Solomon Kane, premier regard
Nous avons eu l’opportunité de jouer au prototype de Solomon Kane signé Jack Thornton (Dreadball, Dungeon Saga, Deadzone, Mars Attacks…), sur le scénario de démo qui va très bientôt arriver sur les tables de France et de Navarre (nous avons eu la chance d’y jouer juste avant que ces boîtes ne soient envoyées à leurs destinataires). En effet, Mythic Games réitère la méthode “Ambassadeur” qui a fait ses preuves dans des campagnes précédentes. Déjà une trentaine de bonnes volontés se sont engagées à faire jouer le jeu lors d’événements un peu partout en France (et à l’étranger). Sur la page FB de l’éditeur, vous trouverez plus d’informations (peut-être y a-t-il d’ailleurs une escale de cette Kane’s Crusade pas loin de chez vous). Sinon rendez-vous à PEL pour tester le jeu, ou avant ça, à l’alchimie de Toulouse par exemple !
Les proto bien badass des ambassadeurs
La caution “authenticité”
Patrice Louinet, fin “connoisseur” de l’oeuvre de Robert E. Howard, fait partie de l’aventure et assure le bon respect de la licence. Comment ça, vous ne connaissez pas le personnage Solomon Kane ? Adapté en comics, au ciné et en jeux vidéo, ce héros énigmatique et ambigu est avant toute chose né des nouvelles écrites par la main de Robert E. Howard (papa de Conan).
My God. Only you can help me now. – SK
Un peu à l’instar de Jeanne d’Arc, qui fut d’ailleurs le précédent opus de l’éditeur faut-il rappeler (le late pledge court encore jusqu’au 23 avril – le Ludochrono est par là), Solomon Kane justifie ses combats par la volonté du Ciel. Ce n’est pas un héros qui agit pour son plaisir : Kane est intimement persuadé qu’il n’a pas d’autres choix que de s’aventurer avec obstination jusqu’au bout du monde pour venger celles et ceux qui ont été victimes de criminels.
“C’est un monde élisabéthain en folie, avec des zombies, des harpies, des cannibales et des pirates, sans parler de civilisations perdues” décrit Patrice Louinet. Nous retrouverons donc dans le jeu de Jake Thornton, (à travers les différentes extensions prévues), tous ces différents décors, toutes ces histoires, tous ces personnages… Et d’autres encore, que Mythic compte bien écrire !
Le proto, toujours.
Faut-il être vertueux pour être heureux ? (Vous avez 2h)
En tant que joueurs, vous incarnez non pas Solomon lui-même, mais quatre puissantes entités vertueuses qui le guident. Vous pourrez, via vos actions, conduire les pas du héros afin d’espérer trouver une fin heureuse à chaque récit. Cet aspect-là n’est pas sans rappeler vaguement Spirit Island, où vous incarnez des Esprits puissants aux pouvoirs asymétriques qui aident les habitants d’une île contre des envahisseurs (lire tout le bien que j’en pense par ici).
Nous voilà donc dans un jeu entièrement coopératif, pour la première fois avec l’équipe Mythic. Il s’agira, ensemble, de vaincre les forces des Ténèbres en utilisant au mieux les pouvoirs spéciaux de sa Vertu, qu’il s’agisse du courage, de la prudence, de la tempérance ou de la compassion.
L’aspect narratif
La lutte de Kane contre le Mal sera narrée via une série d’aventures divisées en 1 à 5 actes, selon leur durée. Chaque acte est une seule session de jeu elle-même divisée en 4-10 chapitres. Ces chapitres se divisent en deux types : “récit” (carte narrative qui indiqueront la trame contextuelle) et “scène” (des instances de jeu où vous aurez des objectifs particuliers à chaque fois). Ces chapitres sont représentés par des grandes cartes dont les rectos forment, un peu comme dans TIME Stories, un panorama magnifiquement illustré par le catalan Guillem H. Pongiluppi.
Selon ce que vous parvenez à faire (ou pas !) lors de vos “scènes”, la suite du récit s’en verra modifié (concrètement, on ne retournera pas les mêmes cartes, un peu comme dans un livre dont vous êtes le héros).
Au début, on se lance donc dans la partie sans trop savoir ce qui va nous arriver mais rapidement, on se retrouve guidés par ses cartes raconteuses d’histoires, puisque ce sont elles qui décident de notre sort et de notre environnement, jusqu’au dénouement final.
