Stupor Mundi : merveille du monde ludique ?

Stupor Mundi (de l’auteur italien Nestore Mangone) avait été lancé sur Gamefound en 2023 et le voilà arrivé chez nous par l’entremise de Pixie Games. Shan vous en parlait déjà dans cette preview il n’y a pas si longtemps.

Le Stupor Mundi que l’on peut traduire par « Merveille du monde » ou « Stupeur du monde », c’est Frédéric II de Hohenstaufen, dernier empereur de la dynastie des Hohenstaufen lui-même. (On se moque, mais on a bien notre petit Jupiter). Bref, Fredo c’est l’empereur germanique, roi de Sicile, roi des Romains, roi de Jérusalem, etc. Le CV du bonhomme en impose, faut avouer. Il a souvent été en conflit avec la papauté et a même été excommunié deux fois (je ne savais pas que c’était possible), trop la classe !

 

 

Mais revenons au jeu 🙂

Dans Stupor Mundi nous sommes des vassaux de Frédéric II et lui devons allégeance, mais, dans un royaume aussi grand, on ne peut pas vraiment tout contrôler et on choisira nos alliés qui seront soit fidèles à Fredo, soit indépendants. On va construire notre château et améliorer le sien (ou pas !). C’est dans la gestion des actifs de Fredo que l’interaction va se nicher, car, en fonction de nos choix, et des alliés que l’on aura engagés, on aura envie (ou pas, donc) de participer à la construction ou à ses réserves de pierres et de blé.

 

 

Andiamo 

Dans Stupor Mundi, à notre tour, nous pouvons tout d’abord déplacer notre bateau sur un plateau commun circulaire pour aller dans les différentes villes :  Rome à Barcelone. Si le premier déplacement est gratuit, les suivants sont payants, et l’argent est évidemment une ressource en tension. Les actions que l’on va réaliser avec nos cartes sont liées aux lieux où se trouve notre bateau. Ainsi, si je veux acheter cette carte avancée, je dois être dans tel lieu, de même si je veux commercer, ou encore engager un allié…

J’en profite ici pour prévenir que ce jeu ne laisse pas beaucoup de place à l’improvisation. Si je souhaite recruter tel allié, et que j’ai déplacé mon bateau le tour précédent, il va me falloir payer (cher) pour faire tout le tour du plateau. De plus, un mauvais départ peut être sanctionné tandis qu’à l’inverse un joueur qui aura bien géré son démarrage risque d’avoir un effet de boule de neige. Bref, dès le départ, il vous faut un peu de vision sur votre stratégie. 

Après le déplacement du bateau, on joue une de nos cartes en main, soit face visible pour son effet, gagner des pierres, du blé de l’argent (des augustales) ou construire une partie de notre château et d’autres effets que je ne vais pas vous tous énumérer. 

Si vous n’avez pas la carte requise par votre stratégie en main, pas de problème vous pouvez toujours en jouer une face cachée sur votre plateau. Les icônes de la double lance indiquent les actions possibles sur votre plateau. Deux lances, mais une seule action possible… à moins que vous ne construisiez le Donjon, qui permet d’activer deux actions, mais je vais vite en besogne.

Attention, une fois la carte placée, on ne pourra plus la déplacer/récupérer, elle est bloquée ici jusqu’à la prochaine manche. Pas d’impro on vous dit !

 

Chaque famille à un deck légèrement différent (2 sur 10)

 

Si les cartes en main ne vous conviennent pas, vous pouvez ainsi toujours en faire autre chose, il en résulte un sentiment de liberté agréable. Les cartes avancées que l’on va acheter vont nous permettre de nous spécialiser. Oui, elles sont chères, mais sont activées dès le moment de l’achat, on va donc pouvoir bien en profiter.

