Topiary – Quand les jardiniers se font des coups bas
Amateurs de jardinage (ou pas) j’ai été déterrer parmi tous les bulbes de jeux éclos à Essen, une nouvelle pousse qui pourrait vous ravir. Un petit jeu de pose d’ouvriers familial qui sent bon la verdure… et les coups bas. Si vous aimez les jeux simples et accessibles mais un peu chafouin, m’est avis que vous devriez vous intéresser à ce petit jeu.
Qu’est-ce que c’est donc ?
Topiary, c’est un jeu de 2 à 4 joueurs, à partir de 8 ans, qui dure environ 20 minutes et qui parle de jardinage, en vous proposant d’incarner un maître jardinier qui va agrémenter un jardin à l’anglaise de multiples sculptures taillées dans des arbustes : le dit « art topiaire » (Topiary en anglais).
Votre but sera de séduire les visiteurs en leur proposant les plus beaux alignements de sculptures. Mais attention, vous ne serez pas seul, et les autres jardiniers seront également là afin de tenter de faire disparaître votre dur labeur à la vue des visiteurs dans le but de s’accaparer tout le crédit.
Ludiquement, on est sur un jeu de pose de tuiles et d’ouvriers simple et efficace, où l’on va jouer un nombre de tours défini et relativement court. Chaque coup doit être mûrement pensé pour optimiser ses gains, tout en tentant de réduire les gains adverses, puisque l’on va jouer sur un parterre de tuiles communes.
C’est cool, c’est de qui ?
Alors l’auteur ne vous dira probablement rien, car il s’agit de Danny Devine, qui pour l’instant n’a commis qu’un seul autre titre, à savoir Mob Town. Mais qu’importe son passif, car avec ce jeu, il arrive à égaler les plus grands dans la pureté et la simplicité des actions à faire. Pour tout vous dire, en jouant à Topiary, j’ai eu un peu l’impression de jouer à un jeu de Bruno Cathala (dont j’aime beaucoup le travail), tant le design épuré me rappelait Kingdomino.
En plus, le monsieur à d’autres cordes à son arc et le montre puisqu’il a aussi illustré le jeu, et je trouve que c’est réalisé d’une belle manière. Sans être le plus beau jeu de l’année, je trouve que la couverture est plutôt rafraîchissante avec ce thème surprenant et original. Même si les tuiles sont assez simples, elles sont parfaitement lisibles et ne prêtent pas à confusion, ce qui est assez important dans le jeu. Les tuiles d’un même type sont de valeurs croissantes et reprennent la même illustration qui grossit au fur et à mesure (c’est thématique), en rajoutant de petits détails agréables qui les embellissent.
Y a quoi dans la boite ?
On trouve 40 tuiles (8 différentes de 5 tailles), 32 meeples (8 de chaque couleur) et un plateau de score. C’est tout simple comme matériel, le tout dans une boite moyenne, avec des inserts en cartons. Pas de plastique madame, on fait dans le naturel !
Les règles sont pour le moment en anglais et italien. M’est avis qu’une localisation arrivera courant 2018, mais en attendant, les tuiles étant complètement vides de texte, le jeu est jouable en l’état tant que vous comprenez les règles.
Comment on joue alors ?
Alors je vais vous pitcher le jeu rapidement, mais si vous voulez voir ça en vidéo, sachez que Mat a réalisé une présentation du jeu à Essen (avec les sous-titres de Dame Shan et tout et tout).
Mais sinon pour vous expliquer, sachez que vous allez jouer autant de tours que le nombre de meeples que vous avez, et qui lui dépend du nombre de joueurs : 8 à 2 joueurs, 6 à 3 joueurs et 5 meeples à 4 joueurs.
Et oui, à 4 joueurs, vous ne jouerez que 5 coups dans la partie : Autant vous dire que ces coups devront être mûrement réfléchis.
L’installation est toute simple. Vous placez les tuiles pour former un carré de 5 x 5 et vous retournez la centrale. Vous distribuez 3 tuiles à chaque joueur, et c’est parti.
À votre tour, vous avez deux actions possibles. Une obligatoire et une facultative.
- La première action, celle qui est obligatoire, est de poser un meeple de sa couleur à l’extrémité de l’une des lignes, colonnes ou diagonales du terrain. Votre meeple représente un visiteur, et les colonnes seront les allées du jardin, toutes ornées de topiaires plus ou moins grandes et belles.
- La deuxième action est quant à elle facultative (mais fortement recommandée), et elle consiste à prendre en main une tuile dans la ligne de vue du meeple que vous venez de placer. Une fois consultée, pour pouvez placer une de vos tuiles à la place, face visible. Elle représente une nouvelle topiaire qui agrémente le jardin.
