► E.D.I.T.O. Le monde du jeu face au confinement

Confinement, jour 30. L’heure de prendre de nouvelles du monde ludique.

Boutiques, ludothèques et cafés fermés, festivals annulés, auteurs qui ne peuvent plus faire jouer leurs jeux au public et aux éditeurs, éditeurs qui eux voient leurs boites bloquées en Chine ou dans les entrepôts, illustrateurs dans l’expectative… Le confinement, c’est une situation inédite à laquelle chaque acteur du secteur tente de faire face au jour le jour.

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Déjà avant les mesures officielles de confinement (on le voit bien à travers nos différentes interviews cannoises), l’activité était ralentie par les événements qui étaient encore à l’époque circonscrits à la Chine. Une production quasiment à l’arrêt, des sorties au compte goutte, une certaine prudence était de mise. Mais depuis 30 jours, tout le secteur du jeu est littéralement en suspens. 

Fin du monde ? Occasion de se remettre en question ?
Comment les différents acteurs vivent-ils ce moment hors normes de confinement que nous sommes tous en train de traverser ?
Quelle place a le jeu dans ce contexte ?
Et comment se profile l’après confinement ?  

 

Remise en question

Nous avons une pensée chaque jour pour toutes les personnes hospitalisées et leurs proches, pour tout le personnel soignant qui travaille dans des conditions parfois terribles, celles et ceux qui continuent de faire vivre le pays à l’heure où tout un chacun se calfeutre chez soi. 

Dans le secteur du jeu, nous savons bien que nous touchons au futile. Nous n’avons pas un rôle jugé « utile à la survie de la nation » : on nous demande de rester chez nous, de fermer boutique. Une vérité froide, qui peut ébranler nos choix et nos convictions.

« Inutile de dire l’émotion que cela procure, d’être seul, dans le noir, à fermer les portes pour un temps indéterminé, peut-être pour toujours, d’un lieu destiné à faire jouer les gens, destiné à l’inutile et la futilité mais qui est notre travail au quotidien. Tant d’heures passées qui font que ce travail se confond parfois avec sa vie… Arrêter son travail, c’est donc un peu arrêter sa vie ? » confie Xavier Berret tenancier de deux cafés ludiques à Rennes.

Pour celles et ceux qui ne sont pas au « front », le confinement ouvre du temps pour une remise en question, comme le décrit bien Jean-Baptiste Reynaud aka Djib (illustrateur sur Clash of Rage, Drakerz, Ultimate Warriorz entre autres) : « Ça laisse du temps à l’introspection. Même si ces questions me trottaient déjà pas mal dans la tête avant cette pandémie, elle les ravive, les met encore plus en perspective : ma place d’être humain dans un monde d’hyper-consommation globalisée (car, il faut être honnête, cette tragédie est surtout d’origine humaine et est due en grande partie au comportement de l’homme avec son environnement), mon utilité concrète d’illustrateur, à l’heure actuelle, par rapport aux soignantes/soignants, travailleuses/travailleurs dans l’agro-alimentaire, etc. Mon métier est dépendant de cette consommation, de cette économie qui est aujourd’hui au ralenti. Tout cela percute, heurte, même si j’ai choisi ce métier, même si je l’adore et qu’il me permet tous les jours de nourrir ma famille et d’en prendre soin du mieux que je le peux. »

Avec la crise actuelle, notre place dans les rouages est soudainement remise en cause. Certains acteurs pensent même à la reconversion.
Mais en vérité, jouer n’est-il que futilité ? Ou est-il humanité ? Une partie de la réponse se dessine clairement du côté des confinés…

L’homo ludens survit

Oui, les confinés, parlons-en, car ils sont nombreux (2,63 milliards de personnes strictement confinées dans le monde au 30 mars). Pour toutes celles et ceux qui aujourd’hui restent cloîtrés entre leurs quatre murs, jouer, après les 6 besoins physiologiques si l’on se fie à la pyramide des besoins de Maslow, peut se révéler comme nécessité psychologique. Cela peut revêtir bien des formes, entendons-nous, il ne s’agira pas forcément de jeux de société. 

