Conseils pour l’édition d’un jeu de société – Partie 2

En guise de préambule, je vous informe que cet article constitue la suite naturelle du premier initié ici même, traitant des astuces pour créer son jeu de société. Cette suite s’adresse toujours aux auteurs et autrices qui se lancent et cherchent des conseils. 

Dans cette seconde partie, je vais évoquer avec vous les affres du démarchage pour l’édition d’un jeu : comment démarcher, qui, quand, par quels moyens… puis j’évoquerai avec vous les processus d’édition, l’auto-édition et les questions autour du contrat.

Autant vous prévenir que sur ces sujets-là, je me sens quand même moins légitime que sur le sujet précédent, il est possible que je fasse parfois des généralités qui ne devraient pas avoir lieu, voire des imprécisions que vous n’hésiterez pas à reprendre en commentaires. En effet, pour le côté création de prototypes, j’ai une solide expérience avec plus d’une trentaine de jeux conçus sur environ de 8 années de game design. Mais pour la concrétisation et l’édition, ce chiffre se réduit à 5 jeux édités à ce jour. Mon expérience dans ce domaine est donc bien moindre, et mes conseils sont à prendre avec des pincettes. Encore une fois, n’hésitez pas à partager vos expériences, conseils et ressentis personnels en commentaires.
Néanmoins, je vais tenter de vous présenter les multiples facettes de ce processus qui peut s’avérer assez complexe.

DEMARCHAGE

Si vous en êtes là, c’est donc que vous avez un jeu que vous estimez terminé, voire plusieurs, et que vous voudriez passer à l’étape suivante, c’est-à-dire trouver un éditeur. L’objectif : avoir un jeu commercialisé, et accessible au plus grand nombre. (J’évoquerai les voies de l’auto-édition en fin d‘article). Jusque-là, rien de plus légitime de votre part. Néanmoins, sachez que si vous en êtes là, c’est qu’il vous reste souvent le plus dur à faire, car arriver à faire signer son jeu est un parcours ambitieux, souvent long et semé d’embûches, que peu de jeux atteignent – malgré ce que l’on peut penser avec la quantité de boîtes qui sont produites.

Pour beaucoup d’auteurs et d’autrices en herbe, arriver à signer le jeu sur lequel il travail, c’est le Graal. L’aboutissement d’un long process où il aura le plaisir de voir son oeuvre commercialisée, et son nom marqué fièrement sur la boite. Pour d’autres, c’est un objectif qui doit être atteint pour « rentabiliser » tout le temps passé dessus. C’est un biais dont il faut se méfier, car le temps passé dans cette deuxième partie de l’aventure est parfois encore plus long que le temps alloué à la création du jeu ! Il faut donc vraiment vous poser la question de la motivation que vous avez à pousser votre projet, et du fait que votre jeu peut avoir ce potentiel d’édition ou pas.

Pour cela, vous aurez bien sûr votre cercle d’amis, voire votre cercle de joueur confirmés ; mais il existe également plusieurs autres moyens d’estimer la qualité de vos créations, que j’appelle les « alternatives » au démarchage direct :

  • Les collectifs d’auteurs.
  • Les concours de création
  • Les agents d’auteurs.

 

Les alternatives au démarchage direct 

► Les collectifs

Selon où vous habitez, vous aurez peut-être la chance d’être à proximité d’un des nombreux collectifs d’auteurs recensés par la SAJ.

Pour moi, les collectifs d’auteurs présentent énormément de vertus, et doivent être approchés si tant est que vous en avez la possibilité géographique – et je ne dis pas ça juste parce que j’appartiens à celui de la CAL depuis pas mal d’années.

Tout d’abord, les personnes d’expérience qui constituent ces groupements pourront vous être d’une grande aide pour justement évaluer la pertinence de votre jeu. Ils pourront vous dire si vous avez un jeu original, ou si de nombreuses similitudes existent avec un opus existant que vous ne connaîtriez pas.

Ensuite, selon les affinités et les auteurs, certains pourraient être amenés à vous proposer de l’aide pour développer votre jeu. Soit des petites astuces, soit parfois même jusqu’au co-autorat, si l’aventure vous tente. Toute aide peut être bonne à prendre dans ce processus de création dans lequel vous débutez.

De plus, une fois vu, joué, analysé et avancé via le groupement, le jeu jouira forcement d’une qualité supérieure, puisque de nombreux auteurs vous auront fait des retours pour l’améliorer. Le fait de dire que vous faites partie d’un groupement d’auteurs pourra peut être même inciter un peu les éditeurs à regarder avec plus d’intérêt votre oeuvre, puisqu’elle aura bénéficié a priori de pas mal de tests qualitatifs.

SAJ

Enfin, les auteurs pourront partager leur réseau avec vous, vous faisant profiter des bons contacts chez les éditeurs, permettant d’aller démarcher les bonnes personnes – voire de venir de la part de untel. C’est un Sésame qu’il ne faut pas négliger dans ce milieu, tant le réseau est quelque chose d’important. Ils pourront également vous dire que tel éditeur cherchait justement tel type de jeux, etc. Bref, nous le redirons, mais les échanges entre acteurs du secteur sont toujours bénéfiques !

 

► Les concours de création

Si vous êtes loin de tout regroupement, ou bien si vous préférez rester en totale autonomie, l’autre « porte d’entrée » pourra être les concours de création.

En effet, de nombreux concours existent à travers la France, dont le seul but est de mettre au jour des pépites ludiques d’auteurs et d’autrices souvent inconnu·e·s. Je ne vous les citerai pas tous ici, il existe quelques endroits où ils sont tous répertoriés, mais je citerai sans doute le plus célèbre qui est celui de Boulogne Billancourt, le plus suivi par les éditeurs – et peut être du coup le plus difficile tant la concurrence y est rude.

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Pour y participer, il vous suffit de vous renseigner sur les sites internet (ou Facebook) dédiés, et d’envoyer la règle de votre jeu dans un premier temps. Puis, si vous êtes sélectionné, il y a souvent une deuxième phase où c’est le proto que vous devrez envoyer, et parfois il y a une troisième phase où vous irez défendre vos chances en direct.

Il y a parfois des frais d’inscription, qui peuvent sembler élevés, mais qui sont négligeables comparés aux frais de transport et de logement induits par le fait d’aller à la rencontre des éditeurs sur les festivals.