On précède ainsi jusqu’à ce que tout le monde ait joué ses personnages.
Et c’est tout ! Terriblement simple, je vous l’avais dit.
Alors, quel intérêt ? Eh bien le comptage des points pardi. Car vos points dépendront de ce que les visiteurs vont voir. Et les lignes de vues, ça s’obstrue assez facilement avec les topiaires !
En effet, pour chacun de vos visiteurs, vous marquerez les points des tuiles dans leur champ de vision. Comment gérer la ligne de vue ? C’est facile, c’est tout droit dans la direction du meeple, et pour chaque topiaire, on ne peut plus voir celles placées derrière qui ont des valeurs inférieures ou égales.
Exemple :
De plus, les visiteurs aiment être épatés, et vous gagnerez des points bonus si vous enchainez des sculptures identiques :
Petit scoring de bonus à la fin : vous scorerez les tuiles de votre main si et seulement si l‘un de vos visiteurs voit une sculpture du même type et de valeur supérieure. Mais sinon on cumule les valeurs des sections vues par chacun de vos visiteurs, et on fait les comptes.
Vous savez maintenant tout sur Topiary, reste donc à parler des sensations de jeu.
Alors, ça donne quoi ?
Quand on se lance dans la première partie, on se demande comment on va marquer des points. On commence par placer un meeple, puis à lui octroyer un bon gros arbuste à 4 ou 5 points loin de lui dans sa ligne de vue, histoire d’avoir le temps de mettre des 1, 2 ou des 3 sur le chemin pour maximiser sa rentabilité. On se dit qu’on va essayer de trouver des tuiles identiques pour maximiser nos gains, et que du coup ça s’annonce pas mal.
Et là vient le 1er coup du joueur suivant, qui décide de placer un meeple à la verticale du votre, ou en diagonale, et de positionner une grosse topiaire à 5 juste devant le nez de votre meeple, lui condamnant à jamais toute sa ligne de vue, bloquée par cette énorme arbuste. Vous scorerez alors les 5 points de cette tuile, mais plus aucun autre car il bouchera complètement votre ligne de vue, aucune tuile ne lui étant supérieure.
Vous regarderez donc votre adversaire, qui se trouve être votre conjointe, avec un regard d’incompréhension, en lui glissant un petit « mais, pourquoi ?! ». Elle vous répondra surement le plus naturellement du monde « À ton avis, pour pas que tu fasses de points ! ».
Et voilà, tout est dit.
En fait, sous ses airs minions, Topiary est un vrai bon gros jeu de fourbes, où vous tenterez de monter vos petits arbustes pour valoriser les points de vos visiteurs, tout en minorant au maximum les points gagnés par vos adversaires. Et cela fait pas mal couiner les joueurs, oh que oui !
Vous allez donc ainsi enchaîner les poses de visiteurs tout au long de la partie, en essayant de profiter habilement des tuiles déjà en place, tout en essayant d’optimiser les lignes en en posant de nouveau, selon celles que vous avez en main. Un mélange entre opportunisme et tactique qui n’a pas été pour me déplaire.
J’ai été assez bluffé de voir comment les actions si simples du jeu peuvent s’avérer si stratégiques. On observe une vraie grande montée en puissance des coups au long de la partie, alors qu’elle ne dure que 5 à 8 tours selon le nombre de joueurs, c’est-à-dire pratiquement rien. Les deux premiers coups sont souvent joués pour tâter le terrain, et dès le 3eme, on tente d’optimiser ses gains tout en évaluant le risque encouru.
Car risque il y a, à chacune de vos poses :
- Il y a le risque de ne pas pouvoir continuer sa ligne avec des valeurs ou des formes intéressantes, car vous n’avez pas les bonnes tuiles en main.
- Celui qu’un autre joueur profite avant vous d’une ligne intéressante que vous êtes en train de faire.
- Ou encore celui de se faire contrer par une obstruction lorsqu’un adversaire pose un très gros buisson juste devant l’un de vos personnages.
Vous apprendrez donc à viser de plus petites lignes, comme des diagonales, qui semblent avoir un potentiel plus faible avec leur nombre limité de cases, mais qui sont plus facilement terminées, donc moins risquées. Je le disais, savoir minorer les gains potentiels pour limiter la casse.
La chance est un paramètre présent, puisqu’on ne se sait pas ce que l’on pioche comme tuile dans l’emplacement visé, mais il est minimisé par votre main constante de 3 tuiles. Il est très rarement responsable d’un vol de victoire devant un autre joueur, tant la tactique et les coups bas priment, mais certaines bonnes surprises peuvent vous fournir des coups intéressants.
