Zombie Tsunami, les zombies gentils ?
Mes chers amis, en ces temps de troubles politiques, il me semble important de montrer que LudoVox est avant tout à l’écoute de ses lecteurs.
Nous autres, contributeurs de la Testing Team, travaillons essentiellement dans le but de partager notre passion pour notre hobby, et d’aider les nouveaux venus à s’orienter dans la jongle de plus en plus touffue qu’est le paysage ludique. Et même si ma passion à moi ce sont les gros jeux velus aux règles absconses et épaisses, aux mécaniques sophistiquées et au pif/paf/danstaface prononcé, il faut quand même bien reconnaître que 1/ce n’est pas l’alpha et l’oméga de ce que les jeux de société modernes ont à proposer 2/ce n’est pas forcément le cas de tout monde.
Donc, il faut savoir changer, s’adapter pour proposer un contenu pertinent, et du coup, paf, deux bonnes résolutions :
- Je vais tâcher de vous parler de temps en temps de jeux un petit peu plus légers que mon chouchou Mage Knight
- Je vais aussi tâcher de vous écrire des articles un peu plus courts…
Car, il faut bien le reconnaître, j’ai la fâcheuse habitude de vous pondre des gros pavés. Je vais donc essayer de vous parler de Zombie Tsunami en un nombre de mots limités. Les plus acerbes d’entre vous me diront que c’est une bien longue introduction pour annoncer qu’on va essayer de faire court, et vous avez raison.
Pouf, pouf.
ATTENTION : cet article a été écrit après quelques parties du prototype fourni par l’éditeur. Le matériel et une partie des règles sont susceptibles de changer, et je crois notamment comprendre qu’une partie des mécanismes que je vais décrire pourraient être déplacés dans une éventuelle extension. Bref, ne croyez absolument rien de ce qui va suivre, c’est sans aucun doute rempli de mensonges éhontés.
Les zombies, quand il n’y en a qu’un, ça va…
Désolé, je n’ai pas pu résister à la tentation de reprendre en la détournant la phrase devenue célèbre de cette immense poète de la vie politique française qu’est Brice Hortefeux. Zombie Tsunami est un jeu plutôt « léger » (un party game diront peut-être les non-anglophobes dans la salle) dans lequel il va s’agir de constituer la horde de zombies la plus grande possible.
Tous les joueurs commencent avec une toute petite horde ridicule, essaient par tous les moyens pendant la partie d’augmenter la taille de celle-ci (oh, ça va, détendez vous, on ne peut pas parler de sexe en permanence) et de diminuer celle de vos adversaires (tout de suite je sens bien que ça conjure chez nos amis lecteurs masculins un sentiment un poil plus inconfortable, non ?), histoire de finir la partie avec la plus grosse (voilà, c’est écrit).
C’est l’adaptation en jeu de plateau du jeu mobile éponyme (ça claque comme mot, j’adore) dans lequel vous devez, je vous le donne en mille, faire grossir la taille (non mais GRANDISSEZ quoi, au lieu de glousser !) de votre horde au maximum pour marquer le plus de points avant que celle-ci ne finisse invariablement décimée.
Je ne vais pas commenter sur le jeu vidéo, je le trouve amusant sans plus, c’est un espèce de « Jetpack Joyride » où vous devez faire sauter votre horde de zombies pour lui faire ramasser des civils qui viendront augmenter votre horde, tout en essayant d’éviter au maximum de perdre vos morts-vivants à cause des différents véhicules, bombes et autres pièges qui vous attendent.
Le jeu de société s’articule sur 3 tours qui se déroulent de manière relativement identique, si ce n’est que les obstacles qui seront mis sur la route de votre horde seront de difficulté croissante, de sorte qu’il vous sera de plus en plus difficile de ne pas perdre de zombies en route.
L’un des points importants et assez originaux (sans être révolutionnaires, hein, me faites pas dire ce que je n’ai pas dit !), c’est que vos zombies seront représentés par de petits cubes verts qui auront une face avec une… face de zombie. Lu comme ça, c’est bizarre. Une image valant un long discours, voici comment ça se présente :
Alors, là, je sens les ricanements mesquins : « Ouah l’aut’, eh, il essaie de nous faire croire que des cubes en bois c’est innovant, il sort d’où ? ».
Alors évidemment, vu comme ça, c’est déjà… vu. Mais dans Zombie Tsunami, les petits cubes verts ont une face de zombie car ce sont en fait aussi des dés ! À certains moments du jeu, il vous faudra choisir un certain nombre de ces zombies, et les lancer pour déterminer combien vous en perdez (typiquement lors d’un saut au dessus d’une crevasse, où on aura donc pour chaque dé qu’on lance environ 1 chance sur 6 de le perdre). C’est un petit gimmick sans prétention mais tout à fait agréable qui donne véritablement son identité au jeu : vos zombies sont des cubes, prenez-en soin !