Chaque tour de jeu, on choisira expressément l’ordre des joueurs en discutant entre nous. Ce choix aura un impact fort sur le tour, car les Vertus doivent s’entraider. Beaucoup. Certains tours, Kane a par exemple besoin de se déplacer et d’explorer sur le plateau. Alors, le groupe fera en sorte que la ou les Vertus capables d’aider Kane à faire cela soient le mieux armées possible pour y parvenir. Guider le héros dans les ombres n’est pas chose facile, le temps nous est compté (via le deck des cartes Ténèbres), les succès ne sont jamais automatiques, les ombres grandissent et nous entourent… La difficulté est de mise ! Dès qu’une Vertu a terminé son tour, les forces du Mal agissent, via un deck d’IA qui fera spawn / déplacer des figurines ennemies. On est cernés de près.
Concrètement, chaque joueur a son plateau individuel avec des actions de base spécifiques, et son set de cartes d’actions qui lui est propre (le courage aura des capacités fortes en combat, la compassion sera bien opé dans les situations de discussion, etc).
Nous avons enfin un pool de dés communs (tous semblables). À votre tour, vous prenez trois de ces dés spéciaux et les lancerez. Il vous sera possible de modifier votre résultat grâce à des pouvoirs basiques (avec une relance ou un retournement de dé pour prendre le symbole opposé au résultat) ou via des cartes one shot que vous aurez disponibles à ce moment (par exemple : “relancez toutes vos croix”). Vos cartes vous permettent aussi d’augmenter vos jauges personnelles (danger, force, etc) et encore d’autres actions, mais nous y reviendrons plus tard.
Vous pouvez ensuite dépenser vos dés au mieux : soit en les combinant sur une des cartes actions que vous avez choisie ou sur une action basique de votre plateau, soit en le mettant de côté dans votre réserve (vous avez deux emplacements), soit enfin, en en donnant à un autre joueur (dans la limite de 1 dé par tour et par joueur).
Après quoi, vous pouvez résoudre vos actions. Déplacer la figurine de Kane pour qu’il s’approche d’un jeton objectif par exemple, explorer, faire un test de discussion avec un protagoniste, ou combattre…
Ainsi, quand Kane va devoir réaliser telle ou telle action, les joueurs qui s’avèrent naturellement faibles dans ces domaines-là vont jouer en premier pour pouvoir préparer les tours à venir, et en particulier, aider ceux qui peuvent tenter quelque chose de plus prometteur, en leur donnant le plus possible de dés adéquats. Votre tour est donc parfois un peu plus “à vide”, mais par un effet de vase communicant naturel et comme les intentions autour de la table sont toujours en évolution, chacun aura son moment pour briller.
If I kill you, I am bound for hell. It is a price I shall gladly pay. – SK
Il est aussi possible d’invoquer (en utilisant trois dés de n’importe quel symbole) notre Vertu directement sur le plateau (vous verrez bientôt les figurines sur leur page FB, mais le premier modèle que j’ai pu voir était glorieux), afin qu’elle aide plus encore Solomon (qui ne sera donc plus si seul au monde que ça du coup hahaha).
Elles jouent d’une part un rôle tactique sur le terrain, puisqu’elles sont capables de bloquer le chemin des figurines des Ténèbres, voire de les détruire si vous êtes prêts à les retirer du plateau du même geste (sorte de suicide kamikaze qui n’a rien de définitif puisque vous pourrez les ré-invoquer ensuite) ; d’autre part, elles apportent une fois en jeu des bonus permanents intéressant, comme par exemple la prudence qui permet de choisir entre deux cartes Ténèbres.
Dark Side of the Moon…
Les cartes Ténèbres, justement.
À la fin du tour d’un joueur, une carte maléfique est tirée (ou deux si vous avez invoquez la prudence, et vous choisissez entre les deux) et vous indique les actions des forces impies.
Selon là où vous en êtes dans l’histoire et votre jauge de danger actuelle, telle ou telle entités (ombres et fantôme pour ce scénario de démo) seront en jeu et se déplaceront pour tenter de vous nuire. Parfois vous pouvez un peu choisir à quelle sauce vous préférez être mangés. Sachant que si une ombre arrive sur le même emplacement que votre héros (ou qu’un de ses alliés) on tire alors une carte Evenement. Là, ça ne sent pas bon. Vous pourrez perdre des dés de votre réserve (triste monde cruel), voir certains de vos objectifs précédemment atteints être perdus ce qui amoindrira votre réussite (#VDM), ou bien souvent, faire grimper la jauge de danger (noaaan pas ça, pas encore !). Plus la jauge danger s’affole, plus il pourra y avoir d’activations d’ennemis sur le terrain. Cette jauge de danger est gérée par le joueur-Prudence. Au prix de certaines actions coûteuses en dés, il pourra la faire redescendre.
