Agent Avenue : Attrape-moi si tu peux !
Avec Mind Bug, Christian Kudahl a surpris tout le monde, premier jeu et grande réussite pour ce jeu de combo inspiré de Magic (on en parlait ici et là) édité chez Nerdlab sa propre maison d’édition. Avec Agent Avenue cocréé avec Laura Kudahl, il nous propose un jeu très différent de sa première création, une sorte de jeu du chat et de la souris avec du bluff. Il arrive en français chez Iello fin mars.

Un espion à la retraite
Notre quartier pavillonnaire est bien trop tranquille, et si … notre voisin était un espion ?! Le problème c’est qu’il se dit un peu la même chose ! Qui va attraper l’autre en premier ?
Nous allons tour à tour jouer des cartes pour faire avancer ou reculer notre meeple (représentant un chien ou un chat) autour du circuit. Le premier qui attrape l’autre a gagné. C’est simple, mais en réalité, le jeu est bien plus subtil. À dire vrai, il va mettre vos nerfs à rude épreuve, mais les parties sont aussi intenses que courtes.

Agent Avenue fonctionne sur un principe que j’aime beaucoup : le « Split you choose » ou « cut you choose ». Nous avons une main de quatre cartes et nous allons proposer deux cartes, l’une visible et l’autre cachée. Nous proposons et c’est notre adversaire qui choisit l’offre qu’il préfère, mais nous devrons prendre la carte restante. Il peut jouer la sécurité ou bien se laisser aller au risque en prenant la carte invisible et découvrir le résultat.

Si on avait glissé une carte pourrie comme le Saboteur, oups, pas de bol, il recule d’une case ; mais si notre bluff n’avait pas pris, arroseur arrosé, il nous faudra reculer. Mais l’inverse est possible, on pourrait aussi l’appâter avec une carte intéressante pour se laisser une carte plus intéressante en loucedé. Ou carrément proposer une carte pourrie face visible et mettre une carte encore plus mauvaise en cachée (comme la Taupe).
Comme je l’ai dit, le jeu semble simple, mais il est malin grâce à un principe d’accumulation : à la première carte posée, on applique le premier symbole, au deuxième le suivant, etc. Prenons cette sympathique Sentinelle, en avoir une ne fait pas avancer, c’est vrai, mais dès la deuxième et surtout la troisième, on fait des bonds de géant ! Voilà de quoi générer des asymétries dans nos attentes.
Les Cryptologues nous font faire du surplace, mais, si on en totalise trois, on l’emporte immédiatement. À l’inverse, ce sont les Risques-Tout qui nous font avancer rapidement, mais, avec trois, on perd la partie. On avance rapidement sur une corde raide.

C’est ce genre de détails qui créent des situations dans l’offre que l’on propose qui sont originales, parfois osées. Par exemple, si j’ai deux Cryptologues devant moi, je peux glisser n’importe quelle carte face cachée, il y a des chances que vous soyez tenté de la prendre quand même parce que, si c’est la troisième, je l’emporte.
Agent Avenue est composé de 38 cartes Agent en tout et pour tout, chaque carte est en 6 exemplaires, à l’exception de la Taupe et de l’Acolyte. Il réussit à créer des situations tendues et une rejouabilité quasi infinie, car ce sont les joueurs qui font le jeu avec pas mal de métagame.

Marché noir
Si toutefois vous avez peur d’en faire le tour (haha) trop vite, vous pouvez retourner le plateau pour jouer avec une variante avancée. Si un des personnages atteint une des cases des angles du plateau, il peut choisir une des 3 cartes présentes dans le marché. Elles aussi vont créer une asymétrie dans les demandes. Ainsi, avec Le Chef de Meute, non seulement je ne perds pas avec 3 Risque-Tout, mais je gagne même immédiatement. Avec Manipulation de l’Esprit, je prends une carte dans le jeu de mon adversaire. D’autres cartes auront des bonus permanents. Avec le marché noir, le jeu est totalement twisté et il faut faire encore plus attention aux cartes que l’on propose !

Face je perds, pile tu gagnes…
Je ne l’ai pas mentionné, mais évidemment, on ne peut pas proposer deux cartes identiques, cela va de soi, sauf si l’on a quatre cartes en main identiques. Personnellement, je n’ai jamais connu cette situation et j’ai déjà des dizaines de parties dans les pattes. En revanche, je me suis retrouvé tiraillé avec des choix plutôt cornéliens, parce que j’ai que deux types de cartes et je vais devoir proposer une Cryptologue à mon adversaire qui en a déjà deux. En réalité, le jeu permet par quatre fois dans la partie de défausser une carte. C’est une règle que l’on avait ratée au départ et, sincèrement, je pense que ce n’est pas une bonne idée, ça laisse trop de latitudes pour éjecter des cartes qui nous dérangent trop, alors que tout le jeu réside dans la prise de décision avec ce que l’on a en main. À la limite, je l’autoriserais une fois dans la partie pour les situations complètement bloquées où chaque carte mène à la défaite, mais même ça, ça fait partie de l’expérience.

Et l’édition ?
Le travail d’illustration de Fanny Pastor-Berlie m’a évoqué Blacksad en beaucoup moins torturé, tandis que ma fille y a vu plutôt la patte des personnages de Zootopia. Ces animaux anthropomorphiques collent bien au jeu, même si l’on peut arguer que cela fait passe-partout, néanmoins chaque carte est différente, il existe six itérations de chaque personnage. Dans son Artist Diary sur BGG elle explique tout son processus créatif et ses références, passionnant !

