Tikal : Bienvenue dans la Jungle !
Vous voici enfin arrivé en pleine jungle guatémaltèque, prêt à vous lancer dans l’exploration d’un des sites archéologiques les plus prometteurs de la civilisation Maya, le site de Tikal.
Vous êtes à la tête d’une importante expédition prête à en découdre avec ses rivales, afin de vous emparer de fabuleux trésors et de dégager les temples recouverts par la dense végétation. Pour cela, il vous faudra vous frayer un chemin dans ce labyrinthe d’arbres, de lianes, et de racines. À vous d’installer judicieusement vos camps secondaires, de prendre le contrôle des temples les plus lucratifs et de troquer vos découvertes avec vos adversaires afin de compléter de prestigieuses collections.
Prenez garde cependant à ne pas vous égarer sur les chemins tortueux recouverts de dalles de pierre, car dans la jungle, personne ne vous entendra crier !
Le bal masqué
Créé par les désormais célèbres Michael Kiesling et Wolfgang Kramer, les auteurs de Torres, Asara, Gueules noires, les Palais de Carrara, et le récent Porta Nigra (notamment), Tikal fait partie de la non moins célèbre trilogie des masques qui comprend également Java et Mexica. Il s’agit du premier volet de cette trilogie qui se voulait orientée autour de trois civilisations : les Mayas, les Incas, et les Mexicas. Finalement, les Incas seront remplacés par les indonésiens sur une demande de l’éditeur Ravensburger (source : Supermeeple).
Avec des règles simples et accessibles aux novices des jeux de plateau, le jeu fut récompensé en 1999 par le Graal suprême dans le jeu de société, le Spiel Des Jahres (prix allemand, référence internationale dans le secteur). On peut donc le qualifier de vénérable Grand Ancien, quand on voit la vitesse à laquelle un jeu peut se démoder de nos jours.
Basé sur un système de points d’action, le jeu laisse place à de l’exploration, à du placement tactique, ainsi qu’à un mécanisme de majorité. Evidemment, les mécaniques utilisées peuvent paraître ultra classiques, mais c’est en partie à cause de ce jeu qui a participé à donner ses lettres de noblesse au genre.
C’est sur ses bases simples que le jeu tire toute sa richesse comme nous le verrons par la suite, car malgré une touche d’opportunisme liée au hasard (vous savez, celui que vous accusez de tous les maux lorsque vous perdez !), Tikal est un opus profond qui permet de multiples stratégies.
Par ailleurs, le thème de la découverte de la civilisation Maya est très bien intégré à ces mécanismes, et on se prend au jeu de la mise au jour des différents vestiges, même si le principe même de majorité est calculatoire. De plus, si vous développez une allergie à l’aléa, une variante expert permet de la réduire à peau de chagrin (au dépend du thème : on ne peut ici pas tout avoir…).
Maya la Belle
La boîte déposée sur une simple table est du plus bel effet. On ne peut qu’être en admiration devant la couverture qui dégage une atmosphère particulière.
La boite de jeu.
Elle invite au voyage et est totalement dépaysante. Ses teintes vertes sont en parfait accord avec les lieux où vont se dérouler les événements (vous l’aurez compris, nous partons dans la jungle amazonienne, et plus précisément au Guatémala), et les caractères dorés du titre donnent le ton : nous sommes là pour mettre à jour les trésors Mayas. La bouche de l’idole renfermant les temples semble être un avertissement sur les difficultés qui nous attendent, dans notre course à la renommée.
À l’ouverture de cette boîte, nous ne sommes pas déçus : prenant place dans un thermoformage bien pensé, les différents éléments sont de qualité. On retrouve des cylindres de bois, marqueurs de score et tentes, aux couleurs des quatre joueurs (le jeu pouvant se pratiquer de 2 à 4 joueurs), des jetons, ainsi que des tuiles de bonne épaisseur.
Par ailleurs, le plateau de jeu (plié en 4) est vaste et superbement illustré : on retrouve bien l’immensité de la jungle qui s’étale à perte de vue, au delà du camp de base.
Cela augure d’un grand plaisir à la constitution du paysage qui va se dévoiler progressivement à nos yeux.
En plus du livret de règles en plusieurs langues (extrêmement détaillé et très bien illustré par des exemples explicites), on trouve 4 aides de jeu recto-verso (photo ci-dessous), correspondant aux deux modes de jeu disponibles : le mode normal, et les règles « expert » :
Le matériel est donc séduisant et les composants sont agréables à manipuler. L’éditeur Super Meeple va rééditer le jeu sous peu, et je ne peux que fantasmer sur la qualité des matériaux utilisés. Quand on voit avec quel goût ils se sont occupés des nouvelles versions de Mexica et de Amun Ré, on n’a aucun doute sur le résultat final qui sera proposé : vivement (oui, Mode FanBoy ON) !
