Vichy pro 2023 – Reportage partie 2 : Vagrantsong – Kronologic – Spellbook – Kintsugi – Faraway – Le cortège – Seaside (Littoral)
C‘est devenu un rendez-vous incontournable dans le milieu du jeu de société, le salon pro de Vichy avait lieu du 17 au 19 septembre. Nous en parlions dans un premier reportage où nous revenions sur Fake Crystal, Forêt mixte, Lanfeust de Troy, Oxono, Spirit, Vampire village et Discordia.
Durant ces trois jours, le Groupement des boutiques Ludiques a pris pour habitude de faire une cérémonie de remise de prix. Les prix sont remis dans quatre catégories qui offrent un regard large sur le travail fait autour des jeux, nous en parlions plus précisément dans cette news.
Place aux jeux !
► Vagrantsong
Vagrantsong a quelque chose de particulier, on sent de suite une proposition forte, un monde et un thème unique, qui donne envie de s’y plonger, avec une direction artistique originale, lointaine descendante des cartoons des années 30 type Rubber Hose (ou Steamboat Willie). La musique américaine est aussi présente dans l’esprit du jeu, à travers des références, mais cela se perd dans la traduction qui aura préféré nous proposer des clins d’œil à des tubes francophones. Le choix est compréhensible en soi, mais on y perd un peu côté ambiance fantomatique & Grateful Dead quand on cite plutôt du Céline Dion. C’est que l’idée de Vagrantsong est que vous jouez des vagabonds dans un train fantôme qui devront venir à bout de boss revenants (boss battler game). On apprécie l’idée de fournir des jolies “figurines” en acrylique transparentes, permettant à la fois immersion et lisibilité, et on aime qu’il y ait autant de boss différents qui nous attendent dans la boîte. Entre chaque scénario, il y aura une séquence de campement où vous mettrez en commun vos ressources pour vous soigner et acquérir de nouvelles compétences (phase que nous n’avons pas jouée en salon bien sûr).
Sur une seule partie, c’est bien compliqué de vous dire ce que la campagne (20 sessions) aura dans le bidou, et surtout, si la nervosité va aller croissant ; car en l’état, sur cette séance découverte, ce n’était “pas assez”. Pas assez de pression sur les joueurs, pas assez de challenge. L’impression que l’on “finira bien par y arriver”, que ça sera juste une question de temps. Mais peut-être que les choses se corsent ensuite, sur le reste de la campagne..? L’autre inquiétude concerne les micro règles spécifiques au scénario. Nous passons pas mal de temps à faire des allers-retours entre le plateau et les pages du scénario – pour savoir comment activer un jeton ou résoudre un micro événement par exemple. (Il y a d’ailleurs quelques règles pas très claires dans leur écriture, et cela, que ce soit en VO ou en VF, ce qui n’arrange pas la fluidité de l’ensemble).
Même le thème pourtant si attirant de prime abord finit par se perdre assez vite en cours de route : on tape sur les morts pour leur redonner de l’humanité ? Sommes-nous morts nous mêmes ? Pourquoi lancer des clous sur des fantômes ?
J’attendais sans doute beaucoup de Vagrantsong car la promesse était alléchante, et je repars avec quelques doutes. Mais comme le dit très bien l’ami Thomas dans le debrief vidéo, si l’on jugeait Gloomhaven les Mâchoires du lion à son premier scénario, on dirait que ce n’est pas fi-fou. Dont acte. Il faudra remonter à bord du train pour savoir où il va !
– Shanouillette
Un jeu de Justin Gibbs, Kyle Rowan, Matt Carter
Illustré par Nguyen Mai Diem
Edité par Lucky Duck Games,
Sortie prévue pour novembre 2023
► Kronologic
Méfiez-vous des opéras, il s’y passe parfois des événements dramatiques. C’est le cas dans Kronologic qui prend pour scène d’action un opéra donc. Un empoisonnement, une contamination, un cambriolage… notre mission est de retrouver qui, à quel moment, et dans quelle pièce. Dans le scénario présenté sur le salon, le personnage D (Détective) a été empoisonné. Ce que nous savons, c’est que les faits ont eu lieu alors qu’il se trouvait seul avec une personne. Donc avec qui parmi les cinq autres personnages, dans laquelle des six pièces, et durant lequel des six rounds a eu lieu l’événement ? On connaît la position de chacun au départ, et comme ce n’est pas une enquête mais un jeu de déduction, on sait que les gens se déplacent nécessairement d’une pièce à chaque round.