Néanmoins, la « valeur » de ces concours n’est pas équivalente. Même en cas de victoire, les contrats ne vont pas vous tomber tout cuit dans le bec. Autant le fait de remporter le concours de Boulogne vous donne de fortes chances d’être édité (sans pour autant que ce soit systématique, loin de là), autant en remporter d’autres, comme le feu Ludix par exemple, ne vous apportait qu’une visibilité éphémère – je suis bien placé pour le savoir ^^. Ce sera souvent à vous d’essayer de valoriser les bonnes positions en concours lors des démarchages d’éditeurs par la suite.

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À noter que depuis quelques années, les gagnants des différents concours en France obtiennent une invitation à participer au protolab du festival des jeux de cannes, ce qui leur permet de gagner une belle visibilité lors de cet événement important. Une récompense supplémentaire pour les aider à concrétiser leurs projets.

Avec du recul, je trouve que les concours de création sont idéaux pour débuter, car ils permettent de jauger sa création par rapport à d’autres, de rencontrer parfois des acteurs du secteur, et de se faire une bonne première expérience. Cela dit, pour arriver à décrocher l’édition, cela ne remplace que rarement le démarchage en direct des éditeurs.

 

► Les agents d’auteurs

Après vous avoir parlé des collectifs (dont je fais partie) et des concours (auxquels j’ai beaucoup participé par le passé), il me reste à vous présenter une autre alternative, pour laquelle il m’est également arrivé d’opter : passer par un agent d’auteur.

En effet, il faut savoir qu’il est possible d’opter pour cette alternative, celle de se faire représenter par un agent. L’agent, comme au cinéma, va défendre votre jeu auprès des éditeurs, pour essayer de le « placer » chez ces derniers.

En un sens, cette solution est de loin la plus « facile » lorsque l’on débute. Le fait d’avoir un agent va pallier votre manque de réseau, votre inexpérience en matière de présentation et de prestation en tant que commercial, et vous économisera les trajets vers les festivals à la rencontre des professionnels du milieu. Cela peut être la « voie rêvée » pour les auteurs un peu ours, qui préfèrent rester dans leur grotte à créer, plutôt que d’avoir à subir la prestation de commercialisation et de socialisation (oui oui, je parle un peu de moi là !).

Néanmoins, il vous faudra taper dans l’œil de l’agent. Pour cela, là encore, vous pourrez lui envoyer les règles de votre jeu pour tenter de le séduire – ou le rencontrer sur un festival d’importance. Finalement, c’est le même processus qu’avec un éditeur, mais que l’on ne fait qu’une seule fois.

Dans de nombreux cas, l’agent pourra être amené à refuser votre projet, pour des tas de raisons possibles : pas assez original, similaire avec un jeu qu’il présente déjà… Mais si le jeu l’intéresse, alors il vous proposera un contrat de représentation, et ce sera à lui d’essayer de vous trouver un éditeur. Aucun engagement de réussite de sa part, mais il ne gagnera de l’argent que si vous en gagnez !

En effet, l’agent ne vous coûtera jamais rien, mais il prendra un pourcentage de vos droits d’auteurs s’il place le jeu chez un éditeur. Les tarifs qui sont couramment pratiqués sont à hauteur de 30% de vos droits d’auteurs. Cela peut paraître énorme, et je vous dirais oui et non :

  • Oui, car 30% de votre travail, ça reste une somme qui peut être frustrant de voir disparaître.
  • Non, car 30% de quelques centaines d’euros, voire un millier ou deux si le jeu est un succès relatif, c’est souvent bien peu, et couvre tout juste le temps que va passer l’agent sur votre projet. Les économies que vous ferez en « non déplacement » seront assez significatives. Et gagner 70% d’un jeu édité c’est toujours bien mieux que 100% d’un jeu non édité qui restera dans votre placard. 

 

Cependant, ne voyez pas l’agent comme une roue de secours. Il ne prendra votre jeu que s’il n’a pas déjà été présenté ailleurs, car une première mauvaise impression aura déjà pu être faite, et le travail de démarchage ne sera alors plus vraiment possible pour lui.

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Outre la part d’argent associée au fait de prendre un agent, il y a d’autres raisons qui peuvent faire que cette méthode n’est pas faite pour vous.

D’une part il faut accepter d’être représenté par un tiers, qui défendra votre jeu différemment de vous. Avec peut-être moins de passion et d’ardeur (ce qui peut être un bien comme un mal), car il n’aura pas que votre jeu à défendre, mais des dizaines d’autres parfois tout aussi bien que les vôtres, voire meilleurs.

Il vous faudra aussi accepter que cet intermédiaire reste présent tout au long du processus, notamment lors du développement avec l’éditeur après signature, où souvent l’agent fait l’intermédiaire entre vous et l’éditeur. Cela a parfois du bon, pour faire tampon, et calmer les échauffements d’une des parties, mais cela peut également entraîner une perte d’informations, voire nuire au bon développement du jeu lorsque tout le monde n’est pas sur la même longueur d’onde.

Enfin, passer par un intermédiaire fait que votre réseau ne se développera pas au fil des années, puisque c’est lui qui rencontrera les éditeurs et non pas vous.

Mais si vous n’avez pas de mal à déléguer à quelqu’un qui aura plus d’expérience que vous, et qui aura sans doute plus de compétences marketing et de réseau que vous n’en aurez jamais, ce peut être une solution faite pour vous. Si vous avez plusieurs jeux en cours de développement, pourquoi ne pas essayer avec l’un d’entre eux ?

 

Le démarchage direct

Entrons dans le vif du sujet maintenant. Vous avez décidé de vous passer des alternatives précédemment évoquées (ou bien vous les avez faites en plus), et vous allez maintenant tenter de contacter les éditeurs pour leur présenter votre jeu.

Il existe deux types de démarchages : le démarchage par mail, et le rendez-vous sur salon. Ils ont chacun leurs spécificités, que je vous présenterai en détail, mais la plupart des conseils sont valables quel que soit votre manière de procéder.

Quelles sont les choses à faire, à ne pas faire dans cette quête difficile ? Quelles sont les astuces qui peuvent vous aider ? Comment démarcher ? Je m’en vais essayer de trier tout cela pour vous.

En quête d’un éditeur…

Votre jeu est-il prêt ?

