Wondrous Creatures : Quand Ark Nova rencontre Pokémon

Wondrous Creatures, une création de Yeom.C.W, un jeu édité par Bad Comet, une maison d’édition coréenne connue pour Wild Serengeti et d’autres titres sur le monde animal. Il a su captiver plus de 3700 contributeurs sur Kickstarter, récoltant ainsi 308 157 $. Super Meeple l’a localisé en français, on en parlait dans cette news. Il se présente comme un jeu de cartes à combos où l’on construit une réserve (d’où la référence à Ark Nova du titre) avec des créatures merveilleuses (l’invocation de Pokémon). Cela serait réducteur, car Wondrous Créatures a d’autres atouts, et comparaison n’est pas (toujours) raison.

 

 

Un grimoire mystérieux 

La boîte de Wondrous Creatures se présente comme un gros livre ancien que l’on aurait trouvé dans une bibliothèque poussiéreuse, la première de couverture exposant des créatures imaginaires merveilleuses, un chat papillon, une méduse poisson, un perroquet qui arbore une crête colorée et fleurie. Ouvrons la boîte et partons à la découverte de ces créatures mystiques.

Wondrous Creatures propose une mécanique de pose d’ouvriers plutôt “originale” avec des combos de cartes et de collection, afin de remporter des trophées. La fin de partie survient quand tous les trophées ont été remportés par les joueurs.

 

Les nombreux objectifs et les trophées

 

La structure du jeu est simple, nous avons une action à réaliser parmi quatre avant de passer au joueur suivant, collecter des ressources, jouer des cartes, réclamer un trophée ou récupérer ses trois meeples sur le plateau.

Nos meeples explorateurs sont placés sur l’île afin de collecter des ressources. Trop grands pour une seule case ? Non, ce n’est pas une erreur, comme l’a cru l’un des joueurs à ma table :). Ces meeples sont placés sur deux cases et permettent de ramasser toutes les ressources autour de lui. Au lieu de gagner une ressource, on peut aussi choisir dans la rivière (appelée terres sauvages) une carte qui correspond au biome.

Ces ressources sont dépensées afin de réaliser une à deux cartes que l’on a en main, ainsi que leurs effets immédiats ou de longs termes, pour construire notre tableau de cartes qui représente notre moteur de jeu. Ces cartes ont des icônes ou badges (mammifères, crustacés, insectes, dragons, etc) que l’on va collectionner dans le but de gagner des trophées, on va y revenir. 

 

le plateau commun

 

La troisième action consiste à réclamer un des trophées et y placer un de ses marqueurs, on y gagne un bonus (comme sur Ark Nova), et le premier trophée nous permet de débloquer notre capitaine et son super pouvoir pour le reste de la partie. Ce qui nous pousse à le débloquer au plus vite, nous donnant une stratégie de départ quand on choisit sa main de cartes en début de partie.

Chaque capitaine a un pouvoir plus ou moins fort, je ne rentrerais pas dans le débat de leur équilibre, mais il est vrai que certains semblent plus intéressants que d’autres sur le papier. On a surtout regretté qu’ils soient un peu “sages”, on aurait aimé un peu plus de folie. Peut-être sera -t-elle apportée par les extensions qui seront traduites en français (Pack Explorateurs et Gargantua).

Les capitaines

 

Enfin, la dernière action nous permet de récupérer nos trois ouvriers sur le plateau, mais pas seulement, car certaines cartes ont des capacités spéciales de Recharge et nous permettent de gagner des points de victoire, des ressources, etc. Une des façons de gérer notre moteur de jeu.

Voilà un résumé succinct de ce que l’on fait dans Wondrous Creatures. Les actions sont simples et les tours relativement fluides et surtout gratifiants, on ne gagne jamais une seule ressource, mais deux, trois, voire quatre si on se débrouille bien, et même parfois le bonus des œufs. De même, aller chercher une carte plutôt qu’une ressource consiste à nous laisser un choix important à arbitrer, et il vaut mieux calculer pour ne pas manquer de champignon lors de son prochain tour, car réaliser une seule carte (au lieu de deux) donne l’impression d’avoir raté sa vie son tour.

 

 

Une omelette de bonnes idées 🙂 

Le jeu regorge de bonnes idées, par exemple en avançant sur la piste de score, on récupère des bonus, filets à papillons, ou biomes que l’on rajoute sur le terrain, donnant un peu de vie au jeu et des “spots” plus intéressants. Ces filets à papillons permettent pendant la pose de son ouvrier de collecter des ressources en plus, déclencher des effets, ou gagner des œufs quand on les utilise, augmentant encore l’espace de décision.

Ah, les œufs, quelle bonne idée dans le gameplay ! Comme je l’ai déjà mentionné, tout le jeu consiste en une course au trophée, avoir 3, 5 ou 7 symboles de poisson, par exemple.

 

 

Ce qui va me pousser à “construire” des cartes autant pour leurs effets que pour leurs familles, afin de gagner les trophées et les points de victoire qui vont avec. Les œufs vont pouvoir être dépensés (retournés) afin de compter comme un symbole supplémentaire. Mais il existe d’autres mécaniques avec ces œufs, et l’on peut les retourner côté actif, pour répondre par exemple à la demande du trophée d’en avoir 8 côté actifs. Le petit souci de ces effets de course, c’est qu’en avançant on va avoir tendance à les choisir pour leurs icônes plus que pour leurs effets.