Aujourd’hui, journée mondiale de l’art, est l’occasion de rappeler que la culture est une chose jouée comme le disait Johan Huizinga. Malgré la crise, elle continue d’oeuvrer pour permettre d’exprimer sa créativité, de nouer du lien, de célébrer la vie, de changer le regard que nous portons sur le monde. On assiste depuis le début du confinement à des initiatives culturelles aux multiples visages : des musées qui restent ouverts sur internet aux balcons qui se muent en des lieux d’exposition et de concert… La culture chaque jour se réinvente, offrant une parenthèse de merveilleux dans un monde à l’asphyxie. 

 

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Dire que jouer nous permet de sortir virtuellement, de rompre l’isolement social, de nous offrir un exutoire est un truisme certain. Jouer est actuellement recommandé par l’OMS. Une belle première !
Dans ce contexte, depuis plusieurs semaines, les plateformes de jeux en ligne battent record sur record et les géants du jeu vidéo se frottent (discrètement) les mains. D’après les chiffres du cabinet GSD, les ventes de console ont augmenté de 155% dans le monde la semaine du 16 au 22 mars ; les téléchargements hebdomadaires de jeux sur mobile ont connu une augmentation de 50% en mars, et la semaine du 22 mars 2020 a été la plus importante jamais enregistrée, avec un record de 1,2 milliard de téléchargements…

 

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Explosion des jeux en ligne

Et le jeu de société n’est pas en reste. Preuve en est : les innombrables articles dans la presse généraliste, toutes bannières confondues, qui se sont mis à conseiller des listes de jeux de société pour rompre la monotonie du confinement. Les familles se retrouvent à vivre ensemble comme elles n’ont probablement jamais dû le faire auparavant, et le jeu de société se révèle comme une véritable valeur refuge. La vie ludique en milieu confiné se perpétue en trois axes : print and play, achats par correspondance, et jeux en ligne.

Aucun doute, Happy Meeple a été plus cité en 15 jours que dans les plusieurs années précédentes.” raconte Nicolas Guibert fondateur de Happy Meeple, une des plateformes de jeux de société en ligne prises d’assaut depuis le confinement. On pourrait aussi citer aussi Boardgame arena qui explose ses scores actuellement, devant supporter une charge beaucoup plus importante que d’habitude, nécessitant de travailler à l’augmentation de la capacité des serveurs : « Avant la semaine dernière, notre charge la plus élevée était d’environ 4 000 joueurs connectés en même temps. (…) Samedi soir, nous avons réussi à accueillir jusqu’à 9000 joueurs connectés en même temps, avec des ralentissements mais sans plantage majeur » pouvait-on lire le 16 mars dernier. Au 26 mars, le site affichait : « Veuillez noter que vous êtes actuellement plus de 18 000 personnes connectées simultanément sur BGA. Nous nous occupons des difficultés techniques lors de cette quantité écrasante et inhabituelle de joueurs. »

 

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Un petit Seasons ?

 

Le nombre de joueurs connectés journalier a augmenté d’un facteur 5 à 8 par rapport à la normale. Quant au nombre de parties journalier, il a été multiplié par 3.” nous disait Nicolas Guibert il y a une dizaine de jours. Cela l’a obligé à retaper quelques lignes de code pour faire face à l’affluence soudaine : “Nous sommes actuellement à un pic de trafic, et il ne fait pas de doute qu’une nouvelle augmentation de charge a de grandes chances de générer un nouveau goulot qu’il nous faudra gérer” raconte-t-il. Pour Nicolas, il est impératif d’être réactif face aux nouvelles demandes et à l’afflux imprévisible de joueurs. “Il nous a fallu en urgence changer de serveur web pour gérer les nombreuses connexions permanentes que nécessite un serveur de jeux”. 

 

Du j2s quoi qu’il en coûte

Parallèlement, pour la première fois, avec la première semaine de confinement, la liste des 10 jouets les plus vendus comporte 10 jeux de société et puzzles. Bon, avec le Monopoly, la Bonne Paye et le Scrabble en tête (d’après NPD Group). Les français restent donc sagement sur les sentiers battus des grands jeux traditionnels qu’ils considèrent comme des terrains transgénérationnels ayant fait leur preuve, mais on peut imaginer que cela profite, peut-être dans une mesure moindre, par effet d’entraînement, à d’autres. 

monopoly

Indécrottable !90

 

Les ludistes eux continuent d’organiser des soirées jeux… Par logiciel de visioconférence, ou sur Tabletop simulator. « J’ai déjà joué à Kosmopolit, Dominion, Gloomhaven, Escape from the asylum et Mysterium via Skype depuis le début du confinement » nous dit Thomas aka Fouilloux, l’homme de vos Ludochronos. « Faut adapter un peu les jeu parfois, Mysterium on joue sans les votes par exemple. Bon, c’est sûr que c’est pas aussi bien qu’en vrai, mais globalement, c’est cool » raconte-t-il.

