Yokohama : Une salade de points sauce soja ?
Yokohama est un jeu japonais « à l’allemande » de Hisashi Hayashi, un peu comme Iki, que j’avais beaucoup apprécié par son côté très épuré (oui même les graphismes). Il est passé dans les mains expertes de l’équipe du Diamant d’or, il a même fini sur le podium après Great Western et Terraforming Mars. Ayant des accointances ludiques avec ce prix, j’ai donc fini par me dégoter une boîte pour voir de quoi il en retournait. Yokohama est un jeu de gestion de ressources et d’optimisation avec du placement d’ouvriers.
L’économie à l’ère Meiji
L’ouverture économique du Japon vers l’étranger a transformé un petit village portuaire en plaque tournante du commerce. Nous sommes tous des marchands et le meilleur d’entre nous sera récompensé. Nous allons surtout faire des points de victoire en construisant nos magasins, en réalisant des contrats, en se plaçant à l’église ou aux douanes et grâce aux cartes technologies, bref on va manger une bonne salade de points sauce soja !
Tatami-se en place
Le jeu occupe un espace conséquent : on dispose les tuiles comme suit (au hasard), et chaque tuile lieu pourra être visitée par le Président d’un joueur pour y réaliser l’action correspondante.
On place aussi 3 cartes de scoring A B C. Sur le plateau « Port », les cartes contrats, sur le plateau « Technologie », les cartes technologies. Emballez, c’est pesé.
Pour chaque joueur, ses ressources de départ, 3 yens, son Président et ses assistants, ainsi que son plateau joueur avec sa réserve d’assistants et ses bâtiments, pas encore disponibles. On est prêt à jouer.
Des mécanismes industrieux
Les mécanismes de Yokohama sont ultra simples : à notre tour, soit on dispose 3 assistants sur 3 tuiles « lieux » différentes, soit on en met 2 sur une seule et même tuile.
Puis, on déplace son Président sur une des tuiles et on réalise l’action de la tuile selon le nombre d’assistants de notre couleur présents + nos constructions, si l’on en a.
Si l’on a dépassé une force de 4 ou de 5 (1 par employé, 1 par Président, 1 par construction), on peut justement construire un bâtiment et le déposer sur la tuile lieu et prendre, en plus, la récompense (en points de victoire ou actions bonus).
Tous les joueurs pourront construire un Magasin sur chaque tuile. Par contre, il n’y a de la place que pour un seul Centre de commerce. Mais pour construire un Centre de commerce sur une tuile il faudra déjà avoir construit un magasin.
Si l’on a réussi à totaliser une force de 5, on peut s’accaparer le jeton bonus et il n’y en a qu’un seul par lieu.
À la fin de notre tour, on reprend les assistants qui ont été activés.
Il y a tout de même quelques contraintes : tout d’abord, on ne peut pas se déplacer sur une tuile ou un Président adverse est présent.
Ensuite, si on souhaite placer un assistant sur une tuile lieu où est présent un Président adverse, on donne un yen au joueur.
Enfin, pour déplacer son Président, on peut aller n’importe où, mais à condition que le trajet forme un chemin d’assistants. Si pour aller sur une tuile lieu, on doit passer par une tuile ou est présent un président adverse, on doit lui payer un yen.
On peut aussi réaliser des actions avant et après notre tour, comme demander l’aide d’un Agent étranger (une fois par tour) ou réaliser des cartes Contrats.
On peut aussi placer un de nos assistants sur une des cartes A – B – C que nous avons disposées au départ. Ce sont des cartes d’objectif ; il nous suffit d’avoir le prérequis (on ne dépense pas les ressources). Dans ce cas, on y place notre assistant ; tout le monde pourra le faire mais le premier empoche un bonus de 2 points de victoire.
Les actions nous permettent de récupérer des ressources, de poissons, de thé, de cuivre ou de soie. La banque permet d’aller chercher de l’argent. Une autre tuile (le pole emploi ^^) nous permet d’engager de nouveaux assistants (que l’on enlève de notre plateau pour les rendre disponibles), ou un magasin, mais il faudra payer deux yens ou un Centre de commerce mais il faudra payer 4 pour le premier, 5 pour le suivant, etc.
