Kune v Lakia – Et divorcer devient un jeu
Beaucoup d’entre nous jouent aux jeux à deux en couple. Certains sont abstraits, d’autres avec un thème historique ou de gestion. Ça c’était avant Kune v Lakia. Car ce jeu aborde le thème du divorce et la lutte d’influence qui vient avec. Alors, je pose la question : un jeu de divorce peut-il divertir les couples pendant les longues soirées d’hiver ?
Laaaapin
Kune et Lakia sont deux personnages lapins fictifs. L’une est la princesse du royaume, l’autre est un duc influent. Tout allait bien, ils auraient pu vivre heureux et avoir de nombreux enfants. Malheureusement leur relation s’est progressivement dégradée au point où la vaisselle valse à longueur de temps. Le divorce va donc être prononcé. La question la plus cruciale à trancher est alors de savoir qui des deux restera à la cour et qui devra prendre l’exil ? Pour cela, une lutte d’influence s’engage, chacun cherchant l’appui des plus influents courtisans.
Les joueurs incarnent donc Kune et Lakia et commencent avec quelques propriétés. Ils vont user de leur influence auprès du Chevalier, de la Sorcière, du Roi, de l’Abbé et de la Comtesse pour obtenir leur soutien. La règle s’explique assez facilement, sur le principe d’un deckbuilding. Que ceux qui voient poindre un Dominion-like se rassurent, le mécanisme est ici beaucoup plus simple, tout comme le nombre de cartes disponibles. C’est toutefois le principal moteur de ce jeu, et en partie celui qui m’a amené à m’intéresser à ce jeu.
Les illustrations avec des lapins crayonnés ne sont pas sans rappeler Beatrix Potter, et donne au jeu un certain charme et un parti pris graphique assez nouveau.
Enfin, n’oublions pas de mentionner les super pions “carotte” en bois, qui sont du plus bel effet. Bref, aussi bien par le thème que par sa réalisation graphique, j’ai voulu en découvrir plus sur ce jeu.
Anglophobes s’abstenir, contrairement à d’autres jeux du même éditeur, celui-ci n’est disponible qu’en anglais (règle et texte sur les cartes) à l’heure où j’écris. Rien de bien compliqué toutefois.
Dans le vif du sujet
Concrètement, les joueurs commencent avec quelques cartes en main. À leur tour ils doivent choisir une action parmi trois. Régulièrement ils vont ainsi obtenir de nouvelles cartes qu’ils placent dans leur défausse, face cachée. Les cartes jouées depuis la main atterrissent aussi dans la défausse.
À la fin de la manche, qui se produit quand un joueur passe, le plus souvent parce qu’il n’a plus de carte en main, les joueurs reprennent en main toutes les cartes de la défausse. Il n’y a donc ici aucun hasard dans la pioche. En même temps, le deck n’est jamais constitué de plus d’une dizaine de cartes.
Les cartes peuvent être utilisées de différentes manières. Elles peuvent déjà être jouées pour leur effet « plot » (ou « complot » en français) écrit dessus.
Elles peuvent également être jouées pour les icônes placées en bas. Ces icônes permettent d’influencer un Courtisan. Chaque Courtisan a trois icônes imprimées sur le bas de sa carte. Pour obtenir sa faveur, un joueur doit défausser des cartes avec les mêmes icônes. Il faut en général jouer trois cartes, mais il est possible de réduire le nombre d’icônes nécessaires grâce à l’effet d’autres cartes. En effet, si les cartes jouées ont un effet « influence » écrit dessus, il est également résolu. L’influence se résout ainsi : si le Courtisan était encore neutre, il prend parti pour le joueur.
On retourne donc la carte sur la face de la couleur du joueur. Si le Courtisan était en faveur de l’adversaire, il est alors partagé et on place la carte sur sa face violette. De plus, à chaque Courtisan est associée une pioche de cartes faces cachées (cinq en début de partie). Le joueur prend une carte, la lit et la place dans sa défausse (attention, lors de la première partie, on a le mauvais réflexe de prendre la carte en main, soyez vigilant).
