The Networks ou la petite chaîne qui monte
Dans The Networks (sorti en 2016) vous êtes à la tête d’une chaîne de TV pas super classe, capitaliste à souhait, et pas du tout préoccupée par la qualité, la culture, toussa, mais bien par l’argent, le flouze, la thune. Est-ce à dire qu’il y a un message politique dans ce jeu ? Ou un peu de cynisme ? Peut-être bien ! Surtout quand on sait que son auteur, Gil Hova, un original qui aime les furets (d’où le nom de sa maison d’édition, « Formal Ferret Games ») a déjà commis Bad Medicine, un party game où l’on crée des noms de médicaments pour mieux les vendre. Un rien grinçant là aussi…
Donc votre but dans The Networks, c’est de faire un max de profit grâce à la pub, et bien sûr, aux téléspectateurs que vous réussirez à lobotomiser captiver et à garder coûte que coûte, surtout qu’ils représentent les points de victoire.
Autant dire que c’est plutôt réaliste (certains pourraient même faire des parallèles avec des chaînes existantes que l’on connait bien), et on comprend vite le principe. Faisons le point !
Le studio (ou le matériel)
Côté matériel, des cartes, des cartes et surtout… des cartes.
Oui mais 4 sortes de cartes : Star, Pub, Show et Networks (Bonus).
Pour les Networks, c’est simple, il n’y a qu’à lire ce qui est écrit dessus.
Les effets sont badasses, mieux vaut en prendre une à chaque tour au moins.
Pour les 3 autres types de cartes, quelques détails qui ont leur importance :
– Les Shows ont un genre : sport, sci-fi, drama, reality, sitcom, action (vous avez remarqué, pas de reportage, de documentaire ou d’émission politique, ça ferait fuir le spectateur) et une heure de diffusion optimale.
– Sur toutes les cartes, les chiffres sur le côté représentent les spectateurs qu’on gagnera en les posant, saison après saison.
– Les dépenses sont en rouge, les recettes en noir.
– Il y a parfois une condition pour qu’une carte rapporte un maximum, elle est précisée dans un bandeau en bas. Si elle n’est pas remplie, on retourne la carte à 180° côté gris et on perd de l’argent ou des spectateurs.
Tout ça est très logique : une star de sitcom comme « Le comédien que tous les parents aiment » ne peut pas donner la mesure de tout son talent dans un film de science-fiction, une pub pour la bière est plus rentable pendant un match, etc.
À noter le détournement réussi et plein d’humour de pas mal de noms de séries TV et probablement aussi d’émissions, mais là, seuls les Américains ou les amateurs de Fox News et ABC pourront reconnaître les clins d’oeil 🙂
À part ça, un plateau central composé de 3 morceaux modulables en fonction du nombre de joueurs, bien conçu, sur lequel on trouve le compte-tour (les saisons), l’ordre du tour, la piste de fin de tour (où on se place quand on passe), un rappel du nombre de cartes à installer en début de saison (bien pratique) et la piste de score.
Chaque pédégé (joueur) a un plateau là aussi très bien pensé avec une aide de jeu et une piste de score perso pour chaque saison.
Trois emplacements de chaque côté : à droite, les Shows sur trois créneaux horaires, à gauche, les loges/le montage, les rediff et les archives (ben oui, on est vite has been dans le métier).
Évidemment, il faut des sous, pas mal de sous, sous forme de magnifiques billets en carton en 1 et de 5. Perso je préfère ça que des billets façon Monopoly, c’est beaucoup plus pratique.
Le conducteur (ou comment on joue)
Les pédégés ont 5 saisons pour cartonner. À chaque saison, un nombre limité de Stars, Pubs, Shows et Networks, tirés au hasard, sont disponibles sous forme de rivières.
L’ordre du tour est déterminé de façon aléatoire à la 1ère saison, ensuite c’est le joueur qui a le moins de spectateurs qui commence, suivi de l’avant dernier, etc.