La partie à 3 ou 4 joueurs se déroule en un temps record, puisque la pose de nos 5/6 meeples ne prend pas plus de 10/12 minutes. Et pourtant chaque coup se réfléchit vraiment tant l’importance de chaque meeple est grande quand on en a si peu. Ce format compressé est très agréable à jouer, et on a très envie de prendre notre revanche une fois la partie terminée.
Le mode deux joueurs est particulièrement « agressif », et les joueurs se rendent vraiment coup pour coup. Les 8 meeples à votre disposition vous permettent de faire quelques sacrifices pour contrer les lignes trop juteuses de l’adversaire. Je me demande d’ailleurs si le jeu n’avait pas été conçu pour 2 joueurs à la base, tant cette configuration me parait optimale.
Si je dois pointer un petit bémol, je dirais que j’ai noté un certain avantage à jouer en dernier lors des parties à 4 (ce qui pourrait corroborer cette théorie du jeu conçu pour 2 initialement). Rien de critique, et j’ai besoin de vérifier cela puisque je n’en suis qu’à 4 parties (dont 2 à 2 joueurs), mais le fait de jouer en dernier empêche d’être contré au dernier moment, ce qui n’est pas le cas du premier joueur. Le tout avec un peu de king making, puisque tous les points sont apparents, et que l’on peut facilement cibler son adversaire pour limiter ses points.
Et au final ?
Au final, j’ai vraiment été séduit par le jeu.
Un thème rafraîchissant, des règles simples, super accessibles, pour tout public, et pourtant une profondeur vraiment intéressante dans un timing resserré au maximum, et surtout une vraie interaction entre les joueurs.
Alors ça peut faire un peu grincer des dents, surtout si vous jouez avec votre enfant sans retenue et que vous enchaînez les coups de salopiot. Du coup, il faudra peut-être vous retenir un petit peu selon votre adversaire, surtout si vous avez tendance à crier « tiens, je te colle un gros arbre à 5 qui te défonce ta ligne de vue, gniark gniark ! » pour bien marquer le coup…
Mais sinon, je vous recommande chaudement Topiary si vous êtes adepte de petits jeux familiaux, car pour une durée de jeu si courte, le plaisir de jeu et les tactiques mises en places sont vraiment intéressants.
Topiary la fiche de jeu
Un jeu de Danny Devine
Illustré par Danny Devine
Edité par Fever Games
Pays d’origine : Etats-Unis
Langue et traductions : Anglais, Italien
Date de sortie : 04-2017
De 2 à 4 joueurs
A partir de 10 ans
Durée d’une partie entre 15 et 30 minutes
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madtranslator 06/12/2017
Bonjour El Gringo et merci de mettre en lumière ce petit jeu très sympa 🙂
Pour l’auteur, il a sorti cette année Harvest Dice (chez Greyfox Games, aussi présent à Essen) et Circle the Wagons (avec Steven Aramini et un autre en co-auteur) 🙂
Il est vrai qu’on est sur un jeu très fourbe avec des joueurs qui se rendent coup pour coup, et c’est très très bon !! 🙂
Je sais que des éditeurs français se sont penchés dessus mais certains ont jugés les dessins trop enfantin et pas en adéquation avec l’âge recommandé pour le jeu 😉
El Gringo 07/12/2017
Merci pour tes précisions sur l’auteur.
Concernant les possibles editeurs qui auraient écartés le jeu sur des raisons estétiques, je pense que c’est une erreur.
– Deja parce que avant de penser aux coups fourbes, il faut surtout voir la simplicité et l’accessibilité du jeu, qui est vraiment grand public, et donc les illustrations permettent de proposer le jeu à n’importe qui. On est pas obligé de jouer trop méchant quand on joue en famille.
– D’autre part, car si on prend l’exemple du Petit prince, qui était également un jeu fourbe mais accessible, avec une parure très enfantine, cela n’a pas du tout empêché le jeu de marcher et de plaire aux joueurs confirmés.
Enfin, cela reste mon avis, mais ce thème rafraichissant n’est pour moi pas un frein aux gros joueurs.
Mettre des gobelins par contre serait un frein au grand public !
TheGoodTheBadAndTheMeeple 06/12/2017
un bon petit jeu méchant oui !
Meeple_Cam 07/12/2017
Un de mes coups de cœur d’Essen, assurément. Je confirme la sensation d’être avantagé en étant dernier joueur à 4.
Umberling 07/12/2017
Super cool et méchant comme jeu 🙂
Shanouillette 26/12/2017
Aurora games a annoncé avoir signé pour la VF.