TABLETOP-SIMULATOR

Icaion sur Tabletop simulator

 

« Moi je découvre le jeu sur Tabletop simulator » nous dit quant à lui Cyril, aka Atom sur le site. « Je dirais que c’est un peu étrange au premier abord, mais que l’on s’y fait assez bien. Si on le couple avec un moyen de communication comme Discord par exemple, on garde des interactions humaines. Je conseille des jouer aux titres mis en ligne officiellement par les éditeurs, comme par exemple Yokai ou Icaion. En fait, moi, 95 % des jeux que j’ai pris sur le site, je les possède en réel, le logiciel me permet de continuer à y jouer ».

Mais pour certains d’entre vous qui avez la chance d’avoir une famille joueuse et/ou ne craignez pas de vous frotter aux modes solo, le confinement est avant tout l’occasion de sortir vos jeux encore sous blister ! (CF – BD de Nem la pile de la honte ;))

piles de jeux

Crédits – Nem : La collectionnite a du bon au final

La mode du print and play

On le voit sur Ludovox, chaque jour naissent des initiatives nouvelles de la part des éditeurs offrant aux joueurs la possibilité d’imprimer et de jouer des jeux chez eux. Le recours au pnp explose, façon d’être généreux et d’occuper le terrain quand il n’y a plus d’autres actualités. Jeux de société déjà parus ou à paraître, escape à domicile… Bref, en admettant que vous n’ayez aucun jeu dans votre ludothèque, il vous est tout de même tout à fait possible de jouer à condition d’avoir une bonne imprimante ! Mais le recours au pnp systématique n’est pas tout à fait anodin.

« On croit en la responsabilité des joueurs : les éditeurs mettent des pnp à disposition mais, et on insiste bien là dessus, on compte sur eux pour soutenir les acteurs du monde ludique à la sortie du confinement. On aura besoin que les joueurs achètent nos jeux mais, d’une manière générale, on aura de toute façon besoin qu’ils achètent des jeux en boutique pour soutenir le secteur. Si par malheur la situation force des boutiques à fermer, ça fera moins de points de vente et donc moins de possibilités de diffusion de nos jeux. » explique Clément de Catch Up, la maison d’édition derrière Paper Tales, Wild space, Cubirds et d’autres.

Autre effet kiss-cool, cette gratuité soudaine pourrait faire penser que le jeu, au final, n’est qu’un coût matériel. Une idée reçue contre laquelle luttent les acteurs du monde du jeu depuis longtemps. En effet, on le rappelle, le prix d’un jeu ne dépend pas que de la taille de la boite et de son matériel : c’est aussi et surtout le temps de création et de travail des auteurs, illustrateurs, éditeur derrière.

Donner du jeu à télécharger casse ce message qui avait déjà du mal à passer. « On s’en accommode parce que la situation est exceptionnelle, et c’est pour cela qu’on le fait, mais oui il faut insister sur le caractère exceptionnel de la chose. » nous disent les Catch Up, qui en accord avec leur auteur, ont offert leur dernier jeu, Wild space en pnp. « Joachim [auteur de Wild space – Ndlr] nous a dit qu’il avait envie d’offrir une mini extension. Directement, on a embrayé sur son idée parce qu’on trouvait ça chouette et du coup on a voulu prolonger en mettant également le jeu à disposition. » précise Clément.

 

Le coup d’arrêt pour les créateurs

Pour les éditeurs, bien sûr, l’arrêt des usines chinoises, puis les mesures françaises de confinement ont engendré une énorme onde de choc. « Lorsque 95% de votre chiffre dépend de la vente de livres et de jeux à des partenaires et que tous sont fermés, le calcul est vite fait ! Nous avons ralenti ou repoussé des projets. Des commandes sont elles aussi reportées ou annulées, tandis que nos partenaires étrangers sont pour la plupart en quarantaine. Nos prochains titres seront publiés en même temps qu’un nombre inquiétant d’autres oeuvres également reportées. » écrit Hadi Barkat de la société Helevtiq (éditeur de jeux comme Bandido, Papageno, Misty, Omerta, Captain Bluff, etc mais aussi de puzzles et de livres).