Le triptyque Combattre, Parler et Explorer
Concrètement, les tests sont le moyen de déterminer si un obstacle est surmonté ou non. Il y a trois types de tests : Combattre, Parler et Explorer. Toutes sont résolues de la même manière. Si un test est fait par Solomon Kane, le résultat est modifié par la jauge correspondante : jauge de force (pour du combat), de clarté (pour l’exploration), ou de compassion (pour la discussion), chacune présente sur un plateau Vertu. On ajoutera ce modificateur à la valeur de notre action (par exemple “discussion 5” ou “explorer 1”, indiqué sur la carte que l’on déclenche). À ce résultat est ajouté une valeur aléatoire que l’on pioche. On procède à peu près de la même façon pour l’ennemi après quoi les deux valeurs antagonistes sont comparées. Ce système est pas des plus légers, un peu comme dans certains jeux de rôle, sa dose de hasard peut causer de sévères déconvenues dans votre stratégie. Si notre valeur est supérieure à celle de l’ennemi, l’équipe parvient à ses fins. Sinon, on applique l’effet de l’échec et l’on couine encore un peu. Oui, il faut savoir que le jeu ne vous veut pas du bien !
Dans la partie que nous avons jouée, sur un proto tout neuf d’un scénar de démo (comprendre “donc amené à beaucoup évoluer encore…” !), le défi était vraiment très difficile à relever, nous avons d’ailleurs terminé sur ce qu’on appelle une “victoire mineure” (mais je ne vais pas vous spoiler). D’une certaine façon, c’est assez fidèle à l’histoire, qui voit souvent son héros en très fâcheuse posture…
Je me dois d’ajouter qu’il y a eu lors de cette partie un certain nombre de zones de flou lié au fait que les règles n’étaient pas encore définitives et surtout que le proto était encore tout chaud (avec quelques typo, etc), mais bien sûr tout cela devrait petit à petit rentrer dans l’ordre, notamment grâce à la « Crusade » qui sera une sorte de méga phase de beta-testing.
Donc, au-delà de ça, on pressent déjà un fort potentiel pour ce titre aux inspirations rolistiques, même si au final, le role play est assez absent, ce qui n’empêche par ailleurs pas le jeu d’être tout à fait capable de dérouler une histoire.
Le côté narratif et immersif notamment grâce au travail graphique est fort agréable, même s’il se dilue in game dans l’aspect « gestion » des dés et des actions (dans 80% du temps, les joueurs seront en train de se dire des choses comme : “J’ai tel symbole, est-ce que je te le passe pour que tu fasses telle action ?”), mais là encore, rappelons que nous parlons d’un work in pogress, et d’autres éléments (notamment liés au récit) seront peut-être amenés à être rajoutés dans le développement.
Le fait de devoir vraiment se répartir nos forces à chaque tour en fonction des objectifs permet à chacun de se sentir indispensable dans la réussite des challenges imposés. Ce système engendre une ambiance coopérative vraiment agréable.
Je garde donc mon avis ferme pour plus tard, pour quand le jeu aura lui-même un corpus de règles définitif, mais je ne peux que vous enjoindre dès maintenant à aller tester le proto lors de la Kane’s Crusade (déjà 48 rendez-vous de planifiés à l’heure où ces lignes sont codées) pour faire vos précieux retours à l’équipe Mythic !
Ce qui ne doit pas être tu
L’illustrateur Guillem H. Pongiluppi souhaitait que son nom soit reconnu comme étant “la” référence graphique de l’univers Kane… et il pourrait bien parvenir à ses fins. Ses personnages et ses décors sont rendus dans un style réaliste minutieux, extrêmement détaillé, avec des effets de lumière saisissants et toujours une profondeur de champ admirable (pour ce qui est des paysages) le tout, dans une définition magnifique. On est sur du niveau triple-A ! Les figurines ne sont bien entendu pas en reste, même si Mythic assure faire un peu moins dans la profusion qu’avec Joan of Arc.
Sachez que le KS devrait être lancé le 12 juin prochain (à confirmer), et le prix d’entrée sera autour des 100$ et le all-in à 300$, mais attention, toutes ces données sont à titre indicatif, car les décisions ne sont pas encore définitivement fixées à ce sujet à l’heure qu’il est.
