Le jeu de société se pratique la plupart du temps en… société. Merci l’enfonçage de portes ouvertes ! Mais quid du jeu solo ? Est-ce que ça fait sens de jouer tout seul ?

Instinctivement, je vous dirais bien que oui : l’offre solo existe, du casse-tête de base au Perplexus qui vous demande d’apporter votre bille au bout d’un (démoniaque !) labyrinthe en 3D. (Vous allez me dire que c’est un jouet et pas un jeu, et vous avez presque raison ; Perplexus a quelques règles quand un ours en peluche n’en a pas.) Mais plus que de la simple dextérité, le jeu solo a coexisté depuis longtemps avec le jeu de société : je pense notamment aux livres dont vous êtes le héros, qui ont eu le vent en poupe dans les années 90 avant de décliner, mais qui reviennent à la mode notamment grâce aux supports numériques. On pourrait également citer le cas TIME Stories, qui jette allègrement les ponts entre livre-jeu et jeu de société. Et qui n’a jamais fait un solitaire ou un démineur ?

Donc, le jeu de société peut parfaitement se pratiquer en solo, mais pourquoi le ferait-on ? Plus je joue, et plus je me dis que je joue moins pour le système de jeu que pour me retrouver avec des gens sympa autour d’une table. Déjà, une bonne moitié des jeux coopératifs peuvent se pratiquer en solitaire : Pandémie, Ghost Stories, The Game ou Andor, par exemple. Les jeux qui peuvent s’accommoder d’un mastermind, où il n’y a pas de traître, sont de bons candidats. A l’inverse, Hanabi ou Kreo ne peuvent pas se passer de l’interaction induite par un autre joueur. Cependant, si les jeux peuvent être guidés par une personne unique, un mentor, cela n’en reste pas moins un jeu en société. Jouer seul représente un autre niveau d’implication, d’abstraction. On est seul face à la menace, seul dans l’expérience ludique (dans le cercle magique).

Aujourd’hui, les éditeurs sont de plus en plus nombreux à proposer des versions solo de leurs titres compétitifs. Shakespeare, par exemple, inclut une version solo. Ascension inclut un faux joueur qui sert de minuteur à la partie et de score à battre, quand Flip City demande de remplir les conditions de victoire en un temps limité. Caverna, lui, se contentera de donner un mode « bac à sable » dans lequel les joueurs (enfin, le seul joueur) pourront (pourra) expérimenter différentes stratégies. Souvent, ce mode de jeu s’avérera être une version édulcorée de ce que le titre peut proposer, car elle simulera ou effacera complètement l’interaction entre joueurs. Cependant, c’est plutôt pratique pour apprendre les règles d’un jeu, d’en explorer les subtilités sans attendre le moment redouté où il faut expliquer les règles (et essuyer les plâtres des erreurs). Personnellement, avoir ce recours me plaît, car il me permet d’intégrer la règle et de la mettre en pratique pour savoir comment l’expliquer. (Et, occasionnellement, j’apprécie l’optimisation de stratégie, un peu comme les speedrunners pour le jeu vidéo. On pourra aller voir les records de Caverna, d’Ascension et autres sur BGG pour s’en convaincre.)

Et les joueurs de tout poil ne se privent pas pour pondre des variantes permettant de jouer seul à leur jeu préféré ! Zuton nous parlait d’ailleurs du mode solo d’Orléans il y a peu.

Bien entendu, certains jeux sont taillés pour le solo, comme les jeux de Shadi Torbey (Onirim, Castellion, Sylvion). Ils sont rares, certes, mais ont le mérite d’exister.

Et vous, le solo, vous pratiquez ? Vous en pensez quoi, lecteurs-joueurs ?

• Côté famille, Sea of Clouds m’a laissé une bonne impression (fluide, cool) mais divise le public gamer, et l’Âge de Pierre Junior a enchanté Shanouillette.
• En termes de jeux plus costauds, Forbidden Stars semble un must play tactique bien méchant, Stockpile met l’économie à mal, et HOPE plait à El Cam.
• La Mécanique du Jeu continue avec le degré d’ouverture des jeux de société, avec un zoom zur les jeux de gestion, et je vous dis ce qu’il faut savoir sur la nouvelle édition du jeu de cartes évolutif Trône de Fer. (En gros, c’est bien mais c’est de l’investissement.)
• Côté multimédia, un podcast de news ici, une riche interview d’Eric Lang là, et Lana qui joue toujours avec son papa. Ah, et Roman Mathar dit tout sur l’extension d’El Gaucho.

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