Le port nous permet de prendre une carte Contrat selon la force de notre action, c’est-à-dire qu’avec une force de 2 on n’aura accès qu’au deux premières cartes, avec une force de 5 on pourra prendre n’importe quelle carte. Si on paye deux yens ou une caisse d’importation*, on peut en sus prendre une autre carte Contrat.
*Les caisses d’importations sont gagnées principalement quand on commerce avec l’étranger, sur certaines cartes contrats. Eh oui le commerce c’est un échange de marchandises.
Les cartes Contrat peuvent être réalisés avant ou après son tour, et on gagne les points de victoire imprimés, ainsi que les bonus de la carte — souvent des caisses d’importation, parfois des pièces.
D’autres fois, elles nous offrent la possibilité de placer des assistants sur des tuiles lieux ou d’engager de nouveaux assistants. Sur chaque carte Contrat est présent une icône de pays, parmi 5 (USA, Royaume Uni, Hollande, Allemagne et France).
Cette icône est importante car c’est un des moteurs de points de victoire. Sous forme de collection, cette fois-ci : pour une série de 5 cartes différentes, on marque 12 points de victoire, mais une seule ne me rapporte rien du tout. Plus je fais de séries, plus je fais de points.
Mais en réalisant deux cartes d’un même pays je gagne son agent étranger ; je peux dorénavant l’utiliser pour réaliser une action comme si mon Président y était. Il est possible d’effectuer deux actions dans un même tour (en revanche, l’agent étranger n’apporte pas de force et est un bonus d’une seule fois).
Révolution industrielle
Le laboratoire, fonctionne aussi selon la force de nos assistants et bâtiments présents, mais on peut l’augmenter de 1 pour chaque caisse d’importation et/ou 2 yens. Cela pour acquérir des cartes technologies. Notez qu’il y a un surcoût de 1 ou de 2 pour les cartes les plus récentes.
Celles-ci me donnent des capacités, par exemple le journal me permet de placer 4 assistants (au lieu de 3) par tour à des endroits différents. Le système postal, lui, me permet de me placer là où un Président adverse est présent.
Elles comportent aussi les icônes de pays et il faudra aussi les acheter en intégrant ce paramètre.
Enfin l’église et les douanes me permettent de placer des assistants à ma couleur pour marquer des points de victoire. Pour les douanes, c’est selon le nombre de caisses d’importation que nous allons dépenser (et on les gagne principalement en réalisant des contrats).
En ce qui concerne le plateau de l’église, chaque point de force permet de gagner de la foi. Plus on a de points de foi, plus on peut placer son assistant sur une case lucrative (mais, rappelez-vous, toujours un par case !). Cela dit, on pourrait augmenter ses points de foi en dépensant des ressources (+1 point de foi pour chaque ressource dépensée différente).
L’église et les douanes rapporteront des points aux deux joueurs qui auront placé le plus de leur assistants.
La fin du jeu se déclenche quand une des conditions suivantes est validée :
- Il n’y a plus aucune carte Contrat dans la pioche ;
- Un joueur a construit tous ses magasins ;
- Un joueur a construit toutes ses maisons de commerce ;
- Les places à l’église ou aux douanes sont prises (5 à 2 joueurs).
On termine le tour en cours, on en réalise un de plus, et on fait le décompte total pour l’église, les douanes, les cartes technologies, ainsi que les symboles étrangers, les agents étrangers non utilisés nous rapportent un point, et les ressources restantes aussi (3 pour un).
Dans le port de Yokohama y a des des neurones qui brûlent !
Mécaniquement, Yokohama est plutôt abordable dans son style. On peut se concentrer sur le jeu, il faut peser chaque choix. On réfléchit à long terme en plaçant nos assistants pour des tours futurs. En construisant son Centre de commerce on ramasse quelques points de victoire, mais aussi un yen de la banque chaque fois qu’un joueur vient faire l’action de la tuile, et cette source de revenu peut faire la différence. Les cartes A B C, quant à elles, peuvent diriger un peu la partie : faire 8 points en ayant dans sa réserve 8 poissons, par exemple, n’est absolument pas négligeable, cela demande juste de laisser en suspens des cartes contrats.
