Profiler : Dark Vador chante-t-il sous la douche ?
Après avoir exploré les a priori physionomiques dans Casting, Romaric Galonnier décline avec Profiler un principe à la fois connexe et finalement très différent. Sorti en début d’année, le titre n’a en tous cas pas tardé à faire parler de lui (et en bien) dans le monde ludique francophone, y compris dans le Top10 d’Un monde de jeux du premier trimestre 2017.
Deerstalker vissé sur la tête, pipe au bec et loupe fraîchement nettoyée : tout est paré pour attaquer l’étude de cas.
Les moyens d’investigation
Un bon ouvrier a de bons outils ; un bon profiler se doit donc tout autant d’être parfaitement équipé.
La petite boîte carton – d’un gabarit identique à Imagine – est ainsi bien adaptée à son contenu : 100 cartes Personnage et 50 cartes Phrase, toutes deux recto-verso, quelques tuiles et cartes numérotés, complétées par une réglette en carton qui se plie pour se glisser astucieusement sur le côté du thermoformage. Un mini-plateau recouvre le tout, qui est bien calé et se déploie rapidement pour une mise en place express.
Bien que la règle coule de source, un soin a été apporté au livret pour le transformer en véritable cas d’école reprenant la trame d’une manche et donnant des exemples de raisonnements. Non, Dracula ne ferait pas nécessairement un bon cuisto. Pour ne rien gâcher, elle est cocassement illustrée. Difficile de faire plus accessible.
Le design des cartes en elles-mêmes reste assez neutre mais au moins sans faute de goût particulière. La lisibilité des Personnages est bonne et ce tout autour de la table grâce à la mention répétée en sens inverse (comme dans CodeNames).
Le plateau apporte par ailleurs une petite touche d’excentricité bienvenue, ses différentes cases délivrant un commentaire plus ou moins flatteur selon le score final de l’équipe.
L’essentiel n’est pas dans le matériel sur ce type de jeu ; mais quand on est plutôt bien servi comme ici, c’est encore mieux.
On peut profiler mille fois une personne
Nous voici donc dans la catégorie des jeux d’ambiance coopératifs de type « Emetteur-Récepteur ». Un des joueurs – le Profiler – tente de faire deviner à l’ensemble des autres joueurs un des 6 Personnages exposés. Pour ce faire, il doit placer deux cartes Phrases, sélectionnées aléatoirement, sur une échelle entre +5 et -5. Elémentaire, non ?
Ce qui est croustillant, c’est qu’on procède ensuite par élimination. Tout en montant en tension au fur et à mesure qu’il faut commencer à trancher entre les candidats les plus plausibles, cela ouvre la voie à un système de score ultrasimple : on avance le pion d’une case/un point par personnage écarté à raison. On marque ainsi jusqu’à 5 points dans le meilleur des cas, toute erreur mettant, de fait, fin à la manche.
Le rôle de Profiler passe au voisin, et on prépare la manche suivante, soit en retournant l’ensemble des cartes, soit (une fois sur deux) en les remplaçant intégralement par d’autres. Une partie se déroulant en 5 manches, le groupe est donc crédité, au bout d’une petite demi-heure de jeu, d’un score final sur 25.
Les cartes Personnages mélangent fiction, célébrités du monde réel actuelles ou passées, figures communes, métiers, voire même parfois les joueurs eux-mêmes. Il faut donc évaluer les six spécimens issus de ce joyeux bestiaire au regard de propositions parfois très éloignées de leur domaine de prédilection. D’intéressants débats ont ainsi immanquablement lieu, que ce soit en cours de manche ou en fin de manche. En cas d’échec, le Profiler est souvent sommé de justifier ses (forcément mauvais !) choix.
Selon les associations, la subjectivité de chacun influence plus ou moins les raisonnements. Les Personnages ou les Phrases peuvent en effet être connexes à des thèmes potentiellement clivants comme la religion, la politique, la chasse,… Cette subjectivité est en outre à prendre en compte à deux niveaux. Le Profiler peut d’une part être tenté de modérer une appréciation qu’il sait très personnelle, et tendre volontairement vers une position un peu plus consensuelle. D’autre part, les enquêteurs vont également raisonner en fonction de la connaissance qu’ils ont de la personnalité du Profiler. A chacun de voir, mais attention aux contre-pieds!