 

Plateau personnel

 

Des combos à gogo 

Concernant les cartes, on est en terrain connu. On retrouve les effets de fin de partie, les effets immédiats, les effets d’activation ou les effets de recharge. Elles sont assez nombreuses pour offrir un peu de rejouabilité/variabilité et superbement illustrées par Sophia Kang pour nous donner la sensation d’avoir capturé des créatures imaginaires, même si en réalité on oublie un peu cela et l’on est surtout concentré sur la collection. Levez les yeux, profitez de cette nature luxuriante, la vie ce n’est pas que des points de victoire bon sang ! 

Il vaut mieux ne pas trop s’attacher aux cartes dans la rivière, car plusieurs coups de balai permettent de les remplacer, parfois à l’initiative d’un joueur, mais aussi au moment des recharges. Cette île se caractérise par son impermanence, tout bouge un peu vite, trop si vous aimez planifier, il vaut mieux le savoir.

 

 

On ne peut pas dire que l’interaction n’existe pas, mais elle n’est jamais frontale, et consiste surtout dans le placement sur l’île pour récupérer des ressources ou des œufs, et il n’est pas rare que l’on couine un peu parce que le “spot” que l’on visait a disparu. Mais, en général, on trouve un moyen de s’adapter. Par exemple, on peut placer notre meeple sur une montagne, cela nous coûte une ressource (de notre choix) mais parfois ça vaut le coup. On apprécie aussi le fait que le terrain évolue le long de la partie. Pour ces raisons, je le conseille fortement à deux ou trois joueurs.

 

 

La course aux objectifs nous pousse à nous surveiller constamment, resté focalisé uniquement sur son jeu est un risque de se voir damer le pion sur les trophées. Attention aussi de bien surveiller la fin de la partie, car le jeu peut s’accélérer d’un coup et ce que vous aviez planifié peut tomber à l’eau. Avec un public plus familial, cette fin de partie peut tarder à arriver. C’est le problème des jeux de course, où si les joueurs n’avancent pas sur les objectifs, celle-ci va traîner en longueur. Ici l’auteur y a pensé : au bout d’un certain nombre de tours on élimine des trophées. Nous, on est arrivé au bout du jeu bien avant dans nos sessions.

Il vaut mieux choisir ses batailles et analyser finement le setup au départ. Le jeu est plutôt opportuniste, il vaut mieux le savoir, il demande à s’adapter aux cartes dans la rivière, le placement des adversaires, etc. Au moment du décompte, aux points sur la piste de score, on ajoute, les trophées glanés, les points sur les cartes, celles de fin de partie. Une salade de points un peu roborative (comme souvent dans les salades de points et c’est d’ailleurs un des sujets de notre podcast à venir, j’espère qu’il vous plaira).

 

Tableau de cartes une fois la partie bien avancée.

 

Le chaînon manquant

J’ai utilisé la comparaison avec Ark Nova pour son thème, plus que pour sa mécanique. Évidemment, Ark Nova est beaucoup plus serré que Wondrous Creatures, qui permet plus de liberté et correspond moins à ceux qui aiment les jeux tendus. Cela m’a fait penser à Everdell ou à Farshore (bien meilleur à mes yeux : notre article), mais les deux titres de Starling Games sont plus raides : on peut manquer d’une ressource pour mener à bien l’action désirée.

Ce qui n’est pas le cas de Wondrous Creatures, l’auteur propose un game design expert, il ne faut pas s’attendre à le jouer en famille, il faut quand même avoir des bases de jeux de cartes à combo. Néanmoins, on est dans une forme d’opulence, d’abondance, on manque rarement de ressources, la tension est surtout dans le tempo et la course finalement. Le fait de pouvoir jouer deux cartes est assez signifiant, il n’est pas rare que l’une permette de remporter la ressource qui nous manquait pour réaliser l’autre et cela colle avec le côté satisfaisant. 

 

 

Je le vois comme un chaînon manquant entre le jeu familial et le jeu expert. Le jeu parfait si vous voulez jouer à des jeux experts avec vos enfants (qui seront conquis par le côté mignon du jeu), mais seulement s’ils sont prêts à rester plus d’une heure à la table. D’autant que l’édition est somptueuse, on est dans du produit deluxe. Il séduit aussi les joueurs experts qui vont se laisser entraîner par les combos, mais qui se poseront la question de l’équilibre des capitaines ou de certaines cartes. À mes yeux, Wondrous Creatures réussit ce grand écart.

La règle comprend 30 pages, mais à vrai dire, elle s’adapte à un public non connaisseur, car tout est vraiment expliqué dans le moindre détail pour ne pas perdre le joueur occasionnel qui se serait aventuré là sans bagages :). 

À la maison j’ai deux profils, mon grand (15 ans) joueur émérite d‘Ark Nova qui ne rechigne pas à jouer à des jeux de deux heures, qui s’est retrouvé comme un poisson dans l’eau et a vite compris le jeu et les combos, et ma fille (12 ans) qui a beaucoup plus de mal à rester plus d’une heure à table (sauf si le jeu est intéressant dit-elle). Wondrous Creatures est un poil trop long, avec elle je serais tenté de faire commencer les joueurs avec leurs capitaines, et réduire le nombre de trophées.

Je ne savais pas trop à quoi m’attendre avec Wondrous Creatures. Je regrette un peu que le thème s’efface rapidement pour de la pure collection de badges. Si la première partie m’a laissé un petit gout de déjà vu, sur les parties suivantes, je me suis laissé emporter par son rythme, et j’y retrouve des sensations de jeux de cartes à combo, assez nerveux avec une profondeur certaine quand on connait les cartes. 

Wondrous Creatures combine de la pose d’ouvriers et de la construction de moteur. Ce n’est peut-être pas très original, mais c’est bien pensé et ça regorge de bonnes idées qui incitent à prendre des décisions, l’univers est captivant, ces créatures ont du charme. Une bonne surprise qui, chez moi, remplace avantageusement Everdell ou Farshore.

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