Detective, l’épisode, la saison et la campagne… faisons le point !

Après le plaisir de plonger dans la campagne de Détective premier du nom (Ludochrono), le jeu d’enquête moderne qui a remporté l’As d’or Expert en 2019, la suite LA crimes, reprenait les mécanismes du jeu et nous faisait vivre une autre enquête (article) en seulement trois actes avec une autre équipe et une autre époque (en 1986).

Ces derniers mois les amateurs de Détective ont eu droit à de nouvelles enquêtes sous différents formats. De quoi s’y perdre un peu. 

Ignacy Trzewiczek a pour habitude de nous proposer des belles aventures de jeu, et aussi des suites à ses jeux de base qui ne sont ni des extensions ni des stand-alone. On se rappelle de Robinson Crusoé et de l’aventure du Beagle qui était une extension pas très compatible avec la boîte de base (avec ses cartes de formats différents). La gamme, chez Portal, c’est pas leur point fort ! 

 

 

 

 

Il faut bien l’avouer, c’est un peu compliqué de s’y retrouver également autour de Détective. L’offre est variée autour du jeu de base. Des enquêtes à télécharger sont disponibles en ligne et des nouvelles boites sont sorties. Faisons le point ! 

L’une d’elles, Dig Deeper est la première de la série « Signatures ». Elle a pour scénariste le célèbre légaciste Rob Daviau. Dans cette boîte se trouve une enquête unique, un épisode. C’est une extension qui nécessite le jeu de base.

L’autre boîte sortie en 2020 s’appelle Détective Saison 1. Cette fois, ce n’est pas une extension, la boite est autonome. Dans ce Detective Saison 1, nous allons avoir trois enquêtes indépendantes. La recette est donc encore différente. 

Dans les deux cas, les mécanismes de Détective sont les mêmes, avec quelques variantes ou améliorations y compris concernant le site Antarès, la base de données qui sait tout sur les suspects.

 

Carte mentale des Détectives

 

Détective le jeu de base était une campagne haletante en cinq enquêtes, avec des plongées saisissantes dans l’histoire autant que dans l’Histoire. La première extension, LA Crimes restait de très bonne qualité narrative, avec toutefois moins d’investissement en temps, et moins d’imprégnation (comme on l’a raconté ici).

prêt ?

 

J’aborde personnellement ces deux autres boîtes (Saison 1 et Dig deeper), ces quatre scénarios, avec l’envie de vivre à nouveau les grandes sensations procurées par Détective, mais la peur de trouver les enquêtes trop courtes et pas assez profondes.

Papier, stylo, Antarès, je suis prête !

 

Saison 1 : un feuilleton en trois épisodes

3 enquêtes de Saison 1

 

Dans cette boite, nous avons des histoires contemporaines situées en 2019. Chaque enquête est un paquet de 23 pistes et un certain nombre d’heures allouées au terme desquelles il faudra rendre nos conclusions. Chaque enquête est ici plus linéaire, se passant sur une seule journée. Pour comparaison dans le mode campagne de Détective une enquête durait plusieurs jours durant lesquelles des événements pouvaient advenir.

Dans cette série d’enquêtes, petite variante superflue mais bien utile : les portraits des protagonistes principaux seront dévoilés quand le personnage interviendra dans l’enquête. Dans les premiers opus, les portraits étaient visibles sur les fiches dédiées sur Antarès, mais cet ancrage à poser sur sa carte mentale est bien plus pratique.

 

 

Saison 1 c’est :

 

La mort du Professeur Higgs de l’institut de Biologie de Richmond semble accidentelle. Par certains supports de preuve comme de la vidéo de caméra surveillance ou des dossiers de l’institut, cette enquête offre une approche différente. Mais pour dénouer cette intrigue, il y a une piste à ne pas rater. Je l’ai ratée et n’ai pas eu la satisfaction de comprendre la trame. Cette faible possibilité de trouver le fil d’Ariane me fait dire que c’est une enquête difficile, qu’il aurait sans doute mieux valu ne pas en faire le Cas n°1.

 

 

 

  • De sang, d’encre et de larmes

 

Nous devons assister à une soirée rituelle qui a lieu chaque année dans un manoir anglais. Notre hôte prend la parole et après avoir pris une feuille et porté le doigt à ses lèvres, meurt. La tempête empêche quiconque de quitter le manoir ou d’appeler des secours. Toute cette histoire va se dérouler en huis clos. 

L’ambiance est surprenante : on se demande d’abord ce qu’on fait dans ce manoir, en Angleterre, à la place de notre chef Delaware qui n’a pas pu venir des USA cette année.

