Trois années après la première boîte de Suspects créée par Guillaume Montiage et Manuel Rozoy, voici le troisième opus de ce jeu d’enquêtes.

Côté édition, le format est conservé : une boîte, trois enquêtes faites chacune d’une cinquantaine de cartes, un plan des lieux, une enveloppe de solution. Un détail change : l’enquêtrice. Claire Harper n’est plus l’héroïne comme dans les six premières aventures. Souvenez-vous, nous parlions déjà des aventures de Claire Harper dans Suspect 1 et Suspects 2. Adèle et Neville prennent le relais de l’enquête. Couple et binôme, nos nouveaux enquêteurs au cœur des sixties.

Dans le premier chapitre, Adèle et Neville se rendent sur les hauteurs de Cannes, partis interviewer le groupe guimauve Candy Love en plein enregistrement studio de leur nouvel album. Un drame survient durant la soirée, le corps du producteur du groupe est passé par-dessus le balcon. Comme dans les précédentes enquêtes de Suspects, on nous fournit le plan des lieux ainsi qu’un paquet de cartes, et d’autres éléments qui nous guident vers les lieux à fouiller, des éléments à examiner et les témoins à interroger. Sur le plan, nous trouvons le numéro de la carte à prendre, et on se laisse guider vers le choix d’interroger des protagonistes, fouiller un peu les lieux.

Nous avons toujours le choix de revenir sur une carte, poser une autre question à un personnage. Parfois en accolant deux cartes, un nouvel indice pourra être révélé en piochant le numéro de la carte.

Nous avançons ainsi jusqu’au vingt cinquième indice (carte piochée), moment de formuler les premières hypothèses, en répondant à quatre questions. Ces mêmes questions pourront avoir une autre réponse dix cartes plus tard quand nous aurons découvert de nouvelles pistes, et enfin une dernière salve de réponses après avoir franchi un troisième seuil. L’idée est de favoriser l’intuition, ou en tout cas faire un point à un moment d’avancement de l’enquête. Des points de victoire sont associés à ces réponses, mais nous préférons voir ça comme un un moment “État des faits connus”.

Si cette proposition différencie Suspects des autres jeux d’enquêtes, il faut reconnaître que nous avons assez rarement la bonne intuition au premier niveau. Et heureusement, sinon le démêlage de l’intrigue en serait trop facile, l’histoire trop linéaire. Tout nous pousse à retourner tous les indices, au risque de passer à côté de la piste clé qui donne un autre angle d’appréciation de la chronologie et des intérêts de chacun des protagonistes. 

Ce premier chapitre écrit par Sébastien Duverger Nédellec et Guillaume Montiage propose une enquête assez classique dans l’approche. La scénographie nous plonge en 1962, disque vinyle, titres débordant de « love », toute ressemblance avec des jeunes garçons aux cheveux longs ne serait pas involontaire. Classique dans sa forme, mais restez vigilant dans la recherche de la culpabilité.

Le deuxième chapitre, Bienvenue à Mysteria Lane, se déroule en 1964 dans la banlieue calme de New York. Nous allons interviewer Joana, femme au foyer, sur les conditions de vie de femme. Un sujet qui semble intéressant, sauf qu’un corps gît sans vie aux alentours de sa piscine. Joana trouve que le cadavre de son voisin dans son jardin fait désordre. Autant dire que l’interview n’a plus autant d’intérêt.

C’est un scénario particulièrement bien écrit, qu’il est très satisfaisant de résoudre. Le timing des éléments qui se dévoilent (une accumulation de certains symboles sur les cartes entraînant certaines révélations) est parfaitement ajusté pour nous pousser à faire nos premières hypothèses juste avant d’accéder à un élément clé. Pas mal de petits détails vont révéler leur importance en temps voulu, nous faisant plusieurs fois reconsidérer les hypothèses. La résolution est très agréable à lire, Fabien Clavel, scénariste de ce chapitre, joue un peu avec nous, enquêteurs.

Le plan indiquant également les pistes à suivre et personnes à interroger.

La troisième enquête, Le rêve de Katmandou de Paul Halter, nous emmène à Katmandou en 1969. Shubhu fait un rêve prémonitoire dans lequel son ami Etienne est assassiné par une ombre aux bras multiples, la déesse Kali, et ses couteaux sacrificiels. Rêve qui s’accomplit. Avons-nous affaire réellement à une prémonition ? Après tout Shubhu est connu pour ce talent.

Cette enquête en tout cas propose une mise en situation plus longue que les autres, tout semble piétiner très longtemps, au moins jusqu’à la première série de 25 indices, suite à laquelle nous répondons aux quatre questions. Rassurez-vous, la suite livre son lot d’indices qui permettront des recoupements. Une histoire qui amène sa petite différence.

Adèle et Neville, mes nouveaux amis ?

Le système qui pousse à livrer ses intuitions en cours de route ne me convainc plus vraiment. On n’arrive jamais à résoudre avant le troisième seuil, et autant dire que les points de victoire proposés ont alors peu de sens. On a la nécessité d’explorer beaucoup de pistes, au risque sinon de passer à côté d’un élément clé, du twist de l’intrigue. On garde la sensation de faire des choix intelligents et éclairés, mais en sachant bien qu’un indice essentiel peut se trouver au détour d’une fouille qui semblait peu intéressante au flair. Vaut-il mieux fouiller dans l’armoire ou glisser sa main dans le fauteuil ? Tout peut être intéressant, en réalité il y a peu de fausse piste.

Le nouveau binôme Adèle et Neville n’apporte rien à notre investissement en tant qu’enquêteur. Ils sont dans chaque histoire mêlés à l’enquête par hasard ou curiosité, on peine un peu à se sentir légitime à enquêter dans leur peau. Claire Harper au travers des six enquêtes des deux premières boîtes nous avait entraînés dans les différents âges de sa vie, donnant ainsi un petit attachement au personnage. Ce n’est pas encore le cas avec ces nouveaux personnages qui ne sont que des prétextes à enquêter.

Malgré cette perte de cohésion avec le système de scoring et un manque d’adhérence avec le nouveau binôme, cette troisième boîte renferme un petit bonheur d’enquêteur, toujours de la bonne qualité (un grand bravo à Fabien Clavel pour Mistery Lane).

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