Sur les Traces de Marie Curie – Jouer au petit chimiste ?
Si le nom de Marie Curie résonne dans l’inconscient collectif pour sa découverte de la radioactivité… ou du radium, quelque chose dans le genre hein, on a souvent du mal à en dire plus sur cette héroïne pourtant deux fois prix Nobel. À l’instar de la gamme 1900 (Origames) qui rend hommage aux personnages et faits marquants de l’Histoire du XXe siècle (Méliès, Le tunnel sous la manche…), cette nouvelle série démarrée avec Sur les traces de Darwin (notre article) nous rappelle que si nous en sommes là, c’est grâce à des hommes et femmes d’exception. Si Darwin nous emmenait au bout du monde, Marie (et Pierre, son mari, physicien) est sans doute plus casanière. Nous partirons explorer les mystères de la chimie, les propriétés du radium, et le fond de son atelier pour un voyage aussi palpitant.
Poussons la porte du laboratoire
Le long plateau principal est composé de multiples zones bien délimitées. D’un côté, les quatre cartes Activité, cartes liées à différents symboles de l’univers de la chercheuse (publicité, instruments, atelier, université, recherche). En achetant ces cartes, vous bénéficiez d’effets comme récupérer un cube de matière, un jeton Expérience (en forme de fiole) ou, si vous parvenez à en collectionner un certain nombre de la même catégorie, des points de victoire. C’est une façon de récolter des éléments utiles tout en marquant des points. Collectionner ces Activité peut être un axe menant à la victoire.
Au centre, la tuile Atelier, correspondant à la première action du tour, va indiquer le nombre et type de ressources à prendre de la réserve. Par moment, c’est ici que l’on avancera le marqueur sur la piste temporelle représentant le déroulé de la vie de Marie, de sa naissance en 1867, à sa mort en 1934. Cette longue bande illustrée reprend les dix huit grandes étapes de sa carrière, donnant des bonus par endroits (prendre un jeton Expérience, échanger des cubes ressource contre des points de victoire, etc). Elle sert également de décompte, une fois au bout de la piste, la partie est terminée. Sur ce déroulé, tout est écrit et vous savez ce que l’on va vous proposer/demander dès le départ. Vous voulez gagner un point de victoire, rendez-vous en 1903 avec un cube de radium. À vous d’être vigilant, le marqueur pouvant avancer plus vite à cause de certains effets de cartes ou jetons.
Dernière zone, la réserve des tuiles Expérience (les fioles Bécher et Ballon) et les Thèses. De niveau 1 à 4, ces tuiles donnent là encore des bonus de tous types (cube, avancée du marqueur temps, point de victoire…), c’est un moyen de compenser le fait de ne pas récupérer de cubes à son tour (trop peu de cubes sont disponibles/il n’y a pas le type qui vous intéresse), et de gagner un point en 1921 si vous en avez trois.
Chaque scientifique (vous) se voit remettre un plateau personnel et un objectif (par exemple, finir la partie avec les quatre thèses dans leur emplacement respectif). Un regret à ce sujet, on aurait aimer avoir un peu plus de tuiles, surtout qu’elles ne se valent pas. C’est sur ce plateau, dans votre erlenmeyer (grosse fiole) que l’on va placer les cubes récoltés. Si au départ on ne peut en prendre et conserver que trois, la pose de jetons Expérience vont, une fois leur coût en ressources validé, permettre de prendre et stocker plus. Leur validation entraîne des effets bonus et des points. On peut, avec de la chance, placer des jetons complémentaires en une action. Je transforme l’uranium en radium validant mon jeton Ballon et j’utilise ce radium pour valider le jeton Bécher dans la foulée. Ce n’est pas toujours le cas, mais cela peut arriver. C’est jubilatoire et fait gagner du temps quand ça arrive.
C’est là aussi qu’est affiché le tableau de la transformation des matières, généralement deux cubes pour un. Transformation parce qu’on en a besoin ou simplement pour respecter la limite de stockage. Voire pour gagner un point de victoire.
T’as pas d’amis, prends un Curie
Tout est cadré dans ce jeu et il est difficile de se perdre. À côté de l’Atelier et du nombre de cubes à piocher, un descriptif des différentes actions balise le chemin à suivre. Le tour de jeu comprend quatre étapes qu’on fera ou pas, selon son envie ou possibilité. Pas d’inquiétude sur une attente qui pourrait s’avérer pénible, tout s’assimile rapidement après un tour ou deux. Une partie dure une trentaine de minutes.
On prend donc dans la réserve les cubes indiqués par l’Atelier et on les glisse dans la tour à cubes. C’est là que ça couine, qu’on peut blâmer le sort. On ne sait jamais ce qui va sortir. On espère du jaune, on ne voit que du noir. Pire, un seul cube parvient à se frayer un chemin vers la liberté. Votre plan pour valider un jeton Expérience est mis à mal. Et oui, la chimie est une science difficile et on ne réussit pas toujours du premier coup. Il faut accepter cette part de hasard. Du coup, les cubes ne sont pas à votre convenance. Pour compenser, prenez une thèse, on ne sait jamais ce qui se cache dans ces pages-là. C’est un des bons côtés du jeu, on n’est jamais complètement bloqué.