Au départ, nous allons bâtir un moteur de jeu, et nous avons plusieurs voies : Ériger des Remparts nous permettra d’obtenir davantage d’espace pour stocker nos ressources, ce qui est crucial. Les connecter aux Tours nous donne un bonus immédiat et surtout un revenu à chaque fin de manche. Autre avantage que nous donnent les Tours : on pourra y placer un allié et c’est important pour la suite.

 

 

Enfin, les Donjons vous donnent des bonus : Vous pouvez ainsi gagner une action libre sur votre plateau, accomplir deux actions en même temps ou augmenter votre limite de cartes en main, pour plus de possibilités. Et tout est intéressant (cela dépendra de votre stratégie).

Je fais un aparté sur le bonus qui permet de réaliser deux actions d’un coup. Sur le papier c’est très puissant. Par exemple je vais au marché, je vends une ressource, j’achète celle dont j’avais besoin et je construis derrière. Mais parfois souvent on n’y arrive pas aussi bien, car cela nécessite vraiment une planification millimétrée.

Les possibilités sont nombreuses dans les actions offertes par le jeu. Je peux par exemple promouvoir l’un de mes meeples spécialistes, sorte d' »arbre de technologie » évolutif. Je déplace l’un de mes spécialistes sur une piste et, par exemple désormais, quand je réalise une construction, je gagne aussi trois sous. Si je le déplace à nouveau, je bénéfice d’un autre bonus (sans accumulation), ce qui crée un dilemme. On a parfois envie de différer ce déplacement, même si tout au bout de la piste se trouve un bonus très puissant à gagner pour le premier arrivé. Sauf que, une fois atterri là, mon spécialiste est bloqué. Heureusement, j’ai trois spécialistes, ça laisse là aussi, un peu de liberté de manœuvre, mais on se surveille toujours les uns les autres.  

 

Le joueur vert doit payer une ressource blé de moins quand il engage un allié.

 

J’aime beaucoup cet espèce d’“arbre”, qui mine de rien, détermine beaucoup de choses. Le timing est hyper important ici. On veut progresser sur les pistes, mais il faut bien faire les choses dans l’ordre pour bénéficier de tout ce qu’elles ont à offrir. Par exemple, j’aimerais bien avancer sur telle piste, mais ça serait bien que je place mon allié avant, car je gagnerais 4 points au passage. 

 

Parlons des alliés justement

Tout le jeu est centré sur deux éléments importants qui sont eux-mêmes intimement liés. Les alliés que l’on va recruter, et les Décrets. Les alliés vont nous donner des points en fin de manche selon une condition, et cette condition va directement évoluer en fonction des actions des joueurs. 

Les Décrets vont nous octroyer bonus, argent, ressources ou points de victoire, mais surtout, vont faire évoluer, selon nos préférences, les réserves de Frédéric II, le nombre de ses alliés ou encore ses constructions. Nous décidons de cela selon les alliés que l’on aura recrutés car au final ce sont eux qui donnent le la. Par exemple tel allié donnera deux points en fin de manche si j’ai autant ou plus de pierre que Frédéric II. Tel autre si Fredo possède au moins 6 constructions, etc. 

 

Rouge a 4 alliés, tous lui donnent 1 pt, et deux de plus si elle réalisent leur conditions.

 

C’est ici que l’interaction est présente et elle est très forte, car je peux avoir envie de faire évoluer le château de Fredo pour gagner des points, mais Shan va plutôt le détruire (oui thématiquement c’est un peu étonnant) pour m’empêcher d’en gagner et remporter des points selon son allié. Un Eurogame certes, mais avec un peu de “take that” il vaut mieux le savoir : ça peut couiner légèrement. 

Dit comme cela, on pourrait croire à un gameplay un brin chaotique, mais les Décrets sont connus à l’avance et, quand on les remplace, on choisit celui que l’on met en jeu, on a donc toujours un contrôle là-dessus. Enfin, cela dépendra tout de même du nombre de joueurs. À mon sens, à quatre, la partie traîne en longueur et s’avère un brin chaotique. À préférer à deux ou trois joueurs.