On va interroger les cartes Round ou Pièces à l’aide d’une carte Personnage à trous. Et oui, il s’agit d’un jeu de Yohan Levet et Fabien Gridel, et on retrouve dans ce jeu le principe de lecture de l’indice de Turing Machine. Je choisis par exemple la carte C (Chauffeur) dans la salle de danse. Ça me révèle que C y est passé deux fois, information que je donne aux autres joueurs, mais j’aurai aussi mon info secrète qu’il y était au Round 5. Il faut prendre de vitesse les autres joueurs dans la déduction, et donner la solution en premier pour l’emporter.
Il faut être amateur du genre pour se glisser dans le jeu. Je suis le public cible, j’ai donc pris du plaisir à faire mes déductions, même si sur l’exemplaire de travail du salon, la lisibilité est à améliorer.
D’autres scénarios viennent avec la boîte, retrouver le patient zéro d’une contamination, pister comment le larcin a circulé… La première boîte sortira pour Cannes 24, puis une autre en 25 puis 2026. La première proposera cinq scénarios avec trois niveaux de difficulté.
-Natosaurus
Un jeu de Fabien Gridel, Yoann Levet
Edité par origames, Super Meeple
Sortie prévue aux alentours de Cannes 24
► Kintsugi
Kintsugi est un énième jeu de collection comme il en sort des pelletées tous les ans (ça se voit que je suis un peu saturé du genre ?). Parfois certains proposent le petit twist en plus qui leur donne un supplément d’âme. Le kintsugi, c’est cet art japonais qui consiste à redonner vie aux objets brisés en les réparant avec de l’or – ce faisant non seulement on les restaure, mais ce travail leur donne une valeur unique.
Dans le jeu du même nom, on va chacun son tour choisir une carte représentant de la vaisselle japonaise, dans une rivière de cartes, jusqu’à ce qu’il n’en reste plus que deux qui vont indiquer quels types d’éléments de vaisselles vont « casser » ce tour-ci. Au moment de choisir, on peut prendre une carte soit pour la placer dans sa collection soit pour la défausser pour sa valeur en or. Le twist c’est donc qu’à chaque fin de tour des types de cartes vont casser, ces cartes ne vaudront plus rien dans votre collection, sauf si vous avez de l’or, et que vous pouvez les réparer. Alors, elles vaudront nettement plus qu’initialement. Par ailleurs, chaque type de vaisselle a son propre scoring.
On joue donc pour construire nos collections et marquer le plus de points, mais aussi éventuellement casser nos pièces de vaisselle pour les embellir et gagner plus de points de victoire, mais là ou ça devient fourbe, c’est que l’on peut jouer ce draft en forçant un joueur à prendre un type de cartes pour éviter que toute sa collection de tasses en porcelaine ne casse, ou pour qu’elle se brise sachant qu’il ne pourra pas la réparer par exemple. Ce petit twist m’a séduit, sans savoir si j’aurais envie d’en refaire des parties et des parties, mais ça a le mérite de la fraîcheur. En plus Kintsugi est joliment édité (sachant que Palladis localise le jeu mais retravaille au passage l’édition première pour l’améliorer).
Un jeu de Patrick Rauland
Illustré par Shirley Gong
Edité par Palladis Games
Sortie prévue en novembre 2023
► Spellbook
Ça vous tente d’apprendre des sorts ? Allez, c’est fort utile un sort pour ramener plus de ressource, faire une autre action ou nourrir le familier. Vous l’avez compris, vous êtes un sorcier dans Spellbook, et vous avez devant vous votre grimoire et sept types de sorts, vous êtes accompagné d’un familier. Pour apprendre à utiliser les sorts il faudra dépenser différentes couleurs de materia, la ressource du jeu. Le tour de jeu se décompose en une action du matin (prise de materia), après-midi et soir, qui correspondent aux sorts que vous aurez appris. On est donc poussé à construire son moteur afin de rapidement pouvoir faire de nouvelles actions de journée, tout en étant tenté par une amélioration de l’action du matin qui concerne la prise de ressources. À moins qu’on fasse comme on peut avec les ressources disponibles, la main étant limitée à dix matérias, des jetons acryliques de fort bel effet.
Il faudra construire son moteur au plus vite si on veut mettre fin à la partie une fois chaque sort acquis, seulement les cartes sorts présentent trois niveaux de compétence avec des points de victoire liés plus alléchants si on peut apprendre le sort à un niveau plus élevé. Construire le moteur, prendre des points, ça sera à vous de choisir ! Et n’oubliez pas de donner des ressources à votre familier, il vous fera des points itou et pourra même mettre fin à la partie, ce qui peut prendre de vitesse les adversaire dans la construction de sorts.