En effet, avant de foncer tête baissée, vous aurez quelques trucs à vérifier avant de démarcher :

  • Est-ce que le nom de votre prototype existe déjà via un jeu édité ? Il est préférable que non, pour ne pas embrouiller le message autour de celui-ci. Vérifiez via les bases de données des sites (Ludovox, TT, BGG) pour le vérifier. Si vous trouvez une référence à un obscur jeu sorti il y a 20 ans, pas de problème. Si votre proto s’appelle Azul, cherchez autre chose ^^
  • Vos règles sont-elles parfaitement compréhensibles ? Je vous renvoie au paragraphe sur ce sujet dans le premier article pour vérifier cela, même s’il ne fait qu’effleurer ce que l’on pourrait dire sur ce sujet tant il est vaste, mais vérifiez que vos règles sont claires, lisibles, illustrées, et compréhensibles par tout le monde. Vous avez le nez dedans depuis bien trop longtemps pour avoir le recul nécessaire, donc faites-vous aider, par d’autres auteurs ou des amis (joueurs ou non). On voit encore bien trop de règles format word ne contenant que du texte, sans aucune illustration. C’est rédhibitoire, votre règle aura très peu de chance d’être lue et comprise.
  • Avez-vous clairement structuré l’ensemble : la durée, l’âge et le nombre de joueurs pour le jeu. Ce sont des données essentielles aux éditeurs pour se faire une idée rapide de ce que vous présentez. On ne vous en voudra pas si vous n’estimez pas l’âge parfaitement, mais servez-vous des fourchettes indiquées sur les jeux actuels pour vous faire une idée (du genre évitez de mettre un improbable 12+ sur un jeu du calibre de Root, oh wait !…).

 

Votre état d’esprit est-il bon ?

Bon, votre jeu est prêt. Super. Mais vous, l’êtes-vous ?
Créer des jeux est une chose. Démarcher est clairement un autre métier : c’est devenir commercial. C’est savoir défendre son jeu, pour présenter aisément ses caractéristiques, ses points forts, et anticiper les réponses sur ses points faibles (nombre de joueurs, durée de vie…).

C’est savoir vendre du rêve, présenter le jeu sous son meilleur angle, et laisser entrevoir des perspectives – sans mentir.

C’est aussi savoir se vendre personnellement, car au-delà du jeu, c’est avec vous que l’éditeur devra travailler parfois durant des mois pour son développement. Si l’éditeur vous trouve éminemment sympathique, il aura plus envie de travailler avec vous, et s’intéressera donc plus à votre jeu. Vous ne signerez pas qu’avec votre personnalité (quoi que j’ai des dossiers ^^), mais cela aidera grandement !

Enfin, c’est savoir supporter ce que j’appelle les montagnes russes émotionnelles. Savoir enchaîner de mauvais rendez-vous/retours de mails sans perdre le moral, ou bien encore ne pas trop vous emballer après un bon rendez-vous/retour de mail car il a au final peu de chances d’aboutir sur quelque chose de concret.
Bref, gérer ses émotions n’est vraiment pas toujours chose aisée dans cette facette du job, et vous risquez d’y laisser quelques plumes au début !

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Trucs & astuces d’ordre général 

– Le ciblage : c’est la base. Cela ne fait pas de mal de le répéter : ciblez votre démarchage. Cela ne sert à rien de proposer un jeu qui n’irait pas dans la gamme de l’éditeur en question. Ne proposez pas des party games à des éditeurs qui ne font que des gros jeux de gestion, et vice versa. Cela parait évident, mais c’est encore très régulier d’observer des rendez-vous d’auteurs n’ayant pas la moindre idée de la gamme des jeux de l’éditeur qu’il cible, en se disant « on sait jamais ». Vous risquez d’agacer l’éditeur en lui faisant perdre son temps, et il ne voudra plus forcément vous recevoir lors d’un hypothétique autre jeu qui collerait mieux chez lui. Bref, préservez votre temps et celui de l’éditeur en ciblant judicieusement.

– Pour cibler au mieux, encore faut-il savoir qui aller voir. Pour cela, il faut être au fait de quelles maisons d’édition existent – ou existent encore. En effet des éditeurs arrivent pendant que d’autres disparaissent, et se baser uniquement sur les quelques plus gros éditeurs archi connus peut être très réducteur. Car oui signer dans une très grosse société d’édition peut être motivant pour la réussite du projet, mais la sélection n’en sera que plus rude.

Ainsi, pour être au fait des maisons d’éditions actives, deux solutions : 
Soit vous regardez la liste des éditeurs présents lors du dernier FIJ, en regardant les noms des stands. Cela vous fera déjà une belle base.
Sinon, vous pouvez également décortiquer le bilan de Reixou qui récapitule les sorties de jeu de l’année et des éditeurs associés, vous aurez ainsi la double information de quel éditeur existe et de ce qu’il produit comme type de jeu.

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– Quand vous démarchez, essayez de voir si votre jeu à des points communs avec des titres présents dans le catalogue de l’éditeur, et mentionnez-le lui  « mon jeu est assez proche de XX en termes de public et de sensation de jeu ». Cela permet à l’éditeur de mieux comprendre ce que vous présentez, et d’avoir un œil plus attentif.

– Concernant votre jeu, certains éditeurs arrivent très bien à se projeter dans des thèmes ou des univers différents du votre, là où certains n’y arriveront pas du tout. De ce fait, il peut être judicieux d’éviter de thématiser votre jeu sur des licences existantes, si ce n’est pas pour faire le jeu de la licence en question. Une licence forte pourra susciter autant d’intérêt que de frustration à l’égard de votre jeu, mais pourra aussi le cataloguer auprès des éditeurs en « jeu à licence », alors que vous aviez juste l’intention de l’habiller temporairement pour le prototype. En tout cas, pour m’y être beaucoup cassé les dents, c’est quelque chose que j’évite désormais, à contrecœur.

– Toujours concernant votre proto, essayez d’avoir un jeu ayant le moins possible de texte sur les cartes. Cela permet ainsi à l’éditeur de se projeter plus facilement dans une possibilité d’édition à l’internationale – critère parfois obligatoire pour certains. Cela n’est pas toujours possible, mais si votre jeu contient peu de texte, et que le texte peut être remplacé par des icônes, sans nuire à sa jouabilité, n’hésitez pas à le faire. Cela évitera à l’éditeur de faire l’exercice de voir si c’est « iconografiable » ou non, et il se projettera plus facilement dans cette possibilité.

