Stephens – L’économie des maitres verriers

1755.

Le Portugal est secoué par un tremblement de terre majeur qui va toucher le sud du pays et tout particulièrement sa capitale, Lisbonne.

La demande pour de nouvelles vitres explose avec la reconstruction du pays tant et si bien qu’un entrepreneur anglais, Stephens, étend son business au Portugal en investissant dans l’industrie du verre.

En 1769, c’est le début de l’aventure industrielle de cette famille au Portugal. La petite fabrique de vitres va prospérer au cours du temps, en recrutant des maitres verriers en Angleterre et en Italie tout et prônant une éducation civique des habitants pour leur bien-être. Toute la région se transforme peu à peu en un pôle économique majeur attirant de nombreux autres entrepreneurs.

Dans Stephens (des auteurs Costa & Rôla), vous jouez le rôle d’un maître verrier de la célèbre usine des Stephens. Vous allez chercher à devenir la plus prestigieuse famille en ville (derrière les Stephens bien sûr !) en travaillant le verre mais aussi en investissant dans d’autres business tiers.

L’histoire veut que les Français viendront envahir le Portugal peu après. Cette invasion provoquera un nouvelle ère de chaos, et marquera pour nous la fin de la partie. La prestigieuse Royal Glass Factory est encore en activité aujourd’hui.

Une couv particulierement exceptionnelle.

Du thème à la mécanique

Loin des canons de la mode ludique, les auteurs portugais Rôla et Costa (qui ont déjà commis ensemble Café ou Yinzi) nous offrent un jeu à base historique importante sans toutefois sacrifier aux mécaniques.

Si les amateurs de gameplay pur pourront passer outre le thème, il n’en reste pas moins bien intégré, par son pitch, ses illustrations d’époque au style un peu désuet (Citie LoLukas Siegmon) et ses mécaniques atypiques en adéquation avec le reste.

Concrètement, à chaque tour vous allez devoir choisir entre deux types d’action : Produire du Verre / Acheter des biens ou Embaucher du personnel pour améliorer vos actions futures. 

Le jeu va avancer au rythme des joueurs et des décomptes intermédiaires seront déclenchés selon les actions réalisées.

C’est ce point majeur qui fait de Stephens un jeu de timing, d’anticipation où l’interaction indirecte est essentielle.

Au terme d’un certain nombre de décomptes, si un joueur rencontre l’armée française, qui progresse elle aussi, la partie prend fin pour un dernier tour de jeu avant de déterminer le vainqueur.

Dans la partie gauche du plateau est placé le personnel autour des actions pour récupérer des cubes. Dans la partie droite, la piste de score est entourée des investissements et des contrats.

Les ressources sont de 5 types :

  • De la renommée à suivre sur votre plateau personnel et qu’il faudra améliorer au fur et à mesure. Elle vous permettra de décrocher des contrats auprès des trois différentes nations.
  • Des Escudo. Ils permettront d’investir dans de nouvelles industries pour former un moteur.
  • Du verre qui vous servira lors de certains contrats.
  • Des biens : idem !
  • Et deux ressources sont déjà disponibles au début du jeu, c’est le bois et l’eau des rivières, essentielles au bon fonctionnement de l’usine, il faudra les utiliser à bon escient pour tirer le meilleur de notre moteur. Une piste générale est disponible pour chacune.

 

La subtilité du jeu tourne autour des deux actions disponibles qui sont en réalité des combinaisons d’actions. Elles sont complètement imbriquées. 

Produire du Verre / acheter des biens

Cette action majeure va vous permettre de récupérer 1 cube de Verre ou plusieurs cubes de biens. Chacune de ces actions permet de déclencher de nouvelles actions qui lui sont associées. Lorsqu’on fabrique du verre pour réaliser de la vaisselle (blanc translucide), nous avons la possibilité d’investir dans une industrie tierce pour notre moteur ou d’utiliser notre renommée pour obtenir un contrat. 

Lorsqu’on fabrique du verre autre, ou qu’on récupère des biens, se déclenche alors l’ensemble des actions des assistants que les joueurs ont recrutés par le biais de l’autre action. Et il peut y en avoir beaucoup.

Les fameuses industries. Vous remarquerez que les cartes ne sont pas de force égale, à gain identique, il y a coût, ou non !


Embaucher du personnel pour améliorer vos actions futures

C’est une action d’avenir. Elle vous permet de choisir un personnage que vous allez recruter pour travailler dans l’une des 6 zones de récupération de verre ou de biens. Moyennant Escudo ou réputation, ce personnel vous octroiera divers bonus à chaque fois qu’un joueur produira ou achètera des bien dans cette action.

Ce n’est pas tout ! En embauchant du personnel, vous allez libérer de votre plateau des jetons qui vous octroient différents pouvoirs ou débloquent des bonus de fin de partie.

Et… Ce n’est pas tout ! Ces embauches vous rapportent des points en fin de partie.

Ainsi, à chaque tour, il faudra jauger selon le jeu des adversaires s’il est mieux d’embaucher ou plus urgent d’aller chercher un contrat, de déclencher le décompte ou même d’activer toute une série de personnes même si les cubes récupérés n’en valent pas tant la chandelle ! Et c’est ce qui rend le jeu passionnant. Deux actions majeures, des choix déchirants. 

