Doggerland : quand l’âge de pierre rencontre la vallée des mammouths

Nous sommes en -15000 avant JC (à 2 ans près). À la fin de l’ère glaciaire existait une terre aujourd’hui disparue, là où se situe de nos jours « La Manche ». Cette terre fut nommé par les experts Doggerland (en rapport avec le Dogger Bank, un banc de sable du coin) et non pas Eurostarland, comme quoi les experts manquent parfois d’un peu d’humour.
Au programme des réjouissances, nous vous proposons de la peinture rupestre, de la construction d’habitat, de l’artisanat, agrandissement de la famille, de la cueillette, participation à des rites chamaniques, et bien sûr de prendre part aux très prisées parties de chasse. Qui ose dire que la préhistoire était une période difficile ^^ ?

Par son approche, ce jeu a beaucoup de points communs avec un grand classique des jeux de société, L’âge de pierre, puisqu’il consiste a envoyer nos meeples sur des lieux pour effectuer l’action correspondante. Exit toutefois les jets de dés, ici tout est une question d’anticipation et de calculs.

 

Le monde tel qu’il est connu au commencement.

 

Pose de chasseur-cueilleur

Ainsi, le principe de base est assez proche de l’âge de Pierre : à tour de rôle, nous plaçons des chasseurs-cueilleurs sur des actions à réaliser plus tard. Première différence majeure, certaines actions comme les naissances se passent sur notre plateau individuel, rien que pour nous donc. De même, sur notre plateau nous pouvons améliorer 3 caractéristiques essentielles :

  • Le déplacement de nos chasseurs-cueilleurs.
  • Leur capacité de transport.
  • La fabrication d’outil.

Le déplacement et la capacité de transport sont des plus importants car ils vont améliorer notre capacité de déplacement et la quantité de ressources que nous  pourrons ramener. Seulement premier arrivé, premier servi, et ici point de baston entre les joueurs (nous sommes des Homo Sapiens pacifiques). De même pour la chasse, de beaux animaux à chasser vont apparaître sur la carte, pour obtenir nourritures, fourrures et ossements.

 

Contrairement à l’âge de Pierre, il n’y a ici point de jet de dés (les probabilités n’ayant pas encore été inventées). C’est le nombre de meeples et d’outils qui déterminera ce que nous allons pouvoir récolter. Cet aspect du jeu est plutôt plaisant sur le plan stratégique. Que faire, à combien le faire est une question existentielle qui reviendra de tour en tour. Car il faut bien l’avouer, la tension niveau ressources est l’un des gros points forts du jeu : si c’est Byzance dans un domaine, c’est souvent Dunkerque dans un autre.

Autre idée intéressante du jeu, le plateau est constitué de tuiles que nous découvrons au fur et à mesure de nos avancées. Les tuiles déjà en place ne produisent plus de ressources après deux utilisations, ce qui encourage le nomadisme, un concept qui s’accorde bien avec le thème du jeu.
Récolter ou tuer du mammouth n’est pas tout, encore faut-il pouvoir transporter tout cela, d’où l’importance de la capacité de transport. S’il y a trop à porter pour vos petits bras chétifs, l’excédent est perdu. Il faut donc récolter, faire naître d’avantage de chasseurs-cueilleurs pour avoir plus d’actions… Ah ben oui mais pour loger nos petits gars, il faut des habitats, et puis pour faire des points de victoire faut de l’artisanat et de la peinture pariétale, vous l’aurez compris les possibilités sont nombreuses, et tout choix est un renoncement.

 

la fresque rupestre se dévoile au fur et à mesure des tours.

 

Pour réaliser des peintures rupestres, vous devez avoir chassé l’animal correspondant. Pour l’artisanat, vous avez besoin de ressources.
Pour une explication plus détaillée des règles, je vous propose d’aller voir la merveilleuse explication en ludochrono.
Pour faire court, tout est utile, tout est limité, tout colle bien au thème, seulement voilà :

 

Quand le ciel nous tombe sur la tête

À vouloir être trop dans le thème, nous nous perdons dans les méandres des règles. Par exemple, la plupart des actions nécessitent un outil pour s’y positionner. De plus, en hiver, certaines actions nécessitent une peau de bête (normal il fait froid). Ce coût peut être remplacé par des pions disettes (qui donnent -2PV), une bonne idée qui évite d’être bloqué lors du choix des actions. En revanche, lors de la réalisation d’une action, il peut y avoir un coût supplémentaire (par exemple pour la construction d’un habitat), et ce coût ne peut pas être couvert par un jeton disette. Et c’est sans compter sur le chef qui va avoir des particularités différentes en fonction du lieu où il est joué. Bref, on a tôt fait d’oublier de payer une ressource ou de zapper un point de règles.

Le plateau s’explore au fur et à mesure.