– Enfin, conseil d’ordre général, ne négligez pas le réseau. Ce milieu est un secteur où beaucoup se joue par connaissances. Et ça reste un « petit monde ». Tout se sait, tout se dit, en bien comme en mal. Les éditeurs, et les auteurs ont envie de travailler avec des gens qu’ils connaissent, qu’ils trouvent sympathiques, qu’ils apprécient. Un auteur désagréable (dit aussi « relou ») pourra avoir une réputation qui lui causera du tort, de la même manière qu’un éditeur non professionnel (qui ne respecte pas les termes de ses contrats par exemple…), sera forcément vite catalogué auprès des auteurs comme étant celui « chez qui ne pas aller ».
Ce réseau met forcement du temps à se créer, donc ne soyez pas trop pressé, ne grillez pas les étapes. Rencontrez des gens, des auteurs, des éditeurs, etc, ils seront d’autant de coup de pouce potentiels pour vous pour l’avenir. Et même si au final ce n’est pas le cas, ce seront d’autant de partenaires de jeux sympathiques que vous vous serez fait et de chouettes rencontres qui auront enrichi votre vie !

 

Spécificités du démarchage par email

Pour bien démarcher, il vous faudra les bonnes armes, et respecter quelques codes. Pour obtenir les contacts des éditeurs qui vous intéressent, plusieurs moyens :

  • Tout d’abord essayez de voir si l’éditeur à une page de contact/soumission de projets sur son site, car ce sera le plus simple.
  • Ensuite, s’il n’en a pas, tentez de passer par les réseaux sociaux. Les community managers pourront vous donner un email de contact approprié.
  • Enfin, vous pourrez demander à d’autres auteurs s’ils ont les emails des chargés de projets. Le réseau là encore, est le meilleur moyen de rentrer dans le milieu.

 

 

Une fois le contact identifié, il vous faudra préparer tout ce qu’il vous faut à mettre dans votre mail :

  • Pour débuter, en plus des indications du jeu (âge/durée/nbr de joueurs), il serait bien de préparer un pitch thématique de votre jeu, en deux lignes, qui permet de savoir de quoi parle votre proto.
  • Suite au pitch thématique, il peut être malin de proposer un pitch mécanique cette fois, pour présenter en quelques lignes le fonctionnement du jeu. Dire quel type de mécaniques on va utiliser, dans quel but… Un résumé super express du jeu.
  • Ensuite, la vidéo. Comment ça vous n’avez pas prévu de vidéo ?! Cela devient de plus en plus courant actuellement. Les éditeurs en demandent (voire en imposent) de plus en plus régulièrement, et pour cause, cela est bien plus rapide à étudier qu’une règle de jeu. 

 

Le format idéal pour votre vidéo, c’est 3 ou 4 minutes, afin de permet à l’éditeur de voir tous les composants, voir de quoi il en retourne, avec une idée du fonctionnement, mais sans avoir les règles complètes. Une vidéo de 20 minutes qui explique complément le jeu n’est pas forcement pertinente pour du démarchage, il faut aller à l’essentiel. Optez pour un format proche de ce que l’on fait chez Ludovox avec les Ludochonos.

 

Vidéo réalisée à l’époque pour la présentation de ce qui est devenu Maître Renard

 

  • Enfin, la règle du jeu. Mais ça, je vous l’ai assez rabâché, on va dire que désormais elle est parfaite. Mais cette règle doit juste être attachée en PDF, elle ne doit pas être insérée en texte dans le mail. Elle doit être l’ultime découverte de l’éditeur qui a été emballé par les précèdent éléments de votre mail.

 

 

Côté timing, évitez d’envoyer des mails de démarchage à n’importe quelle période de l’année. Par exemple, si vous l’envoyez juste avant ou juste après un salon d’envergure (Essen, FIJ…), il y a de fortes chances pour qu’il ne soit jamais lu, car l’éditeur aura bien d’autres choses à faire que de lire vos mails. Sans dire qu’il y a de bons moments, il y en a en tout cas de mauvais qu’il faut éviter.

Si vous avez tout bien préparé, vous augmenterez vos chances d’obtenir une réponse d’un éditeur suite à votre postulation (qu’elle soit positive, ou négative, une réponse c’est toujours bon à prendre). Mais attention, ces bonnes pratiques ne permettent que « d’augmenter » vos chances de réponses, pas d’en avoir une systématique.

En effet, les éditeurs sont hyper sollicités (exemple : Blue Orange reçoit 1500 propositions par an), et ne pourront pas forcement prendre le temps de vous répondre. Soit ils n’auront pas eu le temps d’ouvrir votre mail, soit ils n’auront pas le courage de répondre après la lecture en travers de votre règle, soit ils ne recherchent plus de jeu car leur catalogue est bouclé pour les 2 ans à venir… Bref, vous trouverez le temps long, très long, avant de pouvoir espérer avoir un retour, mais dites-vous bien que de leur côté ils sont overbookés, et que l’espace-temps semble diffèrent pour eux.

N’hésitez pas à relancer 1 ou 2 fois (avec plusieurs semaines entre chaque relances bien entendu), mais n’harcelez pas, et il faut savoir abandonner quand vous n’avez pas de réponses. Ne vous en offusquez pas, car de ce que j’ai pu constater à travers mon démarchage personnel, je pense que j’ai près de 50% de mes sollicitations qui n’aboutissement jamais – et cela même en étant auteur déjà édité et connaissant un peu les acteurs du milieu.

 

Spécificités du démarchage en salon

Si vous en avez la possibilité, alors essayez de prendre des rendez-vous physique avec les éditeurs, afin de leur présenter le jeu en direct, sur salon.

Cependant, quelques règles à respecter là aussi pour que tout se passe bien : Tout d’abord, préparez votre rendez-vous, pour ne pas arriver à l’improviste en disant « je souhaite présenter mon proto ». Pour cela, contactez l’éditeur bien en amont pour tenter de lui proposer un rendez-vous.

En effet, dans la plupart des petits salons de jeux, ce n’est pas l’éditeur qui se déplacera, mais des animateurs qu’il aura diligenté. Du coup, personne ne pourra étudier votre proto.