Lorsque deux cases de production de verre sont vides de cubes, un décompte est lancé. Après un entretien (et l’avancée de l’armée française), chacun va pouvoir activer ses industries tierces s’il en a et s’il le peut, vendre leur produit (c’est le seul moyen d’alimenter le plateau en biens) et réaliser des contrats précédemment acquis. 

Et c’est tout ! Vous avez en ces quelques lignes, l’essence mécanique du jeu. Il y a des subtilités sur chaque action bien entendu, mais le cœur du jeu est pour le moins élégant.

Attention, l’armée française progresse inexorablement !

De l’élégance

Les règles de Stephens sont donc relativement simples. Elles sont pour le moins intrigantes. Entre investir pour améliorer des actions (rien ne vous dit que les autres joueurs les utiliseront, ni que des biens du type associé seront présents), ou produire du verre ou des biens, le choix est cornélien !

Bien sûr, au départ on veut embaucher du monde, mais attention ! Certains joueurs vont vouloir aller plus vite en récupérant du verre ou en préparant leur moteur avant vous ! Plus de verre = plus d’une certaine action associée.

Deux cases vides signifient le décompte immédiat, que vous soyez prêt ou non. Vous comprendrez que le jeu des adversaires est essentiel à suivre dans Stephens et qu’il faudra s’adapter aux autres, parfois être opportuniste.

À l’inverse des tendances actuelles, Stephens propose une imbrication d’actions claire où chaque axe n’est disponible que dans une action et où il va falloir jongler avec les priorités en permanence.

Une belle présence sur la table, non ?

Graphisme et ergonomie

Le graphisme est dans le thème et sa lisibilité est bonne. On est immergé et ça fonctionne bien. Rien à redire, c’est beau. Les plateaux double couches sont du plus bel acabit ainsi que les cubes translucides qui figurent très bien le verre.

L’ergonomie est probablement l’un des point d’achoppement du jeu. Bien qu’il ne soit pas majeur, les pouvoirs du plateau personnel sont agrémentés de pictogrammes vraiment peu intuitifs et la nécessité de les débloquer dans un certain ordre est franchement mal fichue. On s’y perd et il faut souvent s’y reprendre à deux fois lors de la première partie.

Est-ce tant préjudiciable ? Peut-être que non, mais c’est dommage.

Concernant les pouvoirs, là aussi, contrairement à l’élégance des règles, les pouvoirs que l’on débloque ne sont pas intuitifs et montrent quelques cas particuliers absolument pas logiques. C’est d’autant plus dommage qu’ils sont très importants en jeu. (i.e. le pouvoir pour avoir 2 achats/contrats par action se combine partiellement avec celui du rabais et n’est pas combinable avec l’action de vente de 3 biens de couleurs différentes… tordu !). Une aide de jeu aurait été très bienvenue.

Est-ce tant préjudiciable ? Un peu plus ici car le gameplay est directement impacté.

Enfin, je regrette de mon côté le design assez pauvre des objets à fabriquer qui ne sont que prétexte à contrat et tous interchangeables. Ils ne font pas ou peu de point.

Sensations de jeu

Lorsque j’avais choisi le jeu chez Capstone Games pour une démo lors de la Pax Unplugged (mon reportage), je l’avais sélectionné pour son côté intriguant et atypique. Et je ne suis absolument pas déçu ! En outre, l’élégance des règles ajoute au plaisir de jeu.

Stephens n’est pas si complexe, mais pour gagner il faut savoir anticiper le jeu des adversaires et surtout ne pas négliger son moteur (ni oublier de marquer des points !). C’est à mon sens un genre de jeu d’auteur, et pas un jeu Expert calibré comme on l’entend un peu partout aujourd’hui.

À l’heure où j’écris ces lignes, j’ai déjà joué une partie dans la configuration 2, 3 et 4 joueurs. À 2 joueurs, le jeu brille et le déclenchement des décomptes est clé pour gagner. Le tout est rapide et nerveux. Peu de biens sont produits. 

À 4 joueurs, le jeu est plus long bien sûr, et il est plus construit car on peut recevoir plus de bénéfices de nos embauches par le biais des trois autres joueurs. Ça fonctionne, mais c’est différent. Il y a de tout et il faut se faire une place avec la partie qui parfois peut être variable en termes de durée.

À 3 joueurs, on a un bon entre-deux entre timing et planification.

À 4 joueurs la lutte est acharnée et la débauche de pouvoirs donne le tournis !

Verdict

Quand je pense à Stephens, je pense un peu à Kutna Hora, que j’adore, sa force, son imbrication, mais en plus simple, et probablement un peu moins épuré avec l’avantage qu’il soit plus axé sur les configurations à 2 ou 3 joueurs alors que Kutna Hora brille à 4 joueurs.

Stephens tiendra-t-il sur la longueur ? Il faudra y jouer plus pour s’en faire un avis !

 

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2 Commentaires

  1. Salmanazar il y a 18 jours
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    La couverture est exceptionnelle , je confirme. On dirait un tableau. Et puis tu ouvres la boîte et beurk…. Les disques en bois avec les couleurs primaires, les kubenbois en forme de cubes, les nuances de marron …. Je peux acheter juste le couvercle de la boîte ?

    • thegoodthebadandthemeeple il y a 18 jours
      Répondre

      Ahahah, le contenu est plus traditionnel effectivement. Ca ne me choque pas, j’aime l’efficacite en jeu.

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