À noter qu’un mode solo est prévu, avec un plateau qui permettra de gérer les 4 vertus simultanément, vous nagerez alors dans les abysses de la pleine conscience de Kane… Sinon, en-dessous de 4 participants, chaque joueur devra jouer plusieurs Vertus.
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Umberling 21/04/2018
Bon bah comme prévu je suis hypé.
FX 23/04/2018
Bon teasing 🙂
atom 23/04/2018
C’est pas typiquement mon genre de jeux, mais la méca fait bien envie, je suivrais ça avec intérêt.
Sedenta 04/05/2018
Y a t’il des mécaniques liées au jeu pour empêcher un effet leader ? (Et pas seulement un « fermes-la, je fais ce que je veux »)
Shanouillette 04/05/2018
L’ADN du jeu fait que l’asymétrie est assez forte, avec nos Vertus on a naturellement des options de gameplay très orientées, alors tu peux toujours avoir un master mind qui aura retenu toutes les cartes et options de plateau de tout le monde et arrivera à se faire un plan dans sa tête avec toutes les données combinées mais ça limite quand même pas mal à mon avis. Il y a un partage des forces qui se crée en jeu car on va devoir aider certaines actions à avoir lieu, en répondant à une logique situationnelle. Si notre héros doit se battre, c’est le joueur qui joue la Force qui devra être soutenu par les autres, qui à leur tour devront tenter des actions de soutien, de renfort, lui donner des dés, etc. Comme les objectifs évoluent (c’est pas combat combat combat) c’est jamais les mêmes personnes qui soutiendront les autres, cela tourne tout le temps, ce qui encourage la discussion & la répartition. Après, si tu as un Alpha incurable qui connaît son jeu par coeur et des noobs autour, on n’est jamais à l’abri qu’il dirige la partie. My2cents après 1 session proto 😉
fouilloux 05/05/2018
C’est rigolo cette question de l’effet leader quand on y réfléchis. Pendant longtemps, je me la posais aussi, mais est ce que quelques part, le problème du elader c’est pas un problème du jeu mais bien des joueurs? je veux dire, est ce que sur un jeux compétitif on se pose des questions comme « Il y a un mécanisme pour que le joueur qui a l’habitude n’écrase pas les débutants? » ? Et est ce que finalement c’est pas à mettre sur le même plan quelque part? Voilà, vous avez deux heures 🙂
Shanouillette 09/05/2018
Amha, c’est un problème de joueurs mais aussi de jeu. On parle de méca de catchup pour éviter qu’un joueur ne parte trop devant, ou de courbe de progression pour mettre en avant le fait qu’un jeu risque de mettre en difficulté un noob face à un expert.
Après, il existe des solutions de game design pour éviter qu’un jeu coop’ ne soit soumis à l’effet leader.
Le fait de brouiller les communications des joueurs (magic maze, space alert, hanabi…) pour couper la prise de lead ou encore l’asymétrie très forte (spirit island, gloomhaven…) pousse chaque joueur autour de la table à s’engager dans sa stratégie propre, tout cela dilue de fait l’effet leader.
A contrario, des jeux « puzzle game » (typiquement, pandemie) sont très soumis à l’effet leader : quand le « casse-tête » est tel qu’il peut être résolu par une ou 4 personnes sans changer les règles, c’est un signe. Cela n’empêche pas qu’il puisse s’agir d’excellents jeux par ailleurs hein.
my2cents.
eins 08/05/2018
Je ne ressens pas d’effet leader sur le jeu. Il y en a toujours un qui va analyser tout, MAIS dès le tour du joueur terminé, il va se passer quelquechose qui va tout remettre en question. Et comme chaque vertu gère ses propres actions et spécificités, les joueurs ont plus une relation s’apparentant à celle d’un Jeu de rôles, que d’un jeu coop « à la Pandémie ».
morlockbob 17/05/2018
Après une partie, l’envie est là de recommencer maintenant que nous avons compris (on perd à une carte près) la gestion des pouvoirs des vertus, de ses cartes… car ce jeu est un jeu de gestion de tour et de ce que chacun va y faire. On s’en prend tellement dans la tronche qu’il faut être ai cordeau pour s ‘en tirer. On serait plus proche dans l esprit, pour ma part, d’un ghost stories, Big book que d’un jeu de figurine. On attend les textes qui sauront mettre l’ambiance