Coralia – À travers les récifs
Coralia est un jeu format Aventuriers du rail, signé Michael Rieneck (Cuba et Les piliers de la terre avec Stefan Stadler, Merlin avec S. Feld,…), édité par Huch! et distribué dans nos contrées par Atalia.
Dans ce jeu, vous incarnez des biologistes qui vont envoyer des robots de plongée (ROV) pour étudier les fonds marins, et pourquoi pas, rapporter des trésors pirates.
Il s’agit d’un jeu compétitif de placement de dés et de collection où vous devrez placer judicieusement vos dés pour optimiser vos gains, et tenter de récupérer les cartes les plus intéressantes pour vous : collection de perles, collection de poissons, scorings complémentaires…
Editorialement parlant, le jeu est vraiment attirant. On retrouve le très talentueux Miguel Coimbra est aux pinceaux et merci Huch pour ce choix, ça réveille bien le jeu à l’allemande ! Une chouette direction artistique, un bel univers, et du matériel de très bonne facture : que ce soit les pions en bois en forme de pieuvres trop mignonnes ou tous ces petits dés multicolores transparents très agréables à l’œil. C’est clairement ce qui m’a aguiché au départ dans le jeu d’ailleurs, quand je l’ai croisé en festival. Je l’avoue, un matériel joli où il faut faire des collections (mécanique que j’adore), ça m’attire de suite.
Ouvrons le coquillage
Passons donc au jeu en lui-même. Côté règles, ce n’est pas ce qu’il y a de plus simple à aborder. Je ne vais pas m’étaler ici sur toute l’explication car je préfère présenter mon ressenti que de vous dérouler une règle de jeu. Mais le jeu à beau être plutôt à destination des familles, je l’ai trouvé assez exigeant et pas si accessible. Mise en place laborieuse, scorings compliqués, mécanique alambiquées, c’est beaucoup moins simple que ça n’y parait.
Mais pourquoi est-ce si compliqué que cela ?
En fait, mécaniquement parlant, les tours sont plutôt simples. On rajoute un dé de notre choix au pool de dés existant, on lance le tout et on en choisit un qu’on place sur le plateau pour réaliser son effet. Jusque là rien de sorcier. Après, côté effets, on a pas mal de choix : 6 effets possibles différents, le tout dans 6 couleurs (récifs) différentes. Cela laisse beaucoup de possibilités, qui se réduisent au fur et à mesure de la partie puisque les emplacements se remplissent et deviennent inaccessibles. C’est positif, car cela permet de prioriser les actions, de temporiser et de mettre en place un équilibre entre l’opportunisme (et la chance du tirage) et d’offrir des choix tactiques.
Récifs et écueils
Le problème vient donc de ces choix. En effet, certains paraissent bien meilleurs que d’autres en début de partie, et cela de manière assez grossière. Les pieuvres par exemple permettent de gagner des points pour toutes les pieuvres placées ensuite, donc une rentabilité très forte à la première posée. Les tortues ensuite qui en plus d’un bonus, débloquent la possibilité de conserver des dés sans les lancer, il s’avère presque indispensable d’en avoir au moins une pour espérer ne pas être bloqué en fin de partie. Un passage obligé donc, qui peut s’avérer laborieux si les lancés de dés ne vous sont pas favorables.
Le plongeur est un élément malin du jeu : on mise sur le récif (la couleur) qui sera le plus occupé à la fin de la partie. On peut le déplacer en cours de route pour aller en chercher un autre plus intéressant, tout en empochant un gain qui peut être très aléatoire. On essaye donc de le planifier au mieux, mais on a toujours la possibilité de changer de plan en cours de route, ce qui est agréable.
Les trois autres actions, à savoir les collections de poissons, de perles et la récupération de scorings complémentaires, sont quant à elles grevées par un sérieux problème d’ergonomie et d’accessibilité de fonctionnement. En effet, à vouloir faire un jeu de collection « original », à savoir qu’on ne se contente pas de prendre une carte et de la garder, le jeu propose à chaque pioche une manière différente de procéder : On piochera deux cartes perles pour en garder deux, là où on piochera deux cartes poissons pour n’en garder qu’une et ou l’on piochera trois cartes scoring pour en garder qu’une. Une complexification des mécaniques pour atteindre un pseudo équilibre optimal qui rend le jeu inutilement lourd et difficile à prendre en main – surtout pour des potentiels enfants de 10 ans.
Ajoutez à cela des scorings finaux pas forcement intuitifs, comme le fait que le joueur ayant la plus grande collection de perles, en valeur, ne garde que quatre cartes perles pour les scorer, puis le deuxième plus grand en valeur n’en garde que deux, puis le troisième n’en garde qu’une… Mais que c’est compliqué pour faire un simple un système de podium !