« Chaque situation d’éditeur est différente et je pense que ça risque d’être très difficile pour certains. Tout dépend de la taille, la trésorerie à l’instant T et le planning dans lequel l’éditeur était. » explique Clément Leclercq de Game Flow (la maison d’édition des livres-jeux Ma première aventure, mais aussi de Affinity et Chimère).

Beaucoup d’éditeurs se sont mis en chômage partiel et tournent au ralenti actuellement. « Nous, on a eu beaucoup de chance avec Game Flow, le stock de notre dernier livre-jeu, « Voyage En Terre Ocre« , est parti juste avant les blocages en Chine, on a eu le stock à Cannes et la sortie de notre dernier livre a eu lieu juste avant le confinement, avec un achat ferme de notre distributeur important (et ça nous sauve la vie… merci à lui !). On a aussi la chance d’avoir d’autres sources de revenus avec le serious games, alors on envisage l’avenir assez sereinement. » constate Clément.

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Côté développement de nouveaux jeux, les sessions de bêta-test de proto se jouent désormais à distance via TableTop Simulator là aussi. « Mais il est désormais compliqué de travailler avec les illustrateurs, ils ne peuvent plus avancer … Et cela pourrait avoir un impact sur nos sorties. Actuellement, nous ne sommes plus certains que le prochain livre-jeu qui était prévu pour la fin de l’année puisse sortir en temps et en heure. » souligne Clément Leclercq.

Pour les illustrateurs justement, le contrecoup est sans doute plus insidieux. « Oui, il va y avoir un impact, mais il est moins facilement quantifiable » confie Christine Alcouffe (illustratrice sur des jeux tels que Yokai, Baron Voodoo, Pharaon…). « De mon côté, les conséquences actuellement ne sont pas énormes, juste un peu de délai dans les réponses, par contre je me fais du soucis pour les mois à venir. Si les entreprises ont déjà toutes leurs illustrations prêtes pour leur prochaines sorties et qu’ils n’ont pas de nouveaux jeux à illustrer, forcément ça va faire un manque dans les mois qui viennent… ».

Le travail d’illustrateur a souvent lieu à la maison, de prime abord cela pourrait laisser croire que le confinement ne bouscule pas les habitudes. Or il n’en n’est rien. « Mon activité est très ralentie, hachée, parce que, entre autres, et c’est bien normal, il faut « faire tourner la maison » : l’école à la maison pour les enfants, s’occuper des repas, des courses, du ménage, les sorties journalières dans le jardin de la résidence pour se dégourdir les pattes, etc. Toutes ces choses que l’on fait également en temps normal, évidemment, sauf que là, c’est 24/24h, 7/7j, que l’on mange à tous les repas tous les jours à la maison. » explique Djib.

 

Côté boutique

Pour faire face à une demande soudaine de jeux « digne d’une période de Noël » au début du confinement, les boutiques en dur se sont organisées, pour celles qui le pouvaient. Nicolas Maréchal, des Jeux de Nim (en Belgique), nous en parle : “La vente par correspondance reste possible, et même si ce n’est pas notre core business, c’est devenu notre seul moyen de gagner quelques euros pendant le confinement. Certains magasins n’ont pas de vente en ligne en temps normal. Ceux-là envoient une newsletter à leur clients, ou utilisent les réseaux sociaux pour proposer leur assistance téléphonique, prendre note de la commande et la préparer pour expédition.” 

Par la force des choses, les boutiques doivent se réinventer et conserver l’image de proximité : “Nous avons décidé de proposer un service de livraison des commandes à domicile, le jour même. L’opération est sans danger : le client fait son choix en ligne. S’il ne trouve pas les articles sur le site, il peut nous téléphoner et nous lui préparons quand même les articles que nous avons en magasin. Le client paie sur le site. Nous déposons le colis devant la porte du client et nous lui signalons notre présence” raconte Nicolas. Une action pas toujours très rentable d’un point du vue financier, mais qui a le mérite de permettre de maintenir des relations avec la clientèle, plus reconnaissante que jamais.

