Les BD dont vous êtes le héros, c’est une collection de livres-jeux assez récente qui reprend le concept des livres dont vous êtes le héros (notre article sur le sujet), pour les appliquer à la bande dessinée. Un média peut être plus adapté aux mœurs actuelles, en terme d’accessibilité et de consomation rapide, mais surtout qui permet de démocratiser facilement le genre. En effet, avec ces formats BD, nous sommes sur des formats assez courts (compter 1h pour la première partie environ), très accessibles et adaptés à tous : enfants, ados ou adultes, la gamme compte des opus pour tous les publics.

Il est surtout à noter que ce format BD a de cela pratique que le « retour à zéro » est moins violent. En effet, sur une partie de 60/90 minutes, il est moins frustrant de « perdre » la partie et de recommencer l’histoire depuis le début, que lorsqu’on lisait nos livres dont vous êtes le héros, et qu’après 15 heures de lecture, on tombait bêtement dans un piège qui annihilait nos derniers points de vie. Un format plus court, plus rapide, du coup moins frustrant !

Sans être réellement des « jeux » comme on l’entend classiquement   (il n’y a pas de pions, de cartes, de dés, de plateau ou quoi ce que soit de matériel et ça se joue seul, pas en société) ces livres sont des aventures, et procurent des sensations proches du jeu de rôle et du jeu d’enquête, car vous choisirez des directions à prendre, des actions à faire, vous gérerez aussi un inventaire, parfois des compétences, le tout en tentant de résoudre les dilemmes qui vous sont proposés.

Pour cette raison, nous avons décidé de nous attarder sur cette collection, de les lire, les tester, les éplucher et plus si affinités, et de vous en servir un concentré afin de vous donner notre avis sur chaque opus. L’idée est de voir si cette BD pourrait vous plaire ou non, selon de multiples critères (objectifs ou moins), puisque chacune des BD, même si elles ont des bases communes, apportent des concepts différents.

Je resterai le plus flou possible dans le déroulé de l’aventure afin de ne rien vous gâcher du plaisir d’y jouer, ne vous dévoilant rien de l’intrigue – et encore moins des solutions – mais vous présentant certaines scénettes, le tout saupoudré de mon avis de lecteur-joueur.

L’idée est de traiter toute la collection, au rythme d’un ou deux article par mois, afin de la couvrir entièrement sur l’année. Vous pourrez retrouver les autres titres de la collection ici :

• Les larmes de Nuwa

Pour aujourd’hui, nous allons nous intéresser à : Mystery

De quoi ça parle ?

Chicago 2017

Dans une ville où les criminels font la loi, vous vous enrôlez au sein de la prestigieuse Légion des Combattants. Mais on ne s’improvise pas justicier ; laissez-vous guider par Mystery et ses acolytes !

Vous incarnez donc un super héros débutant, qui souhaite intégrer la mythique bande de Mystery, en combattant le mal à base de grosses baffes, de défis périlleux et d’énigmes ! Cet univers n’a pas été créé de toute pièce puisqu’il est issu de la saga Mystery, une vraie BD à part entière (3eme tome à paraître), chez le même éditeur, Makaka. Pas besoin pour autant de connaitre la BD pour attaquer cette aventure, car le pitch est simple et clair, et les personnages vont seront présentés durant l’aventure.

Alors attachez vos capes, c’est parti !

We need you ! Join the legion !

Comment ça fonctionne ?

Vous allez créer, puis gérer, un personnage possédant un certain nombre de points de pouvoirs. Ces pouvoirs sont de quatre types que l’on rencontre classiquement dans les séries de super héros : La Force, le vol, les super sens, le tas de fric (mais si, comme Batman et Iron Man).

Ces compétences commencent très bas (deux petits point à repartir comme vous le souhaitez), et vont augmenter tout au long de l’aventure, via des récompenses ou  objets trouvés. On arrivera à une douzaine de points en fin de partie.

Durant l’aventure justement, vous tenterez de gagner de l’expérience, symbolisé ici par des points de Grande Classe (GC) , qui vous permettra de gagner des niveaux, et ainsi d’avancer dans l’aventure en accédant à des lieux réservés à certains niveaux.

Notre fiche de compétence évolutive

Ces points de Grande Classe seront fluctuants durant l’aventure, car vous essayerez d’en accumuler le plus possible en sauvant des gens, mais vous pourrez être amené à en perdre, notamment lorsque vous ferez des choix non judicieux, voire ridicules. Il vous faudra donc prendre garde à ne pas trop enchaîner ces mauvais choix si vous ne voulez pas vous retrouver stagnant au niveau 1, finissant relégué à un super héros de seconde zone…

L’un des petit plus de Mystery concerne le système de QR Codes vraiment fun. Ils apparaissent sur certaines pages lorsque vous découvrez de nouveaux lieux  ou nouveaux personnages. Vous pourrez ainsi les scanner avec votre téléphone portable, et ainsi accéder à des fiches de caractéristiques complètes. Ils ont beau être complètement facultatifs, on ne veut pas jouer sans, et on prend beaucoup  plaisir à découvrir les fiches personnages des héros et vilains que l’on rencontre.

