Targi : quid de l’extension ?
La nouvelle avait quelque peu agité les forums de BGG avant le salon d’Essen : l’extension de Targi (d’Andreas Steiger), sortie en Allemagne sous le nom de Die Erweiterung, ne devait initialement pas être traduite, mais finalement, depuis peu, Tom Vasel a annoncé qu’elle le serait (en anglais, pour 2018).
Vu la complexité que semble revêtir la reprise de Filosofia par Asmodée, il est permis de douter de l’arrivée d’une version française. Et ce serait fort dommage, surtout au vu de la qualité du jeu de base et de ce que semble promettre son extension. Dans l’attente de cette hypothétique VF, possibilité qui n’est pas totalement exclue à ce jour, je me la suis donc procurée en version allemande. Un peu de bricolage plus tard, les premières parties n’ont pas tardé à s’enchaîner.
2012 : Targi
Un mot d’abord sur Targi premier du nom. Sorti originellement chez Kosmos en Allemagne, fruit de l’imagination d’un auteur allemand appartenant à cette génération de trentenaires qui assurait la relève, il s’agit tout simplement d’un des meilleurs titres récents de la gamme pour deux de Filosofia, et globalement, l’un des poids moyens pour deux les plus convaincants de ces dernières années, avec Patchwork, Starfighter et 7 Wonders Duel.
Le fameux prix “FairPlay A la Carte” ne s’y est pas trompé en lui décernant son prix annuel au moment de sa sortie, ce qui peut surprendre car bien qu’il soit essentiellement composé de cartes, Targi est fondamentalement un jeu de plateau. Son code génétique vient de là. Le fait qu’il soit un jeu à deux l’a peut-être privé d’un Spiel des Jahres, mais il a toutefois été dans les trois nommés du Kennerspiel, supplanté au final par Descendance, autre variation très originale sur le placement d’ouvriers.
L’auteur raconte que la naissance de son premier enfant avait considérablement réduit le temps disponible et recentré son cercle de joueur sur le couple. Dans sa volonté de retrouver les sensations qu’il aimait dans Agricola et consorts, il avait créé ce jeu pour deux tenant en une heure.
Bien que le projet soit très original, tout n’y est que recyclage : le thème, le nom, le genre (du placement d’ouvriers et de la collection de ressources), les mécaniques (collections, bonus, coûts).
Il s’agit de collecter des ressources pour construire des bâtiments à effet immédiat/différé ou à points de victoire. Les cartes, partagées entre un tableau central mouvant et une bordure fixe, forment un plateau évolutif. Entre chaque partie, mais surtout à l’intérieur des parties, les cases disponibles et les distances entre elles changent.
Le « twist » qui semble le plus original, qui consiste à exploiter non seulement les cases où sont posés ses ouvriers, mais aussi les intersections formées par une coordonnée verticale et une horizontale était partiellement mis en place dans le très bon Cuba. Malgré l’impression d’un certain classicisme, l’ensemble fonctionne diablement bien, offrant un format contenu et tendu, idéal pour les soirées en couple.
Targi exploite à merveille les contraintes de format imposées par la collection. On sent que l’auteur a intégré et digéré les avancées des dernières années en matière de jeu de société (Dominion, Agricola, etc.). Le thème est très agréable, même si la réalisation artistique n’est pas toujours au niveau. La couverture assez jolie choisie par Filosofia est un cache misère pour des cartes assez fades. Mais il y a tellement de jeux chatoyants et vides qu’on en apprécierait presque le caractère terne de celui-ci, surtout que la pratique est assez pleine et entière. Autre grief évoqué quelquefois, comme c’est le cas dans la chronique faite sur ce site, la question du renouvellement. Si cette problématique existe, Die Erweiterung y répondra.
Rayon bricolage
Plutôt que de décrire le matériel supplémentaire, il faudrait plutôt évoquer ce qui manque à cette version pour être une version indépendante et améliorée du jeu de base.
En effet, on y trouve un paquet complet de nouvelles cartes Tribu (les cases du plateau central) et des cartes Bordures qui viennent remplacer celles d’origine, à l’exception des Denrées. Il y a aussi une nouvelle ressource, l’Eau, un nouveau pion, la Targia, etc.
Le boîtage est celui d’un jeu normal de la gamme, la couverture est jumelle, le prix est identique en Allemagne, la quantité de matériel assez proche. L’illustration mise en avant est dans l’esprit de la première, les cartes légèrement plus surchargées.
Trouver une boîte de l’extension n’est pas bien difficile avec internet. La transformer en version française n’est pas d’une grande complexité non plus, même si le texte est prédominant. Targi est bavard. L’auteur a gentiment mis à disposition des amateurs une version anglaise des règles ainsi que des pastilles à coller sur les cartes. Un bon nombre d’entre elles sont sans texte ou ne nécessitent pas de traduction du fait de la présence d’icônes. Reste le problème de l’harmonisation de la forme avec la boîte de base. Dans tous les cas, il y a une perte de qualité si on n’est pas trop doué pour Photoshop, et une version française serait préférable. Néanmoins, cela est d’une difficulté et d’un impact modéré et… faute de grives on mange des merles.