Une idée de l’évolution du matériel du jeu Mexica.
Promenons nous dans les bois
J’avoue que malgré l’enthousiasme des joueurs quant à leurs retours de parties sur Tikal, je ne me suis laissé tenter par la découverte de ce jeu que récemment, à l’annonce de la réédition par Super Meeple justement.
En occultant complètement le suspense sur mon avis final, je peux d’ors et déjà vous dire que j’ai pu combler un trou béant de ma culture ludique…
Après quelques parties avec les règles de base (aussi bien à deux joueurs qu’à quatre joueurs), je me lance, en famille, dans une session avec les règles avancées.
Comme vous avez pu le voir sur les aides de jeu, il existe peu de différences entre ces deux modes : seule l’arrivée des tuiles en jeu va être modifiée.
Normalement, chaque joueur va, à tour de rôle, piocher une nouvelle tuile, la déposer sur le plateau, puis réaliser ses actions, en dépensant jusqu’à 10 points d’action (non transférables d’un tour à l’autre).
Dans le mode abusivement appelé « expert », on tire autant de tuiles que de joueurs présents autour de la table [voir ci-contre]. On réalise un tour d’enchères afin de déterminer quel protagoniste aura le privilège de choisir sa tuile en premier (et donc également de jouer en premier) : pour cela, chacun dispose en début de partie de 20 points de victoire (alors qu’on place les compteurs à zéro dans une partie classique).
Une fois que le joueur a réalisé ses actions, on relance un nouveau tour d’enchères entre les participants restants, et ainsi de suite,… Dans le cas où personne ne fait de mise, c’est le premier joueur à passer qui est prioritaire sur le choix de la tuile.
Cela ajoute donc une dimension supplémentaire au jeu (ainsi qu’un peu plus de contrôle), mais atténue le charme du plaisir de la découverte (après tout, au cours d’une exploration, on ne sait pas ce qui nous attend au détour du chemin).
Une fois la tuile choisie, elle doit être placée sur le plateau de jeu avec une seule contrainte : ce nouveau paysage doit être accessible au paysage déjà constitué. Pour cela, la tuile doit être adjacente à au moins une de ses voisines, et il doit y avoir la présence d’au moins une dalle de pierre entre ces tuiles.
Par la suite, on pourra circuler d’une tuile à une autre en dépensant un nombre de points d’action égale au nombre de dalles que l’on aura parcouru (sachant, qu’on n’aura pas le droit de terminer son déplacement entre deux tuiles, à cheval sur des dalles).
Bien évidemment, avant d’effectuer des déplacements, il faudra faire entrer ses membres d’expédition (vous en possédez 18 en début de partie) ou son chef d’expédition sur le plateau : il vous en coûtera un point d’action dans les deux cas.
Vous pouvez faire apparaître un de vos membres sur le camp de base ou sur un camp secondaire que vous aurez préalablement établi (pour le coût modique de 5 points d’action… à utiliser avec parcimonie donc, d’autant plus que vous ne disposez que de deux camps secondaires !). Il vous sera également possible de faire passer vos troupes d’un camp à un autre (les vôtres, pas ceux de vos concurrents bien entendu) pour un seul point d’action, en utilisant des sentiers secrets connus de vous seuls, ce qui est pratique pour renverser rapidement le jeu (mais vous l’aurez déjà compris, vicieux comme vous l’êtes).
La concurrence fait rapidement rage : notez le vilain coup du joueur blanc qui empiète sur le territoire du joueur rouge, avec la pose d’un de ses camps secondaires.
Outre les mouvements disponibles de vos fidèles suivants, vous avez également la possibilité de faire des fouilles, qu’il s’agisse du dégagement de temples ou de l’acquisition de jetons trésors.
Lors de votre tour, vous pouvez réaliser deux fois chacune de ces actions pour deux points d’action à la condition de posséder au minimum autant d’explorateurs sur la tuile que le nombre d’actions envisagées.
Les jetons de trésor apparaissent aléatoirement sur les clairières où figurent les symboles de trésors (on pose face cachée un nombre de trésors égal au nombre de symboles de la tuile). Le dégagement des temples permet d’augmenter la valeur d’un temple pour les décomptes : pour chaque dégagement effectué, on place un étage d’une valeur directement supérieure sur ce temple (attention, car le nombre d’étages additionnels disponibles est limité).
Pour trois points d’action, vous pouvez échanger un de vos trésors unique contre un trésor unique d’un adversaire. Ainsi, cela vous permet d’obtenir de plus grandes collections qui seront mieux valorisées lors des différents décomptes.
Enfin, la dernière action disponible est de vous emparer d’un temple en y déposant un gardien pour un coût de 5 points d’action.