Puis, on se prend au jeu du temps réel. On assiste à la mort de la victime. On jongle ici avec des codes plus classiques, mais cette coloration, entre Agatha Christie et Le nom de la rose a un certain charme désuet. On découvrira des mobiles de meurtre pour plusieurs des protagonistes. Quelle coïncidence ! Y a-t-il plusieurs meurtriers, ou un seul ? En tout cas la seule question qui est posée à l’issue de l’enquête est « Qui a tué ? », bref le Whodunit (who done it) basique ! Le scénario est bien sûr semé de pistes qui nous conduiront – ou non – au(x) meurtrier(s), avec un peu plus de pistes à suivre que dans les autres scénarios.

Cette histoire n’a pas une grande profondeur, n’oublions pas que nous ne jouons qu’une journée d’enquête, mais elle est cohérente et la solution se révèle logique et satisfaisante.

 

  • Un alibi en béton

 

Je me sens toujours un peu larguée quand il s’agit d’histoires de gang et de mafia. Y en a toujours un qui doit tuer pour prouver sa loyauté alors que c’est son cousin la cible. Ce genre de trucs tordus ! Cette enquête nous balade entre plusieurs clans et la peur des repentis qui ont un jour brisé l’omerta acceptant ainsi de finir leur vie avec un programme de protection des témoins sous une autre identité. 

Des indices matériels semblent accuser le parrain de la mafia dans le meurtre de Robert Parkson, mais vous êtes prévenus, ce scénario, c’est Un alibi en béton. 

Le style est différent, et respecte d’autres codes, ceux d’un polar mafia, dont les nombreux protagonistes font partie d’une organisation criminelle tentaculaire. Protection, confiance, trahison… Qui joue à quel jeu ? On peut même se poser la question de rajouter un autre élément : y a-t-il du hasard dans cet enchaînement ? Plus tordu que les autres scénarios (pour moi puisque je n’ai pas trop d’expérience mafieuse), mais encore une fois tout s’explique à condition de tirer les bonnes ficelles.

Bilan de Saison 1 : ça donne quoi ? 

Si cette boîte n’est pas une campagne haletante, elle a la richesse de la variété. Détective Saison 1 nous offre trois histoires aux ambiances bien marquées, des styles et des codes différents. La difficulté est légèrement variable mais l’histoire racontée reste toujours cohérente et compréhensible.

La durée des parties est courte pour une enquête, comptons entre 1h30 et 2 h. Les parties sont néanmoins intéressantes. Détective pouvait paraître effrayant à cause de sa durée et son mode campagne, cette boîte là vient autant comme une gourmandise pour les fans de Détective qu’une belle mise en bouche pour les novices.

On avait pu reprocher à Détective son bla-bla inutile avec pas mal de litres de café bus chaque journée d’enquête. Le texte de chaque carte est dans ce volume plus descriptif de la personne interrogée. C’est plus fluide, suffisamment immersif, avec un meilleur dosage de mise en situation.

Dans le temps qui nous est imparti, nous arriverons à suivre environ la moitié des pistes. Parfois le fil à suivre pour arriver à comprendre l’histoire est fin. On pourra sans doute passer à côté dans certains cas.

 

 

Signature : Dig Deeper

Cette série Signature commence fort avec l’un des auteurs les plus reconnus de ces dernières années, puisque c’est signé Daviau. Point de départ : 30 mai 1977, un type de Harvard est retrouvé mort à côté de sa voiture, sur le parking de l’Hôtel de Ville… Nous avons quatre jours pour découvrir qui l’a tué et pour quelle raison.

1977, c’est encore l’époque des recherches en bibliothèques. La première différence va donc être d’ordre technologique : pas moyen d’interroger la fameuse base de données pour avoir le fichier concernant les personnes fichées. Il faudra aller à la bibliothèque et récupérer le compte rendu 3h plus tard.

Quatre jours pour suivre 35 pistes, Dig deeper est du format d’une enquête de la campagne Détective.

 

Comme c’était à la belle époque où les flics n’hésitaient pas à se faire remarquer avec leur dodge à ailes noires en grillant pas mal de feux, on nous offre la possibilité d’appuyer sur le champignon en dépensant un jeton Autorité pour ne pas perdre une heure de notre temps d’enquête.