En tant que joueur expérimenté, j’ai eu du mal à impliquer mes joueurs occasionnels, et leur faire absorber toutes les règles. La première partie fut plutôt laborieuse à cause de cela, mais pour autant pas sans plaisir. En effet, les choix proposés par le jeu sont tout de même intéressants. On a envie de faire des collections optimales, et on essaye de planifier nos coups à un tour ou deux selon nos priorités du moment. Va-t-on tenter de placer son plongeur maintenant ou bien attendons-nous encore un tour ? Le nombre d’emplacements poissons commence à se réduire, cela vaut-il encore le coup de miser sur la collection de poissons ? On aime prévoir ses actions et tenter d’aller chercher la plus intéressante pour nous, tout en bloquant un peu les stratégies adverses.
Si on occulte l’ingestion des règles un peu douloureuse, j’ai trouvé la partie en elle-même plutôt fluide. Elle se déroula sans encombres jusqu’à son dénouement, où ce fut un peu la douche froide. En effet, la fin de partie, clairement stipulée dans les règles, dévoile que le premier joueur peut bénéficier d’un net avantage, puisqu’il jouera potentiellement plus que les autres. Dans notre première partie, les joueurs 3 et 4 ont fait un tour de moins.
Cela pourrait être anodin dans certains jeux, mais nous sommes ici dans un jeu de collection extrêmement court. En effet, on réalise des collections assez petites de 5, 6 voire 7 cartes maximum, toutes collections comprises. C’est du coup incroyablement léger et frustrant, et ne permet vraiment pas d’aller essayer diverses stratégies, et encore moins de se permettre de perdre un tour de jeu, car le gap de points que cela représente est énorme. Fin frustrante donc, bien trop prématurée, qui aura décontenancé tous les joueurs à ma table : les joueurs 3 et 4 comme étant laissés-pour-compte, et les 1er et 2eme qui ont l’impression de voler un peu la partie.
À la réflexion, on aurait aimé que tout ceci ne soit en fait que la première manche, et qu’une seconde manche complète, en conservant les cartes de la première manche, soit entamée.
Fermez les écoutilles
Au final, vous l’avez compris, Coralia fut malheureusement une déception pour moi, car sous son esthétisme de très haute qualité, on trouve un jeu pas si facile à prendre en main (en tout cas avec des complexifications inutiles à mon sens), et qui semble déséquilibré sous de multiples points. Je dis bien « semble », car c’est évidemment difficile d’affirmer ça après seulement deux parties, mais étant donné que les joueurs autour de la table identifient tous les mêmes actions qu’ils souhaitent faire à cause de l’évidence des choix, et qu’ils en viennent ensuite à remettre en cause les règles du jeu sur la fin de partie, c’est bien là signe d’un cas vraiment dérangeant – qu’il soit avéré ou non sur plus de parties, le ressenti des joueurs demeure important, et j’aurais bien du mal à le ressortir de l’étagère à ce stade.
En bref, un opus qui formulait une belle promesse, mais qui pour ma part manque d’un peu d’épure et de travail de développement, ce qui gâte le superbe travail d’édition matériel qui a été fait.
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fouilloux 15/09/2020
Tiens, pour le coup moi je le trouve au contraire pas très très joli.
El Gringo 21/09/2020
Ah ? Dans l’ensemble rien ne te plait ? Ou spécifiquement la couv ? Le plateau ? Les cartes ?
Je trouve l’illustration de la boite réussie, et le plateau vraiment sympa, surtout pour un jeu allemand. Et le materiel est plutot qualitatif
fouilloux 21/09/2020
Le design des animaux marins. je saurais pas dire pourquoi cela dit. peut être qu’ils ont un côté trop « cartoon ». Mais je crois que je suis difficile sur les jeux représentant des fonds marins.
Cédric Schmitt 21/09/2020
Curieux que les joueurs 3 et 4 on fait un tour en moins.
A 2 joueurs on joue le même nombre de tours et normalement à 4 c’est pareil.
Mauvaises interprétations avec les dés bonus peut-être?
Sinon bon article 🙂
El Gringo 21/09/2020
J’aurai bien aimé que les joueurs aient le même nombre de tours, mais on a bien relu la règle plusieurs fois, en Français et en Anglais, et cela n’est pas précisé :
« Les joueurs continuent à jouer, à tour de rôle, jusqu’à ce que la réserve soit presque entièrement épuisée et que
– dans une partie à 2 ou 4 joueurs, il ne reste plus que 4 dés
– dans une partie à 3 joueurs, il ne reste plus que 3 dés« .
Fin sèche donc, qui nous à pris au dépourvu.
Mais si elle n’est pas sensée arrivée, et que tout est calculé, alors je me demande ce qu’on a pu faire de travers.
Cédric Schmitt 21/09/2020
Il y a 36 dés de couleurs, à la fin on ne joue pas les 4 dernier dès. Cela fait 32 dès a jouer divisez par 4 cela fait 8 dès par joueur au cours d’une même partie !
Peut-être lorsque un joueur n’a pas pu jouer il a tout simplement oublié de placer un dé sur l’île ?
Vous reste juste à retenter une partie 😉