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Ensuite, si vous êtes sur un salon d’envergure (FIJ, Essen), alors il y a de forte chances que l’éditeur soit déjà très occupé, et n’ait pas le temps de vous recevoir. Tous les rendez-vous se prennent en amont, des semaines, voire des mois en avance. Il vous faudra donc le contacter par mail pour lui proposer un rendez-vous afin de pouvoir le rencontrer dans de bonnes conditions (et là encore vous n’êtes pas à l’abri d’un imprévu de dernière minute qui fasse sauter votre rendez-vous !).

  • Eviter de trop prendre de rendez-vous à la suite. Il est important de vous laisser un petit temps de « décompression mentale » entre chaque rendez-vous, afin de faire le point, de bien noter les éléments à retenir, et de ne pas être en retard à votre rendez-vous suivant.
  • Eviter de démarcher trop d’éditeurs différents lors d’un premier salon. En effet, il est naturel de vouloir rentabiliser au mieux votre déplacement, mais cela pourrait être dommageable sur le long terme. En effet, il est courant que les éditeurs vous fassent des retours pertinents sur des points auxquels vous n’avez pas pensé (si si, il y a plein de bons chargés de projets dans le milieu, qui trouveront LE truc énorme auquel vous n’aviez pas pensé !).
    Tous ces retours divers et variés vous donneront envie de faire évoluer votre proto vers une meilleure version à votre retour chez vous. Mais si vous avez déjà montré le jeu à 15 ou 20 éditeurs, il sera définitivement « grillé » chez eux, réduisant ainsi la possibilité de le faire éditer.
    En effet, pour moult raisons, ils ne vous laisseront que très rarement la possibilité d’une deuxième chance, même si vous essayez de leur montrer tout ce qui a pu changer.
    En deux mots, ciblez bien, ciblez efficacement, et ne faites pas le tour des crèmeries comme un sauvage ! Gardez en sous la pédale pour la prochaine fois. Une maturation d’un an pour un jeu, ce n’est pas grand-chose. Sachez que la plupart des grand jeux ont nécessité des années de développement, vous n’êtes pas à un an près.

 

 

Derniers petits points anecdotiques, mais qui peuvent avoir leur importance :

  • La veille des rendez-vous, révisez bien vos règles, et entraînez-vous à dérouler votre speech. En effet, si vous travaillez sur de nombreux jeux, il peut arriver que vous oubliez un ou deux point de règles au fur et à mesure du temps qui passe, et cela peut être assez catastrophique quand cela arrive en rendez-vous, que de montrer que vous ne maîtrisez pas le jeu. Cela donne une impression de jeu non abouti, d’un auteur peu investi.
    De plus, l’exercice de la présentation n’est pas forcément facile. Trouver le bon ton, le bon tempo, et ne pas perdre ses moyens face au stress ou aux gens en face de vous n’est pas toujours chose aisée. Sachez donc vous préparer au mieux en révisant un peu la veille votre déroulé, au calme.

 

  • Adaptez votre look. C’est surprenant à dire, mais côté look, il y a quelques impairs qu’il vaut mieux éviter. Nous sommes dans un milieu de passionnés, avec des gens qui sont habillés « à la cool ». 90% des professionnels que vous allez rencontrer seront en T-shirt, qui portera soit une inscription de la société, soit une référence geek (ou métal ^^). Bref : non, ne venez pas aux rendez-vous en costard cravate…! Je le dis, car je l’ai vu. Des jeunes arriver en costard cravate et petite mallette, pour un rendez-vous avez l’éditeur cocktail Games (sic). Si vous voulez éviter d’être catalogué jeune-opportuniste-sorti-de-l’école-de-commerce-qui-a-réinventé-le-Monopoly, soyez à l’image du milieu dans lequel vous évoluez.

 

Voilà toutes les petites choses auxquelles je pense pour vous accompagner dans cette difficile phase du démarchage.

 

Les « retours » éditeurs

emailsUn petit point rapide sur les retours que vous pourrez avoir, suite à des envois de règles, de prototypes ou des morceaux de parties durant des rendez-vous, car dans la majorité des cas, les éditeurs vous feront des « retours » sur votre prototype, c’est-à-dire vous diront ce qu’ils en pensent.

Ces retours peuvent parfois être terriblement succins, notamment par mail, avec juste un « votre jeu n’a pas retenu notre attention ». Dans des cas comme ça, l’éditeur n’a pas accroché au pitch ou à la mécanique, et n’a pas été plus loin, et ne prendra donc pas le temps à vous faire un retour complet. Parfois ces retours sont plus complets, mais c’est rarement le cas par mail.

Par contre, c’est bien plus courant lors des rendez-vous sur le salon, puisque vous avez pu prendre le temps d’expliquer votre jeu complètement, voire même d’avoir fait un début de partie. À ce moment-là, l’éditeur pourra vous faire un retour plus complet de ce qu’il pense de votre jeu.

Ces retours sont très importants, car potentiellement c’est en les suivant que vous pourrez faire évoluer le jeu vers une meilleur version. En effet, si plusieurs éditeurs vous font les mêmes retours sur tel ou tel point, c’est qu’il est nécessaire d’y réfléchir activement, d’étudier la question pour voir si ce n’est pas un défaut important de votre jeu.

Mais attention, remettez les choses en perspective seulement si vous avez eu plusieurs fois le même retour. De toute façon, ces avis seront souvent très différent les uns des autres. En effet, l’éditeur est avant tout un joueur, qui aura ses goûts personnels, des attentes spécifiques, et forcement des compétences de game design qui pourront être fluctuantes selon les personnes que vous rencontrerez – je sous-entends par là que de la même manière que les jeux et les auteurs sont plus ou moins bons, les éditeurs sont également humains et peuvent être plus ou moins bons à analyser les qualités d’un jeu. Ainsi, vous pourrez vous retrouver avec des propositions d’amélioration complètement divergentes. Il vous faudra donc faire le tri, car tout ne sera pas bon à prendre !

En clair, ce n’est pas parce qu’untel n’a pas aimé cet élément du jeu qu’il vous faut absolument le changer. Certaines propositions pourront être de fausses bonnes idées, qu’il ne faudra finalement pas suivre. Mais elles seront tout de même intéressantes à entendre et à noter pour pouvoir vous pencher sur la question et y réfléchir. Songez-y sérieusement si ce retour revient souvent de la part de multiples personnes. Bien sûr, c’est avant tout votre jeu, et vous devrez assumer certains de vos partis pris, quitte à ne pas satisfaire tout le monde.