Pratiques
Cette extension fonctionne vraiment comme un tout cohérent. L’auteur n’a pas cédé à la mode de la série de modules à ajouter un à un. Les règles ne sont pourtant pas révolutionnées, juste complétées, affinées et décalées. À plusieurs reprises, se fait sentir le fait que nous ne sommes pas en présence de « chutes » mais d’éléments qui sont venus après plusieurs parties.
Premier changement, les cartes Bordure sont modifiées.
Il y a des changements cosmétiques et d’autres nécessités par l’adaptation à la nouvelle ressource. Cependant, il y a aussi des ajustements et perfectionnements du jeu de base : la puissance de la case Fata Morgana est revue à la baisse, tandis que le Voleur se fait plus coriace ; la carte permettant de piocher une marchandise au hasard a disparu au profit de la fonction du pion Targia. Il tourne à rebours du Voleur et offre une Ressource si l’on se place sur la carte où elle est présente. Ressource au choix ou tirée au hasard si on paye un supplément, principe classique mais toujours efficace qui se répétera avec la pioche de cartes Tribu.
Seule véritable nouveauté, en parallèle du plateau central, une pile de cartes Dune va offrir des bonus divers. Elles sont puissantes. Cependant, y placer un pion Targi, c’est accepter de renoncer à se placer sur le centre, et donc à refuser aussi une intersection. Décision jamais anodine à la fois pour ce qu’on perd et ce qu’on laisse à l’autre.
À ce propos, une nouvelle marchandise, l’Eau, presque aussi précieuse que l’Or, est introduite. Elle est multifonction : possibilité alternative dans la construction des nouvelles cartes Tribu, vendue contre de l’or ou des PV.
Cœur du jeu, de nouvelles cartes Tribu avec des pouvoirs variés, sans être surprenant, change complètement les habitudes. L’auteur, fan de Dominion, a introduit la possibilité de « surpayer » pour avoir un bonus. Certaines de ces cartes sont bien puissantes, mais Targi est fait de façon à ce que l’on puisse rendre leur accès difficile où faire en sorte qu’elle soit coûteuse.
Effets sur la partie
Ces nouveaux éléments offrent la possibilité de jouer dans trois configurations : jeu de base, jeu de l’extension seule, mélange des deux. Mais à vrai dire, les deux premières possibilités sont vites oubliées tant la pratique est densifiée et bonifiée par cette boîte. Il y a plus de profondeur, plus de variété avec les nouvelles cartes, et les ajustement trouvés sont bienvenus.
La durée de partie n’est pas particulièrement allongée à terme, puisque le nombre de tours et les conditions de fin sont inchangées. Seulement au début, comme la profondeur est accrue, cela prend du temps de s’approprier les nouveaux éléments, de lire les cartes. On sent qu’à certains endroit le jeu est plus dur (le Voleur) et qu’il est assoupli à d’autres (pioche de ressource). Au final, elle n’est pas compliquée à intégrer, du moins pour les joueurs habitués.
Les choix sont plus nombreux, plus fréquents, plus tendus, plus variés aussi. Certains réflexes qui avaient commencé à s’installer sont battus en brèche par les nouvelles possibilités. Des cartes et des stratégies marginales réévaluées. On appréciera que cela se fasse sans complexité excessive ; Targi reste avec son extension un poids moyen, facilement accessible.
Pourquoi jouer sans alors ?
Liens fiche de jeux :
► Targi VF
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6gale 23/12/2016
Merci pour le JP. Un super jeu en effet.
Grovast 23/12/2016
« Des cartes et des stratégies marginales réévaluées »
Raaah. J’avais décidé de ne pas me lancer dans une nouvelle francisation, mais là tu ne me facilites pas la tache.
Je n’avais pas saisi que l’extension peut se jouer seule. C’est donc à la fois une extension et un standalone ? Quels sont les éléments du jeu de base que l’on écarte quand on mixe les deux ? (à part les cartes Bordures)
atom 23/12/2016
Le problème c’est que si Filo sort l’extension, on ne pourra pas acheter le jeu de base car il est en rupture, même combat pour « Fortunes de Mer ». Je ne suis pas sur d’avoir bien compris Targui extension peut être joué sans le jeu de base ?
damien 23/12/2016
Non, ce n’est pas un stand alone. Ce que je voulais dire, c’est que ça aurait pratiquement pu tant ils ont ajouté des choses.
Tu as par exemple un set complet de nouvelles cartes tribu, ce qui te donne l’impression de jouer à un tout autre Targi.
Il est possible de le jouer en mode « totalement nouveau » ou mélangées avec les cartes qui précèdent.
Vraiment réussi.
atom 23/12/2016
Du coup dommage que ça ne soit pas un stand alone, tant pis. Pour ceux qui ne connaissent pas on peut jouer au jeu de base sur Board game Arena.
motlockbob 24/12/2016
Vu son déstockage quasi immédiat a Essen, j ai du mal à croire à une vf…mais je vais attendre un peu. Surtout si elle est aussi intéressante…