avec des missions, des personnages asymétrique, ainsi qu’un mode solo (Hey ! Vous avez lu l’édito de Shanouillette sur l’asymétrie ?).
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Ytrezius 07/06/2019
Très bon résumé! Juste une erreur sur un point de règle je pense:
Lorsque tu sors d’un lieu, cela te coûte 1 PM. Par contre, te déplacer sur un « type » de terrain où tu te trouves déjà (juste après être sorti d’un lieu par exemple) ne te coûte aucun PM (et non 1PM).
Et quitter le type de terrain où tu te trouves pour entrer dans un autre type de terrain adjacent au tiens te coûtera 1PM.
atom 07/06/2019
Merci, j’ai modifié. Je l’ai mal formulé et ça ne m’étonnes pas. J’ai eu du mal à chaque fois, j’avais besoin qu’on valide mon déplacement pour être sûr que je ne faisais pas d’erreur.
elniamor 07/06/2019
Celui-là est vraiment bon ! Vu l’auteur je craignais sa complexité mais que nenni, ça roule. Quasi aucun retour à la règle à la première partie… Attention tout de même, il y a matière à réflexion, et il y a moyen d’avoir un peu d’AP puisque le jeu nous laisse beaucoup de liberté sur les choix stratégiques.
yoann 22/06/2019
Tu prends ton revenu au début de chaque jour? Non seulement quand tu va dans un bâtiment correspondant à ta carte de début de partie.
Il y a une erreur de règles mais de moi et de vous?
atom 25/06/2019
Tu prends ton revenu dans trois cas. Le premier c’est au début du jour, selon ta piste de revenu. Ensuite quand tu va sur des sorties exit, tu peux le faire aussi. Enfin sur certains tuiles lieux (selon ta carte plan).