Une gestion de ressources et une construction de moteur assez agréable, mais avec deux petites mises en garde : jouez plutôt à deux, et jouez avec le grimoire de niveau 3 qui propose un peu plus d’interactions et de combo entre les sorts. Interaction ne veut pas dire que vous allez jeter des sorts sur votre adversaire, et c’est le point vraiment pas organique du jeu.
-Natosaurus
Un jeu de Phil Walker-Harding
Illustré par Cyrille Bertin
Edité par Space Cowboys
Sortie prévue le 29 septembre 2023
► Le cortège
Pour parler de ce titre, je serais tenté de sortir le qualificatif OLNI pour son sujet et son traitement. Il s’agit d’un jeu de confrontation asymétrique, un joueur va jouer l’Etat qui protège son bâtiment central à l’aide de Policiers et des Médias, tandis que de l’autre côté, l’adversaire va avoir les Manifestants qui cherchent à rentrer dans les lieux du pouvoir.
Pour régir tout cela, nous avons une mécanique de pichenette hyper maline. Chaque palet unité réagit avec un palet adverse : par exemple la Police va interpeller des Manifestants si elle touche à l’aide d’une pichenette, augmentant au passage sa jauge d’arrestation, ce qui est une condition de victoire. En revanche, quand elle arrête un Manifestant, le peuple grogne et on incrémente la piste Opinion, ce qui est une condition de victoire pour les Manifestants.
On pourrait croire que Le Cortège est juste un jeu de pichenette où l’adresse prime, mais il faut aussi avoir un peu de tactique où l’on a des choix à faire pour l’emporter. Par exemple, la Passante ne sert à rien, n’a aucun pouvoir, mais on peut s’en servir pour se protéger. Le Photographe en étant au plus près de l’action (en touchant une force de police) va augmenter la piste d’opinion aussi. De l’autre côté, le Pouvoir peut envoyer un Journaliste sur les Manifestants radicaux afin de réduire la piste d’Opinion.
Le thème lui colle à la peau, Le cortège est un jeu éminemment politique, mais pour autant l’auteur se défend d’en faire un jeu militant, d’abord parce que l’on doit jouer les deux camps, pouvoir et contre pouvoir, et en cas d’égalité tout dépendra des victoires éclatantes ou étriquées de chaque côté. Un coup de cœur évident pour moi, cette création joue avec l’actualité brûlante de manière habile, sans se brûler les ailes par son sujet. De plus nous avons un bel objet, avec une belle présence sur la table, les illustrations de Valentin Aubry sont dans un style dessin de presse proche de Tardi – bref, original.
À noter que l’auteur travaille sur un futur projet sur le maraîchage, qui prend en considération des problématiques comme la gestion des sols ou de l’eau, autant dire que je suis très très hypé.
-Atom
Un jeu de Dorian François
Illustré par Valentin Aubry
Edité par les éditions du silence
Sortie prévue le 29 septembre 23
Faraway
Faraway est le dernier né (mais pas pour longtemps, vous le verrez dans un prochain retour de jeu !) de l’éditeur lyonnais Catch Up. Il s’agit d’un jeu dans lequel nous allons faire un voyage dans une contrée inconnue et pour le moins exotique. Ce voyage va se constituer de huit étapes, chacune représentée par une carte. On va donc jouer 8 cartes en tout dans la partie, pas une de plus. Ces cartes vont à la fois nous apporter des ressources et des objectifs à remplir pour marquer des points.
À chaque tour, tout le monde joue une carte de sa main en même temps et, en fonction des valeurs des cartes jouées, on complètera sa main avec une carte de la rivière. Plus une carte est intéressante, plus sa valeur d’initiative est élevée et nous fera donc choisir tard. On a là une petite saveur à la Kingdomino.
Sinon, en termes de règles, voilà, c’est tout. Enfin presque : jusque là, je vous ai décrit un jeu de combo de cartes somme toute assez classique, même s’il reste assez minimaliste dans le nombre d’actions jouées. Sauf que le jeu a un twist, même deux. La particularité est que vos cartes vont être résolues dans l’ordre inverse où vous les posez. Ce qui signifie que les cartes qui donnent surtout des ressources doivent être jouées à la fin, pour remplir les objectifs précédemment posés. Poser une carte qui rapporte des points est surtout un pari sur la réussite de cette entreprise. Et cela change pas mal de choses dans le ressenti du jeu : en effet, jusqu’à la dernière carte on peut se demander si on va réussir à scorer. Ce qui amène donc une tension sur toute la partie, les ressources étant assez rares en réalité. Et on a que 8 cartes rappelons-le.