Au début du jeu, toutes les chaînes ont des programmes pourris, sans spectateur, une star qui n’intéresse personne et une pub qui ne rapporte quasi rien. Tout reste à faire donc…
Chacun leur tour, les joueurs peuvent faire une action :
– Engager une Star et l’installer dans la Green room (entendez la loge)
– Vendre un espace publicitaire qui attendra lui aussi dans la Green room
– Prendre une carte Networks (c’est gratuit, il ne faut surtout pas se priver)
– Attacher une Star ou une Pub à un Show déjà en cours de diffusion
– Développer un programme :
Dans ce cas, il faudra :
- Choisir un Show en étant attentif à l’horaire de diffusion optimal
- Le placer à droite, si possible à l’horaire optimal ; s’il y a déjà un Show, celui-ci passe du côté de la rediffusion (rerun) en étant tourné à 180°, ce qui fait apparaître le nombre de spectateurs qu’il fera gagner à la fin du tour.
- Placer un cube noir sur l’oeil
- Si ce Show exige Stars et/ou Pubs (icônes en bas, en couleur), les prendre de la Green room et les glisser sous le Show
Après 3 saisons, Jibe a posé trois Shows, deux ont déjà leur max de Star et Pub, celui du haut peut encore en recevoir, il pourra donc faire l’action Attacher au prochain tour (mais il pourrait aussi remplacer une Star ou une Pub sur les autres Shows).
Vous l’aurez compris, le choix du Show est crucial et en bon directeur de chaîne que vous êtes, vous serez particulièrement vigilant sur le nombre de spectateurs qu’il rapporte sur toutes les saisons. Si un Show n’est pas placé sur son horaire de prédilection, il ne rapporte en 1ère saison que le plus petit chiffre. Autant dire pas grand chose, cela rend donc la course aux programmes tendue entre joueurs.
Il y a aussi un intérêt à spécialiser sa chaîne : après trois Shows de même genre posés, on gagne cinq spectateurs et une Star ou une Pub gratuite. Même chose après le 5ème, mais en plus on peut convertir de l’argent en spectateurs. Si ça ce n’est pas de l’incitation à devenir une chaîne sportive ! 🙂
Quand on n’a plus d’argent et plus de cartes Networks à disposition, on passe et on reçoit de l’argent ou des spectateurs. Evidemment le 1er qui passe gagne plus.
À la fin de la saison, on fait les comptes avec la différence entre entrées (en noir) et sorties (en rouge) et paiement. On opère aussi le scoring des spectateurs des Shows en cours ET des rediffs : on additionne les spectateurs correspondant aux cubes noirs sur les Shows à droite et les spectateurs des Shows passés à gauche sur la ligne Rerurns.
C’est la 4ème saison, Angie reçoit 3M (5-2) et score 38 spectateurs (13+10+12+3).
Puis on descend tous les cubes des Shows d’une case et on installe la saison suivante.
Après 5 saisons et un dernier comptage, on gagnera un spectateur par Star dans la Green room et on ajoutera les points éventuels sur les cartes Networks.
Qu’en dit le programme TV (ou la critique du jeu) ?
Je commence par le plus important : nous avons passé un très bon moment. Ce jeu est drôle, immersif, grinçant et qui fait référence à une « sous-culture » que nous connaissons tous, de près ou de loin.
La prise en main est rapide, les règles, en anglais, sont bien écrites, les exemples clairs, pas de sujets de débat ni de question sans réponse.
C’est un jeu de gestion de main, de ressources (l’argent), d’optimisation et d’opportunisme avec ce qu’il faut de hasard (le tirage des cartes) pour donner du piment. Evidemment le dernier joueur peut ne pas avoir beaucoup de choix, mais à lui d’optimiser pour le tour suivant (d’autant que certains Programmes scorent plus dans les saisons 3 et 4 par exemple).
Il n’est pas nécessaire d’être expert pour apprécier le jeu mais pour l’optimiser mieux vaut avoir quelques « bases », sinon on peut se faire distancer rapidement.