Par contre petit bémol, ces fiches sont très sympas, souvent drôles, mais comportent également en bonus un petit indice pour vous aider dans vos choix à venir. Cet indice est souvent très facilitant, et vous mâchera le travail. Si vous voulez garder un peu de tension, évitez de lire ce petit indice.

Rencontre d’un super vilain, avec le QR code à scanner pour avoir sa fiche de personnage (rédigée avec amour et humour)

Le style graphique

Graphiquement, cette bande dessinée me plait énormément. Le style colle pour moi très bien à l’univers présenté, à la fois déjanté et punchy. Les personnages ont des vrais looks de super héros. Les couleurs vives donnent beaucoup de peps à l’ensemble, et le style de Stivo permet d’animer les scènes d’action de manière à les rendre vraiment puissantes : on met des vraies tatanes dans la gueules de méchants !

D’ailleurs Stivo n’est pas seulement illustrateur de BD, on l’a déjà vu illustrer pas mal de boites de jeux, notamment le superbe Relooking de la gamme Cocktail Games Keep Cool/Comptability/Fast Fouille.

Pan, je l’ai pas vue venir celle là !

Le scénario

Coté histoire, la trame se fonde sur des poncifs à base de level up. On va gravir les échelons en se baladant à travers différents lieux de la ville, et en aidant les opprimés en les protégeant des supers vilains qui rôdent. L’histoire est basée sur 3 axes de développements :

• Une histoire principale, qui va être le fil conducteur de l’aventure, ou l’on rencontrera les membres de l’équipe. C’est ce qui nous fera réellement avancer. Cette partie se débloque par paliers selon notre niveau, et à chaque fois nous conte un nouveau pan de l’aventure, et donc de notre entrée dans l’équipe de super héros.
• La découverte des lieux de la ville, qui nous permet de faire tous types de rencontres. Là aussi, fonctionnement par paliers, certains lieux ne vous seront accessibles que plus tard dans l’histoire.
• Des mini-quêtes, que vous pourrez découvrir au fil de vos déambulations, qui vous demanderont d’intervenir ponctuellement pour répondre à un appel à l’aide de citoyens dans le besoin. Vous aurez le choix d’y aller ou d’y revenir plus tard.

MAIS, et c’est un gros « mais », ce troisième pan des mini-quêtes n’est pas présenté explicitement. En effet, il vous faudra vous même découvrir comment accéder à ces mini-quêtes, illustrées sous forme d’appels téléphonique. Si vous ne trouvez pas, dans l’histoire, l’endroit ou est expliqué comment répondre au téléphone, vous ne pourrez pas effectuer ces quêtes. Et vu le nombre de points d’expérience (GC) qu’elles apportent autant vous dire que si vous ne le découvrez pas, c’est cuit pour vous, et vous allez errer comme une âme en peine à travers la ville.

Le système des coups de téléphones, mini quêtes qui apparaissent dans certaines bulles, si tant est que vous savez comment décrocher…

L’histoire comporte quelque rebondissements plutôt sympathiques, et on s’amuse beaucoup à les découvrir. Ainsi, le monde dans lequel on va évoluer n’est peut être pas aussi figé qu’on semble le penser au début de la partie, et c’est un très bon point.

La carte du « monde » dans lequel nous pouvons évoluer à notre guise

Passé la première moitié de l’aventure, on ressent un sensible changement de difficulté. On découvre des choix plus impliquant, mais surtout des énigmes font leur apparition. C’est à la fois surprenant, sympathique et déroutant. En effet, je ne m’attendais pas à avoir des énigmes à résoudre dans Mystery, d’autant qu’elles sont plutôt retorses ! Elles sont pratiquement du niveau des aventures de Sherlock Holmes (du même scénariste, hein, ça ne s’invente pas) alors que Mystery ne s’adresse pas forcement au même public.

Ressentis de la première partie

J’attaque mon exploration par le zoo. Le labo m’est pour le moment interdit (couleur noire). Par contre, plutôt que d’aller voir les raptors, j’irai bien prendre une glace, moi !

On part rapidement à l’aventure en allant explorer les lieux à notre portée, faisant à la fois des découvertes amusantes, tentant nos premiers choix, et parfois affrontant quelques supers vilains. Et le premier ressenti sur l’aventure est que c’est terriblement drôle ! On prends beaucoup de plaisir à vivre l’aventure, on rigole, on s’amuse et on prend un plaisir fou à découvrir les conséquences de nos actions.