 

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Pour d’autres boutiques, le maintien du lien se passe simplement sur les réseaux sociaux. Certaines boutiques font jouer leur clientèle par des publications, des vidéos. Une façon de s’occuper l’esprit, et de rester connectés avant tout.

Dans certaines villes, des actes solidaires entre commerces ont également lieu : « Certain·e·s d’entre nous ont pu placer un petit rayonnage de jeux de société dans des épiceries ou des commerces alimentaires. » déclare Cathy Suignard, représentante du Groupement des Boutiques Ludiques. « Nous réalisons des échanges ou ventes de stock car un grand nombre de nos partenaires fournisseurs sont à l’arrêt : les boutiques fermées rétrocèdent donc des jeux aux collègues qui travaillent pour les aider à satisfaire aux besoins de leurs client·e·s. » (pour en savoir plus sur les GBL face au confinement, voir cet article). 

 

La création d’un réseau des festivals

Pendant ce temps, les festivals ludiques et les professionnels de l’animation sont eux aussi touchés directement par les mesures de confinement puisqu’ils ont dû reporter, voire annuler leurs événements. Les organisateurs réagissent en mettant en place un premier Réseau des Festivals de Jeux pour s’entraider dans cette période difficile. On y compte déjà plus de 230 membres réunis. L’objectif, multiple, du réseau est avant tout de permettre aux organisateurs de pouvoir se rencontrer, d’échanger sur les pratiques liés à l’événementiel, et d’apprendre les uns des autres.

“En ce moment, il y a un sujet « subvention ». Chacun explique quelle subvention il touche. Je me dis que si c’est possible à Bordeaux, cela doit être possible à Strasbourg ou ailleurs !” explique Xavier Vaïty qui chapeaute cette organisation avec Sylvain Machen, tous deux rodés par leur expérience avec la Fédéjeux et le festival Ludinord.
Ils espéraient tout d’abord pouvoir donner un atelier au FLIP de Parthenay, afin que les organisateurs des divers festivals passent une journée à échanger, mais nous savons désormais que le festival n’aura pas lieu cette année. « Je commence à être inquiet pour le BGF et même Essen… » nous confie Sylvain. 

 

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Les cafés-jeux fragilisés

Un acteur du monde du jeu qui fait les frais du confinement de façon abrupte : les cafés-jeux. Xavier Berret, de l’heure du jeu raconte : « Le samedi soir, vers 20h, le premier ministre a annoncé que tous les commerces non essentiels, donc les bars, aller fermer le soir même à minuit. Nous étions tous, dans nos cafés, en plein service et tous connaissions une période de forte activité (paradoxalement). En urgence, il fallait gérer l’essentiel : les stocks de marchandises. Vendre, parfois à prix cassés. Stocker et conditionner ce qui peut l’être. Se partager le reste entre les équipes. C’est un crève-cœur pour les cuisiniers de voir autant de marchandises et d’heures de travail réduits à rien et sans aucune possibilité de recouvrement : les assurances ne prendront pas en charge les pertes de stocks et de marchandises, ni les pertes d’exploitation liées à nos fermetures car tout cela n’est pas couvert par le risque pandémique réputé « inassurable » au même titre que les révolutions ou les guerres. »

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Mais là aussi, l’entraide existe. Le Réseau des Cafés Ludiques sert au partage d’informations, de conseils, et tentent de répondre aux questions pratiques. « Le Réseau avance sur plein de groupes de travail, on a des réunion assez fréquentes en ce moment. On a largement ouvert notre accueil aux lieux ludiques (c’est à dire pas seulement aux cafés ludiques), qu’ils ne sentent pas isolés et qu’on puisse partager, s’entraider » nous dit Nathalie Zakarian, de Moi j’m’en fous je triche, le fameux café-jeu lyonnais, et trésorière du Réseau des Cafés ludiques.

Rapidement après la fermeture est venu le temps des questionnements administratifs et financiers : les loyers et autres échéances, le chômage partiel, le fond de solidarité… Là aussi, le Réseau des Cafés partage au jour le jour les informations qui se complètent petit à petit. Mais l’inquiétude règne dans les esprits. « Certains d’entre nous, bien peu, ont suffisamment de trésorerie pour tenir quelques semaines de fermeture sans sombrer dans le rouge. » reconnait Xavier. « Quand pourrons-nous ré-ouvrir ? Dans quelle conditions ? Les gens voudront-ils s’enfermer dans un café après des mois de confinement, auront-ils la crainte de la proximité d’autres personnes ? » s’interroge quant à elle Nathalie. Beaucoup d’incertitudes pesant sur des structures parfois déjà fragiles et endettées.

