Whistle Stop et Mountains : le train sifflera deux fois
Deux jeux de Bézier Games (Suburbia, Castle of Mad Ludwig). Deux jeux qui, s’ils ne se partagent pas le même univers, parlent néanmoins de construction: un réseau ferroviaire pour l’un, et un chantier peuplé de machines (voire de machines volantes) pour l’autre. Outre ce Sifflet (whistle), ces deux titres ont des points communs, reprenant certaines mécaniques que nous citerons un peu plus loin dans l’article. Si l’ensemble reste classique : prise de ressources, pose d’ouvriers, déplacement, asymétrie… de nombreux détails viendront vous rappeler à l’ordre si vous ne voulez pas vous faire surprendre lors du décompte. Mais surtout, c’est l’interaction importante dont il faudra tenir compte pour récolter des points et, bien sûr, bloquer vos adversaires qui est le point fort de ces deux titres. Ce qui n’est pas toujours le cas dans des jeux d’optimisation.
Whistle Mountain s’adresse à des joueurs plus experts, tandis que Whistle Stop lorgnera du côté initié, familial avec un peu de pratique. À vous de choisir, le train ou l’aéronef ? Ou pourquoi pas, les deux ?
Perdu au milieu des Rocheuses, cet endroit pourrait inspirer à la rêverie. On pourrait y planter sa tente et regarder les étoiles. Mais non, il y de quoi construire, et en tant que chef d’entreprise, il n’y a pas à hésiter, et ce, malgré les risques encourus. Les aéronefs de votre flotte pourront transporter des ressources, amener des machines sur le site. Les ouvriers pourront activer les technologies, gérer les améliorations. Et si l’eau monte ? Quoi, on ne vous a pas parlé de la fonte des neiges ?
Whistle Mountain, de Scott Caputoe et Luke Laurie, est un jeu de pose d’ouvriers. Il faudra chercher des ressources, les échanger contre des tuiles technologies, activer les machines en se plaçant judicieusement, améliorer son équipement… Sur une grille joliment illustrée, vous aurez à placer vos échafaudages (des polyominos avec divers logos), et positionner à côté de l’un d’eux votre aérostat, vous faisant ainsi gagner des ressources (récolter). Vous pouvez aussi choisir d’envoyer votre montgolfière à quai (sur les bords du plateau) pour acheter des machines/tuiles technologies, ou effectuer des effets comme piocher des cartes spéciales, sauver de la noyade vos ouvriers (nous y reviendrons), acquérir des échafaudages ou des améliorations. Les ressources sont stockées sur votre plateau personnel, il faut donc en gérer le volume. C’est là aussi qu’on placera sa compétence de départ (prendre deux ressources au lieu d’une…).
Les règles sont claires (ou alors vous pouvez regarder la ludochrono), et il y a peu d’actions à son tour. Deux possibilités : récolter des ressources ou travailler : construire et bouger un ouvrier. Les machines ont des tailles différentes qui coûtent et rapportent plus selon leur grandeur, elles sont vos objectifs, même si elles peuvent être utilisées par les autres. C’est en posant échafaudages et tuiles machines que l’on va faire évoluer le décor qui se crée sous nos yeux et promouvoir les ouvriers présents vers la zone des trophées. Mais construire et récolter à un effet plus néfaste: initier la fonte des neiges. On ajoute une plaquette eau sur le décor, tout ce qui est dessous est inutilisable et les ouvriers sont engloutis par les tourbillons. Rappelez-vous que vous pouvez les sauver. Il vaut mieux d’ailleurs, ils ne sont pas très corporate et vous donnent des malus. Difficile de faire marche arrière, surtout que les points sont plus importants vers le haut, vers la montagne. Quand un joueur n’a plus de meeples, la partie s’achève.
Le sifflet des copains ou la montagne hallucinée ?
Couverture peu évocatrice, plateau qui a du mal à cacher sa grille excel, polyominos et points de victoire en forme d’étoiles disco, on a du mal à savoir où ce jeu veut nous emmener avec ses meeples et ses dirigeables en 3D. Il faut poser des tuiles échafaudages (à la Tetris) pour marquer des points en jouant sur l’adjacence dans le but de construire des tuiles technologies/bâtiments qui rapportent (et servent pour la suite). L’intérêt est de bien se positionner pour récupérer les ressources de ces tuiles, afin d’acheter des cartes à effets, des polyominos, technologies et améliorations. Le plateau personnel est bien fait, accueillant les ressources et lesdites améliorations en forme d’engrenage. Le gadget, qui fait son effet, est celui de ces plaquettes « niveau d’eau qui monte » recouvrant les tuiles déjà posées, les rendant inutiles et noyant par la même occasion les ouvriers.