On a été bien attrapés !
Depuis que je suis revenu du Festival de Cannes, nous enchaînons les parties avec ma fille. En général, quand je lui propose une nouveauté, elle aime bien jouer une fois avec nous, puis elle passe à autre chose. Avec celui-ci, c’est tout l’inverse, on a enchainé des sessions de plusieurs parties d’affilée et elle me le réclame régulièrement. Je pense que l’on a dépassé allègrement la cinquantaine de parties désormais. Celles-ci ne sont vraiment pas longues, elles peuvent durer entre 5 et 10 minutes et c’est exactement ce qu’il faut, car si les parties s’éternisaient, le jeu s’enliserait un peu. Mais vraiment, certaines sont tellement mémorables !
Agent Avenue est un vrai petit bijou. Il parvient avec une simple piste et peu de cartes à créer des sensations intenses bourrées de choix tactiques forts, emmené par un peu de stratégie et surtout beaucoup de bluff (mais un bluff qui reste accessible, après tout, vous n’avez jamais que quatre cartes en main). Ce jeu présente une dimension minimaliste inspirée du style japonais, créant des sensations véritablement stupéfiantes avec une belle économie de moyens.
Depuis sa création en juin 2014, Ludovox a à cœur la pertinence et l’intégrité des contenus proposés par une rédaction indépendante et l’établissement d’une charte que vous pouvez retrouver ici.
L’article que vous avez lu ici a été écrit avec l’aide d’une boîte issue d’un Service Presse.
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Ihmotep 13/03/2025
Ca fait envie, je vais surement me laisser tenter ^^ (d’autant que l’édition à l’air fort jolie)
morlockbob 13/03/2025
Je n’ avais pas fais gaffe que c’était un jeu à deux, c’est encore plus attirant
atom 13/03/2025
Sur la boite il n’y a que la configuration deux joueurs ce qui à mon avis est louable et honnête. Il existe une variante à 4 joueurs mais je ne l’ai pas essayé, mais ça ne me tente pas.
morlockbob 13/03/2025
Essayé cet apres-midi et bonne tranche de rigolade. Simple et efficace. Effectivement, le fait de pouvoir jeter des cartes durant la partie appauvri le jeu. Ça sent le rajout pour dire que…
Doc.Fusion 14/03/2025
Est-ce que ta fille aurait 7 ans ? C’est pas pour un ami mais pour moi 😀
Grovast 14/03/2025
Je ne vous rejoins pas atom et toi sur ce point précis.
Il se trouve qu’on nous a expliqué le jeu sans cette règle au FIJ, eh bien j’ai trouvé justement le jeu trop étriqué dans plusieurs situations où je n’avais que deux types de cartes en main, et donc uniquement le choix de laquelle cacher, laquelle montrer. Et j’aurais bien aimé pouvoir m’en sortir autrement.
atom 14/03/2025
J’avais raté ce point la et c’est ma fille qui trouvait que c’était dommage d’avoir ce droit car du coup elle savait qu’elle verrait pas un type de cartes vu qu’elles sont en quantité illimité. Du coup c’est pas très « fair » Mais je comprends, moi je l’autoriserais une fois dans la partie, sinon c’est trop utile pour « dégager » des cartes qui conviendrait trop à ton adversaire. Je pense que ce genre de choses il faut le définir avant la partie, se mettre d’accord.
atom 14/03/2025
Non elle en a 12, mais je pense que tu peux jouer avec ta fille de 7 ans. Ma fille quant elle avait l’age de la tienne adorait Argh ! 7 ans c’est un peu jeune mais pas pour une enfant de joueur, ça change beaucoup si on joue beaucoup, l’enfant à des réflexes, des habitudes, donc je serais tenté de te dire Go ^^
ocelau 14/03/2025
Belle présentation qui finit de me convaincre sur ce jeu dont j’avais lu pas mal de bons retours
Alfa 16/03/2025
merci ça donne envie. L’article manque juste de quelques points de comparaisons avec d’autres jeux du même genre. Par exemple , comment cela se situe par rapport à Hanamikoji (i split you choose) ou bien Bestioles en guerre (cartes à pouvoir , tir à la corde ) ?
Merci encore !
morlockbob 17/12/2024
Pour moi AA est en dessous des deux titres cités niveau difficulté, c’est presque un jeu d ambiance avec des choix et une partie qui peut se terminer en 3 tours. Je le range plus au côté de micro game comme A table ou La bataille des patisorciers.
atom 17/03/2025
Tu n’as pas tort, j’ai pensé à Hanamikoji déjà parce que je l’aime beaucoup, mais j’ai un article sur le Split ou choose qui dort sur mon disque dur depuis des mois (années) Bestioles en guerre j’aurais du mal à le comparer. Hanamikoji est surtout beaucoup moins immédiat, il joue plus sur le long terme. Agent Avenue tu joues une carte pour son effet immédiat ou en préparation, mais on est rapidement sur la corde raide. Hanamikoji tu planifies plus sur le long terme en intuitant ce que l’autre a joué et ce que tu as en main. En tout cas pour moi ça fait pas doublon, et ça plaira pas nécessairement au même public.