L’histoire que Rob Daviau nous fait vivre se dévoile au fur et à mesure des pistes qu’on creuse jusqu’à trouver le cœur de l’énigme. Il reste ensuite peu de temps pour remonter vers le bon suspect et le confondre. Au détour des rencontres nous pourrons interroger certains personnages de l’histoire. Un interrogatoire se mène en trois questions avec un mot clé, et c’est une belle amélioration qui nous rapproche un peu plus de la sensation d’une vraie enquête. Si on sait sur quels sujets interroger notre individu, on peut avoir des réponses, sinon il ne livrera rien. Il est à noter que ce gène en plus faisait l’une des différences majeures entre un Sherlock Holmes Détective Conseil et Chronicles of Crime.

On se réjouira d’une narration efficace et teintée de musiques historiques. Tout au moins les premiers clins d’œil disco ou Star Wars nous font sourire, les suivants sont légèrement irritants à la longue car ne pas avoir d’ordinateur, pas d’internet, pas de fichier sur les suspects avant 3 longues heures, les requêtes en lettres vertes du terminal 3270 de l’écran d’Antares sont bien assez d’éléments immersifs dans le monde de la fin des années 70. Point trop n’en faut ! Des efforts sont faits pour adapter la façon de jouer aux possibilités de l’époque, mais le trait est au final trop forcé pour qu’on se sente renvoyé dans sa capsule temporelle.

La boîte est de petit format, on ne trouve d’ailleurs pas à l’intérieur les petits jetons d’actions, ni la voiture et le jeton en bois qui sert de marqueur temps. On peut apprécier de ne pas avoir à voler ces ressources à la nature, on utilisera la boite de base pour tous ces éléments. Et c’est pour cela que cette boîte est une extension. Oui, vous pouvez mener l’enquête sans avoir la boite de base, à noter qu’il manque les règles (qui se trouvent ici ou les règles express) et l’introduction de l’enquête, qui se trouvera sur le site Antares ou en PDF téléchargeable.
Spoiler ! (passez votre souris pour le révéler 🙂 regardez au fond de la boite 😉

Bilan de Dig Deeper : ça donne quoi ? 

Pendant nos quatre jours d’enquête nous aurons beaucoup de pistes à suivre, mais pas mal d’entre elles sentent bon la fausse piste… Jusqu’au moment où les pièces du puzzle prennent leur place. Dig Deeper à la saveur d’un mini Détective, ô joie  ! De bonnes idées qui améliorent l’expérience, un format éditorial plus léger qui néanmoins livre l’expérience espérée, de nouvelles contraintes qui font sens… C’est un régal.  

 

De l’épisode à la saison 

Chez Detective, les intrigues ne sont jamais simplistes et les histoires ne sont jamais incohérentes, comme c’est parfois le cas avec d’autres jeux d’enquêtes qui peuvent manquer de consistance et de profondeur. En effet certains ont parfois juste le goût de l’enquête où l’ont va suivre des pistes, mais la réponse aux questions posées ne viendra ni par déduction ou sagacité. Par exemple, la série Pocket Detective a pour intérêts principaux d’être très facile à prendre en main et d’offrir des parties assez courtes mais l’histoire n’a pas trop de corps, l’intrigue n’a rien de pétillant. C’est pas la taille qui compte, et le plus petit format à ce jour, Sherlock Q system, a exploité des mécanismes innovants qui font intervenir la mémoire des joueurs, avec des scénarios d’écriture irrégulière allant de l’expérience de jeu forte à la déception plus franche. Les Détective n’ont pas su développer une gamme compréhensible, mais ce sont à chaque fois des bons polars.

Ces deux boîtes nées en 2020 sont des enquêtes aux mécanismes de Détective qui sont sorties après le jeu de base mais qui ne sont pas des suites. Les équipes, les lieux, les années sont différentes. Même si elles sont arrivées après, elles pourraient être conseillées aux amateurs du genre qui n’osent pas se lancer dans la grande campagne pour commencer. Toutes ces enquêtes sont indépendantes, elles sont toutes intéressantes et bien écrites. Et si vous avez la chance de ne pas encore avoir goûté à Détective, n’hésitez pas à commencer par ces deux boîtes et réservez-vous la campagne de Détective pour la fin, et/ou pour une période où vous aurez du temps.

Quelle configuration est préférable ? Bonne question, Watson ! Une enquête a l’avantage de se jouer très bien en solo. À deux joueurs, nous avons des intelligences souvent complémentaires et le résultat peut être meilleur. À plus nombreux, il faut se mettre d’accord sur les pistes à suivre, il faut aussi convaincre les autres de la pertinence de certains choix, et comme l’impact sur une partie de Détective est grande si on ne suit pas le bon filon, le risque de frustration est plus grand lorsqu’on se retrouve dans la minorité.