Pour cela, vous devez être strictement majoritaire sur la tuile que vous convoitez, sachant qu’un simple membre d’expédition compte pour 1 alors que votre chef d’expédition compte pour 3 (comme on fait pour devenir chef, chef ?).
Ce n’est pas tout, car pour déposer un gardien au sommet d’un temple, et en devenir le propriétaire exclusif et définitif, vous devrez sacrifier tous vos fidèles présents sur la tuile (ils seront définitivement retirés du jeu) et en placer un sur ce temple (il sera ainsi indisponible comme ses camarades pour le reste de la partie).
Il s’agit donc d’une action puissante mais coûteuse (aussi bien en points d’action qu’en membres d’expédition) ; cependant, vous ne serez autorisé à vous emparer que de deux temples au cours de la partie : à vous de bien gérer votre timing !
Nous avons fait le tour du large panel d’actions disponibles, qui donne la richesse au jeu ! Parlons maintenant des décomptes.
En début de partie, les tuiles sont mélangées selon la lettre qui figure à leurs versos (de A à G), puis empilées par ordre alphabétique.
Ainsi, à chaque partie, on a une progression dans l’arrivée des tuiles (mais qui reste toutefois différente du fait du mélange).
Dans les tas B, D, et F, se trouvent trois tuiles volcan. Lorsqu’un joueur pioche ou choisi (pour le mode avancé) une tuile de ce type, le jeu est arrêté et on procède à un décompte intermédiaire. Dans l’ordre du tour, en partant du joueur s’étant emparé de la-dite tuile, chacun dispose de 10 points d’action avant de réaliser son décompte.
Vue d’ensemble après la pose du premier volcan.
Pour compter les points, rien de plus simple (encore faut-il ne rien oublier !) : le joueur marque les valeurs des points des temples où il est strictement majoritaire, celles des temples où il a placé un gardien, et un nombre supplémentaire calculé en fonction des trésors qu’il a acquis. Concernant ces trésors, le joueur marque 1 point pour un trésor isolé, 3 points pour une paire de trésors, et 6 points si il a complété une collection (trois trésors identiques).
Ainsi, on se rend compte de l’importance de l’ordre dans lequel a lieu ce décompte, car en cas d’égalité sur une tuile, personne ne marque de points ! Une fois les tuiles épuisées, on procède à un dernier décompte.
Fin de partie qui voit les rouges triompher.
La partie du jour donnera des scores très étalés, contrairement à nos parties précédentes… La faute à la version avancées des règles ou simplement aux circonstances de jeu ?
L’idole des jeunes (et des moins jeunes)
On peut dire que Tikal est un jeu qui a bien vieilli. J’étais sceptique lorsque j’ai vu que chaque joueur disposait de 10 points d’action, pensant injustement que l’attente entre les tours allait être très importante : il n’en est rien, et le jeu est fluide.
Bien évidemment, on ne peut empêcher les problèmes de connexions entre deux synapses, plongeant un joueur dans une sorte de transe d’optimisation (c’est un jeu de majorité, donc calculatoire par essence), laissant ainsi ses camarades dépités. Heureusement, cela arrive relativement (après tout, ça dépend exclusivement des joueurs attablés autour du plateau) rarement.
Pourtant, les possibilités offertes par le jeu sont importantes, peut-être aussi vastes que la forêt amazonienne ?, et il peut être délicat de percevoir les bons coups, surtout au cours d’une partie de découverte (à quatre joueurs, notre première partie a duré près de deux heures, mais les parties suivantes s’étalaient sur moins d’1h30). Ce, malgré des règles expliquées en 5 à 10 minutes, et accessibles au plus grand nombre, du public amateur aux acharnés éclairés.
L’interaction permanente peut rendre vos proches susceptibles, et on entendra souvent des joueurs crier au scandale ou à l’acharnement lorsqu’ils perdront de précieuses positions : s’emparer d’un temple dégagé par un adversaire peut être considéré comme illégitime, mais c’est à vous de ne pas trop attiser la convoitise !
La variante « avancée » permettra aux plus râleurs d’entre nous d’atténuer le hasard de la sortie des tuiles, et de gagner plus de contrôle sur le déclenchement des décomptes (même si on suit le tour de table pour les décomptes des joueurs suivants). Cependant, elle n’est pas indispensable, et nuit même à l’immersion en apportant un peu de lourdeur : le hasard me semble parfaitement tolérable dans un format intermédiaire tel que le propose le jeu.
Lorsque le hasard défi les probabilités…
D’autre part, le jeu reste intéressant quelque soit le nombre d’opposants, et le plus grand terrain à couvrir dans une partie à deux joueurs permet de compenser la baisse d’interaction : on dispose en effet du même nombre d’explorateurs quelque soit la configuration.