Enfin, lorsqu’un éditeur vous répond que votre jeu ne lui plait pas, sachez passer à autre chose. N’essayez pas de le convaincre coûte que coûte qu’il faut qu’il essaye ceci ou cela, ne lui demandez pas s’il a bien pris le temps d’analyser votre jeu, etc. Un éditeur qui vous répond « non » n’est pas tenté par le projet, ou il ne recherche pas ce genre de jeux en ce moment, bref cela ne sert à rien de forcer la chose. Concentrez vous plutôt sur les éditeurs qui laissent la porte ouverte en vous répondant précisément que tel ou tel élément du jeu est à repenser, et à ce moment là, tentez d’y apporter des réponses ou des corrections.

Dans tous les cas, c’est souvent grâce à ces retours d’éditeurs (et autres) que votre jeu se bonifiera avec le temps, pour atteindre sa forme finale sous laquelle il saura séduire au mieux un éditeur.
Mais c’est sans compter sur toute la phase de développement qui peut intervenir après signature du contrat, phase qui peut à la fois sublimer un jeu, comme parfois le rendre moins bon si le développement ne se déroule pas parfaitement !

 

L’auto-édition

Il est possible que, durant votre processus de démarchage, au fur et à mesure des refus des éditeurs, vous soyez tenté d’opter pour le choix de l’auto-édition.

Ne le faites pas. Non. Jamais.

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Plus sérieusement, je voudrais mettre en garde tous les jeunes auteurs qui voient cette option comme une roue de secours un peu magique, à force d’entendre certains joueurs de tout bord leur dire « Tu n’as pas trouvé d’éditeur ? Tu n’as qu’à le faire seul via un financement participatif !».

J’entends trop souvent cette phrase de la part de joueurs qui ne connaissent absolument rien au métier d’éditeur, qu’ils considèrent juste comme une société qui va faire illustrer le jeu et avancer de l’argent pour lancer la fabrication.

Même si créer un jeu s’apparente à un métier plutôt amateur, puisque tout un chacun peut inventer quelque chose de jouable, le métier d’éditeur, en plus d’être un métier radicalement diffèrent de celui d’auteur, est un métier bien plus exigent, chronophage, aux multiples compétences et nécessitant un véritable engagement professionnel et financier. Ce n’est pas à la portée de tout le monde, et rares sont ceux qui possèdent les compétences d’être à la fois un bon auteur et un bon éditeur (mais ils existent !).

Alors bien sûr, il est possible de s’auto-éditer et de réussir cela, via participatif ou pas d’ailleurs. Il y de nombreux acteurs du marché actuel qui se sont lancés comme cela, quelques success stories le prouvent, comme Isaac Childres et son célèbre Gloomhaven, ou en France Fred Henry (Conan/Batman – Monolith) ou Benoit Bannier (Invazions/10 to kill – La boite De Jeu), qui ont rencontré un grand succès dans leurs projets. De la même manière par le circuit « classique », des gens comme Florent Toscano (Les jeux Opla) qui développe tous ses jeux sous sa bannière d’éditeur avec en plus la contrainte de l’eco-conception, Matthieu d’Epenoux (co-auteur sur Contrario – Cocktail Games), ou encore Régis Bonnessée (Seasons/Dice Forge – Libellud) …
Ces auteurs ont édité leurs propres jeux, avec succès, et ont su faire perdurer et grandir leurs maisons d’édition. Mais pour ces quelques réussites que l’on connait bien, combien d’échecs ? Combien d’auteurs peu ou pas préparés, conservent des stocks de centaines de boites d’invendues dans leur garage ? 

On ne se limite plus ici à la conception d’un jeu le meilleur possible, mais également à son développement et à sa commercialisation. Avez-vous l’âme d’un éditeur ? Vous sentez-vous l’envie et les compétences pour gérer la direction artistique de votre jeu, sa fabrication, sa commercialisation, la communication, et la vie événementielle autour ? Etes-vous prêt à passer tous vos week-ends à sillonner la France pour faire le tour des festivals et montrer le jeu au public ? Si vous avez répondu oui à tout cela, vous êtes soit très optimiste (fou ?), soit très compétent (respect total pour vous !), et dans ce cas lancez-vous !

Lancer une maison d’édition est un véritable challenge, et un investissement personnel conséquent. Si vous choisissez de le faire, faites-le par conviction, et non pas par dépit de ne pas arriver à vous éditer par les voies habituelles.

 

PROJET ET CONTRAT D’EDITION

J’ai fait le tour des différents éléments qui me viennent à l’esprit quand je pense au démarchage et à l’édition d’un prototype, et je pense qu’avec cela, vous serez déjà un tout petit peu mieux préparé pour y faire face.

Peut-être que grâce à cela, vous arriverez à trouver un éditeur qui sera intéressé par votre jeu et qui souhaitera l’emmener avec vous vers les voies de l’édition, ce qui vous obsède tant depuis des mois avec vos petits bouts de papiers découpés nuit après nuit. Je vous le souhaite !

Contrat Edition

 

Avant signature

Concernant les contrats, s’ils vous sont proposés, je ne saurai juste vous conseiller de ne jamais signer à l’aveugle, même un premier jeu (surtout pour un premier jeu).
Vous avez beau être aux anges lorsque l’on vous propose un contrat, les conditions qu’il stipule sont importantes. Vous ne pouvez, ni devez tout accepter, sous prétexte que vous voulez vraiment éditer votre jeu. Cela serait dommageable pour vous, et pour toute la profession (il est difficile de négocier 8 ou 9% pour un jeu si à côté de cela des auteurs sont prêt à accepter 5%).

Dans la majorité des cas, les éditeurs vous proposeront des contrats tout à fait corrects, que ce soit les pourcentages ou les conditions d’exploitations, et vous ne rediscuterez que des points mineurs – et encore. Mais certains points sont à surveiller comme la durée d’engagement du contrat et les closes de session d’exploitation, afin de savoir dans quoi vous vous engagez.
Souvent, ce sont les plus gros éditeurs qui ont les clauses les plus surprenantes, car ils sont soumis à d’autres contraintes que les plus petites maisons, comme les partenariats internationaux ou les accords publicitaires par exemple.