Le jeu est prévu pour les 13 ans et plus sachant que les plus jeunes ne comprendront peut-être pas l’esprit un peu mordant du jeu et de sa thématique, ce qui serait dommage (ou alors on en profite pour discuter de l’intérêt des programmes qu’ils regardent ?).
Le tout est plutôt fluide, nous avons fait notre première partie à trois joueurs en 1h30 et sans temps mort.
Après la première partie, nous avions un doute sur la rejouabilité, surtout par peur de retrouver souvent les mêmes cartes, notamment les Shows. Après quatre parties cette crainte s’est envolée, le tirage des cartes, les possibilités de mixage, les stratégies des joueurs sont suffisamment divers pour que les parties soient toujours funs. Ceci dit, comme nous en voulons toujours plus et qu’on sent que dans cet univers il y a moyen de continuer à creuser, nous avons tous pré-order l’extension The Networks : Executive, annoncée pour juillet 2018. Si ça c’est pas un signe que l’audience est au rendez-vous 🙂
La fiche de jeu
Un jeu de Gil Hova
Illustré par Heiko Günther, Travis Kinchy
Edité par Formal Ferret Games
Langue et traductions : Anglais
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morlockbob 23/02/2018
belle surprise de voir ce jeu chroniqué ici. Le style graphique et le décalage des titres d’émissions ajoutent au plaisir du jeu, qui, lui, reste stratégique.
Avec « Unfair », un de mes coups de coeur de l’an dernier
morlockbob 23/02/2018
très bonne surprise que de parler de ce jeu. design et univers décalé pour un jeu pas si simple.
Avec « Unfair » c est un jeux en VO que j ai apprécié l’an dernier
MKultra 23/02/2018
Désolé de poster pour faire une réflexion sur la typographie, et que cela tombe sur toi Nea, mais je n’en peux plus de voir toujours les mêmes fautes : SVP n’écrivez plus 2ème ni 1ère, mais 2e et 1re.
En tous cas, merci pour votre travail.
Cordialement,
MKultra
TheGoodTheBadAndTheMeeple 23/02/2018
Pourquoi ? c’est grave ?
Au dela d’un quelconque regle d’orthographe, j’avoue être beaucoup plus habitué à 1ère…
et 2nde ? ca diffère de 2e ? les 2 mots sont différents en Français.
MKultra 26/02/2018
Non, ne t’inquiète pas, il n’y a rien de grave… c’était juste un petit coup de fatigue à force de voir sans cesse les mêmes fautes. Il s’agit d’une convention à la con, je te l’accorde, mais comme tu le fais si bien remarquer ces fautes sont devenues tellement courantes qu’elles en deviennent presque la norme. Au demeurant seconde s’abrège 2de et non 2nde, mais je chipote. Une convention orthographique n’a pas de valeur sacrée mais elle permet tout de même de bien se faire comprendre. D’ailleurs autant la faute répétée à longueur de journée dans les messages de prévention diffusés sur les quais du RER intimant de « ne pas circuler en skateboard ou en trottinette », n’ont pour seule conséquence que de m’irriter profondément, autant celle de la voix off d’un documentaire m’apprenant que le journaliste avait fait « la traversée du désert en chameau » a le don de me mettre en joie. Pour rappel « à » désigne le fait que l’on est sur la chose, « en » signifie que l’on est à l’intérieur ; on dit bien à cheval, à vélo, à moto et en voiture, en train, en avion… Donc soit le journaliste s’est trompé de formulation, soit il est tombé sur un camélidé fort conciliant. Je te laisse juger, pour ma part j’en rigole encore.
Amicalement,
MKutra.
atom 27/02/2018
Pour un premier article ce n’est pas très fairplay les gars. Mais je note ça m’évitera de faire la faute.
nono 25/02/2018
Bravo pour cet article, il me fait de l’oeil depuis un moment, ce jeu-là…
HS : je profite juste de la saillie de MKultra pour m’engouffrer et m’interroger sur le verbe : « pré-order »… Pré-commander ?
atom 27/02/2018
Excellent article sur un jeu qui me fait bien envie de par son thème décalé.