Il va y avoir aussi la question du tempo : quelle carte doit être jouée quand ? D’autant que s’ajoute un élément à prendre en compte : si on joue une carte d’une valeur supérieure à la carte précédemment jouée, on pourra poser un “sanctuaire” qui est une carte supplémentaire présente dans toute la phase de résolution. Voila de quoi assurer des ressources par exemple, et qui semblerait nous dire “ben je vais jouer des cartes dans l’ordre croissant”. Sauf que pas du tout ! Les cartes avec des valeurs faibles sont plutôt des cartes à jouer à la fin, là où les fortes sont à jouer au début. Ah, tout n’est plus si simple… Et je n’ai fait qu’une seule partie. Nul doute qu’après une ou deux, on aura appris à surveiller nos adversaires pour les priver des cartes dont ils ont besoin.
Nous voilà donc ici avec un jeu très accessible, et … efficace. Pour ceux qui me connaissent, ce qualificatif est souvent pour moi un défaut, mais pas ici. Faraway apporte en effet de la concision mais change également notre façon de penser et de réfléchir notre stratégie. C’est rafraîchissant, et sans être révolutionnaire, cela apporte une certaine originalité.
Originalité que l’on retrouve d’ailleurs dans la DA du titre. Je suspecte qu’elle ne plaira pas forcément à tout le monde (je ne suis pas sûr par exemple de la trouver à mon goût), mais elle a le mérite de proposer quelque chose de neuf et qui donne une identité au jeu.
Je ne peux m’empêcher de voir des similitudes entre Faraway et Paper Tales du même éditeur : même boîte blanche, même proposition d’un jeu contraint dans son nombre de choix, même choix d’une DA originale, quelques similitudes mécaniques (deux types de cartes dans les deux cas) et surtout, dans les deux cas, un petit twist qui renverse la table par rapport à d’autres propositions.
J’adore Paper Tales, et Faraway est donc un jeu qui m’a lui aussi vraiment beaucoup plu : accessible mais surprenant, avec une volonté de se démarquer visuellement, et une belle courbe d’apprentissage. Probablement le jeu que j’ai préféré sur le salon.
-Fouilloux
Un jeu de Corentin Lebrat, Johannes Goupy
Illustré par Maxime Morin
Edité par Catch Up Games
En boutique
► Littoral (Seaside)
Comment vous décrire Littoral ? Un jeu malin, compétitif, de pioche, avec une sorte d’écosystème entre les joueurs. À son tour un joueur pioche dans le sac un des jetons en bois, au hasard, puis il choisit une des deux faces du jeton et applique son effet.
En fonction du palet pioché, le choix peut être de placer le jeton dans la “Mer” (zone centrale) le rendant disponible pour tous les joueurs, soit dans son littoral, ce qui lui donnera en fin de partie des points de victoire. Voilà, vous avez l’idée. Maintenant ces jetons vont interagir entre eux, par exemple, je place un jeton coquillage dans la mer et ça m’amène à rejouer, je pioche un nouveau jeton, que je place sur son côté plage et là j’attire le coquillage vers mon littoral (bien joué ^^).
Une mécanique très simple de pioche avec du hasard, un peu de prise de risque et de timing, des micros choix tout le temps, mais des choix tout de même. Est-ce que je joue ce rocher qui est mon deuxième et qui va attirer tous les crabes présents dans la mer, ou est-ce que j’attends qu’il y en ait plus au risque qu’un adversaire me les chipe ? Avec la vague je « retourne » une de mes plages, ce qui a un avantage, mais aussi un inconvénient si je souhaite gagner des coquillages. Choisir c’est définitivement renoncer.
Plusieurs jetons avec plusieurs effets différents, une règle qui se comprend en cinq minutes et une interaction bien présente, bref un bon et beau jeu avec son sac en tissu et ses jetons en bois. Une petite surprise made in Randolph où même le décompte est malin, puisqu’on place simplement ses jetons en pile et celui qui a la pile la plus haute l’emporte. Bonne pioche 🙂
Sortie prévue pour mai 2024
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Tihro 29/09/2023
Ca veut donc dire que Vagrantsong va sortir en VF ?!?! C’est formidable, ça ! Savez-vous si ce sera directement en boutique, ou peut-être via gameon tabletop ou un autre financement participatif, comme aime à le faire super meeple pour ses projets un peu plus ambitieux ?
atom 01/10/2023
En boutique en novembre de cette année. (sauf éventuel retard etc)
Shanouillette 02/10/2023
En effet, on en avait déjà parlé dans cette news, le jeu arrive pour novembre direct en boutique (70€ PVC).