Un contrat de jeu est comme un mariage. On ne le fait pas pour les cas où tout va bien, on le prépare pour les cas où cela se passe mal, et que personne ne soit pris au dépourvu. C’est une union qui peut très bien se passer, dans la plupart des cas, et où tout le monde trouvera son intérêt, mais en cas de tempête, il faut savoir rompre un contrat sereinement.

Lisez bien, échangez avec l’éditeur si certains points vous semblent complexes, et rapprochez-vous de la SAJ si vous avez des questions (ou bien sûr d’autres auteurs expérimentés autour de vous si vous en connaissez).

Après signature

L’après contrat est une période qui peut être très longue, car votre jeu pourra mettre des années à paraître ! Il vous faudra vous armer de patience, et vous dire que le développement d’un jeu peut être très long. L’éditeur ne travaille pas que sur votre jeu, il est aussi occupé à en développer d’autres, faire vivre les existants, et sourcer les prochains…

Le développement d’un projet dépend vraiment de l’éditeur avec qui vous signez. Certains souhaitent vraiment avancer de pair avec vous et vous solliciterons beaucoup, là où d’autres préfèrent limiter les interactions avec l’auteur, et ne vous tiendront au courant que lors d’avancées majeures (voire parfois pas du tout, et vous découvrirez votre jeu en même temps que les joueurs…).

Ce genre de points est à évoquer au plus tôt avec l’éditeur, pour savoir quel niveau d’implication il attend de vous, afin que tout le monde se comprenne et que personne ne soit frustré d’une situation qui ne convient pas à tous. Car je parle de l’éditeur, qui peut être amené à vouloir mettre l’auteur de côté pour avoir le champ libre, mais à l’inverse certains auteurs, une fois leur jeu signé, ne souhaitent plus du tout prendre part au développement du jeu, ce qui peut être un vrai frein lorsqu’un développement stagne. L’aventure de l’édition se mène à deux, reste juste à définir qui fait quoi.

contract

Avant de clore cet article, il me reste une facette qu’il me semble importante à évoquer : la rupture de contrat. Ce n’est pas parce qu’un éditeur veut faire votre jeu à l’instant T, que le jeu verra réellement le jour au bout du compte.

Il existe moult cas où le projet d’édition va s’arrêter en cours de route, que ce soit entre la promesse d’édition de l’éditeur dans un mail ou sur un salon, et le contrat physique qui n’arrivera peut-être jamais, ou bien après signature du contrat, voire même quelques mois avant la sortie théorique du jeu. Tout peut arriver. Et je vous en parle car cela est bien plus courant qu’on peut l’imaginer.

En effet, tant que l’on est simple joueur, on imagine que ce sont des cas rares, et qu’une fois signés, 95% des jeux vont au bout et voient le jour. Pour y avoir été confronté depuis plusieurs années maintenant, que ce soit mon cas personnel ou tous les cas d’auteurs que j’ai autour de moi, j’ai l’impression que ce chiffre est plus près des 50-60% en réalité, ce qui laisse une énorme quantité de projets avortés (pourcentage pouvant varier énormément selon les auteurs évidemment).

Alors je parlais d’ascenseur émotionnel plus tôt dans cet article à la réception des retours encourageants d’éditeurs qui s’intéressent à notre jeu, puis décourageants quand ces mêmes éditeurs décident de ne pas aller plus loin avec, mais cela est encore bien pire quand cela arrive des semaines, mois ou années après la signature d’un contrat !

Ces raisons peuvent être multiples, et corrélées à des tas de paramètres plus ou moins improbables. Elles peuvent être dues à l’éditeur, à son distributeur ou parfois à l’auteur.

Je ne vais pas lister tous les cas bien entendu, il est impossible d’être exhaustif pour prévoir l’improbable, mais cela va de la faillite de l’éditeur qui n’a pas rencontré le succès escompté avec les jeux précédents, à un changement de gamme, une impossibilité de fabrication liée à des coûts trop importants, un désaveu de la part de l’éditeur qui s’est lassé du jeu ou n’est pas parvenu à le développer dans le sens qu’il voulait, à un jeu similaire sorti entre temps (ou à venir) chez le même distributeur, ou encore plus fou, une fabrication détruite à cause d’un naufrage de navire. Tout arrive ! Et cela est bien bien bien plus courant qu’on ne le pense, et il faut en être conscient pour que la chute ne soit pas trop dure si cela arrive.

Vous pouvez bien sûr vous réjouir lorsque vous signerez votre contrat, mais pour sabrer le champagne, je vous conseille quand même d’attendre que le jeu soit vraiment sorti sur les étals, c’est plus sûr ! ^^

Ce point sur la rupture de contrat me semblait important à remonter car ils sont très méconnus des jeunes auteurs. Sans parler de « tabou », c’est quelque chose qui est très peu évoqué dans le milieu, car souvent vécu comme un échec, et cela par les deux parties.

Il est vrai que l’on explique rarement les raisons d’un arrêt de projet dans le monde ludique. Dans le cinéma, on dit souvent qu’il y a eu un « désaccord artistique », quand l’un des scénaristes n’était pas d’accord avec le réalisateur (ou un réalisateur avec les producteurs). On comprend alors entre les lignes que l’un des deux partis était bien relou avec l’autre. Dans le milieu du jeu, tout ça est le plus souvent passé sous silence, d’autant que les jeux ne sont annoncés que peu de temps avant leurs sorties, quelques mois tout au plus.

D’une part, l’éditeur n’a pas de raison d’expliquer l’annulation du projet. Quelle qu’en soit la raison, l’éditeur ne va pas communiquer en disant « je ne fais pas ce prototype car… » ; ce serait contre-productif, et il n’a pas à se justifier dans ses choix, quels qu’ils soient.

De l’autre côté, l’auteur ne vas pas non plus en parler, non seulement car souvent il est déjà bien déçu de cet abandon, mais en plus, les autres éditeurs/joueurs pourraient en tirer des conclusions biaisées, comme le fait que le jeu a du être abandonné parce qu’il n’était pas assez bon – ce qui est loin d’être le cas le plus courant d’annulation d’un contrat, qu’on se le dise.