Vous seriez sérieusement capable de ne pas ouvrir cette porte ?!

Les choix qui nous sont offerts, en fonction de nos compétences, sont très souvent loufoques. Le petit texte qui accompagne la résolution du choix est toujours tourné de manière à nous faire rire sur la manière dont on à procédé, soit en nous félicitant, soit en nous demandant si c’était vraiment le choix le plus judicieux. On à dès lors une irrésistible envie d’aller voir les conclusions des autres options, pour voir si elles sont aussi drôles que celles que l’on a choisie (et elles le sont souvent).

Tu l’entends la petite voix en toi qui te dis « Bois ! Bois ! Bois ! Bois ! »

Et c’est assez traître, car il vous sera d’autant plus difficile de ne pas aller vérifier les autres possibilités de vos choix que l’histoire va s’avérer très linéaire. En effet, on sent assez rapidement qu’on ne fera l’histoire qu’une fois, et donc à chaque choix, on est tenté d’aller voir ce qu’aurait donné les autres possibilités, juste pour ne pas passer à coté d’un moment croustillant. D’un côté, dela dessert un peu le mécanisme de choix des livres dont vous êtes le héros et la rejouabilité qui y est associée, mais il serait dommage de s’en priver tant les choix sont tous drôles et qu’on a envie de les découvrir.

On et donc en face d’un scénario plutôt fermé, dans lequel vous avez le choix de l’ordre dans lequel vous allez voyager, mais cela n’aura aucun impact sur la suite de l’aventure. Vous roulez en « ligne droite », si l’on peut dire. En effet, pas de multiples aventures, pas de multiples fin, pas de morts prématurées, vous êtes encadré. Tous les choix rencontrés vont s’avérer plutôt mineurs, et détermineront uniquement le gain de Grande Classe que vous allez obtenir (ou perdre), et qui n’aura de conséquence réelle qu’une heure plus tard, au moment de faire les comptes des points cumulés… Pire, les choix qui semblent les plus drôles seront très souvent ceux qui vous feront perdre des points (alors qu’on a vraiment envie de les essayer).

La BD s’avère ainsi plutôt simple, sans pièges gratuits ou méchants, et s’adresserait donc à un public qui n’a pas envie de recommencer en boucle l’aventure, mais plutôt de lire une bonne BD avec un peu de choix pour agrémenter le tout. Néanmoins l’aventure est plaisante, et on a envie d’avancer dedans.

Utiliser votre compétence vol. Ah ouais nan mais je voulais pas dire ça, en fait !

Passons au point fort de la BD : tout le long de l’aventure, vos décisions seront au moins aussi importantes que vos caractéristiques. Si vous décidez d’utiliser la mauvaise compétence au mauvais moment, vous aurez beau y exceller, elle vous sera inutile. Et c’est très malin, car il vous faudra bien réfléchir à quelle compétence utiliser au bon moment. Ces choix restent quand même la plupart du temps plutôt évidents, ne rendant stressant que ceux basés sur le hasard pur – où aucun retour en arrière possible bien sûr – qui sont plutôt rares, et c’est tant mieux.

Le fait de réussir ou pas dans l’aventure va finalement dépendre de ces paliers de niveau à atteindre. Si vous vous débrouillez bien, vous allez cumuler assez de Grande Classe pour passer au niveau supérieur quand le moment sera venu. Par contre, et c’est très fourbe, si vous enchaînez plusieurs échecs, rien ne va vous stipuler que vous êtes en train de perdre. C’est seulement après plusieurs quêtes que vous allez finir par tourner en rond sans savoir quoi faire, car vous n’aurez pas l’expérience nécessaire pour accéder au niveau supérieur, et donc aux nouvelles quêtes. Vous errerez donc entre les différents lieux, à la recherche de quêtes que vous auriez raté, vous permettant de gagner les points nécessaires. Mais ce sentiment d’être perdu sans but est très frustrant, et c’est après avoir passé beaucoup de temps à tourner en rond que vous ne pourrez que vous résigner à abandonner la partie. Et c’est un pan de la BD qui m’a pas mal déçu. On à beau être dans une aventure facile, ou les choix sont censés être mineurs, le jeu nous met parfois en situation d’échec, en nous laissant aux fraises, sans nous aiguiller dans la bonne direction. C’est un point assez dérangeant car en opposition avec le fait que tout est fait pour laisser peu de libertés aux joueurs; car on se retrouve parfois vraiment dans des impasses, où l’on à envie d’arrêter le bouquin.

