Pour sa nouvelle création, Mac Gerdts abandonne cette fois sa roue fétiche. Mais il ne change pas radicalement de style pour autant : sa touche personnelle est encore nettement perceptible.
En premier lieu, le mécanisme principal qu'il nous propose, une sorte de handbuilding avec une subtile gestion de reprise des cartes en main, n'est finalement pas si éloigné que ça de l'idée derrière la roue.
Si on veut ignorer un pan du jeu et répéter les mêmes actions plus souvent que la "normale", on peut le faire, mais il nous en coute : il s'agit alors de jouer la carte Tribun plus régulièrement, ce qui n'est pas 100% optimisé.
C'est donc une sorte de variante de sa roue, ma foi forte intéressante.
Le tour de jeu est en tous cas parfaitement simple : poser une carte et réaliser l'action qui y est inscrite, et, ce qui se conçoit bien s'énonçant clairement, les règles sont du coup on ne peut plus limpides.
Autre petite singularité qui signe le jeu : la carte Praefectus Magnus, conférant un avantage au dernier joueur, mais qui passe au voisin une fois utilisée (vue dans Navegador notamment).
D'une manière plus générale, comme à son habitude, l'ami Mac nous livre un titre aux petits oignons, où tout s'imbrique et est soigneusement pensé. La production, le commerce, le déplacement des colons et l'expansion, tout est savamment orchestré et recèle de nombreuses subtilités dont on essaye tant bien que mal de tirer parti.
C'est donc en partie un jeu d'optimisation où l'on peut thésauriser, passer quelques tours à faire le dos rond pour préparer un gros coup. La production de ressources "chères" est le moyen le plus évident de prospérer, néanmoins le sesterce ne fait pas le PV, et ce n'est pas la seule voie vers la victoire.
L'interaction est plutôt pas mal présente pour un jeu de gestion :
- elle est à la fois spatiale puisque c'est la course à s'installer en premier aux spots convoités
- on la retrouve également via le système de production : "offrir" des ressources aux autres, quelle horreur! (Ah, ton entrepôt est plein ? Quel dommage ! huk huk)
- on est en concurrence permanente sur les cartes supplémentaires disponibles à l'achat
- et enfin, une des actions, le Diplomate, permet de copier un autre joueur, ce qui donne lieu à des passes d'armes et des tours d'attente assez savoureux (Bon, tu le joues, ton Architecte, ou bien ?!)
Les cartes supplémentaires s'écartent peu des cartes de base, ce qui est à la fois dommage pour la variété et à la fois heureux pour l'équilibre et la cohérence globale. Leur attractivité relative en termes d'effet d'action pur ne doit pas pour autant nous faire oublier l'essentiel, qui est de scorer : malheur à qui négligera de faire des achats en accord avec son développement sur le plateau.
C'est en effet le scoring qui est le plus troublant dans Concordia. Bien malin qui peut connaître le gagnant avant le décompte final. Cette fin de partie est d'ailleurs un peu abrupte, avec des cartes en main pas jouées, et des achats de dernière seconde "juste pour les points" pas forcément dans l'esprit du jeu. Bref. L'envie de rejouer est tout de même là, pas de doute.
Au niveau du matériel, j'aime le style du plateau, vraiment très lisible même avec tous les pions qui s'y ajoutent au fur et à mesure.
C'est un "perfect", du moins si on oublie l'énorme faute de goût principale : cette illustration de boite comment dire... hideuse ?
On en rigole, mais ça n'aide certainement pas à convaincre les éventuels rétifs de se laisser tenter et une telle erreur de casting dessert forcément le jeu.
Superbe mécaniquement parlant, gagnant à être pratiqué plusieurs fois, complet sans être très complexe, interactif sans être chaotique, Concordia peut donc convenir à tout un panel de joueurs recherchant un minimum de challenge cérébral.
C'est donc une réussite notoire malgré un décompte difficile à appréhender en première(s) partie(s).