Un dernier petit mot encore sur l’édition, car là encore la gamme n’est pas très claire. Nous avons une boite carrée relativement volumineuse, la Saison 1, dans laquelle sont nichés trois paquets d’enquête de 23 cartes dans un écrin de plastique, à l’instar d’une boite d’Unlock! beaucoup de volume inoccupé pour créer une belle boîte qui donne une impression d’en avoir pour son argent. La boîte de Dig deeper est bien plus petite puisqu’on ne trouve à l’intérieur qu’un paquet de 35 cartes et un petit plateau de jeu, mais s’il reste encore de la place perdue, on peut souligner le moindre impact carbone. Le plaisir d’une enquête se mesure pour moi à son intrigue intéressante et pas à son emballage !

Pour conclure, sachez que si un fan de Detective vient me demander quelle boîte choisir entre Dig Deeper et Saison 1, je lui réponds… les deux ! 

 

 

Vous en voulez encore ?

Une suite à tout cela est prévue bien sûr avec une deuxième Signature Petty officers, une enquête pour des animaux, avec des animaux, mais il faudra attendre encore de longs mois (news).

Nous aurons par ailleurs encore un nouvelle déclinaison des mécanismes de Détective dans Vienna Connection, dans lequel nous incarneront des agents de la CIA envoyés en mission en Europe centrale en 1977. Un paquet de cartes pour chaque mission et une belle pile de dossiers comprenant des extraits de journaux et d’interrogatoires remplaceront la base Antarès qui ne servira que pour le rapport final. Autre différence notable, plus de plateau et de déplacement, mais des feuilles de mission à cocher pour chaque lieu visité. Ainsi une fois la limite de coches atteinte, la mission est terminée. Bref, un vrai roman d’espionnage prévu pour la fin d’été en français chez Iello.

Enfin, une autre recette à la sauce épicée est prévue dans Dune : House Secrets opus indépendant basé dans l’univers SF de Frank Herbert (dont on n’a pas fini de parler cette année). Quelques premières infos à ce sujet par ici. Intriguant, n’est-il pas ?  

 

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5 Commentaires

  1. Jahz 11/02/2021
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    Excellent article très complet et très intéressant ! Merci !

    J’ai hâte de commencer LA Crimes pour ma part.

  2. morlockbob 11/02/2021
    Répondre

    LA s1 aurait dû être sous titrée « boîte d’initiation » tant elle est en rupture avec le premier épisode. Du coup, c ‘est plus léger, voire très léger (perso une enquête sympa, une bonne, une bof). Un peu de cohérence donnerait une certaine unité à l’ensemble de la gamme.

  3. frédéric ochsenbein 17/02/2021
    Répondre

    Grand fan de Detective, j’ai été très déçu par saison 1. Pour moi Detective sortait du lot par sa complexité, sa profondeur. Aucun jeu ne m’avait autant mis dans la peau d’un enquêteur. Et quel régal le système Antares et les recherches internet. Dans saison 1, le point positif est la simplification de certains points de règle (notamment stress et pions compétences). Pour le reste hélas c’est la bérézina. Le système Antares est devenu un bel accessoire sympa dans la forme, inutile dans le fond. Le scénario 1 a été le plus palpitant, avec toutefois un ressort dans le scénar qui n’a pas vraiment de sens. Le scénario 2 est ultra convenu, on dirait un mauvais ersatz d’Agatha Christie. Enfin le scénario 3 partait sur une trame fort sympathique mais l’affaire a été résolu en la moitié du temps imparti tant les ficelles sont visibles :(.
    Un jeu sorti 3 ans trop tard, car face à la concurrence il ne fait pas le poids. Un constat encore plus amer avec le nom « détective » sur la boîte, j’aurai surement été moins dur sans. C’est comme sortir un bon film de Sciences fiction, mais lui apposé le nom Star Wars pour faire vendre sans respecter les exigences que ce nom véhicule ^^

    • Natosaurus 17/02/2021
      Répondre

      Je suis bien d’accord que Saison 1 n’a pas la même saveur que Detective, et forcément sur une enquête en une journée, on ne peut pas avoir la même profondeur qu’en une campagne de 5 enquêtes de 3/4 jours. Est ce qu’il aurait fallu qu’ils sortent Saison 1 avant la campagne, je pense que le jeu serait passé entre les radars des autres jeux d’enquête, et on aurait raté le feu d’artifice. Mais je trouve les enquêtes bien plus interessantes que nombre d’autres jeux d’enquête, ça reste très agréable, et c’est plus accessible pour les apprentis enquêteurs.

      Ces enquêtes ne font pas le poids face à quels jeux d’après toi ? je suis preneuse de meilleurs crues ! Suspect est bien à la hauteur mais dans un petit format également (moins de 2h de partie).

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