Dans un article « à la TSR », je m’engagerais dans quelques dizaines de lignes qui paraphrasent les règles, mais comme je le disais, j’essaie de faire différent, plus court et plus percutant, au moins sur les jeux un peu « légers » tels que Zombie Tsunami, alors je vais essayer de m’y tenir.
Et donc, cher lecteur, plutôt que de me concentrer sur une description du jeu, je m’en vais citer les mécanismes qui le composent, car il s’agit bien là de la partie la plus bigarrée de ce jeu. Le format « bière et chips » de ce Zombie Tsunami est tout à fait assumé, et pourtant, le nombre de mécanismes de jeu qui sont concernés est impressionnant :
- Prise de risque calculée au niveau des sauts, avec un équilibre « retour sur investissement / risque sur investissement » simple à calculer en général mais bien présent.
- Bluff et négociations avec les phases d’obstacles où on va se répartir en équipe de couleur pour essayer de surmonter les barrages qui sèment notre route. Les équipes rassemblant suffisamment de zombies passeront l’obstacles, les autres y laisseront quelques zombies. Mais j’ai bien dit bluff, car au-delà du contenu des discussions qui mènent à la formation de ces équipes, chaque joueur choisit secrètement in fine à quelle équipe il va appartenir, ce qui ouvre grand la porte aux plus intenses fourberies, variations sur le thème « Vas-y Maurice, fonce ! Je suis avec toi ! On va lui faire la fête à ce tank ! ».
- Le mécanisme ci-dessus n’aurait pas énormément de sens si les joueurs n’avaient pas potentiellement des objectifs divergents lorsqu’il s’agit de franchir un obstacle. Et c’est le cas, grâce à une mécanique de rôles cachés particulièrement futée. Lors de chacun des 3 rounds les joueurs se verront attribuer des rôles cachés qui vont créer une ambiance de suspicion de belle facture autour de la table : « Josette me parait bien pressée de se joindre à moi sur cet obstacle, n’aurait-elle pour sombre dessein de m’y faire choir ? » (que les plus lettrés d’entre-vous préférerons à : « C’te &§%£$€ de Josette va encore essayer de m’enfiler à sec avec des graviers ! », qui a le mérite de porter le même message en un verbiage plus fleuri).
- L’une des mécaniques intéressantes également est celle des « civils », que l’on peut accumuler au cours d’un round. Ils seront transformés en zombies à la fin du round, mais nombreuses seront les occasions pour les autres joueurs de vous les faire perdre. Sauf s’ils vous soupçonnent de posséder le rôle caché qui cherche absolument à se faire dégager ses civils… Gniarkkk.
- D’autres mécaniques plus secondaires mais importantes concernant une gestion de ressources en or, qui permet d’acheter lors de certaines phases de jeu des pouvoirs et des cartes qui ont des effets variés (gagner des zombies, en voler à un autre joueur, protéger les siens par avance…)
Vous l’aurez compris, Lucky Duck a vu les choses en grand en termes de mécaniques. À la lecture du paragraphe ci-dessus, vous vous demandez certainement comment Zombie Tsunami peut être le petit jeu léger que j’ai décrit au début de l’article. Eh bien il semblerait que cet éditeur, bien que jeune, soit déjà assez largement en maîtrise de son art ! Le mélange de toutes ses mécaniques est plutôt réussi, mais rien ne vous l’expliquera mieux que la section suivante.
Les sensations de jeu
S’il est un jeu qui a été conçu avec les sensations de jeu en tête, c’est bien celui-là. À la description à la Prévert des mécaniques de la section précédente, on se demande bien à quoi peut ressembler ce jeu. Et, il faut bien l’avouer, à la lecture des règles, un peu aussi. J’ai eu un mal de fou à me représenter la dynamique et le rythme du jeu à la simple lecture du livret, et la première partie a été un véritable saut dans le vide. Je n’irai pas jusqu’à dire que les règles sont mal écrites, ce n’est pas le cas, mais le jeu est suffisamment original dans sa structure et dans ce qu’il essaie de créer en termes de sensations pour que son abord en soit un peu déroutant.
Il me semble que malgré ses atours « ultra légers » de « je lance plein de zombies et on verra ce qu’il me restera à la fin », le jeu cherche à insister très largement sur l’aspect social du jeu. Les rôles cachés, qui obligent globalement les joueurs à se surveiller les uns les autres afin de déterminer qui est qui et d’éviter de donner à un joueur exactement ce qu’il désire, sont en ce sens particulièrement intéressants.
Les phases d’achat de cartes sont aussi des moments de tension importants, car de ce que vos adversaires vont décider d’acheter peut largement dépendre à quel point votre manche se passera bien ou pas. Vous comptiez thésauriser les civils à ce tour-ci ? Si un adversaire achète une bombe et vous l’envoie, vous risquez de tout perdre. D’autres situations très similaires peuvent être provoquées par d’autres combinaisons rôle / stratégie.
Selon la façon dont votre groupe aborde ce jeu, on peut en faire une grosse pantalonnade de déconne (on lance les dés, on se fait des crasses, sans se poser trop de questions) ou bien un petit jeu un peu serré, dans le cadre duquel le premier aura bien du mal à conserver son avance sous les attaques des autres joueurs et où les renversements de situations seront fréquents.