Enfin, le dernier type d’action possible c’est d’utiliser la faveur d’un Courtisan qui nous soutient. Il est possible de le faire une seule fois par manche.
Le premier joueur qui passe prend la carte The Edge qui lui donnera un avantage lors du prochain tour. Son adversaire peut encore réaliser deux actions, puis c’est la fin de la manche.
La partie s’arrête à la fin de la manche où trois pioches de cartes ont été épuisées. Ce qui arrive assez vite, en général lors de la troisième ou quatrième manche. Les joueurs comptent alors leurs points. Ils marquent les points des cartes qu’ils ont dans leur deck, plus un bonus de deux points par carte mise de côté en cours de partie, plus les points des Courtisans ralliés à leur cause, plus divers bonus obtenus via les effets des cartes. Cela fait donc beaucoup de manières de marquer, rendant difficiles l’évaluation des points adverses en cours de partie.
Alors ? Lièvre ou lapin nain ?
La règle est assez simple et est rapidement assimilée. Au cours de la première manche, on est un peu perdu et le nombre d’actions possibles est assez limité puisqu’on a seulement cinq cartes en main. Mais dès la deuxième manche, le nombre de possibilités s’étoffe. Il faut notamment compter sur les effets des cartes qui permettent de rejouer des cartes placées dans la défausse, savoir optimiser ses actions d’influence en économisant les icônes nécessaires, etc. Il faut également savoir maintenir les soutiens acquis auprès des Courtisans. Et bien sûr, dans la mesure du possible, il faut garder un oeil sur ce que fait l’adversaire pour pouvoir le contrer.
Jusqu’ici, le jeu est plein de promesses. Malheureusement, la part de hasard n’est pas négligeable dans la pioche des cartes : difficile de définir une stratégie quand on ne sait pas quelle carte on va piocher lors d’une action d’influence (il n’existe aucune action pour connaître le contenu d’une pioche). Il faut donc composer au mieux en fonction des cartes obtenues. L’autre limite vient dans le type de cartes différentes. Au final, sur vingt-cinq cartes, il n’y a que cinq types différents d’action, avec pour chacune une variation par Courtisan. La richesse du jeu en pâtit forcément un peu.
Le calcul des points un peu trop évolué pour un jeu aussi simple n’aide pas non plus à se repérer en cours de partie par rapport à l’adversaire. Résultat, on joue un peu en aveugle en tentant de maximiser ses points ou de limiter ceux de l’adversaire, sans grande visibilité, ni finalement grand enthousiasme. Heureusement, la partie ne s’enlise pas car la fin arrive finalement assez vite, et on a toujours des actions à faire pendant son tour.
Mais à la fin de la partie, on range le jeu sans se lancer dans la revanche tout de suite (contrairement à 7 Wonders Duel ou Raptor par exemple pour ne citer que des jeux sortis récemment). Sans doute car le jeu ne crée pas de frustration particulière qui donne cette envie de recommencer.
Quant à ceux qui craignaient pour leurs couples, qu’ils se rassurent, dans la mesure où l’interaction reste à bonne distance (on n’est pas dans un jeu guerrier ou d’affrontement direct), tout devrait bien se passer.
Bref, je ne peux cacher une certaine déception à l’issue de la première session. Je me dis (ou plutôt j’espère) qu’au bout de quelques parties, avec une meilleure connaissance du jeu, des stratégies apparaîtront et les enjeux deviendront plus tendus. Mais dans le contexte fortement concurrentiel des jeux à deux actuel, Kune v Lakia semble partir avec un handicap.
Un jeu de Babis Giannios
Illustré par Todd Sanders
Edité par LudiCreations
Langue et traductions : Anglais
Date de sortie : 2015
De 2 à 2 joueurs
A partir de 12 ans
Durée d’une partie entre 15 et 30 minutes
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morlockbob 15/12/2015
Pas très fan du graphisme… mais au moins on ne peut pas les accuser de ne pas être originaux. Belle découverte de début de soirée en tous cas….