L’un des systèmes de paliers qui limite mes déplacements

Fin de la partie…

Au final l’aventure est plutôt longue. J’ai passé de nombreuses heures à remplir toutes les missions rencontrées, et à faire de nombreux aller retours entre différents endroits pour résoudre certaines énigmes du jeu.

Petite pirouette à la fin ou l’auteur nous invite à re-farfouiller à travers toute la BD pour retrouver des endroits qui à l’époque nous étaient inaccessibles, pour y trouver de nouveaux éléments. Ça fait un peu tiré du chapeau, on ne prend pas tellement plaisir à refouiller tout le bouquin pour ça, surtout que cette recherche est assez laborieuse, d’autant que si on en rate ne serait-ce qu’un seul, on ne peut pas finir l’aventure, et on feuillette la BD en rageant.

La fin de l’aventure est également assez décevante, car elle nous ramène à la série de BD traditionnelle évoquée plus haut dans cette colonne, et pour les gens qui ne la suivent pas, cela tombe pas mal à plat. Du coup, on a un peu une impression d’incitation à l’achat déplacée. Rien n’évoque les BD durant toute l’aventure, et c’est dommage de voir ça arriver en conclusion de l’expérience. Là ou on aurait aimé une page de félicitations et de bilan, on a une page de « to be continued » mais pas sur un autre livre dont vous êtes les héros (comme peuvent l’être les chevaliers). Donc, la fin m’a semblé décevante, me laissant en bouche le goût amer d’une aventure qui débutait sur les chapeaux de roue.

Bon, est ce que je ferais pas demi-tour là ?

Deuxième partie ? Ou pas…

Comme je m’en doutais, pas de deuxième partie pour moi. Non pas parce que je n’en avais pas envie, mais parce que j’ai complètement exploré la BD dès mon premier passage. Pas d’épreuves à retenter, pas de morceau ratés, je l’ai terminée avec le plus haut score possible.

Il faut donc vraiment prendre cette BD dont vous êtes le héros non pas vraiment comme une aventure ou tout peut arriver, mais plutôt comme un tome d’une BD classique, où tout est écrit à l’avance, mais où vous décidez des succès ou échecs du héros. C’est plus limité que ce que l’on attend de ce genre de format, mais pour une BD interactive, cela reste très efficace !

La seule fin alternative de l’histoire, dans le cas ou vous avez été vraiment mauvais.

Ma conclusion sur la BD

Je suis assez partagé sur cet opus. 

L’aventure a un début très efficace, avec un thème qui me plait vraiment, un style graphique cohérent, et surtout une histoire vraiment drôle. Mais plus l’aventure avançait, plus j’ai trouvé la mécanique ludique assez pauvre. Les choix s’avèrent un peu trop limités, et le système de palier d’expérience à atteindre n’est pas vraiment pertinent car on peut rester bloqué sans savoir quoi faire, générant pas mal de frustration.

L’aventure connait toute fois quelques rebondissements intéressants, et des choix toujours amusants à faire, tout en racontant une histoire plutôt sympa.

Je recommande donc Mystery plutôt aux personnes qui veulent découvrir une histoire avec de multiples petites interactions, plutôt qu’au lecteurs avides de challenges sans filets, puisque la BD vous accompagnera tout le long de l’aventure, évitant ainsi les fins prématurées et les frustrations trop grandes (comme pouvait l’être Les larmes de Nuwa à l’inverse). Un public peut être plus jeune, moins orienté « gamers », mais qui a envie de découvrir une BD résolument différente de ce que l’on voit habituellement.

Vis ma vie de super héro au quotidien

Points positifs :

• Terriblement drôle.
• Des graphismes au top.
• Les QR codes qui aident à immersion avec des petits ajours sympas.
• Des twists intéressants en cours d’aventure.

Points négatifs :

• La sensation de blocage avec des paliers à atteindre, avec réelle possibilité de blocage.
• Aventure limitée, une seule histoire à suivre, pas de fin alternatives.
• Les indices des QR codes un peu trop facilitants, alors que le jeu est déjà plutôt facile.
• La fin décevante.

L’avis de ma femme !

Afin de parfaire l’analyse, j’ai proposé à ma femme de lire également la BD et de donner son avis. Cela permet d’avoir deuxième un point de vue différent sur cette aventure. Voici donc l’avis plus concis de ma femme :

Un thème super sympa, prometteur, des graphismes agréables. Une bonne expérience en perspective, et ce fut le cas au départ mais je me suis vite retrouvée coincée au niveau 2 à tourner dans tous les sens, à revenir sur mes pas pour augmenter mon niveau? J’ai fini par abandonner après avoir fait tous les choix possibles, tout ça pour avoir loupé un petit détail sur une page. Il faudrait maintenant que je recommence le livre depuis le début.

La prochaine chronique portera sur : Zombies

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