C’est le moment de transformer vos ressources afin de valider un jeton Ballon ou Bécher ou d’acheter une Activité en se séparant d’un cube ou deux. Et de récupérer le bonus de la carte. Vérifier que votre stock ne dépasse pas la limite autorisée, et votre tour est terminé.
Radioactivity (discovered by Madame Curie)
L’engouement qui avait accompagné la sortie de Sur les traces de Darwin semblait difficile à égaler. À l’annonce de ce deuxième opus, c’est bien sûr un mélange de curiosité, de satisfaction et de doute qui est en jeu. Peut-on faire aussi bien ? Certains retours sur ce Marie Curie soulignent essentiellement un jeu basé sur la chance, classique avec ses transformations de ressources, où on peut perdre la partie sur un mauvais coup de la tour à cubes. Si ce n’est pas totalement faux, c’est assez restrictif comme vision.
Avant tout, félicitons encore une fois l’équipe pour ce travail soigné. Si explorer des terres inconnues, rencontrer des espèces inconnues dresse immédiatement un fond d’aventure, il en faut un peu plus pour rendre ludique un cube de radium. On retrouve donc la patte du premier opus avec une règle claire, des illustrations présentes mais discrètes, un matériel de qualité et l’ajout, fort appréciable, de la biographie de notre héroïne, collant à la ligne temporelle du plateau. Florian Fay, l’auteur (Greenville 1989/Misty), répond au cahier des charges et parvient à créer un jeu léger avec ce qu’il faut de réflexion. On y apprend que dans les années 20, on pouvait boire des fioles énergétiques contenant des sels de radium ! (déconseillé). C’est toujours un plaisir de se coucher moins bête.
Qu’en est-il du jeu ?
Au premier abord, on le trouve plus classique, ce qu’il est. On récolte des cubes de couleur avec lesquels on peut acheter des cartes ou valider des fioles. Pour que cela ne soit pas un frein, on peut faire des transformations pour obtenir à peu près ce que l’on désire. Le jeu est familial+/initié, vite assimilé et il n’y a pas d’écueil à la compréhension ou au déroulement de la partie. Et pourtant, s’il est fluide, tout ne va pas toujours comme on veut. On peut blâmer la tour à cubes qui ne donne pas ce que l’on souhaite. D’où la transformation des matériaux. Au-delà de cela, plus on développe une capacité de stockage, plus on récupère de cubes à son tour, en en laissant moins au voisin, ce qui se ressent plus sur la fin. Il faut aussi faire des choix : garder des cubes pour valider une Expérience, les donner pour gagner un point (en 1903, rappelez-vous) ou encore acheter une carte. la aussi fréquence des cartes (11 cartes de type Université/ 7 pour la publicité) peut jouer selon ce que vous désirez collectionner, mas vous le savez d’avance. Le « on verra plus tard, il reste des cases » est souvent un leurre et on risque de ne pas avoir le temps de finir ce que l’on veut. Quand le bout de la piste pointe son nez, il est même intéressant de précipiter la fin si l’on est en tête au niveau points.
Je ne dis pas que Marie Curie déborde de stratégie. Il y a cependant plusieurs façons de gagner, souvent dictées par l’objectif de début de partie, et on apprend vite qu’un point ne se néglige pas, le score final tournant autour de 10. Il faut se fixer une direction (les cartes Activité, les fioles Expérience, la transformation des cubes en points), et ne pas manquer une occasion de valider un extra. Oui, il y a de la chance, une interaction indirecte sur la prise de cartes ou de cubes peut vous priver d’un symbole ou cube attendu, mais on joue plutôt dans son coin. Cela se ressent à peine au vu de la rapidité des tours. Il y aura donc peu de différence à jouer à 2 ou 4. À 2, la carte attendue ne sortira peut être jamais de la pioche, à 4, vous la verrez et une autre chimiste, la volera sous votre nez.
Avec Marie Curie, ce second épisode de Sur les traces de… réussit son mélange, celui de rendre hommage à un thème pas forcément facile et d’en sortir un jeu amusant, dynamique et, on n’aurait pas parié dessus, avec l’envie d’y retourner. S’il l’effet « waow » du premier n’est pas présent, il s’en tire fort honorablement. Avec cinq parties en trois jours, je crois qu’il n’y a rien à ajouter.
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Manu 21/10/2024
De mon coté, grosse déception. Beaucoup trop de hasard (pour un jeu qui se veut familial+/initié comme tu le dis toi aussi) : la tour de cubes qui peut être avare puis très généreuse pour le joueur suivant (tous les cubes uranium et radium qui sortent d’un coup, super !), le niveau de difficulté de certaines tuiles bécher et ballon qui bloque la construction de moteur (quand on ne peut prendre que 3 cubes pendant la première moitié de partie, dur de rattraper le retard).
Le seul truc un peu sympa du jeu est le principe d’avancée du temps que l’on contrôle un peu via les cartes et qu’on peut exploiter pour embêter les adversaires (pour ne pas leur laisser le temps d’obtenir le cube nécessaire au déclenchement d’un évènement).
Morlockbob 21/10/2024
je sais que ce jeu va plutôt se faire descendre et j’aurais pensé être de cet avis. Mais on y joue en Blitz et on se marre bien. Quant aux personnes joueuses mais pas trop il y a un sentiment de construction, d’avoir quelque chose a faire qui plaît.