La difficulté de l’exercice s’avère par ailleurs assez variable selon les tirages. Plus les combinaisons Personnage/Phrase sont neutres, plus on marche sur des œufs. Les métiers un peu passe-partout comme Avocat ou Informaticien seront ainsi généralement moins facile à cataloguer qu’une personnalité marquante bien connue. Mais dans l’immense majorité des cas cela fonctionne étonnamment bien, et sauf grosse incompréhension on arrive à écarter plusieurs Personnages de manière à peu près certaine.
Une Variante « Challenge » permet de corser les choses pour les Profilers experts : il s’agit de réussir successivement 5 manches, sans la moindre erreur et en ajoutant un Personnage supplémentaire à chaque manche (jusqu’à 10 Personnages!). Autant dire qu’il faudra un groupe sacrément affûté (et une bonne dose de réussite) pour en venir à bout. |
Bilan de la séance
Les idées les plus simples sont souvent les meilleures. Profiler est ainsi d’une évidence rare, de la trempe des grands. De ceux dont se demande pourquoi personne ne l’a inventé plus tôt.
L’accessibilité est totale : c’est le genre de jeu qui se comprend juste en assistant à une manche en cours, et sur lequel on peut se greffer sans problème à une partie.
Lors de la découverte, il aura été impossible de contenir l’enthousiasme et de s’arrêter au bout des 5 manches réglementaires. Ce Just Played est supposé être écrit à chaud après une première partie, mais en l’occurrence nous avons enchaîné 3 parties d’affilée (et plus dans les jours qui ont suivi). Le format court s’y prête, certes, mais cela n’explique pas tout.
Des propositions antérieures relativement similaires existaient, avec notamment Casting du même auteur donc, ainsi que le récent Unusual Suspects. Mais c’est manifestement Profiler qui a trouvé la meilleure formule.
Au rayon des regrets, pas grand-chose à déplorer, si ce n’est peut-être que les 200 Personnages sont bien vite passés en revue (on en consomme 30 par partie, je vous laisse faire la division). Au demeurant, il n’est pas tellement gênant de boucler sur les mêmes, puisqu’ils seront associés à des Phrases certainement bien différentes.
Nous sommes ouvertement emballés. Profiler a jusque là fonctionné avec tout le monde et s’impose sans problème comme notre « petit » jeu d’ambiance de l’été. Il succède à CodeNames en 2016 et Qui Paire Gagne en 2015… plutôt flatteur, non ?
Un jeu de Romaric Galonnier Illustré par Stivo |
Tous les articles de Grovast sous ce lien
Qui paire gagne c’est quoi déjà ? Lire l’article de Guillaume Lemery par ici !
Unusual Suspects le test par Shan
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-Nem- 11/08/2017
Ce jeu fait l’unanimité chez moi aussi. Nous on joue qu’en expert et on a réussi qu’une seule fois seulement à atteindre le stade de 10 cartes, mais sans réussir à trouver le bon personnage (il nous en restait que deux argh). C’est vraiment difficile mais ça donne un vrai challenge au jeu !
Flemeth 12/08/2017
Dans le genre « parlote et déduction », il existe aussi un petit jeu moins connu mais tout aussi savoureux : De fil en aiguille, c’est vraiment excellent !
Kaisersauze 12/08/2017
Alors moi je mise sur le crs.
Capitaine haddock et la petite sirène s en foutent du boulot.
L homme idéal est beau gosse donc il porte des habits de marque.
Le premier de la classe aurait eu +5 pour le boulot.
Reste le crs et le marin qui ce dernier porte des pulls rayés qui a défaut d être du jp gaultier sont souvent du saint James.
Angepastel 13/08/2017
Je n’ai pas accroché du tout au jeu,il est assez déstabilisant de par ses mécaniques et ça manque de challenge entre les joueurs parce qu’il est coopératif. Bref,il ne plaira pas à tout le monde.
TheGoodTheBadAndTheMeeple 22/08/2017
Ici, on a bien aimé, mais pas au niveau de QPG ou Codenames je trouve. Chacun ses gouts !