 

Et… Le déconfinement ?

Le confinement aura ses conséquences, mais à quels niveaux, à quelle échelle ? L’épée de Damoclès est là, au-dessus de nous, en forme de point d’interrogation.

« Une période aussi longue où on n’a pas la tête dans le guidon doit forcément être utile si on arrive à se projeter. Et c’est ça qui est compliqué, se projeter. Car chaque semaine, l’avenir est différent, des nouvelles contraintes s’imposent, certaines certitudes tombent » résume Nathalie Zakarian. En effet, aucune précision ni aucune assurance ne se dessine quant au déconfinement à l’heure qu’il est.

« C’est très dur de savoir à quoi va ressembler le déconfinement de manière générale et aussi pour le milieu du jeu. Quels sont les acteurs qui réussiront à se relever de ce coup, chez les petits éditeurs, parmi les boutiques, parmi les cafés ludiques… Quelle sera la dynamique d’achat des gens après confinement. S’il y a plein de gens au chômage, quel sera l’impact sur la vente des jeux et la santé du secteur ?… » s’interroge Christine Alcouffe à juste titre. D’après un sondage FranceSoir, 35% des français disent que la première chose qu’ils feront après le confinement sera de socialiser, retrouver ses amis. Autour d’un bon jeu ?

 

sondage

 

« Moi ce qui me fait peur, c’est surtout l’effet domino qu’on peut se prendre derrière. Des boutiques ou des partenaires étrangers qui mettent la clé sous la porte, ça peut avoir un effet désastreux sur notre activité et donc nos revenus. » constate Clément des Catch Up.

On sait qu’actuellement les distributeurs et éditeurs de jeux, par le truchement de l’UEJ (Union des Editeurs de Jeux), discutent entre eux et avec les boutiques du GBL pour tenter de planifier au mieux l’après confinement, malgré les incertitudes.

L’objectif est avant tout de tenter d’harmoniser les sorties afin d’éviter un effet d’embouteillage qui serait délétère pour les jeux. « Nous imaginons avec les distributeurs et éditeurs les réouvertures et notamment le planning des sorties de jeux. Il faudra en effet composer entre retards de production et sorties « raisonnées » pour ne pas saturer un marché fragile en l’inondant dès les premiers jours de nouveautés. » déclare Cathy Suignard des GBL.

 

jouer

Qu’il est difficile de continuer de parler jeux en ce moment, face aux incertitudes et aux inquiétudes quotidiennes qui nous assaillent tous.
De notre côté, sur Ludovox, l’impact est non négligeable pour l’équipe d’autant que la crise advient à l’exact moment où nous débutons une transition délicate vers notre autonomie financière (c’est-à-dire sans le financement lié aux prestations dans les Telecom de Sha-Man, comme explicité dans le dernier Voxnews).

Nous en parlions ici en détail : toute l’équipe a dû réduire de moitié son activité, pour sauvegarder la trésorerie de Ludovox, mise à mal par le ralentissement global de l’activité et des commandes de Ludochronos en particulier. Aussi, pour faire face, l’affiliation aux boutiques partenaires que nous avions prévue devra se faire sans plus attendre, afin de pouvoir rapidement nous permettre de reprendre un peu d’oxygène…
Nous avons besoin de vous ! Par Tipeee ou par les liens d’affiliation qui arrivent bientôt, vous aurez deux moyens de soutenir le site. Si vous jugez nos contenus utiles, on compte sur vous ! 

 

En espérant que nous aurons bientôt de nouvelles plus rassurantes du monde du jeu à vous transmettre… En attendant bon courage à tous !
LUDOVOX est un site indépendant !

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13 Commentaires

  1. Macnamara 15/04/2020
    Répondre

    Comme d’habitude un article de grande qualité qui soulève de nombreuses questions non abordées ailleurs (dessinateurs, embouteillage du déconfinement…)

    Bon courage à toute l’équipe (et tout le secteur ludique) pour cette mauvaise passe.