Yokohama est un jeu où l’on calcule beaucoup : l’interaction est indirecte, certes, mais n’en reste pas moins forte, ne serait-ce que par la contrainte de placement. Petit frisson sur le dernier tour : je voulais aller chercher deux cartes Contrat et je me suis rendu compte que si le Président adverse se plaçait sur l’action du port, il allait m’empêcher de le faire… Gloups ! C’est une interaction indirecte qui m’a fait penser à Hansa Teutonica : on se place pour gêner, pour obliger le joueur à vous donner une pièce ou à changer son action.
Le jeu est véritablement ouvert (on vous recommande l’article sur le degré d’ouverture d’un jeu si le terme vous intrigue). C’est une vraie salade de points, mais le total me semble équilibré : notre partie à deux joueurs s’est terminée à deux points d’écart et chacun de nous a adopté une stratégie réellement différente de l’autre. Le jeu propose aussi des combos, mais pas de la combo en cascade, ici c’est léger (ou subtil ?), en réalisant une carte Contrat on pourra déposer deux assistants sur une autre tuile, et se préparer un prochain tour intéressant. C’est en gérant bien ces enchaînements que l’on peut faire la différence.
Sous des dehors austères, Yokohama a malgré tout son charme, même si on aimerait des pions en 3D un peu plus classieux, surtout pour les bâtiments, car la lisibilité en pâtit et est parfois brouillonne. La rejouabilité est assurée par la disposition de départ aléatoire. Pour rappel, cela comprend les tuiles, les bonus de pouvoir, les cartes construction, les contrats, les cartes technologies… Rien que ça !
Yokohama est un jeu qui plaira certainement aux adeptes de l’optimisation, à ceux qui adorent la gestion de ressources. Contrairement à ce que je pensais, une partie est assez rapide pour un jeu du genre ; comptez 1h30 à deux joueurs pour une première partie !
Hisashi Hayashi est un auteur ingénieux qui avait déjà fait souffler un vent frais sur le deckbuilding avec Trains. Avec Yokohama, il réussit à reprendre et mélanger des mécanismes de manière épurée et élégante avec talent.
Les articles d’Atom tous ensemble réunis
L’auteur de Yokohama revisite le deckbuilding avec Trains vu par Umberling
Un jeu japonais à l’allemande ? > Koota Yamada réinvente la roue avec Iki vu par Eolean
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motlockbob 26/09/2017
l article tombe pile au moment où je m intéresse à nouveau a ce jeu. A voir la tête de la vf…il était si beau en de luxeTheGoodTheBadAndTheMeeple 26/09/2017
oui mais quand meme les graphismes… Insortable comme jeu. On attendra le version jolie qui ne manquera pas de sortir si le jeu est si bon que tu le dis.
atom 26/09/2017
Alors le pire c’est que la version américaine est belle a coté de la version japonaise, on a gagné en iconographie, c’est un peu moins brouillon.
TheGoodTheBadAndTheMeeple 27/09/2017
ça fait peur…
atom 27/09/2017
Tu sais ça fait comme Concordia, d’abord tu trouves ça laid, puis tu t’habitues, et tu finis par lui trouver un certain charme.
kogaratsu 26/09/2017
ce jeu est une bombe ! bientôt dans ma boite aux lettres…en VF je précise.
6gale 26/09/2017
Mon coup de cœur 2017 ! Rien que ça 😉
Meilleur que Round House et Iki réunis, c’est dire…
eolean 27/09/2017
L’année dernière la version japonaise était sold out le jeudi à 11h ! Alors cette fois j’espère bien le ramener dans ma besace 🙂 Les retours sont excellents, merci pour ce JP qui tombe à point nommé 🙂
atom 27/09/2017
Si je peux me permettre je te conseille de passer par Spiel Material et de t’acheter quelques bâtiments pour chaque couleur.