 

Début de partie, j’ai débloqué ma 6e action.

 

En fin de manche, les cartes jouées sont défaussées et on refait sa main, il y a donc une petite dimension deck-building, une bonne carte ne reviendra pas tout de suite. 

On perçoit nos revenus en fonction de nos constructions et les points de victoire, selon nos alliés puis de nouvelles cartes sont ajoutées, de nouveaux alliés révélés, etc. On repart pour une nouvelle manche. Il convient de souligner que la partie connaît une légère évolution : les paquets de cartes « A »  construisent un moteur (production de ressources ou économise d’une pierre sont désormais remplacés par des paquets « B » qui attribuent des points sous certaines conditions. Cette transition intervient opportunément, car en milieu de partie on cherche à faire des points.

À noter que la fin de la partie est déclenchée de plusieurs façons, et on devra finir la manche en cours – on a donc encore quelques tours, ce n’est pas une fin sèche.

Noir a terminé la construction de son chateau, c’est la fin.

 

Plusieurs fins mais terminer son château s’avère l’une des plus fréquentes. Et comme cela occasionne des points aux joueurs majoritaires, l’air de rien on se surveille bien du coin de l’œil. Le jeu se termine aussi souvent quand il n’y a plus de Décrets et ça aussi, c’est contrôlable et ça crée une tension à la table dès lors que l’on voit la pile se vider. Bon et la troisième fin, vous la voulez ? et bien tout simplement s’il n’y a plus de cartes avancées – mais après quelques parties (6 au moment où je vous parle) cela n’est jamais arrivé.

 

Merveille du monde ?

Au niveau du matériel, nous avons des jetons en bois, imposants en 3D, sérigraphiés pour notre château. Bien que je ne sois pas particulièrement friand des arguments basés sur les prix matériels, il faut admettre que, pour 50 € en magasin, on en a pour notre argent. J’aime aussi beaucoup voir mon château évoluer pendant la partie. Nul doute que cela donne une certaine présence sur la table. L’aide de jeu est bien pratique pour ne rien oublier. En revanche, on regrettera quelques points de règles erronés, et d’autres peu précis.

 

 

Stupor Mundi peut sembler un peu sec de prime abord. En début de partie on se sent un peu à l’étroit. Tant que l’on n’a pas construit au moins une Muraille, on ne pourra stocker que trois cubes de ressources, et on se retrouve donc à jouer avec le marché, vendre l’une pour gagner l’autre, etc. C’est en milieu de partie, quand notre château est déjà bien avancé, que notre jeu prendra plus d’ampleur, plus de stockage, du revenu, des avantages conséquents avec nos spécialistes, la gestion du deck, etc. 

Stupor Mundi est riche, et dynamique, après les premiers tours, le jeu s’avère fluide. Vous l’avez compris, la planification est importante. mais tout en offrant quand même assez de liberté. L’interaction est forte, que ça soit avec les Décrets, mais aussi la concurrence sur les lieux, la construction des châteaux, etc.

Au final, Stupor Mundi est un jeu de gestion et de transformation de ressources qui, sous des airs un peu « old school », cache quelques touches de modernité bien senties. Merveille du monde ? Peut-être pas. Bon jeu ? Clairement.

 

***

Depuis sa création en juin 2014, Ludovox a à cœur la pertinence et l’intégrité des contenus proposés par une rédaction indépendante et l’établissement d’une charte que vous pouvez retrouver ici. Cet article a été écrit avec une copie presse du jeu. Si vous aimez notre travail, n’oubliez pas de nous soutenir sur Tipeee

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2 Commentaires

  1. Ihmotep 05/08/2025
    Répondre

    Un jeu très intéressant qui présente pour moi 2 intérêts majeurs : il est original dans son approche, et il est facile à expliquer (pas si facile à appréhender, une première partie découverte est nécessaire pour bien capter les subtilités d’un jeu plus subtil qu’il n’y parait).

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