En résumé, Tikal mérite son statut de « Grand Classique », et est toujours aussi bon à découvrir ou à redécouvrir ! Son prix du Spiel en 1999 est totalement mérité, et il se doit d’avoir une place de choix dans toute ludothèque qui se respecte. Personnellement, j’attends avec fébrilité la sortie de sa réédition qui devrait voir le jour d’ici cette fin d’année 2016 (annoncé à ce jour pour la fin d’été 2016).
Merci à LSD graph pour les illustrations de l’article.
> Tikal
Un jeu de Michael Kiesling et Wolfgang Kramer
Illustré par Franz Vohwinkel
Edité par Ravensburger
Langue et traductions : Anglais, Français, Allemand
Date de sortie de la première édition : 1999
De 2 à 4 joueurs
A partir de 12 ans
Durée d’une partie 90 minutes
LUDOVOX est un site indépendant !
Vous pouvez nous soutenir en faisant un don sur :
Et également en cliquant sur le lien de nos partenaires pour faire vos achats :
TheGoodTheBadAndTheMeeple 04/07/2016
persom je le trouve difficile a sortir. trop ouvert et trop long le systeme de points d action, un puerto rico est beaucoup plus simple a sortir comme grand ancien
Julien Vion 04/07/2016
Je le trouve aussi un peu long avec mes camarades de jeu habituels, je recommande la variante 2 joueurs mini Tikal dispo sur Bgg!
Fendoel 04/07/2016
Ah tiens ? Je vais aller voir ça ^^
morlockbob 04/07/2016
SM a fait du très bon boulot avec Mexica, nul doute que Tikal devrait suivre le même chemin.
Quant au jeu, je suis de l’avis de mes camarades mais pas pour les mêmes raisons. Je le trouve pas si interactif que ça. A 3, il y en a toujours un qui s en tire bien. A 4 c est plus souvent 2 contre 2. Apres j aime bien la découverte des tuiles, les camps, mais j ai eu l impression qu on avait exagéré la qualité de ce jeu. Rejouer à Mexica a été une meilleure surprise.
eolean 04/07/2016
Merci beaucoup pour ce just played sur tikal, j’aime bien le retro-gaming ^^ Pour y avoir joué il n’y a pas très longtemps. C’est vrai qu’il a un côté « classique » indéniable. Il est un peu retro dans sa conception et dans son look. Mais n’oublions pas que lorsqu’il est sorti c’était une vrai petite bombe. Et l’ensemble continue de bien fonctionner. A dire vrai, je ne l’achèterai pas aujourd’hui en 2016, mais j’ai bien aimé en faire une partie.
A noter que l’application Itruc est sympa.
atom 04/07/2016
Je n’y ai joué qu’une fois, et on était 4 joueurs, j’avais beaucoup apprécié. Mexica je l’ai, il est sympa mais presque trop simple, et surtout beaucoup d’opportunisme, car tu profites des constructions des autres joueurs et le joueur qui temporise le mieux est celui qui s’en sort le mieux. Pire celui qui clôt la période peut décider de qui va prendre les majorités puisque les autres joueurs ne joueront pas. Du coup ça peut se transformer en course, et il suffit de regarder les pyramides qui restent aux autres joueurs et de calculer. Dans Tikal il me semble que l’on est plus libre. Si tu dis qu’il fonctionne bien a deux, ça sera un achat certain surtout que le travail de SM est impressionnant.
Alendar 05/07/2016
Disons que j’apprécie beaucoup Carcassonne en duo… (pour remettre dans le contexte!)
Un peu pour la même raison d’ailleurs: la gestion de ses meeples sur l’ensemble de la partie (avec la question de la prise de position dans les champs).
Moosmi 06/07/2016
attention c’est une erreur de règle, la période ce termine dès que tout les quartiers sont fondés ET qu’un joueur a posé tous ses temples … mais on termines le tour donc si c’est le premier joueur qui met fin à la période tous les autres jouent une derniere fois avant le décompte des majorités !!!
atom 06/07/2016
Pif paf pastèque, je viens de vérifier et tu as raison merci ^^. En pénitence je vais devoir réfléchir a mon châtiment.
fouilloux 06/07/2016
Moi, si on me demandait de réfléchir, je considèrerais ça comme un sacré châtiment déjà.
elniamor 04/07/2016
Perso, j’adore ! A moins de 4 joueurs j’utilise toujours la variante dispo sur TT pour retirer des tuiles (ainsi, la taille du territoire reste proportionnel au nb de joueurs, favorisant la bagarre !).
Assez calculatoire tout de même il est vrai.
Sedenta 06/07/2016
Je lui préfère le 2, plus accessible, plus coloré, plus familiale ?