Au final, ces petits non-événements ne sont quasiment jamais connus, et pourtant ils arrivent tous les jours.

 

J’en ai terminé avec cet article, qui je l’espère vous offrira quelques astuces utiles pour vous confronter au mieux à l’après création de proto, cette difficile phase de recherche d’un éditeur, qui pourra aboutir, ou non, sur l’édition de votre jeu (et je fais l’impasse sur les aléas de sa vie en boutique, car tout cela est encore hautement imprévisible !).

Bon courage à toutes et à tous, et bonne continuation dans vos aventures ludiques !

 

 

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18 Commentaires

  1. Guillaume PNP 15/07/2020
    Répondre

    Merci beaucoup pour cet excellent article, il y a beaucoup de conseils très utiles !

  2. 6gale 15/07/2020
    Répondre

    Excellent !

  3. Groule 15/07/2020
    Répondre

    Du gros article yousefoule.  Merci !

  4. Curieux 15/07/2020
    Répondre

    Où est la partie 1 svp?

  5. Djinn42 16/07/2020
    Répondre

    Sur le point de signer pour la première fois. Merci pour les nombreux conseils.

  6. Fredovox 16/07/2020
    Répondre

    Merci pour vos retours.

  7. Umberling 17/07/2020
    Répondre

    Bon job, mais ça tu sais, je te l’ai déjà dit.

  8. Frédéric Ochsenbein 17/07/2020
    Répondre

    Merci pour cet article fort instructif ^^.

    Je suis en train de finaliser un proto. J’ai pu bénéficier des conseils avisés de créateurs reconnus avec lesquels je joue régulièrement. J’hésite à passer à la phase recherche d’éditeur tant c’est la jungle ^^.

  9. ocelau 18/07/2020
    Répondre

    Super article. Merci au passage pour le précédent et notamment la référence sur le site d’icône, il m’a été très utile

    Question : il est évoqué la question de vidéo. Quelles moyens sont possibles pour partager une vidéo ? Je vois a priori YouTube, mais dans ce cas ça veut dire que c’est complètement publique ?

     

     

    • Djinn42 18/07/2020
      Répondre

      Il est possible de déposer une vidéo « non-répertoriée ». Elle n’apparaît dans aucune recherche, seul le lien direct permet d’y accéder. Attention, dans ce cas toute personne avec le lien peut la voir.

      Je ne me souviens pas si on peut restreindre l’accès à un ou des contacts.

      Après, qu’une vidéo de proto soit visible n’est pas un énorme soucis. Ca permet d’inscrire dans le temps une idée s’il y a des problèmes d’antériorité. Ca ne garanti rien mais apporte un élément de preuve.

      • ocelau 19/07/2020
        Répondre

        ok merci pour ces infos

        • Fredovox 20/07/2020
          Répondre

          En effet, pour ma part je pense que l’idéal est Youtube car il permet d’envoyer les liens vidéos facilement, et d’en contrôler le partage : « non répertorié » pour envoyer le liens à des éditeurs/autres,, « privé » pour le recacher si vous ne voulez plus qu’il se diffuse, et « public » pour ceux qui veulent diffuser largement (ce qui me semble peut être moins pertinent).
          Vous pouvez aussi choisir d’herberger sur d’autres moyens (dropbox ou autre), mais cela revient au même.

          Les autres retours de Djinn42 sont pertinents, même si pour ma part je déconseille de passer les vidéos en public. Certe cela acte votre création dans le temps, mais cela rends toute votre création visible, et c’est quelque chose qui peut être un peu stressant pour un jeune auteur, de peur de se faire voler l’idée. En vrai, les idées ne se font pratiquement jamais voler. Mais en pratique, un auteur plus expérimenté pourra facilement être inspiré par votre idée, pour peut être en faire un meilleur concept, et l’éditer avant vous, ce qui pourra mettre un coup d’arrêt à votre création.
          Mais on est là dans des cas ultra théoriques hein

  10. Perrine 20/07/2020
    Répondre

    Super article! Tres riche. Une question me vient:

    Est il possible selon vous de faire de l’auto edition en petites quantités en attendant une éventuelle édition officielle ?

    Est-ce mal vu des éditeurs ou au contraire est-ce que ça permet de les rassurer sur l’intérêt du jeu (exemple avec financement participatif et pre commandes, voire ventes)

    Merci de vos conseils !

    • Fredovox 20/07/2020
      Répondre

      De ce que j’ai vu autour de moi, je considère cela plutôt contre-productif. Je n’ai connu qu’un auteur autour de moi qui faisait cela, et du coup cela lui à fermé les portes de l’édition, les éditeurs considérant que le jeu « existait » déjà, quelle que soit la portée.

      Mais cela à pu marcher dans d’autres cas, par exemple pour le jeu Tu Te Met Combien, ou l’auto édition à permis de faire repérer le jeu, puis un distributeur, Pixie Game, à aidé au retravail du jeu pour en faire un produit plus cohérent, qui est désormais un succès.
      En fait il faut vous demander pourquoi voulez vous l’auto éditer ?
      – En faire 4/5 boites pour donner aux copains ? dans ce cas faites le de manière artisanale.

      – En faire quelques centaines pour essayer de les vendre, et dans ce cas ça risque d’être difficile de gagner de l’argent, tant les coûts d’illustration et de fabrication seront difficiles à rembourser. Là souvent les éditeurs sont refroidis car vous avez déjà fait une démarche d’illustration, et pour un éditeur il pourra considéré que le jeu est fini pour vous, ce qui n’est jamais le cas pour lui.

      – Faire un KS pour tenter de lever de l’argent et en vendre plus. A ce moment là clairement vous êtes considéré comme éditeur et non plus auteur, et il sera impossible de trouver un éditeur pour cela, puisque vous aurez déjà fait son travail de développeur, direction artistique, illustration, fabrication, vente… C’est un distributeur qu’il vous faut chercher et non pas un éditeur.

  11. Vince 27/10/2023
    Répondre

    Bonjour, merci pour cet article ! J’ai une question : Vous dites « Si vous trouvez une référence à un obscur jeu sorti il y a 20 ans, pas de problème. » Je suis dans ce cas de figure, un jeu qui n’est plus édité, avec des règles très différentes, mais un matériel similaire, existait il y a 40 ans. N’est il pas toujours protégé par le droit d’auteur ?

    Merci

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