 

Faut dire aussi que niveau règle, il est difficile de s’y retrouver dans le livret de 36 pages. À maintes reprises j’ai passé un temps certain à retrouver un point de règle. Sympa quand même les quelques pages en Bande Dessinée pour plonger les joueurs dans l’ambiance.

 

 

Après la pluie le beau temps

À la fin d’une manche, il y a plusieurs étapes dont le classique « nourrir ses habitants ». Il y a 3 bols sur notre plateau de jeu. Les fruits donnent 1 de nourriture et sont placés dans le bol de gauche, tandis que la viande donne 2 points de nourriture et se place dans le bol du milieu. À la fin de la manche, la nourriture non consommée avance d’un cran vers la droite, et si elle sort du plateau elle est gâchée. Simple, thématique, et réaliste vu que les gens n’avaient pas encore inventé le réfrigérateur. Il est donc superflu de vouloir amasser trop de bouffe. Atom et Max me soufflent dans l’oreillette qu’une mécanique très proche était présente dans Dungeon Petz, rendons au Lord du Donjon ce qui lui appartient.

Nous allons, dans l’ordre du tour, pouvoir déplacer notre village de deux cases maximum pour aller vers des contrées plus riches, accentuant encore l’immersion thématique.

 

 

Quatre objectifs tirés aléatoirement en début de partie, à la manière d’une Terraforming Mars, amèneront des points non négligeables pour les premiers, ce qui oriente la stratégie des joueurs et apporte une belle variété d’une partie à l’autre.

Pour finir il me reste à vous parler de la chamane qui propose huit actions, réalisables une fois chacune. Double naissance, construction de mégalithes, voler la place de premier joueur, etc. Ses actions peuvent nous sortir d’une situation délicate (et ça c’est super), mais ça fait encore des règles en plus à assimiler (et ça c’est moins super). De plus les mégalithes sont très coûteux mais peuvent rapporter gros, surtout si l’objectif associé est en jeu. Comme seul un joueur par tour peut poser sa chamane sur l’action « créer un mégalithe », la place peut être très (trop) bankable (enfin plutôt trocable vu le contexte historique ^^).

 

J’ai les crocs, magnons

J’ai pu m’essayer à ce jeu à 2, 3 et 4 joueurs. À 2 c’est sympathique mais manque d’interactions. À 4 joueurs, il y a une bonne synergie entre les joueurs, mais que la partie a été longue ! À noter qu’il y a une variante « partie courte » en six manches au lieu de huit, qui pourrait être bénéfique à 4 joueurs. Finalement c’est à 3 que le jeu a été le plus agréable en terme, de ratio temps / interactions.
Le jeu propose également une variante en solo que je n’ai pas essayée.

 

Les objets d’artisanat à réaliser en cours de partie.

 

Boîte rupestre

Vous l’aurez compris pour moi ce jeu souffle le bon et le moins bon, y compris dans son édition. J’ai déjà abordé le livret de règles à la fois plaisant via ses planches de Bande Dessinées, mais peu pragmatique en termes de recherche d’informations.
Niveau matériel, j’ai beaucoup aimé l’esthétique des meeples animaux et l’idée des deux boites de rangements en carton pour les ressources. Tout le reste est en vrac dans plus de sachets zip que peut en compter un primate sur ses doigts.

 

De chouettes animaux !

 

Va-t-on survivre à l’ère glaciaire ?

Doggerland nous propose une revisite de l’âge de Pierre plus stratégique. Presque tout s’anticipe, se calcule, l’immersion dans le thème est très réussi. Seulement à trop vouloir en faire, nous gagnons en réalisme ce que nous perdons en qualité de gameplay.

Il est souvent difficile de sacrifier des aspects d’un jeu, surtout quand on veut rester le plus proche du thème. Seulement trop en faire peut nuire à l’appropriation et à la fluidité de l’expérience. Trop souvent lors de mes parties, des joueurs se sont posée la question « est-ce que j’ai oublié quelque chose ? ».

Alors certes, en l’état il y a bel équilibre entre les différentes ressources, mais il peine à trouver sa place. Pas assez stratégique pour vraiment faire mouche auprès des joueurs experts, ses règles sont trop touffues pour entrer dans la catégorie initié. J’y jouerais de temps en temps avec plaisir pour sa thématique bien restituée et son côté exploration, en essayant tant bien que mal de n’oublier aucun coût d’action.

 

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2 Commentaires

  1. Meeple_Cam il y a 1 jour
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    Merci pour ces retours que je partage pleinement après 3 parties. Même en se mettant en partie courte, à 4 joueurs, c’était encore biieeennn trop long avec une impatience que ca se termine pour tous les joueurs. Il y a de très bonnes idées, mais noyées dans une multitudes de micro règles. Nous n’avons plus voulu retenter l’expérience après. Dommage

  2. Ihmotep il y a 1 jour
    Répondre

    Oui, j espère une suite qui rectifierai les défauts ses défauts de jeunesse

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