Le jeu démarre tranquillement et arrive à être amusant. Bien se placer, construire et toucher quelques ressources est plaisant. Les cartes à effets sont importantes (autant que les cartes Intrigue dans Dune par exemple), elles peuvent donner un côté aléatoire au jeu qui est agréable. Peu à peu, le jeu se complexifie, les enchaînements de pose se multiplient, combos, blocage… Le jeu ne s’arrête pas là, des plaquettes « eau » viennent, et cela peut être une stratégie, recouvrir et annuler les tuiles posées. Le jeu se complexifie un peu plus, devient répétitif, calculatoire, abstrait et beaucoup moins amusant. On ne lui reprochera pas d’avoir réussi à créer une courbe de tension dynamique où il faut veiller à ne pas perdre ses meeples tout en continuant à construire et bloquer les autres, je regrette juste cette bascule où l’amusement fait place à de l’expert pur jus pour comptable ludique.
Whistle stop fait suite à Whistle Moutain, du moins en VF car en réalité il est sorti avant, en 2017. On retrouve l’un des deux auteurs, Scott Caputo. En y jouant, on verra assez vite les emprunts de la montagne sur le réseau ferroviaire (les améliorations à acheter, les bonus de traversée pour les meeples, l’avancée permanente sur le plateau, les ressources comme les sifflets). Les deux jeux sont pourtant différents de par leur niveau de difficulté.
Aussi sobre que sa couverture, le plateau affiche un… vide de départ (un cadre et quelques hexagones). Et des locomotives qui doivent traverser cette étendue en posant des rails (hexagones) afin de rejoindre l’Ouest (l’autre bout du plateau) pour valider des objectifs Ville. Pour avancer, il faudra payer, sans oublier de s’arrêter prendre des ressources et glaner des tickets de train pour la fin de partie… Une contrainte : on ne peut effectuer que quatre actions maximum par tour en dépensant du charbon ou des sifflets.
Les actions seront majoritairement utiles pour avancer son train et poser des rails, mais aussi pour activer certains pouvoirs des améliorations qui vous seront propres (rester au même endroit et refaire l’action, faire des échanges…), acheter des améliorations…! Avancer son train va servir à récupérer des ressources en passant sur une gare, à échanger ces ressources sur des comptoirs pour gagner des points ou activer un pouvoir (échanger x contre y…) et à relier l’ouest pour gagner d’autres PV et s’offrir des bonus gratuits.
La partie s’achève si un joueur n’a plus de train, ou si le nombre de tours est arrivé à terme. Un coup de sifflet, et vous aurez toutes les règles en vidéo.
Tortillard ou TGV ?
Comme dit en introduction, on retrouve donc une certaine affiliation avec Whistle Mountain, mais cette épopée ferroviaire est bien moins pesante. C’est un bon intermédiaire entre jeu familial et plus expert. Le début donne l’impression d’un jeu simple (poser des tuiles et avancer), faussement simple doit-on préciser. Il va vite imposer ses conditions : récupérer et gérer les bonnes ressources, bloquer l’adversaire, avancer plus vite, surveiller les majorités des billets de train… À part un tableau de bonus d’arrivée sans aucune explication (même en vo), tout est clair et, une fois encore, plus subtil qu’on croit, la faute à une petite salade de points de fin de partie qui vous montre que les détails ont leur importance, vous poussant à avancer plutôt que d’économiser votre énergie. Une juste difficulté et un plaisir de jeu se cachent donc sous cette couverture qui n’invite pourtant pas au voyage. Le jeu monte à 5 joueurs ce qui est beaucoup trop, le blocage, tout comme la majorité sur les billets de train y sont trop pénalisants, l’attente importante, tout cela freinant la fluidité des tours. On le préfère à 3 ou 4, l’interaction reste présente, mais dans le bon sens. À la fois Pick up & delivery (on prend/on livre) et course de vitesse, on peut jouer sur plusieurs tableaux en essayant par exemple de foncer pour valider les destinations finales ou tenter de prendre la majorité des couleurs de billets (la plus basse valeur étant gagnante dans les égalités). Un bon jeu palier pour ceux qui voudraient laisser sur le quai Les Aventuriers du rail et pousser un peu plus la vitesse ludique de leur locomotive.
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