Pour ces raisons, en termes de sensations, et sous certains aspects, ce jeu me rappelle Shadow Hunters (ce qui est plutôt un compliment, car j’aime beaucoup ce jeu en dépit d’un certain nombre de défauts).
Le test ultime
Un peu circonspect, j’ai fait essayer ce jeu à plusieurs groupes de joueurs. D’abord, mon groupe de fous furieux habituel. Des gamers, des barbus, qui sentent la sueur et l’optimisation de manifolds convexe à 7 degrés de liberté. Eh bien ils ont trouvé ça plutôt rafraîchissant. Clairement, plutôt un jeu apéritif, mais tout à fait plaisant. Avec ce groupe, on calculait l’espérance de chaque jet, les rôles étaient connus assez tôt dans chaque manche, ça jouait serré, et vraiment, l’aléa des dés a fait la différence, mais parce que nous avons tous joué consciencieusement, et des faux-pas nous coûtaient cher. Bref, cela m’a surpris, mais le jeu a été plutôt apprécié.
J’ai essayé aussi avec mes deux enfants de 10 et 5 ans. Ils ont a-do-ré. Le concept des sauts de zombie, les coups tordus, les discussions et négociations autour d’alliances de circonstance, les bombes qu’on fait exploser au visage des civils de ses adversaires, et surtout, la tension à chaque jet de dé, tout cela les a absolument ravis, au point qu’ils me demandent encore régulièrement de sortir le « jeu qui les a beaucoup amusés ».
Il ne faut pas sous-estimer le facteur « pan dans tes dents » de ce jeu, et les coups tordus que peuvent se faire les joueurs entre eux peuvent faire dégénérer l’ambiance assez vite si l’on n’y prend garde. Mais à ma grande surprise, très rapidement, les enfants ont su s’approprier l’importance des rôles cachés, adapter leur comportement en fonction de leur rôle, et savoir mettre des bâtons dans les roues de leurs adversaires !
Backera, backera pas ?
Personnellement, je vais soutenir sans aucune arrière-pensée ce projet qui me parait très intéressant. Bien sûr, il peut encore tout à fait évoluer, notamment lors de la campagne KS, et le jeu final peut arborer une forme assez éloignée de ce que j’ai pu tester en proto. Pour autant, l’assemblage de toutes ses mécaniques, s’il est difficile à appréhender lors de la lecture des règles, coule de source et permet un jeu fluide, court et agréable. Il pourrait permettre à des hard-core gamers de se détendre entre deux parties de Twilight Imperium 3, mais aussi à des joueurs plus occasionnels de se frotter à plusieurs mécaniques dans un format plutôt ramassé.
Pour autant, ce jeu est un véritable pari pour son acquéreur, car ses multiples facettes ne forment pas à ce stade un ensemble totalement cohérent. On peut être frustré que le jeu effleure de nombreuses mécaniques, sans permettre de les approfondir réellement de par le format du titre. Typiquement, il est impossible d’amasser pièces d’or et cartes de pouvoir, et de combiner entre eux plusieurs éléments, car les effets sont de manière générale immédiats.
Mais je pense que ce n’est pas là que se trouve le point fort de ce petit jeu, mais bien dans son originalité, sa capacité à ne pas se prendre au sérieux, tout en délivrant des sensations intéressantes.
Après un Vikings Gone Wild équilibré et plutôt riche avec toutes ses extensions, Lucky Duck Games signe ici un jeu léger et acidulé, mais non moins dénué de talent et d’attention en termes de design. Je suis très curieux de savoir où va nous emmener ce jeune éditeur installé en Pologne, mais à n’en pas douter, il fait partie de ceux à surveiller dans les années qui viennent.
Fiche de jeu avec Itw et Ludochrono
Edité par Lucky Duck Games
Pays d’origine : France
Langue et traductions : Allemand, Anglais, Espagnol, Français, Italien, Portugais
Date de sortie : 2017
De 3 à 6 joueurs
A partir de 14 ans
Durée moyenne d’une partie : 30 minutes
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Gougou69 11/05/2017
Très très bon article ! Vraiment. J’hésitais à garder mon pledge parce que je ne suis pas très party game et que 3 joueurs minimum n’est pas une configuration que j’apprécie. Mais ton article me fait voir le jeu autrement, c’est un peu plus qu’un bête party game et du coup je vais certainement garder mon Ultimate. Et je suis bien d’accord que LDG est un éditeur à suivre de très près, d’autant que Vincent Vergonjeanne (le boss) m’a dit avoir plusieurs autre trucs dans les tuyaux.
TSR 11/05/2017
Merci Gougou :). J’espère que tu ne seras pas déçu (parce que du coup peut être que moi aussi 😉 )
Gougou69 12/05/2017
J’espère également.
Ha au fait, moi j’aime bien la longueur de tes articles ! 😉