  2. Clement 15/04/2020
    Répondre

    Merci pour cet article très touchant. Nous ne sommes qu’une famille passionné de jeux. Quand on s’est lancés dans le confinement on a directement et avant tout pensé au café ludique de chez nous. Un café ludique si jeune, comment vont-ils faire? Et puis il y a eu les festivals annulés. Et puis notre flip, LA raison de vivre de l’année. C’était la seule chose que nous apercevions de l’autre bout du tunnel. Même ça, fini, alors que nos voisins invitent la moitié du lotissement pour une fête d’anniversaire ! Quel dégoût.
    Comment peut on faire, à notre échelle, pour aider le monde ludique? Nous ne dépensons rien du tout en ce moment. Nous nous sommes jurés d’acheter beaucoup, beaucoup de jeux dans notre boutique dès qu’elle ouvrira. Nous serons présents à un maximum de festivals. Mais comment faire à part ça. Même s’il n’y pas de choix, nous souhaitons beaucoup de courage à tous.

    • Shanouillette 17/04/2020
      Répondre

      Oui grande tristesse pour le FLIP, il y a encore pas longtemps, tout le monde espérait pouvoir s’y retrouver, maintenant j’ai bien peur qu’il faille faire son deuil d’Essen aussi… Merci pour votre retour, votre soutien et pour votre implication !

      • salmanazar 17/04/2020
        Répondre

        +1 pour Essen. Je vois pas comment en si peu de temps, le salon peut s’organiser. Parce que là, niveau proximité et contact physique, on atteint des sommets. De plus les sorties des éditeurs vont être mises à mal.
        Première année sans hotdog du hall 4 galeria….snif

  3. morlockbob 15/04/2020
    Répondre

    un bel instantané… un peu glacial malgré tout.

    • atom 16/04/2020
      Répondre

      C’est « marrant » moi je le trouves plutôt chaud. Très émouvant. Parce que ça parle d’humain, de sens de la vie de ce qui est important, de la consommation, la surconsommation. Du soucis des autres, de l’inter-relation entre les secteurs, de cet envie commune d’aider, de faire sa part, de soutenir.

      • Shanouillette 17/04/2020
        Répondre

        En effet, un article à la fois chaud et froid, j’espère seulement qu’il n’est pas tiède 😉

  4. Ludema 16/04/2020
    Répondre

    Merci beaucoup pour cet article qui comme toujours est excellent.

    Pour ESSEN, inutile de craindre, car il y a quasi aucune chance qu’il ai lieu. Je n’imagine pas un rassemblement de plus de cent mille personnes puisse se tenir. D’autant plus qu’une part importante des personnes venant du monde entier.

    C’est un énorme risque financier et sanitaire que d’organiser un tel événement sauf à imaginer qu’en Octobre, tout est revenu à la normal.

    Si on se place du côté des professionnels, organiser un tel déplacement, les hôtels, etc. Impossible en quelques semaines au pire (mois au mieux). Et sans professionnels ou avec autant d’incertitude, on en reviens au point précédent, comment dimensionner un tel événement en limitant la casse financière (et sanitaire) ?

    Je ne suis pas dans le secret des organisateurs d’ESSEN mais je pense qu’il est plus que plausible que les grands événements et même les plus petits soient tous annulés pour 2020.

    • Shanouillette 17/04/2020
      Répondre

      Merci beaucoup ! Oui je suis comme toi pour Essen, ça me semble très mal barré… :'(

  5. LudoH 18/04/2020
    Répondre

    Je souhaite bon courage aux acteurs ludiques qui sont le plus touchés, ces temps sont faciles pour personne mais le panorama dressé ici est assez sombre, meme si j’imagine facilement qu’il y a d’autres secteurs encore plus touchés.De mon cote mon utilisation de BGA et mon temps en ligne a nettement augmente, c’est un substitut acceptable, mais je ne suis que joueur (et j’essaye d’écrire un jeu mais ca m’a donne pour l’instant le temps de le peaufiner un poil)

    Et un petit tip si ca peut aider.

    Et puis bien sur, bravo pour l’article tres bien ecrit, comme d’habitude 🙂

  6. Shanouillette 18/05/2020
    Répondre

    Cela vient d’être officialisé, Essen 2020 est annulé.

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